
La lettre du neurologue - n° 6- vol. IV - décembre 2000
294
MISE AU POINT
la substance blanche. Les tumeurs cérébrales et les malforma-
tions artério-veineuses, en particulier du tronc cérébral, égale-
ment compressives, peuvent aussi se manifester de façon fluc-
tuante, mais l’imagerie cérébrale permet de trancher.
Les autres diagnostics à évoquer dans ce premier groupe sont
plus anecdotiques.
Un syndrome médullaire isolé peut être dû à la sclérose combi-
née de la moelle. L’association d’une paraparésie spasmodique,
d’une atteinte bilatérale de la sensibilité profonde, à une anémie
macrocytaire et mégaloblastique et à un hypersignal étendu des
cordons postérieurs à l’IRM médullaire impose le dosage de la
vitamine B12, de la gastrinémie et surtout de l’homocystéiné-
mie, meilleur reflet d’une carence fonctionnelle en vitamine
B12.
L’adréno-myéloneuropathie peut se manifester chez l’adulte
jeune par une atteinte médullaire progressive (1), associée à
une atteinte nerveuse périphérique plus discrète, laquelle en
l’absence d’antécédents familiaux connus, peut simuler une
SEP. Cependant, le LCR est habituellement normal (bien
qu’exceptionnellement des bandes oligoclonales puissent être
retrouvées) ; l’IRM est généralement bien différente de ce que
l’on voit dans la SEP, avec des plages d’hypersignal ou un
aspect en verre dépoli de la substance blanche prédominant
dans les lobes pariéto-occipitaux. Dans cette maladie hérédi-
taire liée à l’X, le diagnostic est orienté chez les homozygotes
et les femmes conductrices par le dosage des acides gras à très
longue chaîne.
La maladie de Whipple peut être de diagnostic délicat devant
une paraparésie d’évolution fluctuante, une NORB ou une
ataxie cérébelleuse ; son mode de présentation est habituelle-
ment bien différent (démence, myoclonies, ophtalmoplégie
supranucléaire, signes d’atteinte hypothalamique faisant suite
à des manifestations digestives ou articulaires). L’IRM encé-
phalique montre au mieux des hypersignaux T2 non spéci-
fiques de l’hypothalamus et des lobes temporaux ; la protéino-
rachie peut être modérément élevée, mais sans bande
oligoclonale. La recherche de macrophages PAS+ dans le LCR
permet rarement le diagnostic qui nécessite habituellement
une biopsie jéjunale ; l’atteinte isolée du SNC (5 % des cas)
impose parfois la biopsie cérébrale, avec réalisation d’une
PCR (Polymerase Chain Reaction) pour rechercher la présen-
ce de Tropheryma whippelii (2).
La SEP peut rarement être confondue avec les ataxies hérédi-
taires. Ces dernières (3) sont généralement repérables par leur
caractère familial, leur installation et leur progression très
lentes. L’absence d’anomalie sphinctérienne, l’association à
des pieds creux, à une cyphoscoliose et à des anomalies car-
diaques sont autant d’éléments orientant le diagnostic vers
une pathologie hérédo-dégénérative. L’IRM cérébrale montre
exceptionnellement des hypersignaux périventriculaires et de
la substance blanche ; dans les formes évoluées, elle objective
parfois une atrophie cérébelleuse, médullaire et du tronc céré-
bral. Dans le LCR peut exister une hyper- ou hypoprotéinora-
chie, mais sans profil oligoclonal et sans hypercytorachie.
DEUXIÈME GROUPE : CLINIQUE ET IRM COMPATIBLES,
MAIS LCR NON INFLAMMATOIRE (
tableau II
)
Le principal diagnostic différentiel dans ce groupe, et peut-
être le plus difficile en pratique, est celui d’une pathologie
cérébro-vasculaire. En effet, l’existence d’une endocardite,
d’une cardiopathie emboligène mineure, d’un état prothrom-
botique par coagulopathie, évoluant à bas bruit, peuvent par-
faitement être à l’origine d’accidents neurologiques répétés
mimant l’évolution rémittente de la SEP. L’IRM cérébrale
montre comme dans la SEP des hypersignaux T2 multiples,
mais certains indices orientent vers une maladie vasculai-
re (4) : les lésions sont plus homogènes, régulières, ne joux-
tent pas les ventricules, épargnent le corps calleux et la
région sous-tentorielle ; elles ne sont pas visibles en T1.
Dans ces cas, c’est l’absence d’inflammation du LCR qui
pousse à réaliser un bilan cardiovasculaire complet (doppler
des TSA, échographie cardiaque parfois transœsophagienne,
dosage des protéines C, S, de l’AT III, recherche d’anticoa-
gulants circulants, dosage de l’homocystéinémie, de la lipo-
protéine a, du facteur V Leyden).
La répétition d’accidents neurologiques “d’allure vasculaire”
peut correspondre à un syndrome de CADASIL (cerebral auto-
somal dominant arteriopathy with subcortical infarcts and leu-
coencephalopathy) (5). Il s’agit d’une artériopathie cérébrale à
transmission autosomique dominante liée au chromosome
19q12, se manifestant préférentiellement chez l’adulte jeune
par des accidents ischémiques sous-corticaux répétés, plus
rarement par des céphalées pseudo-migraineuses ou des
troubles psychiatriques (manie ou dépression), conduisant le
plus souvent à l’installation d’une démence sous-corticale.
L’IRM encéphalique montre généralement de multiples lésions
de la substance blanche, mais dont le caractère bien limité
contraste avec l’aspect flou et confluent des lésions typiques de
SEP ; il s’y associe par ailleurs des aspects de leucoencéphalo-
pathie et d’atrophie corticale inhabituels dans la SEP. Le LCR
est habituellement normal.
La répétition d’accidents neurologiques “pseudo-vasculaires”
peut également évoquer le MELAS (acronyme de mitochondrial
encephalopathy, acidose lactique et stroke). Sur le plan clinique,
l’existence d’antécédents familiaux similaires, d’une ophtalmo-
plégie externe, d’un ptosis, d’un déficit moteur proximal, d’ins-
tallation progressive, ou enfin de crises convulsives répétées
doivent mettre en doute le diagnostic de SEP. L’IRM peut mon-
trer des lésions évoquant la SEP ; il s’y associe rarement une
Pathologie cérébrovasculaire +++
Syndrome de CADASIL
MELAS
Infection VIH
Tableau II. Groupe 2 présentant clinique et IRM compatibles avec le
diagnostic de SEP, mais avec un LCR non inflammatoire.