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des-encuentros, 2014,
Vol 11, P 16-29
Du handicap aux pratiques sportives: enjeux et perspectives
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Du handicap aux pratiques sportives: enjeux et perspectives
From disability to sport practices: Challenges and Perspectives
Summary: We cannot find a unique definition of the
concept of handicap in Europe. Even within individual
countries, many approaches are generally observed according to now this term is applied.
Handicap is a generic concept which can comprise heterogeneous groups of people. Any international comparison reveals itself to be an arduous task. In fact the
groups of people concerned are not the same everywhere and practices vary according to these specific cultural, social and economic backgrounds. Public policies
depend on the different representations of the notion
of handicap and are influenced by both disabled people
themselves as well as by policy makers as well. For example in France from the early 1960s the word ”handicap”
was progressively replaced by other nouns such as “infirme” (disabled) or “inadapté” (usted, malad).
The shift in meaning of the word “handicapé” seems
to be related to the distressing ordeals experienced by
some, which have led to somatic and mental weaknesses
and to the idea that ways can be found to compensate
for handicaps and allowing ways to live as a able-bodied
person. Beyond the widely spread social norms and behaviour, the handicapped person faces constraining representations almost stereotypical which a lead to the
sense of enclosure. Beeing born triggers or handicapped
generates a whole set of psychic disorders provoking an
inner and collective moral suffering.
The human body can be considered as the prevailing
pillar of identity for both handicapped and valid people. A two-fold psychological mechanism seems to be
at the root of the handicapped person’s self-acceptance
and his/her relationships to others and to social groups.
Through a mechanism of objectification the subject rediscovers his/her own and full identity within the world
of able-bodied persons. Through the mechanism of
appropriation the handicapped person accepts his/her
self-experienced own image as he experienced it.
The construction of this new identity is internally nurtured and is strengthened by the close personal interactions which certainly contribute playing an important
role in the development of our identity. The process is
firstly generated among family members and then it is
progressively encouraged more widely encouraged by
social relations. In this perspective sport will fully impact
the process.
Some disability specialists and Sport (Marcellini Anne,
Gilles Bui Xuan, 1995, p.179-190) offer long, the emergence of a "new sport" by the cancellation of disability
and thus to suggest “games with handicap” ("equity"
by building and not by measuring the biological body)
forms of games that can be found elsewhere, but not
at the top level of the regular sport. So that the integration process will be complete only when a person with
a disability can take up a sport like any other citizen. Beyond too widely and hurriedly accepted evidences it is
highly recommend one should disregard preconception
we might have, even those barred or so-called evidence
and be prepared to change our area of focus to define
the ideal approach.
The main goal of this article is to identify the main obstacles the disabled persons face in their willing to practice sport activities.
Keywords: Disability, Inclusion, Insertion, Sport practices, Identity.
1 - Joel Gaillard PhD Educational Sciences Faculty of Sport Nancy France LISEC : Laboratoire des Sciences de l'Education et de la Communication (EA
2310) [email protected]
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Joel Gaillard 1
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Gaillard, J.
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Parler du handicap et de sa représentation
sociale, c'est poser d'emblée la question du
regard porté sur la déficience. C’est questionner
la marge, ce lieu de questionnement sur ellemême et, singulièrement, sur les raisons d'être
et de se développer des deux ensembles qui la
conditionnent. Cette misère de la position que
nous impose la marge, relative du point de vue
de celui qui l’éprouve en s’enfermant dans les
limites du microcosme du handicap est vouée
à paraître «toute relative», c'est-à-dire tout
à fait irréelle, si, prenant le point du vue du
macrocosme, on la compare à la grande misère
de la condition, cette référence quotidiennement
utilisée à des fins de condamnation («tu n’as pas
à te plaindre») ou de consolation («il y a bien
pire tu sais»). Elle nous interdit d’apercevoir et
de comprendre toute une part des souffrances
caractéristiques des personnes extraordinaires
(nous disent les canadiens) ce qui a sans doute
multiplié les champs sociaux et a paradoxalement
développé toutes les formes de la petite misère.
Ne serait-ce que pour ces raisons, la marge a à
voir avec la mémoire. Si la philosophie venait à
la rencontre du handicap, il en résulterait une
ouverture, elle permettrait d’éviter d’instituer
sa mise à l'écart des relations sociales ordinaires
d’éviter que la personne atteinte navigue dans
les interstices de la structure sociale. Elle
permettrait l'avènement d'une société qui
substitue un modèle participatif, ambitionnant
l'implication des personnes atteintes d'une
déficience dans l'édification du corps social.
Elle ouvrirait la possibilité que les personnes
handicapées, vouées au manque de place, par
incompréhension, peur, abandon ou rejet, soient
maintenues dans une position indéterminée, un
ailleurs, un nulle part, un espace d'errance, une
zone où leur acceptation et leur reconnaissance
demeurent toujours équivoques. Mais peut-être
suis-je encore dans l’utopie qui n’est ni une
société idéale théorique, ni une société idéale à
réaliser, mais une mentalité différente à adopter
dans la vie de tous les jours. Mais il est vrai que
Du handicap aux pratiques sportives: enjeux et perspectives
l’utopie ne se soucie guère du possible… elle
définit simplement un lien entre la spéculation
et la réalité. Elle pose un idéal pour les hommes
du monde réel commun, elle est une fin à réaliser
dans notre monde quotidien, même si ce n’est
qu’imparfaitement.
Vers une définition de la notion de
handicap
Donner alors une définition du handicap sur
laquelle tout le monde s’accorde relève de la
gageure, voire de l’impossible et il me paraît
bien difficile de parler du handicap en théorie,
autour de concepts, de terminologie à des
personnes handicapées, leurs proches ou aux
professionnels qui les côtoient au quotidien.
Le mot handicap n’est pas très beau et le «H
aspiré de son origine anglaise nous impose des
sonorités suaves» (Claude Neu, 2007, p.18).
Mais sa définition présente l’avantage d’insister
sur la cause de celui-ci. Ainsi handicapé se dit
«d’une personne diminuée physiquement par
suite d’une atteinte sensorielle ou motrice»
(Bonnefon, 2010, p. 20). Cette précision laisse
entrevoir que si l’atteinte est levée, alors le
handicap disparaît. Par contre le mot «déficient»,
si il est de sonorité latine et donc plus agréable
à l’oreille, centre sa définition autour du mot
«insuffisance». C'est ainsi la société elle-même
qui fait problème puisqu'elle crée des obstacles
et des barrières empêchant les personnes
handicapées de participer pleinement à la vie
sociale et de bénéficier pleinement de l'égalité
des chances ainsi «L'une des violations les plus
fréquentes des droits de l'homme des personnes
handicapées est l'expérience d'une discrimination
fondée sur le handicap dans tous les aspects de
la vie quotidienne» (Essaoui, 2006). Au-delà des
mots se profile un corps, un corps souvent sans
nom et sans visage, figure de l’imaginaire social
qui alimente dans l’imaginaire du plus grand
nombre le fait qu’une personne déficiente ne
peut pratiquer une activité physique et sportive.
Cette négation peut aller parfois jusqu’à une
forme «d’abolition dans l’inconscient collectif,
voire un contre investissement participant de
l’exclusion» (Gaillard, 2010, p. 30) dont sont
victimes les personnes handicapées.
La fin du handicap supposerait d’en finir avec une
représentation du corps entier comme modèle
identitaire de l’être humain même si prétendre
à la fin du handicap a peu de sens au regard
de la réalité vécue des corps humains. Parler du
handicap et de sa représentation sociale, c'est
poser d'emblée la question du regard porté sur la
déficience. C’est questionner la marge, ce lieu de
questionnement sur elle-même et nous interdit
d’apercevoir et de comprendre toute une part
des souffrances caractéristiques des personnes
extraordinaires (nous disent les canadiens). Si la
philosophie venait à la rencontre du handicap,
il en résulterait une ouverture, elle permettrait
d’éviter d’instituer sa mise à l'écart des relations
sociales ordinaires et d’éviter que la personne
atteinte navigue dans les interstices de la structure
sociale. Elle permettrait l'avènement d'une
société qui substitue un modèle participatif,
ambitionnant l'implication des personnes
atteintes d'une déficience dans l'édification du
corps social. Elle ouvrirait la possibilité que
les personnes handicapées, vouées au manque
de place, par incompréhension, peur, abandon
ou rejet, soient maintenues dans une position
indéterminée, un ailleurs, un nulle part, un
espace d'errance, une zone où leur acceptation
et leur reconnaissance demeurent toujours
équivoques. «Toutes les sociétés fabriquent leurs
exclus» […] la «différence réside dans le sort qui
leur est réservé» affirme (Xavier Emmanuelli,
1994). Les personnes handicapées sont encore
trop souvent confrontées à une discrimination
directe ou indirecte dans tous les secteurs de
leur vie quotidienne. Les lieux dits «publics»
sont totalement inaccessibles aux personnes
souffrant d'un handicap physique et ce, en dépit
du fait que l'accès soit parfois garanti par la loi.
Du handicap aux pratiques sportives: enjeux et perspectives
Il est rarement possible, pour les personnes à
vision réduite, d'obtenir des textes imprimés
dans un format qui leur soit accessible (braille,
bande magnétique, par exemple), il est souvent
impossible aux sourds d'utiliser leur langue
habituelle (langage des signes).
Nous pouvons alors affirmer qu’a l’instar du
développement humain (figure 1) que :
• La situation de handicap n’est pas figée mais évolutive.
• Que cette notion est variable en fonction du genre, de
l’âge, du contexte et de l’environnement.
• Que c’est une situation qui peut être modifiée grâce au
développement des aptitudes (action sur les facteurs
personnels) ainsi qu’à l’adaptation de l’environnement
(action sur les facteurs environnementaux).
Modèle du développement humain
(RIPPH, 1996)
Figure 1: le modèle de développement humain.
Une situation de handicap devrait être
considérée comme étant le résultat situationnel
d’un processus interactif impliquant deux
séries de variables causales (figure 2): d’une
part, les caractéristiques de la personne (ses
déficiences et ses incapacités découlant de la
maladie, du traumatisme ou d’un autre trouble)
et d’autre part, les caractéristiques physiques ou
socioculturelles de son environnement créant
des obstacles ou facilitant sa participation
sociale dans une situation donnée: vie familiale,
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emplois, éducation, loisir, etc. Elle est le résultat
de l’interaction des déficiences et des incapacités
et d’autres caractéristiques personnelles d’une
part, et des facilitateurs ou des obstacles
environnementaux. Elle se mesure sur une
échelle allant de la réalisation complète à la non
réalisation des habitudes de vie.
Processus de Production du Handicap
(RIPPH, 1996)
Figure 2: le processus de production du handicap
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Accès aux biens, aux services et aux
loisirs
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«De l'accès aux immeubles à l'accès aux lieux
de divertissement, tels que les restaurants, les
cafés, autant d'installations quotidiennes dont
bénéficient les personnes valides et dont sont
exclues les personnes handicapées d'une façon
ou d'une autre.» (Commission Européenne,
2006). Les personnes handicapées n'ont souvent
pas accès aux biens et services et sont souvent
exclues des lieux publics de divertissement et de
loisirs soit par parti-pris manifeste, soit parmi
les exemples cités par discrimination indirecte,
par exemple, des locaux inaccessibles, pas
de langage des signes ou de sous-titres pour
les sourds ou de description audio pour les
personnes à vision réduite.
Ainsi que le suggèrent les obligations liées à la loi
du 11 Février 2005 en France, la prise en compte
de l'accès pour les personnes handicapées au
stade de la conception des produits n'occasionne
aucun surcoût ou ajoute au plus 2% à 5% au
coût total, alors que la création d'une ligne de
produits spécifiques est onéreuse. L'accès aux
technologies de l'information peut favoriser
l'autonomie et l'intégration des personnes
handicapées, notamment sur leur lieu de
travail, mais une technologie inaccessible peut
également créer des barrières.
La participation des personnes handicapées
aux activités physiques et sportives ne cesse
de se développer. Elle ne peut cependant pas
s’envisager si les conditions d’accessibilité des
personnes handicapées aux lieux de pratiques
sportives ne sont pas intégrées aux projets de
création ou de rénovation d’équipements sportifs.
Deux articles du Décret n° 2006-555 du 17 mai
2006 relatif à l'accessibilité des établissements
recevant du public, des installations ouvertes au
public et des bâtiments d'habitation et modifiant
le code de la construction et de l'habitation sont
sans doute des pistes de réflexion:
• «Art. R. 111-18. - Les bâtiments d'habitation
collectifs et leurs abords doivent être construits et
aménagés de façon à être accessibles aux personnes
handicapées, quel que soit leur handicap. Au sens
de la présente sous-section, est considéré comme
un bâtiment d'habitation collectif tout bâtiment dans
lequel sont superposés, même partiellement, plus de
deux logements distincts desservis par des parties
communes bâties. L'obligation d'accessibilité porte
notamment sur les circulations communes intérieures
et extérieures, une partie des places de stationnement
automobile, les logements, les ascenseurs, les locaux
collectifs et leurs équipements.»
• «Art. R. 111-18-1. - Est considéré comme accessible
aux personnes handicapées tout bâtiment d'habitation
collectif ou tout aménagement lié à un bâtiment
permettant à un habitant ou à un visiteur handicapé,
avec la plus grande autonomie possible, de circuler,
d'accéder aux locaux et équipements, d'utiliser les
équipements, de se repérer et de communiquer. Les
conditions d'accès des personnes handicapées doivent
être les mêmes que celles des autres publics ou, à
défaut, présenter une qualité d'usage équivalente.»
L’accessibilité Universelle
L’accessibilité universelle vise à éliminer toutes
les barrières qui peuvent limiter une personne
dans l’accomplissement de ses activités
quotidiennes. Cette approche considère non
seulement les besoins des personnes qui ont
une déficience mais également ceux de toutes
personnes pouvant être confrontées à des
situations de handicap.
En considérant que la déficience (motrice,
intellectuelle, visuelle, sensorielle, auditive, liée
à la parole ou autres) est reliée directement aux
limitations de la personne et que le handicap est
quant à lui un obstacle social avec lequel doivent
composer quotidiennement les personnes
vivant avec des limitations, on pourrait résumer
le principe d’accessibilité universelle en disant
qu’il repose essentiellement sur la notion visant
la réalisation d’environnement sans obstacles.
De cette façon, nous pourrions socialement
éliminer le handicap et soutenir davantage les
personnes vivant avec des déficiences. On ne
parlerait donc plus de «personnes handicapées».
Il faut comprendre que le concept d’accessibilité
universelle ne repose pas uniquement sur la
notion d’adaptation des lieux physiques et ce,
bien qu’il s’agisse là d’un élément important
dont il faut tenir compte. Il repose en fait sur le
principe que tout citoyen doit pouvoir avoir accès
à l’ensemble des services offerts à la population
et ce, au même endroit, de la même façon et avec
la même qualité de service. Tous les secteurs
d’activités qui composent notre société (et en
particulier l’activité physique et sportive) doivent
donc être considérés lorsque nous faisons appel
au principe d’accessibilité universelle (accueil,
Du handicap aux pratiques sportives: enjeux et perspectives
informations, communications, transport,
logement, aménagement des lieux publics,
services, sécurité publique, etc).
Nous ne pouvons que penser qu’à terme chaque
personne sera satisfaite de pouvoir utiliser les
adaptations physiques mises en place pour les
personnes ayant des déficiences.
Pratiques sportives et Handicaps
Y aurait-il alors dans le sport des processus
de dé-stigmatisation et d’intégration sociale ?
Christian Molaro (2010, p 22-30) nous montre
qu’il faut se défier de toute doctrine qui poserait
même par défaut la moralisation directe par le
sport. La pratique sportive reste un adjuvant
indirect. La pratique sportive, la confrontation
peuvent faire sortir des représentations, des
présupposés, des conflits qui peuvent être
facteurs d’exclusion montrant par la même que
le sentiment d’appartenance n’est pas livré «clés
en mains» avec le seul fait de réussir à prendre
une licence ou le seul fait d’intégrer un collectif.
Le chemin peut être long et difficile tant on peut
avoir le sentiment d’être à côté des autres et non
avec et parmi les autres.
C’est sans doute là une des difficultés majeures à
laquelle nous nous heurtons: la difficulté à penser
dans le même mouvement l’accompagnement
des personnes et la configuration de l’espace
de réception. Confronter l’autre à la différence
physique, mentale ou sociale, ne va pas de soi
dans une société qui reste peu encline à ajouter
des différences. Il nous faut sans doute écrire la
relation de la personne en situation de handicap
avec la société et l’activité sportive sans s’arrêter
sur les relations complexes du réel et du
fictionnel, voire de l’imaginaire.
Malgré le fait que certains pays aient commencé
à formuler un nouveau concept du handicap
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et que malgré des plus étroites entre les
personnes handicapées, la conception et la
structure de leur environnement et l'attitude
de la population en général l’accès aux loisirs
et aux pratiques sportives et au sport pour
les personnes handicapées reste trop souvent
limité à un contexte peu propice aux échanges
relationnels et aux expériences de vie en
dehors du monde du handicap. Les personnes
handicapées, leurs compagnes/compagnons
et leur famille souffrent encore trop souvent
de discrimination dans tous les aspects de
leur vie. Le constat couvre tous les groupes
de personnes handicapées, les personnes
atteintes de handicaps physiques (y compris
les handicaps cachés, comme l'épilepsie), de
handicaps sensoriels (par exemple, sourds et
malentendants, aveugles et personnes à vision
réduite), ou d'incapacité d'apprentissage.
les rapports que les individus établissent entre
eux. Elles nous permettent de revendiquer
un groupe d’appartenance significatif, qui se
manifesterait dans les règles, leurs adaptations,
leurs combinaisons, et seraient alors une façon
de décrire la société dans laquelle on vit.
Permettre à tous, valides ou handicapés,
l’acquisition de connaissances, de capacités
et d’attitudes pour enrichir leurs pouvoirs
moteurs et développer des compétences
méthodologiques et sociales est l’enjeu essentiel
de l’organisation de l’offre sportive aujourd’hui.
En définissant des contenus adaptés aux
caractéristiques de chacun, en permettant à tous
de vivre dans l’action des expériences originales,
le sport contribue à l’acquisition, par tous, d’une
culture commune. Il est donc important de
souligner qu'une approche globale à la politique
du handicap est nécessaire, elle ne peut être
compartimentée.
Y a-t-il une distribution sociale des pratiques?
Est-ce que ces pratiques sont accessibles à
toutes les personnes en situation de handicap?
De façon sous-jacente il y a cette question de
l’appartenance sociale. Pourquoi finalement
la natation, le tir à l’arc sont-ils privilégiés et
pourquoi le tennis de table est-il tant pratiqué?
Pourquoi finalement d’autres pratiques sont
aussi orphelines? La question de la distribution
sociale se pose aussi pour les personnes
handicapées.
Bien que l’on ne puisse se défaire des aspects
narcissiques des activités sportives, leurs
façons de définir une appartenance sociale
permettent d’exprimer un rapport au monde.
Les pratiques sportives seraient alors une
modalité sociale dans laquelle on s’inscrit
tous, qui par leur intériorisation organisent
2 - Arrêté du 1er Février 2001.
La commission Culture et Handicap crée en
créée en 20012, est placée sous l’autorité du
ministre de la culture et de la communication et
du secrétaire d’état à la santé et aux personnes
handicapées avait de «faciliter l’accès à la culture
des personnes handicapées, quelle que soit la
nature de ce handicap, dans le souci de leur
permettre de participer pleinement à la vie
culturelle». Elle rappelle en outre que la personne
qui est handicapée est un citoyen à part entière
de la société et que la diversité des personnes
qui la compose est facteur d’enrichissement.
La connaissance globale de la pratique sportive
des personnes en situation de handicap trouve
sa source dans la double enquête de l’INSEE
(HID) menée en deux vagues à 2 ans d’intervalle,
en 1998/1999 puis 2000-2001, le premier
volet auprès de 14 600 personnes résidant ou
soignées dans des institutions socio-sanitaires
ou psychiatriques, le second volet auprès d’un
échantillon de 17000 personnes vivant en
domicile ordinaire, sélectionnées parmi les
Gaillard, J.
Du handicap aux pratiques sportives: enjeux et perspectives
Figure 3: le processus de production du handicap
Cependant la pratique sportive des personnes
en situation de handicap est, dans tous les
domaines, inférieure à celle du reste de la
population (figure 3).
Figure 4: pratiques licenciées en 2009, sources FFS
La base de données des équipements sportifs
(RES) donne une idée relativement précise
de la proportion des équipements sportifs
accessibles aux personnes en situation de
handicap. 60% des aires d’évolution sportives
sont accessibles physiquement, mais seulement
25% des sanitaires le sont. Ces valeurs sont
issues du recensement des équipements sportifs
(RES) et donc des appréciations des enquêteurs.
Il est estimé que seuls 6% des équipements
sont réellement accessibles aux quatre types de
handicaps (physique, auditif, visuel, mental) en
prenant en considération les cinq paramètres:
parkings, accueil, vestiaires, sanitaires, aires
d’évolution. Ces 6% correspondent aux
équipements construits après 2006 (4%) et à ceux
qui ont été rénovés (2%). Les aménagements
requis portent sur les vestiaires, les sanitaires,
les pictogrammes, les boutons d’ascenseurs
en braille, les bandes podo-tactiles, les bandes
d’éveil à la vigilance, ou les nez de marches).
L’histoire des pratiques physiques des personnes
présentant des déficiences souligne la forte
valence médicale et rééducative de leurs débuts.
Un processus progressif de sportivisation,
marqué par l’organisation associative puis
fédérale de ces pratiques est ensuite repérable
particulièrement dans les vingt dernières années.
La gymnastique médicale, orthopédique,
la rééducation fonctionnelle permettant de
comprendre l’engagement des personnes en
situation de handicap vers les pratiques sportives
(figure 5).
Dans quelle mesure le club est-il un support
privilégié d’intégration sociale par le sport? Le
fait de poser la question est un indicateur du
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360000 répondants de l’enquête préliminaire
«vie quotidienne et santé» qui accompagnait le
recensement de la population de mars 1999. Les
résultats des dépouillements de ces enquêtes ont
été publiés en 2005. Ils permettent de dresser
les constats suivants:
Gaillard, J.
Du handicap aux pratiques sportives: enjeux et perspectives
Figure 5: activités les plus pratiquées par les personnes en situation de handicap.
des-encuentros, 2014,
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processus d’intégration des personnes déficientes
dans le monde sportif et plus précisément dans
les clubs sportifs. Il s’agit pour les clubs de
définir une philosophie de l’intégration, de se
doter d’outils et puis de trouver des partenaires
pour pérenniser leurs actions. L’intégration ne
pourra alors être concrétisée que si l’on place le
sportif au centre d’un triptyque (figure 4) qui va
prendre sa dimension physique, sa dimension
psychologique et sa dimension sociale et les
interrelations qui peuvent exister entre-elles.
24
Figure 6: les trois dimensions de l'insertion.
Le club sportif peut prendre une place pour
maintenir une dynamique de motivation. Il met
en place le contexte de l’activité, favorisant la
perception de la valeur de l’activité sportive
pratiquée, mais également la perception
de la valeur de sa propre compétence. De
nombreuses recherches ont «confirmé
l'importance de la perception du corps dans
la construction de l'estime de soi» (Delignères,
2000, p.35). Ces travaux ont mis en évidence
que le développement de la valeur physique
perçue contribuait au renforcement de l'estime
de soi (Biddle et Goudas, 1994) et qu'un certain
niveau de confiance en soi était requis pour
maintenir l'engagement d'un sujet dans une
pratique physique (Roberts, Kleibert et Duda,
1981). L’estime de soi serait alors définie par
la valeur et le degré de compétence que nous
nous attribuons. Marco Busico, joueur de
handi-basket au sein de l’Association Sportive
des Handicapés du Hainaut Valenciennois
a insisté sur l’importance de faire évoluer
les comportements des gens vis-à-vis des
personnes handicapées: «ce qui blesse le plus
Gaillard, J.
Du handicap aux pratiques sportives: enjeux et perspectives
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Figure 8: principaux obstacles à l'intégration.
est le regard des personnes valides. Le handicap
fait encore peur de nos jours.» C’est sans doute
une des raisons qui invite les clubs à offrir des
3 - Association Sportive des Handicapés du Hainaut Valenciennois.
créneaux de pratique spécifiques (figures 7 et 8)
même si les joueurs de l’ASHHV3 nous disent:
«Les rencontres comme aujourd’hui, avec les
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Figure 7: principaux obstacles à l'intégration du point de vue des handicapés.
Gaillard, J.
Du handicap aux pratiques sportives: enjeux et perspectives
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Figure 9: éléments favorisant l'intégration.
26
Figure 10: taux de survie des clubs.
personnes valides, sont très importantes pour
nous. Elles permettent de faire changer le regard
sur le handicap quel qu’il soit».
Faire un inventaire des nombreuses initiatives
individuelles ou collectives qui, prenant la
personne en situation de handicap comme
sujet, essaient de développer ses désirs et ses
motivations risque de faire croire à une «sorte
de généralisation de la politique vis-à-vis des
personnes handicapées» (Stiker, 2001). Mais
affirme Marie Christine Lanfranchi lors du
congrès «Sport et handicap, relevons le défi»
d’Avril 2013: «le préalable à ces questions
suppose que la personne en situation de
handicap puisse être en situation de pouvoir
imaginer, désirer, dessiner un projet qu’il
pourrait faire sien dans le domaine social que
sont les APS»4. En proposant aux personnes
en situation de handicap des apprentissage
qu’il ne sait pas encore maîtriser, mais avec
un accompagnement, des aménagements ou
des aides adaptées, on s’inscrit dans un «zone
Du handicap aux pratiques sportives: enjeux et perspectives
proximale de développement», et on contribue
à faire avec lui ce qu’il parviendra à faire ensuite
tout seul. L’engagement est déterminé à l'aide
des problèmes résolus de manière autonome,
et les «problèmes pourront être résolus non
plus tout seul mais en collaboration» (Vigostky,
1985, p. 270). Les éléments favorisant cette
accessibilité sont alors identifiables (figure 7).
Suis-je capable de? Le sportif évalue son
domaine de compétence en se comparant à
d’autres en fonction d’un contexte donné. La
motivation est elle-même liée à la valeur de
sa contrôlabilité, dans quelle mesure suis-je
capable de produire une performance sportive
à un terme donné? L’interrogation implique la
maîtrise du temps, donc de la faisabilité de la
performance dans le temps, qui, elle va renvoyer
à la question du choix. Pour pouvoir agir, il
s’agira alors de s’interroger sur les dynamiques
posées, qui renvoient et qui appellent aux
sources de la motivation et qui de l’autre côté
renvoient à leurs conséquences.
4 - Lanfranchi Marie Christine, est conseillère Technique Sport/handicap à Direction Régionale de la Jeunesse des Sports et de la Cohésion Sociale, Région
Provence Alpes Côte d’Azur.
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Gaillard, J.
Gaillard, J.
De nombreux clubs sont disposés à accueillir
des personnes en situation de handicap, mais
ils manquent d’informations pour le faire dans
de bonnes conditions ou n’ont pas de contexte
favorable (accessibilité, possibilité d’aménager
les équipements pour adapter la discipline).
En matière de travail bénévole, les difficultés
auxquelles doivent faire face les associations
œuvrant dans le domaine du handicap sont
nombreuses. Même si la volonté d‘engagement
n’est pas en cause, le manque de bénévoles
ayant des compétences particulières se fait
sentir entraînant une forme d’épuisement face
aux difficultés à résoudre, ce qui amène nombre
d’associations à «jeter l’éponge» au bout de
quelques années (figure 8).
Et ce quel que soit le type de handicapés
accueillis (figure 9).
Conclusion
des-encuentros, 2014,
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Une des difficultés majeures à laquelle nous nous
heurtons est la difficulté à penser dans le même
mouvement l’accompagnement des personnes
en situation de handicap et la configuration de
l’espace de réception que sont les clubs sportifs.
. Confronter l’autre à la différence physique,
mentale ou sociale, ne va pas de soi dans une
société qui reste peu encline à ajouter des
différences.
28
Nous ne pouvons pas conclure sans citer
Henry Jacques Sticker «Ici comme dans
d’autres domaines nous sommes passés de la
passivité à l’activité. Beaucoup de personnes
handicapées font la démarche de faire du sport
d’elles-mêmes. Des clubs, soit dans le cadre
de la Fédération, soit dans celui plus modeste
des établissements spécialisés, organisent des
rencontres en direction des valides. A côté des
exploits olympiques la pratique du sport est
Du handicap aux pratiques sportives: enjeux et perspectives
devenu devenue habituelle et auto gérée par les
groupes de sportifs handicapés.
L’envie de vivre, le désir de s’affirmer et d’être
reconnu prend à partir de là une dimension
nouvelle: la pratique du sport permet d’avoir
une visibilité sociale, une visibilité dans le
social, ce qu’Hanna Arendt appelle la gloire, la
manifestation de soi comme un humain qui a du
poids.» (Sticker, 2010, p.39)
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