Datum: 03.09.2016 La Gruyère 1630 Bulle 026/ 919 69 00 www.lagruyere.ch Medienart: Print Medientyp: Tages- und Wochenpresse Auflage: 14'406 Erscheinungsweise: 3x wöchentlich Themen-Nr.: 531.022 Abo-Nr.: 1094457 Seite: 20 Fläche: 130'722 mm² L'ère des infections mortelles Avant la découverte de la pénicilline, on pouvait mourir à cause d'une coupure au doigt. Mais à force du mauvais usage des antibiotiques, les bactéries sont devenues résistantes. L'on risque bien de revenir dans cette ère où les infections pouvaient être mortelles. Dans ce test de diagnostic de résistance, trois des antibiotiques (les petites pastilles) n'agissent plus sur la bactérie Escherichia coli qui provoque des gastroentérites et des infections urinaires. Medienbeobachtung Medienanalyse Informationsmanagement Sprachdienstleistungen ARGUS der Presse AG Rüdigerstrasse 15, Postfach, 8027 Zürich Tel. 044 388 82 00, Fax 044 388 82 01 www.argus.ch Argus Ref.: 62637473 Ausschnitt Seite: 1/4 Datum: 03.09.2016 La Gruyère 1630 Bulle 026/ 919 69 00 www.lagruyere.ch PRISKA RAUBER Medienart: Print Medientyp: Tages- und Wochenpresse Auflage: 14'406 Erscheinungsweise: 3x wöchentlich Themen-Nr.: 531.022 Abo-Nr.: 1094457 Seite: 20 Fläche: 130'722 mm² médias, ou alors de manière erra- et les opérations cardiaques. Souvent, tique», indique le médecin. L'OMS estime pourtant à 25000 le nombre de personnes qui décèdent à cause de bactéries résistantes en Europe. la dernière chance de survie de nombreux patients sera remise en cause. Même des soins hospitaliers courants comme l'introduction de cathéters Patrice Nordmann n'ose pas être deviendront dangereux. aussi précis. «Des personnes âgées hospitalisées peuvent mourir d'une Pas de plan B pneumonie sans que nous sachions Hélas, de plan B à actionner immévant la généralisa- que la cause est l'antibiorésistance diatement - soit sortir de sa trousse tion des antibiotiques, après la Se- de la bactérie responsable. Difficile, un nouvel antibiotique capable de conde Guerre mondiale, on mourrait donc, de donner un chiffre.» détruire ces bactéries mutantes - il d'une coupure au doigt, d'une maun'y en a pas. Et il faut compter quinze vaise toux, d'avoir mis un enfant au Evolution irréversible ans et un milliard de dollars pour monde. Demain (pas après-demain), Reste que, chaque jour, de nou- produire une nouvelle molécule. «Les une pneumonie ou une simple infec- velles souches de bactéries résis- industries pharmaceutiques ont pour tion urinaire pourra à nouveau nous tantes apparaissent et se propagent. l'instant d'autres priorités, souligne envoyer droit dans la tombe. «La si- Des bactéries que même les antibio- Patrice Nordmann. Développer des tuation est sérieuse, je vous l'assure», tiques dits de la dernière chance, confie Patrice Nordmann, chef de la comme la colistine, ne parviennent chaire de microbiologie de l'Université plus à détruire. «Si l'évolution de l'ande Fribourg. D'ailleurs, aujourd'hui tibiorésistance est lente, elle n'en est déjà, des grands brûlés décèdent pas moins irréversible et inexorable. parce que plus aucun antibiotique En 2009, trente patients suisses étaient ne parvient à guérir leurs infections. porteurs de certaines bactéries réCar à force d'être confrontées aux sistantes - productrices d'enzymes antibiotiques, les bactéries ont trouvé détruisant toutes les pénicillines. En la parade pour y résister. C'est un 2015, ils étaient au moins 400.» phénomène naturel, mais qui est acLe professeur Nordmann et son céléré par l'usage excessif et abusif adjoint le Dr Laurent Poirel ont mis des antibiotiques (voir ci-dessous). au point des tests de diagnostic rapide Le professeur Nordmann n'est pas le de multirésistance aux antibiotiques, seul à s'alarmer. L'Organisation mon- dont la diffusion est désormais interdiale de la santé (OMS) relève que «la nationale et de référence, notamment résistance aux antibiotiques constitue aux Etats-Unis. Ils reçoivent pour aujourd'hui l'une des plus graves me- analyse de nombreuses souches bac- naces pesant sur la santé mondiale. tériennes du monde entier comme Si nous ne réagissons pas immédia- de Suisse. «Je peux donc vous dire tement, nous entrerons bientôt dans qu'il y a là un vrai problème! Toute la une ère postantibiotique dans laquelle médecine moderne depuis 1945 déles infections courantes et les trau- pend d'antibiotiques efficaces. Que matismes mineurs pourront de nou- ce soit à titre de prévention de l'inveau être mortels.» fection, lors de chirurgies abdomiLes scientifiques donnent l'alerte nales par exemple, ou pour traiter depuis une dizaine d'années. «Mais des patients infectés. Donc sans ancomme il ne s'agit pas d'un problème tibiotique, pas de greffe, pas de chitrès rapidement épidémique, comme rurgie lourde.» le virus Zika, et que les morts ne s'acLes césariennes ou les implantacumulent pas encore, les avertisse- tions de prothèses deviendront trop ments ne sont pas relayés dans les risquées, comme les chimiothérapies Medienbeobachtung Medienanalyse Informationsmanagement Sprachdienstleistungen médicaments pour le diabète ou l'hypertension est beaucoup plus renta- ble, car il s'agit de maladies chroniques avec une prise de médicaments au quotidien pendant parfois trente ans.» La bataille est toutefois engagée. L'OMS a lancé son plan d'action mondial. En novembre, le Conseil fédéral a approuvé la stratégie Antibiorésistance StAR, qui compte 35 mesures réparties en différents domaines d'action. Le Fonds national suisse a de son côté lancé un nouveau Programme national de recherche sur le sujet. Et puis, le 21 septembre, les di- rigeants du monde se réuniront à New York, lors de l'Assemblée générale des Nations Unies, pour s'engager à combattre ensemble «cette grave menace mondiale pour la santé publique». En attendant, certains scientifiques explorent des pistes pour trouver des alternatives aux antibiotiques. L'une d'elles est issue de la médecine... d'avant la découverte de la pénicilline. Ironie du sort. Il s'agit de la phagothérapie, qui consiste à utiliser certains virus, les phages, pour ARGUS der Presse AG Rüdigerstrasse 15, Postfach, 8027 Zürich Tel. 044 388 82 00, Fax 044 388 82 01 www.argus.ch Argus Ref.: 62637473 Ausschnitt Seite: 2/4 Datum: 03.09.2016 La Gruyère 1630 Bulle 026/ 919 69 00 www.lagruyere.ch Medienart: Print Medientyp: Tages- und Wochenpresse Auflage: 14'406 Erscheinungsweise: 3x wöchentlich Themen-Nr.: 531.022 Abo-Nr.: 1094457 Seite: 20 Fläche: 130'722 mm² s'attaquer aux bactéries. On trouve ces phages en grande quantité dans la nature, particulièrement dans les eaux usées. La phagothérapie était largement utilisée dans les années Des essais cliniques sont actuelle- de la nature. Tout reste à faire. Par contre, il est possible de rendes grands brûlés, sur les patients in- forcer l'hygiène dans les hôpitaux, fectés par les bactéries résistantes. d'améliorer l'usage des antibiotiques Le développement de la phagothéra- (qu'en cas de nécessité, avec le bon encadré). vent breveter des molécules issues soutenir la recherche.. ment menés au CHUV, dans le service 1930 et 1940, mais a été abandonnée pie se heurte toutefois au manque antibiotique à la dose convenable à la découverte de la pénicilline (voir d'intérêt des laboratoires, qui ne peu- pour une durée appropriée), et de «Il y a là un vrai problème! Toute la médecine moderne depuis 1945 dépend d'antibiotiques efficaces. Sans antibiotique, pas de greffe, pas de chirurgie lourde.» PROFESSEUR PATRICE PATRICENORDMANN NORDMANN PROFESSEUR A la recherche des coupables Comment en est-on arrivé à la porte de l'ère postantibiotique, dans laquelle «les infections courantes et les traumatismes mi- neurs pourront de nouveau être mortels»? A cause du mécanisme de survie des bactéries d'abord, qui, attaquées, vont développer une résistance. Et du mauvais usage quasi quotidien des antibiotiques, ensuite. En recevant le Prix Nobel en 1940, Alexander Fleming prévenait: «Il n'est pas difficile de rendre les microbes résistant à la pénicilline.11 suffit de les exposer à des concentrations ne suffisant pas à les tuer. Si vous utilisez de la pénicilline, utilisez-en assez.» Mais pas trop non plus, aurait-il dû ajouter. Son utilisation massive et répétée en santé humaine et animale a augmenté le nombre de bactéries n'avons relevé aucune bactérie de résistance transférable à la colistine... La transmission par l'animal est une théorie séduisante, le coupable étant toujours l'autre.» Pour le médecin, le coupable demeure très majoritairement l'homme. La propagation des bactéries résistantes est la plus importante dans les pays d'Asie - notamment en Asie du SudEst, où les antibiotiques sont délivrés sans ordonnance - en Afrique, en Grèce et en Italie, où le manque d'hygiène et Patrice Nordmann vient de montrer dans deux études réalisées au CHUV, à Coppet et à Geneve, que cette transmission était l'usage déraisonnable des antibiotiques dans les hôpitaux est généralisé, indique le professeur Nordmann. Le problème se cristallise en effet dans les hôpitaux. Ily a là une concentration de malades sévères, additionnée au fort pouvoir de dissémination des bactéries par contact physique. «Le problème devient particulièrement aigu tout proche de chez nous, en Italie. Il faut donc absolument renforcer les mesures d'hygiène dans les hôpitaux et dépister au plus vite les porteurs de bactéries résistantes, afin de les isoler du reste des patients, souligne le chercheur. C'est le seul moyen, actuellement, de contenir en Suisse - je ne dis pas de régler - le problème de l'émergence des multirésistances aux antibio- très faible. «Sur les 2500 souches urinaires testées, nous tiques.» PR résistantes. D'après l'OMS, au moins 50% des antibiotiques produits dans le monde sont destinés aux animaux. Les chercheurs ont longtemps soupçonné que la transmission de bactéries résistantes de l'animal à l'homme était possible, via la consommation de viande ou de lait contaminés. Cependant, le professeur Medienbeobachtung Medienanalyse Informationsmanagement Sprachdienstleistungen ARGUS der Presse AG Rüdigerstrasse 15, Postfach, 8027 Zürich Tel. 044 388 82 00, Fax 044 388 82 01 www.argus.ch Argus Ref.: 62637473 Ausschnitt Seite: 3/4 Datum: 03.09.2016 La Gruyère 1630 Bulle 026/ 919 69 00 www.lagruyere.ch Medienart: Print Medientyp: Tages- und Wochenpresse Auflage: 14'406 Erscheinungsweise: 3x wöchentlich Themen-Nr.: 531.022 Abo-Nr.: 1094457 Seite: 20 Fläche: 130'722 mm² La pénicilline, fruit du hasard Le premier antibiotique identifié fut la pénicilline. Si les paysans européens ou les cavaliers arabes utilisaient depuis des siècles des moisissures prélevées sur le pain ou les harnais des chevaux pour prévenir l'infection des plaies, si dès la fin du XIXe siècle Ernest Duchesne découvrit les propriétés curatives de Penicillium glaucum, la découverte de la pénicilline est à mettre au crédit de sir Alexander Fleming. Un hasard. En 1928, il s'aperçut que certaines de ses cultures bactériennes dans des boîtes oubliées avaient été contaminées par les expériences de son voisin de paillasse étudiant le champignon Penicillium notatum et que celui-ci inhibait leur reproduction. Mais l'importance de cette découverte et ses utilisations médicales ne furent comprises et élaborées qu'après sa redécouverte, entre les deux grandes guerres. En 1939 en effet, Howard Florey et Ernst Boris Chain parviennent à produire la pénicilline à grande échelle. La pénicilline est utilisée à partir de 1943 dans les armées alliées, mais reste rare et donc réservée aux militaires, à en croire Wikipedia. Elle fut disponible en pharmacie en 1946, permettant désormais de guérir pneumonies et infections du sang. Les antibiotiques ont augmenté l'espérance de vie d'environ quinze ans. En comparaison, un médicament qui guérirait 100% des cancers ne l'augmenterait que de cinq ans. L'ère postantibiotique qui semble nous attendre représenterait donc un saut en arrière de septante ans. PR Medienbeobachtung Medienanalyse Informationsmanagement Sprachdienstleistungen ARGUS der Presse AG Rüdigerstrasse 15, Postfach, 8027 Zürich Tel. 044 388 82 00, Fax 044 388 82 01 www.argus.ch Argus Ref.: 62637473 Ausschnitt Seite: 4/4