Fiche à détacher et à archiver
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Fiche
N° 1
Surdosage en opioïdes : conduite à tenir
F. Knorreck, M. Denis, J.M. Gomas*
IDENTIFIER UN SURDOSAGE
Produits responsables
Agonistes purs
Morphine sous toutes ses formes : per os (Skenan
®
LP,
Moscontin
®
, Kapanol
®
LP, préparation magistrale (potion mor-
phinique, sirop), Sevredol
®
, Actiskenan
®
) ou injectable (chlor-
hydrate de morphine)
Oxycodone (Oxycontin
®
LP, Oxynorm
®
)
Hydromorphone (Sophidone
®
LP)
Fentanyl (Durogesic
®
)
Péthidine
Agonistes-antagonistes
Buprénorphine (Temgesic
®
)
Nalbuphine
Situations à risque
À l’instauration du traitement, non-respect des recomman-
dations : posologies le plus souvent non adaptées, trop fortes,
absence de prise en compte du terrain (personnes âgées, insuf-
fisance rénale, insuffisance hépatique), des interactions médi-
camenteuses (benzodiazépines, etc.).
Lors d’une augmentation trop rapide ou trop importante des
doses de base ou des interdoses, situation que l’on peut obser-
ver lorsque le mécanisme de la douleur n’est pas uniquement
un excès de nociception.
Lors de la présence de facteurs de risque d’accumulation du
morphinique, dominés par l’insuffisance rénale (prudence chez
les personnes âgées !).
Lors d’une prescription de fentanyl non précédée d’une phase
de titration avec une morphine à libération immédiate (Actis-
kenan
®
, Sevredol
®
, chlorhydrate de morphine) ou Oxynorm
®
.
Plus rarement, mais il faut toujours y penser, lors d’une erreur
de seringue ou d’administration dûment retrouvée et confirmée.
Cependant, gardons bien comme repère clinique que, pour des
douleurs nociceptives bien certaines, chez un patient recevant
des opioïdes selon des protocoles adaptés, mais qui demeu-
rent douloureux, les risques de surdosage sont très faibles.
Signes cliniques
Troubles de la vigilance
En général, ils précèdent les signes respiratoires et sont analy-
sés par rapport à une échelle de sédation :
S0 : patient réveillé ou pouvant être réveillé normalement ;
S1 : patient somnolent par intermittence et pouvant être
réveillé facilement ;
technique
Sous la responsabilité de leurs auteurs
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Le Courrier de l’algologie (5), n°1, janvier/février/mars 2006
* Centre de la douleur et de soins palliatifs, hôpital Sainte-Perine, Paris.
S2 : patient somnolent la plupart du temps et pouvant être réveillé
par la stimulation verbale ;
S3 : patient somnolent la plupart du temps et pouvant être réveillé
de façon très transitoire par la stimulation verbale ou tactile.
Troubles respiratoires
R0 : respiration régulière sans problèmes, fréquence respiratoire
(FR) > 10/mn ;
R1 : ronflements, FR > 10/mn ;
R2 : respiration irrégulière, obstruction, tirage, FR < 10/mn ;
R3 : pauses respiratoires vraies.
Signes non spécifiques
Ce sont des signes d’imprégnation qui se majorent en cas de surdo-
sage.
Myosis bilatéral, lorsqu’il est très serré (punctiforme) et aréactif ;
il doit faire rechercher un trouble de la vigilance et de la fréquence res-
piratoire. Cependant, attention aux patients également sous anti-
cholinergiques (surtout scopolamine, Scoburen
®
dans ce contexte),
ces médicaments entraînant une mydriase.
Myoclonies importantes (qui sont un signe d’imprégnation pas
toujours présent, mais qui doivent attirer l’attention lorsqu’elles sont
associées à un trouble de la vigilance).
Disparition d’une angoisse ou d’une agitation précédemment
connue (en dehors de leur traitement propre).
STRATÉGIES THÉRAPEUTIQUES
Fenêtre thérapeutique
Quand on se trouve dans les situations S1R1, S1R2 ou S2R1, on arrête
tout traitement morphinique et on attend l’élimination de la mor-
phine.
Ces situations nécessitent une surveillance rapprochée de la vigi-
lance et de la FR toutes les 30 mn.
Si le surdosage est confirmé (S2R2 ou plus) :
Protocole naloxone
Délai d’action de la naloxone :
en intraveineuse (i.v.) : 30 s à 2 mn ;
en intramusculaire (i.m.) ou en sous-cutané (s.c.) : 30 s à 3 mn.
Durée d’action :
en i.v. : 20 mn à 45 mn ;
en i.m. ou en s.c. : 2 h 30 à 3 h.
Voie veineuse possible :
Diluer une ampoule de naloxone (0,4 mg, soit 1 cc) dans 9 cc
de sérum physiologique pour obtenir une concentration de 0,04 mg/ml.
Injecter en i.v. directe cc par cc, toutes les 2 mn (ce qui correspond
au délai d’action maximal) jusqu’à ce que la FR soit supérieure à
10/mn.
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La dose nécessaire de naloxone est en moyenne d’une demi-
ampoule à deux ampoules ; elle peut atteindre 2 mg
(= 5 ampoules).
Si c’était bien un surdosage : le patient se réveille, bâille, reparle,
sa FR augmente quasiment immédiatement, la rapidité
d’effet étant un signe pathognomonique du surdosage.
Une fois la FR remontée à plus de 10/mn, deux possibilités
s’offrent : surveillance simple ou relais par seringue électrique.
Une surveillance rapprochée toutes les 15 mn pendant 1 à 2 h
sera instaurée en cas de surdosage avec un morphinique sous
forme à libération immédiate et sans facteur de risque d’accu-
mulation.
En cas de surdosage avec des formes LP per os, des formes
injectables (i.v. ou s.c.), du fentanyl, ou en cas de risque d’ac-
cumulation quels que soient la forme et le mode d’administra-
tion, prendre le relais par seringue électrique en i.v. selon la
posologie suivante : les deux tiers de la dose ayant permis une
bonne ventilation/heure, avec une surveillance de la vigilance,
de la FR, du pouls et de la tension artérielle toutes les 2 h, pen-
dant une durée dépendant du mode d’administration précédent
de l’opioïde (2 h à 4 h si i.v., 6 h si libération immédiate ou s.c.,
10 h à 12 h si libération prolongée, 16 h à 24 h si fentanyl).
Si voie veineuse impossible :
Choisir la voie s.c.
Il n’existe pas de consensus de procédure.
On injecte cc par cc toutes les 3 mn, jusqu’à remontée de la FR.
Le choix de relais ou non par la seringue électrique reste fondé
sur les mêmes conditions que pour la voie i.v.
Chez la personne âgée avec antécédents d’hypertension arté-
rielle ou de coronaropathie prouvée
Une titration trop rapide de naloxone peut entraîner une tachy-
cardie ou une poussée d’hypertension artérielle, avec risque de
souffrance coronarienne, qu’il faudra repérer et traiter sympto-
matiquement (nicardipine, O
2
, etc.). Ce risque ne doit en aucun
cas empêcher l’utilisation de la naloxone si un surdosage
opioïde la rend nécessaire.
La buprénorphine peut entraîner à forte dose un surdosage dif-
ficilement réversible sous naloxone.
Effets cliniques de la levée du surdosage
Hyperventilation, frissons, vomissements, agitation et anxiété
peuvent survenir, sans gravité.
Place du charbon activé (Carbomix
®
)
Dans les 15 mn suivant la prise accidentelle d’une dose de mor-
phine per os chez un patient qui ne présente pas de trouble de
la déglutition au préalable, le protocole est le suivant : 25 g à
50 g de Carbomix
®
dans 250 cc d’eau.
technique
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Quand doit-on hospitaliser ?
Pour tout surdosage à domicile.
Si surveillance impossible.
Si surdosage par fentanyl.
Si antécédents cardiovasculaires.
COMMENT RÉINTRODUIRE LES ANTALGIQUES ?
Quand une douleur réapparaît, si c’est à la fin de la titration par
la naloxone ou en cours d’administration continue de la
naloxone :
en milieu spécialisé avec une voie i.v., on retitre a minima
(0,5 mg par 0,5 mg toutes les 10 minutes) avec de la morphine ;
sans voie i.v., on peut titrer prudemment en s.c. (la technique
dépendra des circonstances de surdosage et des doses préa-
lables de morphine) ;
hors milieu spécialisé, essayer les antalgiques de palier 1 (para-
cétamol [Perfalgan
®
], etc.) ou 2 (néfopam [Acupan
®
], etc.) et
joindre une équipe spécialisée.
Quelle que soit la posologie moyenne antérieure de morphi-
niques, une nouvelle titration sera effectuée à des doses
moindres de 50 à 75 % des doses antérieures).
Si le surdosage était dû au fentanyl, ne pas remettre un patch
d’emblée, mais passer par une phase de titration à la morphine.
Remerciements au Pr D. Fletcher pour ses précieux conseils.
POUR EN SAVOIR PLUS...
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Martin WR, Lexington MD. Naloxone. Ann Int Med 1976;85(6):165-8.
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tic. Supplemented anesthesia. Anesth Analg Curr Res 1976;55(6).
Zenz M, Donner B, Strumpf M.Withdrawal symptoms during therapy with
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treatment in acute pain therapy. Clin Pharmacokinet 1997;33:225-44.
Chauvin M. Les morphiniques. Anesthésie et réanimation aujourd’hui. Paris :
Arnette, 1993.
Evaluation of antidotes series. Coll. IPCS/CEC. Cambridge University Press:
Cambridge, Vigreux B, Pelus E, Boschetti B, Henaoui A, Andhuy B, Etienne F
1993;I.
Traitements antalgiques médicamenteux des douleurs cancéreuses par excès
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tions 2002.
Choi YS, Billings JA. Les antagonistes des opiacés : une revue de leur rôle
en soins palliatifs, mise au point sur leur utilisation dans le traitement de la
constipation morphino-induite. J Pain Symptom Manage 2002;24:71-90.
Association morphine naloxone à faible dose : à propos de 14 patients pré-
sentant des effets indésirables dus aux morphiniques. Journal de Pharmacie Cli-
nique 2002;21(3).
Recommandations Afssaps 2002. Soins palliatifs : spécificité d’utilisation des
médicaments courants hors antalgiques. Bull Cancer 2003;90(3):255-67.
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