L`ère des infections mortelles

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Datum: 03.09.2016
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Medientyp: Tages- und Wochenpresse
Auflage: 14'406
Erscheinungsweise: 3x wöchentlich
Themen-Nr.: 531.022
Abo-Nr.: 1094457
Seite: 20
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L'ère des infections mortelles
Avant la découverte de la pénicilline, on pouvait mourir
à cause d'une coupure au doigt. Mais à force du mauvais
usage des antibiotiques, les bactéries sont devenues
résistantes. L'on risque bien de revenir dans cette ère
où les infections pouvaient être mortelles.
Dans ce test de diagnostic de résistance, trois des antibiotiques (les petites pastilles) n'agissent plus sur la bactérie Escherichia coli
qui provoque des gastroentérites et des infections urinaires.
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médias, ou alors de manière erra- et les opérations cardiaques. Souvent,
tique», indique le médecin. L'OMS
estime pourtant à 25000 le nombre
de personnes qui décèdent à cause
de bactéries résistantes en Europe.
la dernière chance de survie de nombreux patients sera remise en cause.
Même des soins hospitaliers courants
comme l'introduction de cathéters
Patrice Nordmann n'ose pas être deviendront dangereux.
aussi précis. «Des personnes âgées
hospitalisées peuvent mourir d'une Pas de plan B
pneumonie sans que nous sachions
Hélas, de plan B à actionner immévant la généralisa- que la cause est l'antibiorésistance diatement - soit sortir de sa trousse
tion des antibiotiques, après la Se- de la bactérie responsable. Difficile, un nouvel antibiotique capable de
conde Guerre mondiale, on mourrait donc, de donner un chiffre.»
détruire ces bactéries mutantes - il
d'une coupure au doigt, d'une maun'y en a pas. Et il faut compter quinze
vaise toux, d'avoir mis un enfant au Evolution irréversible
ans et un milliard de dollars pour
monde. Demain (pas après-demain),
Reste que, chaque jour, de nou- produire une nouvelle molécule. «Les
une pneumonie ou une simple infec- velles souches de bactéries résis- industries pharmaceutiques ont pour
tion urinaire pourra à nouveau nous tantes apparaissent et se propagent. l'instant d'autres priorités, souligne
envoyer droit dans la tombe. «La si- Des bactéries que même les antibio- Patrice Nordmann. Développer des
tuation est sérieuse, je vous l'assure», tiques dits de la dernière chance,
confie Patrice Nordmann, chef de la comme la colistine, ne parviennent
chaire de microbiologie de l'Université plus à détruire. «Si l'évolution de l'ande Fribourg. D'ailleurs, aujourd'hui tibiorésistance est lente, elle n'en est
déjà, des grands brûlés décèdent pas moins irréversible et inexorable.
parce que plus aucun antibiotique En 2009, trente patients suisses étaient
ne parvient à guérir leurs infections. porteurs de certaines bactéries réCar à force d'être confrontées aux sistantes - productrices d'enzymes
antibiotiques, les bactéries ont trouvé détruisant toutes les pénicillines. En
la parade pour y résister. C'est un 2015, ils étaient au moins 400.»
phénomène naturel, mais qui est acLe professeur Nordmann et son
céléré par l'usage excessif et abusif adjoint le Dr Laurent Poirel ont mis
des antibiotiques (voir ci-dessous). au point des tests de diagnostic rapide
Le professeur Nordmann n'est pas le de multirésistance aux antibiotiques,
seul à s'alarmer. L'Organisation mon- dont la diffusion est désormais interdiale de la santé (OMS) relève que «la nationale et de référence, notamment
résistance aux antibiotiques constitue aux Etats-Unis. Ils reçoivent pour
aujourd'hui l'une des plus graves me- analyse de nombreuses souches bac-
naces pesant sur la santé mondiale. tériennes du monde entier comme
Si nous ne réagissons pas immédia- de Suisse. «Je peux donc vous dire
tement, nous entrerons bientôt dans qu'il y a là un vrai problème! Toute la
une ère postantibiotique dans laquelle médecine moderne depuis 1945 déles infections courantes et les trau- pend d'antibiotiques efficaces. Que
matismes mineurs pourront de nou- ce soit à titre de prévention de l'inveau être mortels.»
fection, lors de chirurgies abdomiLes scientifiques donnent l'alerte nales par exemple, ou pour traiter
depuis une dizaine d'années. «Mais des patients infectés. Donc sans ancomme il ne s'agit pas d'un problème tibiotique, pas de greffe, pas de chitrès rapidement épidémique, comme rurgie lourde.»
le virus Zika, et que les morts ne s'acLes césariennes ou les implantacumulent pas encore, les avertisse- tions de prothèses deviendront trop
ments ne sont pas relayés dans les risquées, comme les chimiothérapies
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médicaments pour le diabète ou l'hypertension est beaucoup plus renta-
ble, car il s'agit de maladies chroniques avec une prise de médicaments
au quotidien pendant parfois trente
ans.»
La bataille est toutefois engagée.
L'OMS a lancé son plan d'action mondial. En novembre, le Conseil fédéral
a approuvé la stratégie Antibiorésistance StAR, qui compte 35 mesures
réparties en différents domaines d'action. Le Fonds national suisse a de
son côté lancé un nouveau Programme national de recherche sur le
sujet. Et puis, le 21 septembre, les di-
rigeants du monde se réuniront à
New York, lors de l'Assemblée générale des Nations Unies, pour s'engager
à combattre ensemble «cette grave
menace mondiale pour la santé publique».
En attendant, certains scientifiques
explorent des pistes pour trouver
des alternatives aux antibiotiques.
L'une d'elles est issue de la médecine... d'avant la découverte de la
pénicilline. Ironie du sort. Il s'agit de
la phagothérapie, qui consiste à utiliser certains virus, les phages, pour
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s'attaquer aux bactéries. On trouve
ces phages en grande quantité dans
la nature, particulièrement dans les
eaux usées. La phagothérapie était
largement utilisée dans les années
Des essais cliniques sont actuelle- de la nature. Tout reste à faire.
Par contre, il est possible de rendes grands brûlés, sur les patients in- forcer l'hygiène dans les hôpitaux,
fectés par les bactéries résistantes. d'améliorer l'usage des antibiotiques
Le développement de la phagothéra- (qu'en cas de nécessité, avec le bon
encadré).
vent breveter des molécules issues soutenir la recherche..
ment menés au CHUV, dans le service
1930 et 1940, mais a été abandonnée pie se heurte toutefois au manque antibiotique à la dose convenable
à la découverte de la pénicilline (voir d'intérêt des laboratoires, qui ne peu- pour une durée appropriée), et de
«Il y a là un vrai problème! Toute la médecine moderne depuis 1945 dépend d'antibiotiques efficaces. Sans antibiotique, pas
de greffe, pas de chirurgie lourde.»
PROFESSEUR PATRICE
PATRICENORDMANN
NORDMANN
PROFESSEUR
A la recherche des coupables
Comment en est-on arrivé à la porte de l'ère postantibiotique,
dans laquelle «les infections courantes et les traumatismes mi-
neurs pourront de nouveau être mortels»? A cause du
mécanisme de survie des bactéries d'abord, qui, attaquées,
vont développer une résistance. Et du mauvais usage quasi
quotidien des antibiotiques, ensuite. En recevant le Prix Nobel
en 1940, Alexander Fleming prévenait: «Il n'est pas difficile de
rendre les microbes résistant à la pénicilline.11 suffit de les exposer à des concentrations ne suffisant pas à les tuer. Si vous
utilisez de la pénicilline, utilisez-en assez.» Mais pas trop non
plus, aurait-il dû ajouter. Son utilisation massive et répétée en
santé humaine et animale a augmenté le nombre de bactéries
n'avons relevé aucune bactérie de résistance transférable à la
colistine... La transmission par l'animal est une théorie séduisante, le coupable étant toujours l'autre.»
Pour le médecin, le coupable demeure très majoritairement
l'homme. La propagation des bactéries résistantes est la plus
importante dans les pays d'Asie - notamment en Asie du SudEst, où les antibiotiques sont délivrés sans ordonnance - en
Afrique, en Grèce et en Italie, où le manque d'hygiène et
Patrice Nordmann vient de montrer dans deux études réalisées
au CHUV, à Coppet et à Geneve, que cette transmission était
l'usage déraisonnable des antibiotiques dans les hôpitaux est
généralisé, indique le professeur Nordmann. Le problème se
cristallise en effet dans les hôpitaux. Ily a là une concentration
de malades sévères, additionnée au fort pouvoir de dissémination des bactéries par contact physique.
«Le problème devient particulièrement aigu tout proche de
chez nous, en Italie. Il faut donc absolument renforcer les mesures d'hygiène dans les hôpitaux et dépister au plus vite les
porteurs de bactéries résistantes, afin de les isoler du reste
des patients, souligne le chercheur. C'est le seul moyen, actuellement, de contenir en Suisse - je ne dis pas de régler - le
problème de l'émergence des multirésistances aux antibio-
très faible. «Sur les 2500 souches urinaires testées, nous
tiques.» PR
résistantes.
D'après l'OMS, au moins 50% des antibiotiques produits
dans le monde sont destinés aux animaux. Les chercheurs ont
longtemps soupçonné que la transmission de bactéries résistantes de l'animal à l'homme était possible, via la consommation
de viande ou de lait contaminés. Cependant, le professeur
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La pénicilline, fruit du hasard
Le premier antibiotique identifié fut la pénicilline. Si les paysans européens ou les cavaliers arabes utilisaient depuis des siècles des moisissures
prélevées sur le pain ou les harnais des chevaux pour prévenir l'infection
des plaies, si dès la fin du XIXe siècle Ernest Duchesne découvrit les propriétés curatives de Penicillium glaucum, la découverte de la pénicilline
est à mettre au crédit de sir Alexander Fleming. Un hasard.
En 1928, il s'aperçut que certaines de ses cultures bactériennes dans
des boîtes oubliées avaient été contaminées par les expériences de son
voisin de paillasse étudiant le champignon Penicillium notatum et que
celui-ci inhibait leur reproduction. Mais l'importance de cette découverte
et ses utilisations médicales ne furent comprises et élaborées qu'après sa
redécouverte, entre les deux grandes guerres. En 1939 en effet, Howard
Florey et Ernst Boris Chain parviennent à produire la pénicilline à grande
échelle. La pénicilline est utilisée à partir de 1943 dans les armées alliées,
mais reste rare et donc réservée aux militaires, à en croire Wikipedia.
Elle fut disponible en pharmacie en 1946, permettant désormais de guérir
pneumonies et infections du sang.
Les antibiotiques ont augmenté l'espérance de vie d'environ quinze
ans. En comparaison, un médicament qui guérirait 100% des cancers
ne l'augmenterait que de cinq ans. L'ère postantibiotique qui semble
nous attendre représenterait donc un saut en arrière de septante ans. PR
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