des-encuentros, 2014,
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Parler du handicap et de sa représentation
sociale, c'est poser d'emblée la question du
regard porté sur la décience. C’est questionner
la marge, ce lieu de questionnement sur elle-
même et, singulièrement, sur les raisons d'être
et de se développer des deux ensembles qui la
conditionnent. Cette misère de la position que
nous impose la marge, relative du point de vue
de celui qui l’éprouve en s’enfermant dans les
limites du microcosme du handicap est vouée
à paraître «toute relative», c'est-à-dire tout
à fait irréelle, si, prenant le point du vue du
macrocosme, on la compare à la grande misère
de la condition, cette référence quotidiennement
utilisée à des ns de condamnation («tu n’as pas
à te plaindre») ou de consolation («il y a bien
pire tu sais»). Elle nous interdit d’apercevoir et
de comprendre toute une part des souffrances
caractéristiques des personnes extraordinaires
(nous disent les canadiens) ce qui a sans doute
multiplié les champs sociaux et a paradoxalement
développé toutes les formes de la petite misère.
Ne serait-ce que pour ces raisons, la marge a à
voir avec la mémoire. Si la philosophie venait à
la rencontre du handicap, il en résulterait une
ouverture, elle permettrait d’éviter d’instituer
sa mise à l'écart des relations sociales ordinaires
d’éviter que la personne atteinte navigue dans
les interstices de la structure sociale. Elle
permettrait l'avènement d'une société qui
substitue un modèle participatif, ambitionnant
l'implication des personnes atteintes d'une
décience dans l'édication du corps social.
Elle ouvrirait la possibilité que les personnes
handicapées, vouées au manque de place, par
incompréhension, peur, abandon ou rejet, soient
maintenues dans une position indéterminée, un
ailleurs, un nulle part, un espace d'errance, une
zone où leur acceptation et leur reconnaissance
demeurent toujours équivoques. Mais peut-être
suis-je encore dans l’utopie qui n’est ni une
société idéale théorique, ni une société idéale à
réaliser, mais une mentalité différente à adopter
dans la vie de tous les jours. Mais il est vrai que
l’utopie ne se soucie guère du possible… elle
dénit simplement un lien entre la spéculation
et la réalité. Elle pose un idéal pour les hommes
du monde réel commun, elle est une n à réaliser
dans notre monde quotidien, même si ce n’est
qu’imparfaitement.
Vers une définition de la notion de
handicap
Donner alors une dénition du handicap sur
laquelle tout le monde s’accorde relève de la
gageure, voire de l’impossible et il me paraît
bien difcile de parler du handicap en théorie,
autour de concepts, de terminologie à des
personnes handicapées, leurs proches ou aux
professionnels qui les côtoient au quotidien.
Le mot handicap n’est pas très beau et le «H
aspiré de son origine anglaise nous impose des
sonorités suaves» (Claude Neu, 2007, p.18).
Mais sa dénition présente l’avantage d’insister
sur la cause de celui-ci. Ainsi handicapé se dit
«d’une personne diminuée physiquement par
suite d’une atteinte sensorielle ou motrice»
(Bonnefon, 2010, p. 20). Cette précision laisse
entrevoir que si l’atteinte est levée, alors le
handicap disparaît. Par contre le mot «décient»,
si il est de sonorité latine et donc plus agréable
à l’oreille, centre sa dénition autour du mot
«insufsance». C'est ainsi la société elle-même
qui fait problème puisqu'elle crée des obstacles
et des barrières empêchant les personnes
handicapées de participer pleinement à la vie
sociale et de bénécier pleinement de l'égalité
des chances ainsi «L'une des violations les plus
fréquentes des droits de l'homme des personnes
handicapées est l'expérience d'une discrimination
fondée sur le handicap dans tous les aspects de
la vie quotidienne» (Essaoui, 2006). Au-delà des
mots se prole un corps, un corps souvent sans
nom et sans visage, gure de l’imaginaire social
qui alimente dans l’imaginaire du plus grand
nombre le fait qu’une personne déciente ne
peut pratiquer une activité physique et sportive.
Gaillard, J. Du handicap aux pratiques sportives: enjeux et perspectives
Vol 11, P 16-29