Complications neurologiques de la maladie de Lyme

Act. Méd. Int. - Neurologie (2) n° 6, juin 2001
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Généralités
La maladie de Lyme sur-
vient après une morsure de
tique. Elle est secondaire à
la pénétration dans l’orga-
nisme d’une bactérie de la
famille des spirochètes
appelée Borrelia burgdofe-
ri. La première description
de la maladie a été faite en
Europe, en 1922, par
Garin et Bujadoux. Ce n’est qu’en 1982
que William Burgdorfer isola la bactérie
responsable, permettant l’établissement
d’un sérodiagnostic. L’existence d’une
prévalence élevée de polyarthrite dans le
Connecticut (dans les communes de Lyme,
Old Lyme et East Haddam) quelques
années auparavant avait attiré l’attention
des épidémiologistes américains. La res-
ponsabilité de la morsure de tique a rapide-
ment été établie, ce qui déboucha sur la
création du sérodiagnostic. Récemment,
quatre espèces de bactéries ont été identi-
fiées par PCR (polymerase chain reaction) :
Borrelia burgdorferi stricto sensu, Borrelia
garinii, Borrelia afzelii et Borrelia japoni-
ca. La physiopathologie exacte de la mala-
die est inconnue. Une action directe de la
bactérie, associée à une inflammation et à
une réaction dysimmunitaire, est probable.
La maladie semble concerner essentielle-
ment l’hémisphère Nord, et la France est
une zone d’endémie avec environ
1 000 nouveaux cas par an.
La maladie de Lyme comporte des atteintes
cutanées, rhumatologiques, cardiaques et
neurologiques. On distingue habituelle-
ment une phase aiguë localisée (correspon-
dant à l’érythème cutané migrant), appelée
également phase primaire, une phase de
dissémination précoce (ou secondaire) et
une phase tardive (ou tertiaire). L’atteinte
neurologique, ou neuroborréliose (NB), est
la plus fréquente et complique l’évolution
de 10 à 40 % des patients présentant une
maladie de Lyme. La NB peut survenir à
n’importe quel stade de la maladie.
Manifestations cliniques
extra-neurologiques
La maladie de Lyme est une maladie
multiviscérale. La présence de signes
extra-neurologiques peut aider à orienter
le diagnostic.
Phase aiguë localisée : l’érythème
cutané migrant (EMC)
La maladie de Lyme débute dans deux tiers
des cas par une lésion cutanée patho-
gnomique, appelée érythème migrant, qui
survient quelques jours, voire quelques
semaines, après la morsure de tique. Il
s’agit d’une macule ou d’une papule éry-
thémateuse indolore de grande taille (géné-
ralement supérieure à 5 cm de diamètre).
C’est une lésion annulaire avec un dégage-
ment central.
Elle peut être unique en regard de la mor-
sure ou, dans 15 % des cas, multiple. Les
sites concernés sont le plus
souvent le haut de la cuisse,
l’aine, l’aisselle et le dos.
La lésion, peut persister
pendant des mois mais dis-
paraît généralement en
quelques semaines chez un
patient non traité. Cette
phase peut s’accompagner
de fièvre, de myalgies ou
d’arthralgies.
Autres atteintes cutanées
Le lymphocytome correspond à une pro-
lifération lymphocytaire bénigne atteignant
le derme ou le tissu sous-cutané. Il se situe
au niveau du lobe de l’oreille chez l’enfant
et des aréoles chez l’adulte. Il apparaît 6 à
12 mois après le début de l’infection.
L’acrodermatite chronique atrophiante
est plus connue. Elle apparaît des années
après le début de l’infection et se traduit
par une plaque violacée associant atrophie
de l’épiderme et hyperkératose et siège le
plus souvent à l’extrémité distale des
membres.
Autres manifestations
Cardiaques : bloc auriculoventriculaire
de haut grade, péricardite, myocardite.
Rhumatologiques : arthralgies récur-
rentes, arthrite vraie.
Ophtalmologiques : conjonctivite, uvéite,
kératite, œdème périorbital, panophtalmie.
Les complications
neurologiques :
la neuroborréliose
Les complications neurologiques sont de
loin les plus fréquentes et atteignent 10 à
neuro-mémo
Neuro-Mémo
Complications neurologiques
de la maladie de Lyme
S. Benaderette*
On savait de longue date que les tiques étaient des
sales bêtes. Cependant, il a fallu attendre 1922
pour que Garin et Bujadoux décrivent ce qui sera plus
tard la maladie de Lyme, et 1982, pour identifier son
agent causal. Après l’effet de mode qui avait conduit à
son inflation diagnostique à la fin des années 1980, elle
reste un des fleurons de la neuro-infectiologie.
Fiche signalétique.
* Service du Pr Bouche,
hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
Ce qu’il faut
garder
en mémoire
113
40 % des patients infectés. La méningite
lymphocytaire, les méningoradiculites et
les atteintes des nerfs crâniens sont les
atteintes les plus précoces, faisant suite à
l’érythème cutané migrant (phase secon-
daire). Au stade tertiaire peuvent appa-
raître des neuropathies périphériques
(plutôt sensitives) et des atteintes du sys-
tème nerveux central responsables d’en-
céphalopathie ou de démence (tableau).
La méningite lymphocytaire
La méningite lymphocytaire est une
complication fréquente de la maladie.
Elle peut coexister avec l’EMC ou rapi-
dement lui succéder.
Les céphalées en sont le principal
symptôme. La fièvre et les signes
méningés sont inconstants. Les patients
non traités peuvent présenter des
périodes aiguës alternant avec des
phases de rémission. Parfois, des signes
évoquant une encéphalopathie (troubles
du sommeil, altération des fonctions
supérieures et crises d’épilepsie) sont au
premier plan.
Le liquide céphalo-rachidien (LCR)
montre une élévation des lymphocytes
et une hyperprotéinorachie. La glyco-
rachie reste dans les limites de la norma-
le. La sérologie est positive dans le sang
et le LCR (mais, en général, pas avant
4 semaines d’évolution).
Les méningoradiculites et atteintes
des paires crâniennes
Les méningoradiculites surviennent fré-
quemment lors de la phase précoce de
dissémination de la maladie (phase
secondaire). Ces atteintes sont le plus
souvent pluriradiculaires, entraînant des
déficits moteurs et sensitifs dans les ter-
ritoires atteints. Ce sont des manifesta-
tions douloureuses.
Dans 50 % des cas, on observe l’asso-
ciation d’une paralysie faciale pouvant
être bilatérale. L’atteinte du VII peut
également être isolée et, dans les zones
d’endémie, 20 à 40 % des paralysies
faciales périphériques seraient secon-
daires à une maladie de Lyme. Des neu-
ropathies optiques, des atteintes phré-
niques et des signes d’Argyll-Robertson
ont également été décrits mais sont
beaucoup plus rares.
À ce stade, bien que les anomalies du
LCR persistent, les signes méningés
sont discrets.
Autres atteintes de la phase
secondaire
D’autres manifestations ont été rappor-
tées mais beaucoup plus rarement. On
retiendra l’existence de myélite et de
syndrome de Guillain-Barré.
Atteintes de la phase tertiaire
Les neuropathies
Deux tiers des patients non traités à ce
stade présentent des neuropathies péri-
phériques associées à l’acrodermatite
chronique atrophiante. Les principaux
symptômes sont des paresthésies ou des
zones d’hypoesthésie, dont la situation
tend à correspondre aux atteintes
cutanées. Cependant, les atteintes élec-
trophysiologique et histopathologique
existent souvent sans manifestation cli-
nique franche.
Sur le plan électrophysiologique, l’électro-
myogramme est en faveur d’une atteinte
axonale distale sensitivomotrice avec
démyélinisation radiculaire proximale.
La biopsie nerveuse met en évidence une
réaction périvasculaire inflammatoire
sans nécrose des vaisseaux, associée à
des lésions axonales aspécifiques. Le
LCR peut être normal et la production
d’anticorps intrathécale absente.
L’encéphalomyélite
et l’encéphalopathie
L’encéphalomyélite et l’encéphalopathie
sont des complications rares de la maladie
de Lyme. Ainsi, la fréquence des encépha-
lomyélites est estimée à 3 à 5 cas pour un
million de patients infectés par Borrelia
burgdoferi. Les phases précédentes de la
maladie passent souvent inaperçues, ce
qui rend le diagnostic plus délicat.
Dans le cas de l’encéphalomyélite, le
tableau clinique est composé d’une
neuro-mémo
Neuro-Mémo
Phase LCR Sérologie Remarques
Méningite secondaire – hyperlymphocytose sang : + sérologie négative
– hyperprotéinorachie LCR : + avant 4 semaines
– glycorachie peu perturbée
Méningo- secondaire – hyperlymphocytose sang : +
radiculites – hyperprotéinorachie LCR : +
– glycorachie peu perturbée
Paralysie secondaire peut être normal sang : +
faciale quand la paralysie faciale LCR : + le
est isolée plus souvent
Neuropathie tertiaire peut être normal sang : + EMG : atteinte
sensitivo- LCR : + le axonale distale
motrice plus souvent
Encéphalo- tertiaire – hyperlymphocytose sang : + hypersignaux diffus
pathie – hyperprotéinorachie LCR : + de la substance
Encéphalo- – glycorachie peu perturbée blanche à l’IRM
myélite
Tableau. Complications neurologiques de la maladie de Lyme.
Act. Méd. Int. - Neurologie (2) n° 6, juin 2001
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paraparésie spastique, de troubles
sphinctériens, d’une altération des fonc-
tions supérieures et d’une atteinte des
paires crâniennes (le plus souvent le VII
et le VIII). L’encéphalopathie se révèle
par des troubles du sommeil et du carac-
tère et par un déclin intellectuel.
L’IRM cérébrale montre des hyper-
signaux de la substance blanche pouvant
orienter le diagnostic vers une sclérose
en plaques. Cependant, ces hypersignaux
sont en général éloignés des ventricules,
et la sérologie est positive dans le LCR.
Certains patients atteints de la maladie
présentent des encéphalopathies avec
notamment des troubles de la mémoire
sans anomalies du LCR ni de l’IRM.
Dans ce cas, le processus pathologique
en cause serait l’effet systémique des
lymphokines.
Diagnostic biologique
Comme nous l’avons vu, le diagnostic
est essentiellement clinique. Cependant,
les tests de laboratoire sont indispen-
sables pour affirmer le diagnostic, d’au-
tant plus si l’EMC est passé inaperçu.
Culture et isolement des spirochètes
La culture et l’isolement des spirochètes
à partir du sang et des tissus ont été uti-
lisés par le passé. Cette technique est
actuellement abandonnée, car les bacté-
ries sont présentes en trop petite quantité
et de façon variable dans le temps.
Tests sérologiques
Actuellement, la détection d’anticorps
(immunoglobulines G et M) se fait par la
technique dite ELISA. Dans le sang, la
sérologie devient positive 2 à 4 semaines
après l’exposition. Ainsi, en cas de mani-
festation précoce, la sérologie peut être
négative, et il faut savoir répéter l’exa-
men si la suspicion clinique est forte. La
technique du Western blot est utilisée
pour confirmer un test ELISA positif et
permet de trancher entre les vrais et faux
positifs (notamment quand les taux de
ELISA sont limites). Dans les zones
d’endémie, 5 à 10 % de la population ont
une sérologie positive de façon asympto-
matique. Il faut donc se méfier de
conclusions trop hâtives dans ces
régions. De plus, les patients atteints
d’affections auto-immunes peuvent pré-
senter des résultats faussement positifs,
et il existe des réactions croisées.
La recherche d’anticorps dans le LCR
reste le test le plus spécifique de NB (la
spécificité est estimée à 95 %). La sensi-
bilité de ce test est estimée à 90 % en cas
de méningoradiculite. Mais en cas de
manifestation tardive (notamment en cas
de neuropathie), la sensibilité de ce test
peut chuter jusqu’à 50 % selon certaines
études. En pratique, chez un patient pré-
sentant une neuropathie associée à une
sérologie de Lyme positive dans le sang
mais négative dans le LCR, d’autres étio-
logies doivent être envisagées avant de
conclure à une maladie de Lyme.
Le taux d’anticorps peut rester identique
malgré un traitement bien conduit, sur-
tout si l’on se situe dans la phase tertiaire
de la maladie. La surveillance séro-
logique n’est donc pas conseillée.
Polymerase chain reaction (PCR)
Le principe de la PCR repose sur l’am-
plification des séquences d’ADN des
spirochètes présents dans le LCR. Les
avantages de cette méthode sont sa grande
sensibilité et sa grande spécificité. La
difficulté réside dans l’interprétation des
résultats. Actuellement, cette technique
reste dans le domaine de la recherche et
n’est pas utilisée en routine.
Traitement
Le traitement de la maladie de Lyme
repose sur les antibiotiques. En ce qui
concerne la neuroborréliose, plusieurs
possibilités existent :
– pénicilline V 20 millions d’unités par
jour en i.v., pendant 2 à 4 semaines ;
– ceftriaxone 2 mg par jour, en i.v. ou en
i.m., pendant 4 à 6 semaines.
En cas d’allergie aux bêta-lactamines, un
traitement par tétracyclines per os sera
délivré.
Dans le cas des méningoradiculites, un
traitement par doxycycline 200 mg per
os par jour pendant 2 semaines s’est
révélé efficace.
Après avoir reçu un traitement adapté, cer-
tains patients (principalement ceux dont la
maladie a été diagnostiquée tardivement)
peuvent présenter des symptômes non spé-
cifiques tels que malaises, asthénie, dépres-
sion ou troubles cognitifs. Généralement,
ces manifestations disparaissent au bout de
quelques mois ou de quelques années.
L’efficacité de cures prolongées d’antibio-
tiques n’a pas été démontrée.
Conclusion
La maladie de Lyme se complique fré-
quemment d’atteintes neurologiques.
Deux écueils sont à éviter : ne pas y pen-
ser ou l’évoquer à tort. Pour cela, une
connaissance des manifestations cliniques
et une interprétation rigoureuse des exa-
mens sérologiques sont indispensables.
Références
1. Garcia-Monco JC, Benach JL. Lyme neuro-
borreliosis. Ann Neurol 1995 ; 37 : 691-702.
2. Halperin JJ, Logigian EL, Finkel MF, Pearl
RA. Practice parameters for the diagnosis of
patients with nervous system Lyme borrelio-
sis (Lyme disease). Neurology 1996 ; 46 :
619-27.
Sites Internet
http://lyme.free.fr
http://www.snof.org
neuro-mémo
Neuro-Mémo
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