« psychopathes instables » de Kraeplin, 1899, « écolier
instable » de Paul et Philippe Boncour (1905), « enfant
turbulent » de H. Wallon (1925), « hyperkinésie » (Eisen-
berg, 1957) ; « syndrome hyperkinétique » des auteurs
anglais, « instabilité psychomotrice » (G. Heuyer, 1914)
en France, et enfin hyperactivité.
La question de la vision syndromique ou symptomati-
que du trouble a également très vite fait débat : d’une
description initialement purement symptomatique (chez
des auteurs comme Bourneville (1897) qui décrivent ce
trouble chez des enfants arriérés), on arrive rapidement à
une conception plus syndromique, en lien non seulement
avec l’association remarquée de plusieurs types de com-
portement (hyperactivité, impulsivité, défaut d’attention)
mais aussi en fonction du risque évolutif constaté chez ces
enfants, comme le risque accru de développer des condui-
tes antisociales.
Enfin, la question de l’organogenèse ou de la psycho-
génèse a été très vite posée, avec en particulier un fort
courant organiciste pendant toute la première moitié du
XX
e
siècle. C’est un médecin anglais du nom de Still qui
parle le premier de Brain Damage Syndrom, pour décrire
une hyperkinésie motrice secondaire chez des enfants
traumatisés crâniens ou ayant eu une méningo-
encéphalite. En 1937, Bradley, un autre médecin anglais
mène une étude princeps où il montre l’amélioration
paradoxale des troubles du comportement et des perfor-
mances scolaires par la prescription d’amphétamines
(benzédrine, DL-amphétamine). C’est la première étape
dans l’hypothèse d’une participation neurobiologique
dans ce trouble.
En 1947, Strauss et Lehtinen décrivent le syndrome de
Minimal Brain Injury (lésions cérébrales a minima), attri-
buant les troubles à des lésions cérébrales a minima,
passées inaperçues, et responsables des désordres cogni-
tifs et perceptivo-moteurs chez ces enfants.
Cette notion est remplacée en 1963 par celle de Mini-
mal Brain Dysfunction de Baxs et Mackeith. L’acceptation
de l’étiologie organique est alors tellement forte que le
« dysfonctionnement cérébral minime » devient l’équiva-
lent du syndrome hyperkinétique dans la nosographie
anglo-saxonne. Ces auteurs s’appuient sur la présence de
signes neurologiques mineurs (soft signs) présents de fa-
çon plus fréquente pour étayer leur théorie.
À la fin des années 60, c’est le déclin des théories
organogéniques, au profit d’auteurs comme le célèbre
pédiatre et psychanalyste anglais, Donald W. Winnicott,
qui souligne l’aspect psychoaffectif du trouble qui témoi-
gne selon lui d’un conflit affectif non encore élaboré par
l’enfant et contre lequel il lutte. L’hyperactivité peut être
vue comme un moyen de défense pathologique pour ne
pas être submergé par des affects douloureux. Elle serait
donc plutôt à comprendre comme l’expression sympto-
matique de perturbations concernant l’organisation même
de la personnalité. Dans la même lignée, Jean Bergès et
Hubert Flavigny vont insister sur le fait que l’instabilité de
l’enfant fait appel au corps de celui qui l’apprécie, qui la
supporte. Ils posent ainsi la question de la tolérance du
milieu face à ce trouble qui « vient frapper le regard,
l’ouïe, le tact », et mettent en avant le caractère intrinsè-
quement interactif du trouble qui n’est pas « solitaire ». Ils
évoquent la dimension d’excitation corporelle peu élabo-
rable présente dans ce trouble, ainsi que le lien de dépen-
dance qui est maintenu très fortement par le fait que ces
enfants doivent être surveillés en permanence. Bref, c’est
l’aspect interactif et de pathologie du lien qui est évoqué.
Pour finir ce rappel historique, citons les travaux psy-
chopathologiques d’orientation systémique, qui mettent
en avant le rôle potentiellement stabilisateur de l’enfant
hyperkinétique permettant de maintenir l’équilibre fami-
lial en détournant par ses frasques l’attention des problè-
mes conjugaux, et faisant ainsi réaliser au couple l’écono-
mie de ses propres tensions.
Données épidémiologiques
et nosographie
Même si ce syndrome est reconnu depuis la fin du XIX
e
siècle, sa définition et ses critères ont été l’objet de nom-
breux débats. Il ne fait son entrée dans la nosographie
américaine que dans la deuxième version du Manuel
diagnostique et statistique des troubles mentaux, en 1968,
sous la terminologie « réaction hyperkinétique de l’en-
fance ou de l’adolescence ». Dans la troisième version,
c’est le trouble de l’attention qui est mis en avant, et dans
la version actuelle, quatrième édition du Manuel diagnos-
tique et statistique des troubles mentaux dit DSM IV (Ame-
rican Psychiatric Association, 1994), les deux dimensions
sont retenues avec trois sous-types : on parle alors de
« trouble déficitaire de l’attention/hyperactivité » (TDAH),
avec inattention prédominante, avec hyperactivité prédo-
minante, ou de forme mixte [2].
La dixième révision de la Classification internationale
des maladies de l’OMS (ICD-10, 1992) retient quant à elle
comme catégorie diagnostique les « troubles hyperkinéti-
ques » [3]. Quant à la classification française des troubles
mentaux de l’enfant et de l’adolescent (CFTMEA R-2000),
d’inspiration psychodynamique et qui s’inscrit dans une
approche pluridimensionnelle à travers laquelle tous les
psychiatres peuvent communiquer, elle retient le diagnos-
tic de « trouble hyperkinétique » au sein d’une catégorie
plus large de troubles des conduites et du comportement
[4]. Une enquête nationale ayant eu lieu en France en
1998 utilisant cette classification chez des enfants dits
hyperkinétiques concluait que dans deux tiers des cas, ce
syndrome était à relier à une autre pathologie (névrotique
ou organisation limite de l’enfance), et que dans un tiers
des cas seulement il constituait le diagnostic principal.
Selon le DSM IV, la prévalence du trouble est estimée
entre 3 et 5 % des enfants d’âge scolaire ; il est beaucoup
Hyperactivité et trouble de l’attention chez l’enfant
mt pédiatrie, vol. 8, n° 1, janvier-février 2005
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