Mouvements anormaux-Parkinson
La Lettre du Neurologue - Vol. XI - n° 4 - avril 2007
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Mouvements anormaux-Parkinson
par une évolution très lente de la maladie, une amélioration
par des doses plus faibles de L-dopa, l’apparition plus tardive
de fl uctuations motrices, une réponse favorable à la stimula-
tion cérébrale profonde, et l’absence de démence ou de signes
dysautonomiques, même après des décennies d’évolution. Ces
éléments sont à prendre en compte dans la stratégie théra-
peutique.
Une autre particularité des cas “parkine” est neuropathologique.
La plupart des cas examinés à ce jour présentent une dégéné-
rescence pure de la substantia nigra et du locus coeruleus sans
corps de Lewy.
Place du gène LRRK2 dans les formes autosomiques
dominantes
À ce jour, la responsabilité de deux gènes a été validée dans les
formes autosomiques dominantes : ceux qui codent pour l’alpha-
synucléine (9) et la protéine LRRK2 (ou dardarine) [10, 11]. Le
gène de l’alpha-synucléine est particulièrement intéressant de
par l’éclairage qu’il apporte sur la physiopathologie de la maladie
de Parkinson. L’alpha-synucléine est un composant majeur des
corps de Lewy qui a permis d’établir un lien fonctionnel entre la
maladie de Parkinson idiopathique et la forme familiale due à des
mutations de ce gène. De plus, les duplications et triplications
de ce gène ont conduit à établir un eff et clair de son niveau
d’expression. Ainsi, les triplications du gène sont responsables
d’un tableau évocateur de démence avec corps de Lewy (12)
alors que les duplications causent une maladie de Parkinson
proche de la forme idiopathique (13, 14). Cependant, la rareté
des mutations du gène de l’alpha-synucléine rend peu rentable
leur analyse pour le diagnostic génétique.
En revanche, l’étude du gène LRRK2 a souligné sa fréquence
très variable en fonction des populations. Dans la population
européenne, une mutation particulière, G2019S, rend compte
de 1 à 2 % des cas apparemment sporadiques, et de 3 à 10 % des
cas familiaux. Les autres mutations de ce gène sont très rares en
dehors de cas particuliers (mutation R1441G chez les Basques,
par exemple). En revanche, la mutation G2019S s’est avérée extrê-
mement fréquente, aussi bien dans les formes familiales que dans
les cas apparemment sporadiques, chez les Arabes d’Afrique du
Nord et dans la population juive ashkénaze (15, 16). Les patients
présentant cette mutation ont un âge de début très variable et
un tableau clinique non distinguable de celui de la maladie de
Parkinson idiopathique. Chez ces patients, la stimulation céré-
brale profonde donne également des résultats favorables (17).
Étant donné le mode de transmission autosomique dominant de
la maladie, la mise en évidence d’une mutation du gène LRRK2
a de fortes implications familiales. Dans cette situation, il est
important, avant de réaliser le test génétique, de discuter avec
le patient des conséquences possibles pour ses apparentés. Le
tandem neurologue-généticien joue ici un rôle capital pour la
transmission des informations et le conseil génétique. L’iden-
tifi cation de porteurs de mutations du gène LRRK2 aura des
conséquences croissantes en termes de conseil génétique et
de demandes de diagnostic présymptomatique. De plus, cette
mutation est souvent trouvée chez des patients qui n’ont aucune
histoire familiale de maladie de Parkinson et pour lesquels la
découverte d’une mutation dominante constitue donc un choc.
La mutation G2019S provient d’un eff et fondateur, ce qui signifi e
que la mutation ne résulte pas d’un événement récent mais
qu’elle a été transmise. En conséquence, les membres de la fratrie
du patient ainsi que ses enfants sont à risque d’être porteurs.
Cette situation ne manquera pas de générer des demandes de
tests présymptomatiques de la part des personnes à risque dans
les familles concernées. À l’instar de celles relatives à d’autres
maladies neurodégénératives d’origine génétique, les demandes
seront prises en charge par des équipes pluridisciplinaires assu-
rant la continuité avant, pendant et après le test. Par rapport à
la maladie de Huntington, par exemple, la particularité ici est la
pénétrance réduite. Ainsi, être porteur de la mutation G2019S
ne signifi e pas obligatoirement développer la maladie. Actuel-
lement, la pénétrance de cette mutation n’est pas connue avec
précision en raison des biais inhérents aux études familiales.
Elle dépassait 80 % dans les familles étudiées initialement, mais
une étude plus récente suggère qu’elle pourrait rester en deçà
de 40 % (18). Il est possible que la pénétrance varie en fonction
de l’origine géographique, et des études à plus grande échelle
seront nécessaires pour la déterminer avec précision. Les exem-
ples de la Parkine et de LRRK2 montrent que les conséquences
des tests génétiques sont très diff érentes pour le patient et sa
famille selon les paramètres génétiques de l’aff ection (mode de
transmission, pénétrance, variabilité d’expression).
Il faut souligner que les gènes connus n’expliquent toujours
qu’une minorité des formes autosomiques récessives et autoso-
miques dominantes de la maladie de Parkinson. Ainsi, d’autres
gènes sont certainement en cause, et leur identifi cation conduira
à de nouvelles applications diagnostiques.
FUTUR
Ouverture sur la physiopathologie
Au-delà des applications diagnostiques, qui en sont à leur début,
la connaissance des gènes impliqués dans les formes monogéni-
ques de la maladie de Parkinson suscite un espoir considérable
pour comprendre les mécanismes moléculaires de la dégéné-
rescence des neurones dopaminergiques. Par exemple, comme
la Parkine est une E3 ubiquitine protéine ligase, il est possible
que son altération perturbe la voie ubiquitine-protéasome, prin-
cipale voie de régulation du niveau d’expression des protéines
dans la cellule, et entraîne l’accumulation de substrats toxiques.
Cependant, plusieurs expériences, dont l’inactivation du gène de
la Parkine chez la drosophile, suggèrent un rôle protecteur de
cette protéine au niveau de la mitochondrie. Ces expériences ont
d’ailleurs conduit à établir un lien fonctionnel entre la Parkine et
Pink1, qui est localisée dans la mitochondrie. Enfi n, la protéine
LRRK2 mutée voit son activité kinase augmenter d’où l’hypothèse
d’un gain de fonction. La modulation de l’activité kinase de