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Association du Vrai Cœur
La Vision erronée et
l’enseignement du
Bouddha
Maître Xiao Ping-Shi
《邪見與佛法》
平實導師 著
Ce livre a été publié sur www.bookelis.com
ISBN : 979-10-227-5480-4
© Xiao Ping-Shi (traduction : Association du Vrai Cœur)
Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.
L’auteur est seul propriétaire des droits et responsable du contenu de ce livre.
Préface
Le mot, le langage sont, par définition,
sources de diverses interprétations, et il est plus
que fréquent que le destinataire d’un message se
méprenne sur son contenu ou sur son intention.
Cela est d’autant plus vrai et frappant en ce qui
concerne la parole religieuse, qui peut générer des
illusions grandes comme des empires. Aucune
religion ayant gardé trace écrite ne semble avoir
été épargnée par ces « errances » du langage, et
certainement pas le bouddhisme.
Les sutras bouddhistes en effet ont fait depuis
des siècles l’objet des interprétations les plus
éclectiques et les plus insensées, et c’est une
puissante ambition d’en vouloir extraire la
substance sans tomber dans le piège, parfois fort
séduisant pour un néophyte, des illusions et des
mensonges.
C’est pourtant ce que le maître Xiao Ping-Shi
a entrepris de faire ici. Sur un ton toujours très
didactique et à l’appui de son érudition
extraordinaire, il nous explique ce qui distingue
les visions erronées des visions justes
5
relativement à notre véritable nature et à la
sagesse, mais aussi celles qui concernent les
chemins de la pratique et, en particulier, les
différents états de conscience supérieurs auxquels
ils conduisent.
Nous ne cacherons cependant pas au lecteur
que cette conférence est d’une approche difficile
et qu’il lui est impératif, avant de la commencer
sérieusement, de se familiariser avec les termes
proprement bouddhistes, dont il trouvera, à la fin
de l’ouvrage, un lexique. Mais, s’il a le courage et
l’audace d’aller jusqu’au bout, de persister
solidement dans son effort de compréhension, nul
doute qu’il en trouvera comme récompense une
connaissance du bouddhisme plus approfondie
que jamais, grâce à la très grande richesse
contenue dans cette conférence.
Association du Vrai Cœur
6
La Vision erronée et
l’enseignement du
Bouddha
Maître Xiao Ping-Shi
7
Première partie :
Description générale de
l'enseignement du
Bouddha et de la vision
erronée
8
Chapitre I : Les deux chemins
principaux : le chemin de la libération
et le chemin de la grande sagesse.
Je salue tous les bodhisattva de notre chemin !
Amitofo1 ! Tout d'abord, je souhaite remercier le
professeur Xu, qui a longtemps travaillé pour que
cette conférence soit possible. Je le remercie
également de tout ce qu'il a fait pour diffuser et
protéger le vrai dharma. Je souhaite remercier les
propriétaires de ce lieu, notre frère Tang et notre
sœur Wu, pour les efforts qu'ils ont fournis, pour
nous avoir proposé cet endroit sans attachement
ni intérêt personnel, pour que tout le monde
puisse profiter de cet espace et obtenir les vrais
fruits de la pratique. Je veux enfin remercier
chacun de ceux qui sont venus ici pour appuyer et
supporter le vrai dharma, ainsi que les efforts
qu'ils ont faits dans la pratique : ils sont dignes de
notre gratitude. Je remercie donc tout le monde.
Amitofo !
1
Nom d'Amithaba Bouddha, qui signifie « infiniment de
lumière et de vies ». Les moines se saluent en
prononçant ce mot.
9
Aujourd'hui, le sujet de la conférence porte sur
la vision erronée et l'enseignement du Bouddha.
Le professeur Xu m'avait proposé plusieurs
sujets ; j'ai choisi ce thème parce que la vision
erronée est le plus grand obstacle dans la pratique
de l'enseignement du Bouddha. C'est pourquoi je
souhaite, sur ce sujet, discerner le vrai du faux.
Nous allons donc parler aujourd'hui de la vision
erronée et de l'enseignement du Bouddha.
Derrière ce thème s'en cachent d'autres, qui sont
liés aux discours hérétiques qu'on peut entendre
aujourd'hui à Taïwan, et la connaissance que
doivent acquérir les pratiquants bouddhistes.
Nous allons parler de l'enseignement du Bouddha
tout d'abord, puis de la vision erronée.
Qu'est-ce que l'enseignement du Bouddha ?
Beaucoup vous diront : l'enseignement du
Bouddha, ce sont les quatre nobles vérités, la
théorie des douze causes, le noble chemin
octuple, les trente-sept éléments de l'éveil
(Bodhiipakkhiya dharma)... L'enseignement du
Bouddha n'est pas tout à fait comme cela
cependant. On peut le diviser en deux parties :
une partie est le chemin de la libération, l'autre est
le chemin de la sagesse. Qu'est-ce que le chemin
de la libération ? C'est la pratique qui vise, à
10
partir de certaines méthodes, à faire cesser le
cycle des réincarnations dans les trois mondes.
C'est cela qu'on appelle le chemin de la libération.
Qu'est-ce à présent que le chemin de la sagesse ?
C'est la compréhension de la vraie nature de la
vie ; c'est rencontrer et prouver l'origine de tous
les dharma. La vraie nature de tous les dharma
correspond à ce qu'on appelle l'ainsité, soit, le
tathagatagarbha présent dans tous les êtres
sensibles.
D'aucuns penseront que les saints des deux
véhicules du theravāda ont également de la
sagesse. Mais alors pourquoi ne font-ils par partie
du chemin de la sagesse ? En vérité, il existe trois
types de sagesses : le premier type concerne la
sagesse des śrāvaka2, le second concerne la
sagesse des pratyeka buddha3. Le troisième est la
sagesse de bouddha. Les deux premiers types font
2
3
Arhat qui a écouté et mis en pratique l'enseignement du
Bouddha, et est sorti finalement du cycle des
réincarnations.
Personne qui a atteint le niveau d'arhat par
l'observation, sans avoir eu connaissance de
l'enseignement du Bouddha.
11
partie du chemin de la libération. Autrement dit,
l'étude de ce chemin nous indique la manière dont
nous pouvons détacher notre ego des trois
mondes ; mais avant de pouvoir nous détacher de
toutes nos préoccupations, il nous faut
comprendre le chemin, autrement dit, nous
défaire de nos malentendus au sujet du faux moi.
La sagesse des śrāvaka et des pratyeka buddha
sont les enseignements de base des trois
véhicules4.
Beaucoup de gens ne comprennent pas le
bouddhisme, et pensent que le fait de méditer
constamment leur permettra de se libérer des trois
mondes. Mais en réalité, les pratiquants śrāvaka
et pratyeka ne sont parvenus à la libération des
trois mondes et du cycle de la vie et de la mort,
que grâce à la sagesse. Cela veut dire qu'ils ont eu
besoin de la sagesse pour sortir du samsara.
Pourtant, une fois qu'ils sont sortis du cycle de la
vie et de la mort dans les trois mondes, ils ne
savaient toujours pas ce que signifie la sagesse de
bouddha.
4
C'est-à-dire les trois types de sagesse. Les deux
premiers constituent le petit véhicule (theravāda), le
troisième concerne le grand véhicule (mahāyāna).
12
Ils ne comprenaient toujours pas ce qu'est la
réalité du monde du dharma qu'ont démontré les
grands bodhisattva du Mahāyāna. Autrement dit,
ils n'ont pas compris ce qu'est l'ainsité et la nature
de bouddha. Cependant, les bodhisattva ont pu
obtenir la sagesse des śrāvaka ou des pratyeka et
sortir aussi du samsara dans les trois mondes.
C'est pourquoi on affirme que le chemin de la
libération est le fondement des trois véhicules.
Dans la pratique de Mahāyāna, pour obtenir les
fruits mûrs de la sagesse présents sur la terre de
bouddha, les bodhisattva doivent étudier la
sagesse de bouddha. Cette étude n'existe pas dans
les deux véhicules du theravāda. Pour cueillir les
fruits mûrs de la sagesse, il faut poursuivre cette
étude jusqu'à son terme et atteindre ainsi la terre
de bouddha. Cette pratique consiste à comprendre
tout ce qui constitue les êtres sensibles : les huit
vijñāna, les cinquante et un dharma du mental,
les onze dharma de la forme, les vingt-quatre
dharma non liés au mental et les six dharma non
opératoires.
13
Parmi tous ces dharma, le plus important est la
huitième vijñāna, l'ālayavijñāna, qui porte aussi
un autre nom : tathagatagarbha. En effet, le
tathagatagarbha contient toutes les fonctions
nécessaires pour atteindre la bouddhéité5. Chaque
fonction est une graine. C'est pourquoi l'on peut
dire que le tathagatagarbha est le « conteneur »
de bouddha. C'est pourquoi également certains
grands maîtres par le passé ont dit que le
tathagatagarbha contient le tathagata6. Cela
signifie que ce conteneur contient toutes les
graines nécessaires pour arriver au niveau de
bouddha. Cela explique pourquoi on appelle le
tathagatagarbha, le conteneur de tathagata. À
présent que l'on arrive à la fin de la période de
l'enseignement du Bouddha, il existe beaucoup de
mentors, grands ou petits, qui affirment que
l'ālayavijñāna était une illusion. Ils font cela
parce qu'ils n'en comprennent pas la nature et la
fonctionnalité réelle, ignorant qu'elle est la vraie
ainsité et que cette ainsité est en fait le bouddha
d'une personne, qui se manifestera plus tard à
travers elle. Ils ne comprennent pas que les
bodhisattva, une fois qu'ils ont trouvé
5
6
Niveau de bouddha.
a. Différentes fonctions et capacités contenues dans le
tathagatagarbha. b. Synonyme de « Bouddha »
14
l'ālayavijñāna, peuvent éliminer progressivement
avec la pratique les graines de la convoitise, de la
colère et de
l'ignorance. Ces graines ont
accompagné les bodhisattva durant un nombre
important de vies.
C'est ainsi que les bodhisattva ont réussi sur le
chemin de la libération et ont pu sortir des trois
mondes. Cependant, les grands bodhisattva ont
fait un vœu d'une extrême importance : continuer
de se réincarner afin d'aider les autres et euxmêmes, jusqu'à parvenir au niveau abouti
d'anutpattika dharma ksanti7. Ils auront alors la
sagesse complète, et ils atteindront à ce momentlà la bouddhéité. Ce n'est qu'à cet instant que la
huitième vijñāna est dite sans impureté, et qu'on
peut la nommer, véritable ainsité.
Ces mentors n'ont pas la connaissance
authentique pour comprendre cela. Ils disent que
la huitième vijñāna est une illusion et affirment
qu'il en existe une neuvième. D'autres disent que
la neuvième n'existe pas et que seule la dixième
7
État de tranquillité sans commencement, éternelle.
15
existe réellement. Il existe différentes opinions et
différentes versions. Mais en fait, la dixième
vijñāna est également la neuvième, et la
neuvième est aussi la huitième. Tout simplement,
tous ces gens, en fonction de leur niveau
d'évolution, ont donné différents noms à la même
chose ! Par exemple, quand vous étiez petites, les
gens vous voyaient comme étant la fille de tel
individu. Quand vous avez été en âge de vous
marier, vous êtes devenues la femme de tel
individu. Plus tard, devenues grand-mères, on
vous a considérées comme la mamie de
quelqu'un. Mais en réalité, dans ces trois cas de
figure, vous avez toujours été vous. Seule votre
situation sociale a changé.
Avec l'expérience de la vie, on vous a donné des
noms différents. Par exemple, si, actuellement,
votre identité est d'être grand-mère, on ne peut
pas dire pour autant que votre identité « enfant »
n'existe plus ! Si jamais on dit que telle de vos
identités n'existe pas, cela revient à dire qu'on a
tué votre existence, cette identité. Sans votre
existence d'époque, la possibilité que vous soyez
ensuite mamie disparaît, n'est-ce pas ? Ces
mentors n'ont pas compris cela, ils se sont
fourvoyés, si bien que leur enseignement n'a
aucun sens.
16
Ils ont dit que la huitième vijñāna est une illusion.
Qui sont précisément les gens qui soutiennent
cela ? Tout d'abord le maître Yue-Xi, qui défend
que l'ālayavijñāna est une fausse vijñāna ; puis le
maître Sheng-Yen, de Fa Gu San, qui a affirmé la
même chose ; Zhi Jia, un upāsikā8 qui devint plus
tard un moine sous le nom de Fa- Chan, affirma
lui aussi que l'ālayavijñāna était une fausse
vijñāna. Pensez-vous vraiment que ces gens-là
ont compris la signification des sutra
bouddhistes ? Comment ont-ils pu commettre une
erreur si grave, faire une « blague » aussi
énorme ? Les causes possibles sont qu'ils n'aient
pas atteint l'illumination, ou bien qu'ils se soient
« trompés » d'illumination, ou bien encore qu'ils
aient pris la conscience mentale pour le vrai moi,
et aient donc affirmé que l'ālayavijñāna était une
fausse vijñāna. Cependant, même si vous avez
trouvé l'ālayavijñāna, vous avez encore beaucoup
à apprendre au sujet du dharma. C'est de cela
dont nous parlerons un peu plus tard.
8
Personne pratiquant chez elle, en dehors de tout cadre
monastique.
17
L'enseignement du Bouddha peut se répartir en
deux catégories : la première est la sagesse du
chemin de la libération, la seconde est le
Mahāyāna, qui est la pratique de la tolérance sans
commencement9 (et qu'on appelle aussi la sagesse
de la vraie ainsité, ou la sagesse de la
caractéristique de Bouddha). Ces deux sagesses
peuvent elles-mêmes être divisées en deux : une
première partie concerne la sagesse générale, et la
seconde est relative à la sagesse spécifique (qui
correspond au deuxième tour de la roue du
dharma). La sagesse spécifique examine la nature
vide du tathagatagarbha, c'est-à-dire d'un cœur
qui existe réellement et dont la nature est pourtant
vide. Notez toutefois que ce vide est différent de
celui qu'on trouve dans le monde des agrégats10.
La seconde partie est ce qu'on appelle le troisième
9
10
Le tathagatagarbha est sans commencement.
« Tolérance » signifie ici le fait de demeurer tranquille.
Or, on ne peut rester tranquille qu'en se basant sur le
tathagatagarbha et voir que toutes choses en sont des
manifestations. Alors seulement on est en mesure
d'accéder à la tolérance dite sans commencement.
Le vide (ou vacuité) du monde des agrégats renvoie au
fait que les agrégats sont impermanents. La vacuité du
tathagatagarbha est l'une de ses propriétés, l'une de ses
caractéristiques, et est d'une nature tout à fait différente
de la vacuité propre au monde des agrégats.
18
tour de la roue du dharma. C'est à partir de cette
sagesse spécifique qu'on est en mesure ensuite
d'expliquer la sagesse des graines. Cela renvoie à
l'étude des cent différentes manifestations des
vijñāna11, puis des dix-mille millions de
manifestations de vijñāna. Tout ceci correspond
en définitive à l'étude des sutra permettant
d'approfondir
la
connaissance
du
tathagatagarbha. L'enseignement de ce troisième
tour de la roue du dharma peut aider le pratiquant
à être illuminé et à atteindre le premier bhumi en
l'espace d'une seule vie. Le chemin de la
libération est compris dans cet enseignement.
Mais cette grande sagesse de Mahāyāna, les
saints des deux véhicules du Theravāda ne la
peuvent comprendre. Elle n'existe pas en dehors
du Mahāyāna, le Mahāyāna étant une voie
différente des deux véhicules : c'est un
enseignement particulier.
On peut conclure ici que le chemin de la sagesse
et le chemin de la libération forment tout
l'enseignement du Bouddha. Si quelqu'un a la
chance d'avoir un bon karma, il pourra, avec de la
persévérance, obtenir en quatre vies les fruits du
chemin de la libération. En revanche, pour le
11
Les cent manières de comprendre l'univers.
19
chemin de la sagesse, de combien de temps a-t-on
besoin ? Il faut trois gigantesques kalpa pour
parcourir ce chemin jusqu'à son terme. La sagesse
de ce chemin est donc d'une extrême profondeur,
et la plupart des gens, en temps ordinaire, ne sont
capables ni d'écouter ni d'entendre, et moins
encore de pratiquer pour réussir sur ce chemin.
Voici donc la brève introduction que je proposais
au sujet de l'enseignement du Bouddha.
20
Chapitre II : Description générale de la
vision erronée
Nous allons à présent expliquer ce qu'est la
vision erronée. La vision erronée, ce sont les
compréhensions et les analyses incorrectes.
Qu'est-ce que cela signifie ? Ici, nous allons
parler surtout de la vision erronée concernant la
connaissance du bouddhisme. Nous n'allons pas
en parler sous l'angle moral dans la vie
quotidienne. La vision erronée est une crise
majeure dans le bouddhisme, parce qu'elle peut
conduire à la destruction de l'enseignement du
Bouddha. Si on ne parvient pas à déraciner ces
erreurs relatives à l'enseignement du dharma,
qu'on les laisse y pénétrer et s'y propager, les
pratiquants bouddhistes vont les identifier au vrai
bouddhisme. Le bouddhisme deviendra alors une
sorte de monothéisme, ou bien il ressemblera aux
croyances locales, et l'on ne le distinguera plus
des hérésies éternalistes et nihilistes. Si on en
arrive à cette situation, le bouddhisme disparaîtra
pour ne plus laisser de lui que le nom. On ne
gardera du bouddhisme qu'une représentation
21
extérieure, mais son essence sera anéantie. Les
faux enseignements détruiront ainsi très
profondément le bouddhisme.
La vision erronée est l'ensemble des mauvaises
compréhensions, des analyses incorrectes
concernant la nature du vrai moi. C'est une vision
« à côté », une vision « du bord » : ce n'est pas le
vrai chemin du milieu. Avec leur compréhension
éternaliste ou nihiliste, ceux qui prônent cette
vision passent à côté du vrai dharma. Dans la
pratique du bouddhisme, le plus grand, le plus
terrible obstacle concerne ces malentendus sur le
vrai moi : ce sont eux qui élaborent une vision
incorrecte.
Les enfants qui naissent aujourd'hui se rendent à
l'école à partir de trois ou quatre ans. Dès le
jardin d'enfants ils commencent à apprendre.
Qu'apprennent-ils ? À vivre dans le monde. C'est
pourquoi on dit d'eux que ce sont des élèves 12. Si
on en venait à proposer, à l'école, d'apprendre à
mourir, je suis certain que plus personne ne
12
En chinois, 學生 (« élève ») signifie « qui apprend à
vivre ».
22
voudrait s'y rendre. Cependant dans le
bouddhisme, on vous explique comment mourir
sereinement. Ainsi, apprendre le bouddhisme,
c'est apprendre à mourir, non à vivre : on a tous
l'instinct de vivre, le bouddhisme n'a donc pas
besoin de nous enseigner comment vivre. Mais il
n'est pas facile de mourir librement. Avant de
mourir, on est généralement touché par la
maladie, par la douleur. On souffre beaucoup
quand on est près de mourir. Cependant notre vrai
moi est toujours libre. C'est pourquoi, depuis un
incommensurable kalpa, les êtres sensibles
continuent d'apprendre, d'étudier pour vivre, ce
qui, bien entendu, constitue un attachement de
l'ego. Ainsi dit-on à longueur de temps : « J'ai
envie de faire ceci ou cela, je ne veux pas de ceci,
je ne veux pas de cela, j'aime telle personne, je
n'aime pas telle autre. » Tout cela vient de notre
attachement de l'ego.
Certains éternalistes vous diront que le corps
physique finira par être détruit, mais que ce
fameux moi qui possède la connaissance13, ne
sera pas détruit, que seul mourra le corps de chair.
13
Le mental, la conscience mentale.
23
Ce moi en question, celui qui possède la
connaissance, va de nouveau se réincarner en tant
qu'être humain. Ces gens pensent que cette
conscience mentale est indestructible : ils pensent
que la conscience mentale douée de connaissance
et de la faculté de penser et de faire des choix, ne
peut pas être brisée, qu'elle existe à tout jamais.
C'est cette vision qu'on appelle éternaliste, à
cause de cette idée que la conscience mentale
serait éternelle. On appelle cette personne,
éternaliste, car elle est à côté du vrai chemin. Il
existe une autre sorte d'individus, des gens qui
ont fait certaines observations, et qui ont pu dire :
« Votre vision de la conscience mentale soutient
qu'elle est durable. Pourtant vous faites erreur, car
selon ce que j'observe chaque jour, la conscience
mentale disparaît la nuit, durant le sommeil.
Comment, alors, pouvez-vous la considérer
éternelle ? Et quand vous tombez dans les
pommes, elles n'est pas là non plus. Et au
moment de mourir, elle disparaît également. »
La réponse qu'ils reçurent fut la suivante :
« Comment savez-vous que la conscience
mentale disparaît dans la mort ?
_ C'est très simple, répliqua son interlocuteur :
lorsque quelqu'un est décédé, vous pouvez bien le
frapper, cela ne produira aucune réaction. S'il n'y
24
a pas de réaction, c'est qu'il n'y a plus de
conscience mentale. »
La connaissance de cette personne était plus
poussée que celles des éternalistes. Cependant il
est encore certains points qu'elle ne comprenait
pas, car malgré ses recherches, elle n'avait rien
trouvé que fût éternel, rien qui, à la disparition de
la conscience mentale, pût revenir lors d'une autre
incarnation.
N'ayant rien trouvé, elle a pensé qu'un individu,
une fois décédé, ne se réincarnera pas. Il s'agit là
de la vision nihiliste. Puisqu'après la mort il n'y a
pas d'autre existence, il faut bien entendu que
n'existent pas non plus de vies passées, puisqu'en
niant le futur, il faut nier le passé. Les nihilistes
croient donc que le monde et les hommes sont en
lien uniquement avec la dimension matérielle. Si
les parents existent, il faut qu'existe un moi, et
après que le corps est mort, la conscience du moi
disparaît elle aussi. Tout disparaît. C'est
également une vision en dehors de la vision juste.
La plupart des êtres humains, s'ils n'adhèrent pas
à la vision éternaliste, optent pour la vision
nihiliste.
25
La vision bouddhiste est la vision du milieu :
elle n'est ni nihiliste, ni éternaliste. Peut-être alors
aurez-vous envie de dire qu'il suffit de suivre un
bon mentor, d'étudier son enseignement, pour ne
plus jamais céder à l'appel des visions éternalistes
et nihilsites. Je suis vraiment navré, mais je pense
que vous auriez tort de penser cela, car de nos
jours, et je le dis en toute humilité, tous les
moines et tous les pratiquants des communautés
bouddhistes liées au maître Kuang Chin, se sont
confrontés, à la mort de leur maître, à la vision
éternaliste ou à la vision nihiliste. Ils ne
pouvaient pas trouver le vrai dharma. Pourquoi
vous dis-je cela, je vous l'expliquerai clairement à
la fin.
Se libérer de la vision erronée est ce qu'il y a de
plus difficile au monde. Mais si l'on ne parvient
pas à détruire cette vision qui a contaminé jusqu'à
la racine du bouddhisme, alors c'est elle qui le
détruira. C'est pourquoi la présence de la vision
erronée représente dans le bouddhisme
aujourd'hui une crise majeure. Mais la possibilité
de maintenir le vrai bouddhisme appelle la
question suivante : cette vision erronée peut-elle
être ou non déracinée ? La réponse dépend de
nous, de notre capacité de faire comprendre à la
26
majorité des étudiants bouddhistes où se situent
les erreurs dans les visions erronées. C'est
pourquoi le fait de posséder la connaissance et la
compréhension de ce qu'est la vision erronée, est
très important.
27
Chapitre III : Commentaires sur les
principes de la vision erronée
Nous avons des commentaires à faire sur
certains principes qui ont trait à la vision erronée.
Pour autant, nous ne commenterons pas tous les
points de vue erronés. De quels points de vue ne
parlerons-nous pas ? Nous ne ferons pas de
commentaires sur les points de vue erronés qui ne
concernent pas le bouddhisme. Par exemple, nous
ne dirons rien au sujet des monothéismes, du
taoïsme et des croyances locales, car tous ceux
qui y adhèrent n'ont jamais prétendu être
bouddhistes.
Notre objectif est de consolider la base du
bouddhisme. L'enseignement que prônent ces
gens ne concerne que le monothéisme, la taoïsme
ou les croyances locales, et nullement le
bouddhisme. Les pratiquants du bouddhisme ne
vont pas apprendre auprès d'eux. Il est donc
inutile de faire des commentaires sur ces
questions. Le fait de formuler des observations au
sujet de la vision erronée est motivé simplement
par le désir de préserver l'enseignement du
28
Boudha dans sa pureté.
Maintenant, si un bon guide bouddhiste n'a
jamais affirmé avoir atteint l'illumination, nous ne
ferons pas de commentaire sur lui non plus, car il
n'a proféré aucun gros mensonge et ne va donc
introduire aucune erreur de même envergure
auprès du grand public et le conduire dans une
impasse, puisqu'on ne peut le taxer d'être un
mystificateur. Nous ne ferons donc sur lui aucun
commentaire.
Par contre, s'il n'a jamais affirmé avoir atteint
l'illumination, mais qu'il utilise certains moyens
pour que les gens soupçonnent qu'il l'a atteinte,
bien que ce soit faux, nous ferons des
commentaires, simplement parce que ses discours
peuvent conduire à précipiter les autres dans
l'erreur. Je vais illustrer mon propos et demande
pour cela votre attention.
Supposons que je sois conscient de n'être pas
illuminé, mais que j'espère en même temps que
tout le monde croie que je le suis afin de pouvoir
obtenir l'appui de chacun. Si alors je souhaite
construire un monastère dans les montagnes et
qu'il me faille pour cela récupérer dix ou douzemille millions de yuans, je ne dois pas cesser
29
alors de dire que je suis illuminé, sans quoi je
risque de n'avoir plus l'appui de ceux qui pensent
que je le suis. Comment pourrais-je faire pour ne
pas perdre leur soutien ? Il me faudrait dire
qu'une personne illuminée ne doit jamais affirmer
qu'elle l'est, car si elle le fait, c'est qu'elle n'est pas
illuminée. Je parlerais ensuite de tout autre chose
et, un peu plus tard, en revenant sur ce même
sujet, je rappellerais n'avoir jamais affirmé être
illuminé. De cette manière-là, pensez-vous que
j'aie atteint l'illumination ? Je suis presque certain
que vous penseriez que je suis un être illuminé,
simplement parce que je n'ai jamais affirmé
l'avoir été. C'est une façon de faire croire aux
gens que j'ai atteint l'illumination.
Si jamais ces imposteurs, par leur enseignement,
conduisent les pratiquants sur des chemins
étrangers aux vrai bouddhisme, nous ferons des
commentaires à leur sujet, car sans cela les
pratiquants ignoreront toujours que leurs maîtres
n'ont jamais été illuminés. C'est pourquoi nous
ferons des commentaires sur eux.
Il existe encore d'autres personnes, qui n'ont
jamais affirmé avoir atteint l'illumination, mais
qui, par leurs discours et par leurs livres, peuvent
amener à des erreurs sur l'enseignement, le
30
corrompre et exercer sur autrui une influence
néfaste. Cela, on va très certainement le
commenter.
Après qu'on aura terminé d'analyser les erreurs
de ces « guides », peut-être aurez-vous cette
question en tête : « pourquoi ne faites-vous pas de
commentaires sur le maître Cheng-Yen de
l'association Tzu Chi et sur le maître Hsing-Yu de
Fo Guan Shan ? » Eh bien, parce qu'ils n'ont
jamais affirmé être illuminés, et que, de plus, leur
enseignement est tout à fait sincère et qu'ils n'ont
jamais eu recours à leur imagination pour
expliquer ce qu'est le vrai moi. Ils n'ont donc
jamais trompé les gens. De plus, ils ont beaucoup
de mérites, pour avoir éduqué de nombreuses
personnes à devenir bouddhistes. Nous devons les
féliciter. Pourquoi, dans ce cas, ferions-nous des
commentaires sur eux ?
Concernant l'association du Chan moderne, je ne
souhaite pas non plus faire de commentaires, car
le travail que font ses pratiquants pour diffuser
l'enseignement du Bouddha est déjà une chose
très difficile. Ensuite, les pratiquants de cette
association ont fermé les portes de leur
association : ils sont en train de faire une retraite
et ne donnent plus d'enseignements aux personnes
venant de l'extérieur. Nous ne dirons rien sur eux.
31
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