Une histoire de la musique au Moyen-Age
A l'aube du Moyen-Age, les origines de la musique chrétienne
Pendant les trois premiers siècles de notre ère, les cérémonies de la jeune église chrétienne se sont
inspirés du culte pratiqué par les juifs dans les synagogues. Les chants des catacombes ces
cimetières souterrains dans lesquels les premiers chrétiens se réunissaient en secret sont
directement inspirés des modèles juifs : les cantillations sont des chants récités sur un ton
monocorde, appelées encore psalmodies, tandis que dans les chants responsoriaux, le soliste chante
et le refrain est repris par tous les fidèles (on parle aussi de chants antiphoniques lorsque deux
groupes se répondent).
Les premières cérémonies chrétiennes empruntent au vocabulaire hébreu : « Hosanna », « Amen »,
« Alleluia » qui sont chantés très tôt sous forme de mélismes, vocalises sur une syllabe du texte.
Selon les mots de Saint-Augustin « celui qui jubile ne prononce pas de paroles mais exprime sa joie
par des sons inarticulés ».
La paix chrétienne
En 313, l'empereur Constantin rend la paix à l'église de Rome en reconnaissant officiellement sa
pratique. Alors que commencent les premières invasions de peuples appelés Barbares (en grec,
barbare signifie étranger), le christianisme devient religion d'Etat dans l'empire romain. Mais la
musique religieuse qui sert de support aux textes possède dans chaque région où elle est chantée ses
caractéristiques propres (chants ambrosiens, beneventains, gallicans, mozarabes, vieux romains...) .
Il apparaît en particulier une grande distinction entre la branche latine, issue de Rome, et la branche
byzantine dans laquelle l'influence des civilisations d'Orient est considérable.
A cette époque (et cela restera ainsi jusqu'au 9ème siècle), la musique est monodique à une seule
voix -. Il s'agit de chants sans accompagnement instrumental (interprétés a capella) ou de chants
collectifs à l'unisson (plusieurs voix font entendre le même son).
La musique grégorienne à l'époque du Royaume des Francs
Au cours du 5ème siècle, la Gaule est envahie par des peuples barbares venus de l'Est de l'Europe ;
le pays est désorganisé. Seule l'Eglise maintient son administration dans les villes résident ses
évêques et autour des monastères.
Parmi ces brassages d'idées, de peuples et de coutumes, dans le tumilte des guerres, un homme
exceptionnel, le pape Grégoire le Grand, s'efforce de regrouper les rois barbares sous l'autorité de
Rome. Avant d'être élu par ses pairs, les sept ans qu'il a passés à Constantinople (Byzance) comme
légat du Pape lui ont permis de découvrir la richesse de la civilisation musicale d'Orient. Elu pape
en 590, il crée un véritable Etat (l'Etat Pontifical, aujourd'hui le Vatican) et il fonde à Rome une
école de chant religieux, la Scola Cantorum. Sous sa papauté s'établissent une musique rituelle et
une pratique religieuse uniques et « définitives ». Ses réformes sont multiples : le latin est imposé à
l'église chrétienne; tout est fait pour réaliser l'union du chant romain et des traditions locales ; les
anciens chants sont repris et corrigés. Grégoire en compose de nouveaux et crée un antiphonaire,
ancêtre du missel dans lequel sont notés l'organisation des offices, les principales prières, les
lectures et les chants. Le chant liturgique ainsi unifié par Grégoire le Grand sera dénommé « chant
grégorien » ; trois siècles seront nécessaires pour qu'il trouve sa forme définitive et s'impose dans
tout l'occident chrétien. On l'appelle aussi « plain-chant ». Dans les églises, la place l'on
chantait le plain-chant a pris le nom de « chœur ».
Mais ce n'est pas la seule réalisation du Pape Grégoire : pour la première fois, il nomme les notes de
musique en les désignant par des lettres : A, B, C, D, E, F, G, une notation encore utilisée par les
anglo-saxons de nos jours et qui correspond à nos notes la, si, do, ré, mi, fa, sol. Ces dernières ont
été « inventées » bien plus tard, autour de l'an mille, par le musicologue Guido d'Arezzo qui a
repris les premières syllabes des vers de l'hymne de Saint Jean Baptiste :
UT queant laxis, REsonare fibris, MIra gestorum, FAmuli tuorum, SOLve pollutis, LAbii
reactume. Il manque le SI, la note « sensible » de la gamme d'UT (Ut = Do) qui ne recevra son nom
que plus tard, selon certains des initiales de Saint Jean.
Peu à peu, comme les phrases musicales se compliquent, elles
deviennent plus difficiles à retenir : il est alors indispensable
d'utiliser une notation pour garder une trace de ces chants : les
premières notations apparaissent au 9ème siècle : ce sont les
neumes. Il s'agit d'une suite de barres et de points qui
représentent la ligne mélodique, sans indication précise de
hauteur ou de durée. Autre idée pour aider la mémorisation des
longues vocalises chantées sur le mot « Alleluia » : le moine
Notker, de l'abbaye de Jumièges, près de Rouen, adapte des
paroles à la mélodie, chaque syllabe correspondant à une note. C'est la naissance du
trope... Ainsi se superposaient parfois un texte sacré et un texte profane chantés sur une mélodie
identique !
Les papes qui succèdent à Grégoire continuent son action et réussissent à élaborer un ensemble
liturgique fixe. Sous les rois francs de la dynastie carolingienne - Pépin le Bref et surtout
Charlemagne -, l'enseignement est réorganisé et la musique y occupe une place importante au même
titre que l'astronomie, la géométrie et l'arithmétique., comme à l'époque de l'Antiquité.
Autour des cathédrales
A partir du 12ème siècle, une nouvelle civilisation se développe dans les villes. En effet, les
bourgeois et les marchands qui s'enrichissent par le commerce ne participent pas au système féodal.
Autour des cathédrales qui se bâtissent dans la France du Nord surtout, apparaissent de véritables
centres intellectuels et parfois même des Universités.
Au 9ème siècle, le drame liturgique cherchait encore, à travers un dialogue entre le prêtre et les
fidèles, a donné une représentation du mystère chrétien.
Progressivement, des chants collectifs indépendants de la messe et une mise en scène plus élaborée
complètent le drame liturgique. Celui-ci se détache alors de l'office et quitte le chœur pour se porter
sur le parvis de l'église. Par certains aspects, on peut dire que le drame liturgique du Moyen-Age est
l'ancêtre de l'opéra occidental.
Hors de l'église, la musique est reprise par les goliards, les jongleurs, les ménestrels, les
troubadours comme le fameux Bertrand de Ventadour et les trouvères tel Adam de la Halle ;
elle se complexifie, devient polyphonique. En opposition avec les chants sacrés de l'Eglise se
développe une littérature poétique et une musique profane. Dorénavant, les partitions sont signées
d'un compositeur.
Les chevaliers et les puissants seigneurs comme Richard Cœur de Lion, Roi d'Angleterre, aiment à
entendre chanter et chantent eux-mêmes l'esprit chevaleresque des croisades dans les « chansons de
geste » ainsi que dans les chants d'amour courtois.
Sous Philippe-Auguste, Paris devient un véritable centre culturel. Deux musiciens, Léonin et
Perotin, ont attaché leur renommée à l'Ecole de Notre-Dame, rassemblement de compositeurs qui
porte le nom de la cathédrale de Paris dont la reconstruction commence en 1163. Avec ces deux
compositeurs est atteinte l'apogée de « l'Ars Antiqua » ; ils perfectionnent l'écriture polyphonique :
l'organum, par exemple, est l'un des genres les plus accomplis de la musique médiévale savante. Le
motet apparaît également : il s'agit d'une composition musicale dans laquelle, simultanément,
chacune des voix chante un texte différent. La notation rythmique devient plus précise, permettant
plus de variété dans l'écriture musicale. Désormais, l'Eglise accepte aussi l'usage d'instruments de
musique pendant le culte.
Liant avec génie musique et poésie, Adam de la Halle (1240-1285) est le premier musicien à la
fois trouvère et polyphoniste. Avec lui s'achève le classissisme médiéval ; il donne naissance à une
musique nouvelle animée par les « modernes » : l'Ars Nova.
Neumes
L'Ars Nova
Au 14ème siècle, l'avènement de l'art musical moderne, ou Ars Nova, fut en quelque sorte à l'Ars
Antiqua ce que le style gothique fut au style roman. Il se substitua à l'ancienne manière par une
évolution du goût et de la sensibilité et non par une rupture. Philippe de Vitry (1291/1361) est
l'auteur d'un célèbre traité, Ars Nova Musicae, qui déclenche un grand mouvement de renouveau
musical. L'Ars Nova apporte des innovations dont les plus précieuses concernent la rythmique et la
notation : les notes sont désormais pleines ou évidées, rouges ou noires, et il est ainsi possible de
mieux écrire et lire leur durée. L'assouplissement de thèmes musicaux, affranchis des contraintes
musicales de l'art liturgique, agrémentés de nouveautés tonales, et l'individualisation des parties
d'accompagnement donnent naissance à une littérature instrumentale originale.
La première œuvre de l'Ars Nova est le « Roman de Fauvel » (vers 1315), qui est une critique de la
société : Fauvel est un âne qui devient roi grâce à Dame Fortune et auquel les nobles et les gens
d'Église rendent visite et hommage pour conserver leurs privilèges.
Guillaume de Machaut (vers 1300/1377) illustre magistralement les théories de Philippe de Vitry.
Il a écrit de nombreuses œuvres profanes, motets et ballades, et la première messe polyphonique
nommée « Messe de Notre-Dame ». C'est lui qui inaugure les entrées successives des voix.
L'Ars Nova annonce l'âge d'or de la polyphonie franco-flamande et anglaise du 15ème siècle dont
Guillaume Dufay (1400/1474) est le grand représentant. On peut aussi citer John Dunstable
(1380/1453) et Gilles Binchois (1400/1460). Dufay innove en bien des domaines : il apporte des
perfectionnements au contrepoint, liant davantage les différentes voix qui, tout en gardant leur
indépendance, peuvent être entendues simultanément. Il libère la technique du rythme, abandonnant
le rythme unique (isorythmie) pour l'emploi de plusieurs rythmes (polyrythmie).
Les musiciens de cette période ont jeté les bases de l'écriture polyphonique et polyrythmique sans
lesquelles Bach n'aurait pu construire son œuvre monumentale.
La fin du Moyen-Age musical
Après l'Ars Nova, le temps des grandes innovations dans la technique et l'écriture musicales
s'achève... pour quelques temps. Bien que très respectueux des styles dont ils ont hérité, les
successeurs de Machaut et Dufay portent leurs efforts sur l'expressivité. Le message musical de
Josquin des Prés, d'Ockeghem, d'Obrecht, fait entendre une sonorité qui est déjà celle de la
Renaissance.
Document rédigé à partir des ouvrages suivants :
La Musique – Maurice Leroux – Editions Retz 1979
L'Histoire de la Musique / La Musique dans l'Histoire – Thierry Bernardeau et Marcel
Pineau - Editions Hatier1987
Université d'Oxford - Dictionnaire encyclopédique de la musique – sous la direction de
Denis Arnold – Editions Robert Laffont collection Bouquins 1988
Les instruments du Moyen-Age
On distingue dans l'instrumentarium médiéval, les « hauts » et les « bas » instruments, définis selon
leurs emplois et leurs sonorités : hauts instruments pour le plein air comme les tambours, les
cornemuses, les trompettes, et bas instruments pour la musique d'intérieur, luth, vièle, guiterne...
Les cordophones, instruments à cordes
La lyre est l'un des instruments les plus anciens. On trouve les premières
représentations de cet instrument dans la civilisation sumérienne, il y a
plus de 5000 ans. On distingue la lyre de type « luth », avec sa caisse de
résonance surmontée d'un manche et répandue dans le sud, et la lyre de
type « lyre », du nord, dont la caisse de résonance est prolongée de deux
montants reliés entre eux par une traverse.
Le luth est aussi un instrument très ancien dont on trouve trace dès l'Egypte des Pharaons. La
famille des luths, cordophones les plus répandus dans le monde, regroupe des instruments à cordes
pincées ou grattées, constitués d'une caisse de résonance et d'un manche.
La caisse, à fond plat ou bombé, adopte des formes extrèmement variées.
Rapporté en occident par les chrétiens au retour des croisades, le luth
descend d'un instrument persan ou arabe joué depuis l'Antiquité : l'Oud.
A la fin du Moyen-Age, le luth est un instrument domestique,
accompagnateur privilégié du chant et de la danse. Il est en forme de
demi-poire avec un manche à frettes et un cheviller à angle droit.
La guitare vient probablement d'Orient, introduite par les Arabes à travers l'Espagne. La guitare
mauresque, qui se distingue par son fond bombé, deviendra au 15ème siècle la mandole ou
mandore ; la guitare latine ou vihuela, à caisse plate, est l'ancêtre de la guitare moderne.
Citole et guitterne sont des instruments médiévaux à cordes pincées, du type guitare ou luth, mais
qui ne sont pas identifiés ni différenciés avec certitude.
Les vièles sont très répandues : ce sont des instruments à cordes et archet,
ancêtres du violon, venues d'Orient et multiformes. La vièle à archet est l'un
des principaux instruments dans l'Europe du Moyen-Age.
Le rebec est un violon dont le nom apparaît pour la première fois à la fin du
13ème siècle sous la forme « rubebe » : ce terme indique une parenté initiale
avec les divers instruments arabes à archets appelés « r'bâb ».
Principalement employé pour des festivités campagnardes, il est joué à
l'épaule par des ménestrels et musiciens de condition modeste.
La vielle à roue est apparue au 10ème siècle en France ;
elle est aussi connue sous les noms d'organistrum ou de chifonie. Sa roue,
actionnée au moyen d'une manivelle, frotte deux cordes mélodiques commandées
par un clavier tandis que d'autres cordes bourdons tiennent une basse continue.
Le psaltérion est la principale cithare médiévale, un instrument à
cordes sur table de résonance plane hérité des cithares du Moyen-
Orient. On jouait généralement de cet instrument avec deux becs de
plume (plectres) et le son devait donc être assez doux. C'est l'ancêtre le
plus direct du clavecin, instrument à cordes pincées et à clavier,
apparaît en 1404 sous le nom de clavicymballum. Il sera l'instrument
« roi » de la musique baroque.
Le tympanon, du santour iranien, s'est répandu en Europe à partir du 10ème siècle. Cet
instrument ressemble au psaltérion mais sa caisse est trapézoïdale, et surtout, le musicien frappait
les cordes avec des baguettes terminées en cuillères. Considéré comme l'ancêtre le plus direct du
piano, il est toujours joué dans les Balkans sous le nom de cymbalum.
Le crwth (il n'y a pas de faute de frappe !) a été joué à partir du 12ème siècle au
Pays de Galles et en Irlande ; c'est une lyre à archet comportant quatre cordes et
deux bourdons qui accompagnait le chant des bardes.
Crwth
La harpe est populaire depuis l'Egypte ancienne : elle accompagne les danses,
souvent associée aux flûtes, castagnettes et cithares. Au Moyen-Age, elle accompagne le chant des
ménestrels ; elle entre ensuite progressivement dans les cours elle devient un instrument soliste
noble.
Un curieux instrument, la trompette marine, est employé dans les
couvents au 13ème siècle. Il s'agit d'une longue caisse de résonance
surmontée d'un grand manche ; l'instrument mesure deux mètres de
long. Une grosse corde en boyau est frottée à l'aide d'un archet. Ce
n'est donc ni une trompette ni un instrument marin... mais le son émis
ressemble à celui d'une trompette et « marine » serait une mauvaise
traduction de « mariale » donc dédiée à Marie...
Vièle et guitterne
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