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Le phénomène d’empreinte génétique, un marquage différentiel de certaines
régions chromosomiques selon qu’elles proviennent du père ou de la mère, fait
qu’une mutation affectant ces régions peut avoir des conséquences dramatiquement
différentes en fonction de l’origine parentale. Enfin, de manière très surprenante, on
a trouvé que pour certains gènes, les manifestations cliniques pouvaient être
extrêmement différentes selon la nature de la mutation présente dans ce gène. A
l’opposé, des pathologies qui apparaissaient très spécifiques par leur combinaison
unique de symptômes, présentent une hétérogénéité génétique très importante, avec
dans certains cas plus de 10 gènes dont les mutations entraînent des maladies
cliniquement non distinguables. On s’aperçoit fréquemment dans ces cas que ces
différents gènes codent pour des protéines participant à une même fonction
cellulaire. Les maladies génétiques constituent de fait un puissant moyen
d’annotation fonctionnelle du génome, auxquels contribuent les patients et leurs
familles, leurs médecins, et les extraordinaires outils d’investigation disponibles
dans tous les domaines de la pathologie.
Toutefois, la génétique humaine reste essentiellement une science d’observation, où
l’aspect expérimental réside surtout dans la mise au point des outils d’observation
et d’analyse des données, ou dans l’organisation des études de cohortes de patients.
Pour accéder à des approches expérimentales plus interventionnelles, mais aussi
pour l’interprétation fonctionnelle des données issues du séquençage, il faut
recourir à la génétique des organismes modèles, de la levure (et même quelquefois
de la bactérie E. coli) à la souris, en passant par le nématode caenorhabditis
elegans, la mouche drosophile ou le poisson zèbre.
Le séquençage du génome humain n’est qu’un point de départ pour comprendre la
fonction normale de nos gènes, et le rôle de leurs variations dans la modulation de
fonctions physiologiques et dans les pathologies qui affectent l’homme. Parmi les
champs d’investigations que nous explorerons dans notre enseignement on peut
citer : que peut apporter la génétique humaine, et notamment l’exploration des
maladies génétiques responsables de déficits intellectuels, à la compréhension des
mécanismes qui sous-tendent les extraordinaires capacités cognitives de l’homme,
domaine pour lequel la contribution des organismes modèles, bien qu’extrêmement
utile, souffre de limitations évidentes ; l’explosion des études visant à identifier les
variations géniques qui rendent compte des prédispositions géniques aux maladies
communes, qui est d’un intérêt indiscutable pour la compréhension des mécanismes
pathogéniques, pourra t’elle réellement permettre de manière générale une
médecine prédictive et des traitements personnalisés, comme souvent annoncé de
manière peut être insuffisamment critique, et ne va t’on pas vers une génétisation
excessive, ou même une génomania ; quelles sont les perspectives de traitement
pour les maladies monogéniques, de la thérapie génique aux approches
pharmacologiques classiques ou à la thérapie cellulaire ; enfin, il sera capital
d’analyser les problèmes éthiques liés aux progrès rapides des connaissances et des
possibilités techniques d’analyse des variations du génome. Ces interrogations
nécessitent évidemment des approches multidisciplinaires, qui sont l’essence même
du Collège de France.