Analyse Economique I. Progrès au cours de la dernière décennie 1

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Analyse Economique
I. Progrès au cours de la dernière décennie
1. Depuis 2001, le Maroc a pu relever le rythme de croissance à un palier supérieur et a
enregistré une solide performance économique. La croissance économique a atteint 5,1 pourcent
en moyenne pendant la période de 2001 à 2008, soit presque deux fois plus que le taux moyen dans
les années 90 (2,8 pourcent). Grâce à cette bonne performance de croissance économique, le revenu
par habitant a presque doublé au cours de la dernière décennie, pour atteindre 2 850 dollars américains
en 2008.
2. Des politiques macroéconomiques avisées et des réformes structurelles soutenues
expliquent en grande partie le renforcement de la croissance. Depuis 2005, le Maroc a mis en
œuvre des politiques budgétaires appropriées et a continué de remédier aux sources potentielles de
risques budgétaires, ce qui s’est traduit par la consolidation des finances publiques. Par conséquent,
le budget a enregistré des soldes excédentaires en 2007 et en 2008, (0,3 pourcent du PIB en
moyenne). En outre, le gouvernement a adopté une stratégie prudente dans la gestion de la dette, se
traduisant par une baisse soutenue de la dette du Trésor, passant de 62 pourcent du PIB en 2005 à
47.3 pourcent en 2008. Le gouvernement a aussi poursuivi une politique monétaire propice visant à
maintenir l'inflation à un niveau faible et stable (2,5 pourcent en moyenne depuis 2005) ; en plus il a
renforcé la supervision du secteur financier. Le gouvernement a également cherché à approfondir
l’intégration du pays au sein de l’économie mondiale par la signature de nombreux accords de libre
échange. Globalement, ces efforts ont donné lieu à une situation économique stable, des finances
publiques plus saines et un secteur financier solide. Grâce à ces réalisations, le Maroc a bénéficié de
la notation d’investissement à partir de 2007 de la part d’une agence de notation internationale, ce
qui a contribué à renforcer la confiance des investisseurs nationaux et étrangers.
3. Le Maroc a élaboré et mis en œuvre des stratégies sectorielles pour accroître
l'investissement et la productivité dans les secteurs de l’économie dont le potentiel de croissance
est élevé, et ce, avec la participation du secteur privé. L’investissement dans les secteurs
dynamiques a augmenté et a renforcé les fondamentaux de l’économie. Alors que l’investissement
brut a oscillé autour de 25 pourcent du PIB en moyenne dans les années 90, il a grimpé rapidement
dans les années 2000 pour atteindre un taux exceptionnel de 36,3 pourcent du PIB en 2008. Le
secteur privé et les entreprises publiques ont contribué le plus à la consolidation de l’investissement
(61 pourcent du total), suivis par les ménages (avec une part de 28 pourcent) et l'Administration
publique (avec une part de 11 pourcent) (Graphique 1). La hausse des investissements directs
étrangers (augmentation annuelle de 8 pourcent au cours des cinq dernières années) a également
contribué à renforcer l’investissement brut. La majeure partie des investissements directs étrangers
(IDE) a été orienté vers cinq secteurs : les télécommunications (22 pourcent des IDE), les nouveaux
secteurs industriels (20,9 pourcent), le tourisme (17,8 pourcent), l’immobilier (16,5 pourcent), et le
secteur bancaire (5,9 pourcent). Globalement, ces secteurs ont bénéficié de 83 pourcent des
investissements directs étrangers. Sans surprise, la plupart de ces secteurs ont affiché des taux de
croissance élevés de 2001 à 2008, comme ceux des télécommunications (hausse de 12,4 pourcent),
des timents et travaux publics (hausse de 7,6 pourcent), des services financiers (hausse de
6,9 pourcent), ainsi que des industries mécaniques et électriques (hausse de 6 pourcent). Ces taux
d’investissement plus élevés orientés vers les secteurs les plus dynamiques ont entraîné une
amélioration de la diversification et du potentiel de croissance de l'économie marocaine, ainsi qu'une
réduction de la volatilité1.
1 Dans les années 2000, l’écart-type des taux de croissance est trois fois et demi moins élevé que celui enregistré dans les
années 90.
2
Graphique 1. Hausse des Investissements Fixes, en pourcentage du PIB
0.0
1.0
2.0
3.0
4.0
5.0
6.0
7.0
0.0
5.0
10.0
15.0
20.0
25.0
30.0
35.0
2004
2005
2006
2007
2008
Privé et EP
nages
Administration Publique
IDEs (axe droit)
Source : Administration marocaine et équipes de la Banque mondiale
4. Le Maroc a continué d’approfondir son intégration dans l’économie globale, cependant
il reste d’importantes possibilités d’amélioration. En effet, bien que la contribution du commerce
au PIB ait augmenté au cours de la dernière décennie, son niveau demeure faible. Cette contribution
représente seulement 76 pourcent du PIB, alors qu’elle atteint 108 pourcent en Tunisie et
146 pourcent en Jordanie (Tableau 1). La situation s’explique en grande partie par la faiblesse des
exportations (22,4 pourcent du PIB). De plus, la crise mondiale continue à révéler les vulnérabilités
de la structure des exportations, qui a entraîné une perte des parts de marché et une augmentation des
déficits de la balance commerciale.
Tableau 1. Commerce Extérieur Exprimé en Proportion du PIB
Comparaison Internationale
Moyenne de 2004 à 2008
(%)
Égypte
65
Jordanie
146
Liban
140
Maroc
76
Tunisie
108
Source : Calcul réalisé par les équipes de la Banque mondiale basé sur la base de données DDP
5. Les réformes des années 2000 et la croissance réalisée ont entraîné une hausse du niveau
d’emploi. Le taux de chômage a chuté à 9,6 pourcent en 2008, alors qu’il atteignait 14 pourcent dans
les années 90. Néanmoins, des questions demeurent quant à la quali des emplois actuellement
disponibles pour de larges segments de la population. En effet, depuis 2000, la très grande majorité
des nouveaux emplois ont été comblés par des personnes qui n’ont pas fait d’études supérieures. La
plupart des emplois (particulièrement dans les secteurs agricole et non structuré) sont caractérisés par
une productivité, des compétences et des salaires peu élevés. Alors que le taux de chômage est
important parmi les jeunes scolarisés, certains signes indiquent une pénurie de travailleurs qualifiés
dans les secteurs émergents. En dépit des réformes en cours de l’éducation, la proportion de la main-
d’œuvre qualifiée dans la force de travail ne semble pas correspondre à la nouvelle demande créée par
la transformation structurelle de l’économie.
3
Graphiques 2 à 7. Réalisations Macroéconomiques au Cours de la Dernière Décennie
Graphique 2. Croissance plus élevée, moins volatile et
moins dépendante du secteur agricole
(en pourcentage)
Graphique 3. Baisse du chômage
(en pourcentage)
-60.0
-40.0
-20.0
0.0
20.0
40.0
60.0
80.0
-7.0
-4.0
-1.0
2.0
5.0
8.0
11.0
14.0
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
PIB
Valeur Ajoutée Agricole (Axe droit)
Poly. (PIB)
0%
8%
16%
24%
32%
40%
0%
5%
10%
15%
20%
25%
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
T1-T3
National (Axe gauche)
Urbain (Axe gauche)
Jeunes urbains (Axe droit)
Femmes urbaines (Axe droit)
Graphique 4. Solide position extérieure mais
vulnérabilité au niveau du commerce
(en pourcentage du PIB)
Graphique 5. Amélioration des finances publiques
(en pourcentage du PIB)
-25
-20
-15
-10
-5
0
5
10
15
20
25
-8
-6
-4
-2
0
2
4
6
8
10
12
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
Solde compte courant
serves nettes (mois imp. BSNF)
Investissements étrangers bruts
Solde commercial (Axe droit)
Graphique 6. Inflation contrôlée
(en pourcentage)
Graphique 7. Dette du gouvernement central
décroissante et soutenable (en pourcentage du PIB)
-2.0
-1.0
0.0
1.0
2.0
3.0
4.0
5.0
6.0
7.0
8.0
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
Est.
Inflation totale
Alimentaire
Non-alimentaire
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
Extérieure
Intérieure
Totale
Source : Administration marocaine et estimations calculées par les équipes de la Banque mondiale
0%
5%
10%
15%
20%
25%
30%
35%
-
8%
-
6%
-
4%
-
2%
0%
2%
4%
6%
8%
10%
12%
14%
1
9
9
5
1
9
9
6
1
9
9
7
1
9
9
8
1
9
9
9
2
0
0
0
2
0
0
1
2
0
0
2
2
0
0
3
2
0
0
4
2
0
0
5
2
0
0
6
2
0
0
7
2
0
0
8
Déficit budgétaire
Masse salariale
Subventions de consommation
Recettes totales (Axe droit)
4
6. Les réformes ont entraîné des modifications positives de la structure économique du
Maroc. Le changement structurel le plus important a été la baisse de la part du secteur primaire2 de
3,5 points de pourcentage du PIB3, pour atteindre 15,7 pourcent en moyenne pendant la période de
2001 à 2008. Ce niveau demeure élevé par rapport à celui des économies en transition les plus
performantes, mais la tendance baissière est encourageante. Par conséquent, la croissance du PIB est
devenue plus résiliente face aux incertitudes liées au secteur agricole. Le secteur des services, qui
représente en moyenne 56,1 pourcent du PIB, a également profité des efforts des réformes. Ce secteur
a connu une hausse de 4,3 points de pourcentage du PIB par rapport à son niveau dans les années 90,
grâce à la dynamique des secteurs des télécommunications et d'autres services fournis aux entreprises
et aux ménages. Au chapitre des aspects négatifs, le secteur manufacturier a pris du recul et s’est fait
dépasser par des secteurs dynamiques non-agricoles. Par conséquent, sa part dans le PIB est passée
de 18,8 pourcent dans les années 90 à 16,5 pourcent en moyenne depuis 2001.
7. Le recul du secteur manufacturier dénote une faiblesse de l'économie qui réduit son
potentiel de production et entrave sa croissance et son développement à long terme. Cette
faiblesse provient de la lente transformation structurelle du secteur manufacturier, ce qui explique les
résultats modestes du Maroc au niveau des exportations. Les exportations continuent à être axées sur
des produits traditionnels, peu diversifiés, exigeant peu de qualifications, et présentant une faible
valeur ajoutée. Par conséquent, le secteur des exportations ne bénéficie pas complètement de la
dynamique commerciale des partenaires commerciaux du Maroc, et donc a été incapable de profiter
pleinement de son potentiel pour contribuer à la croissance et à la création d'emploi.
Graphique 8. Modification dans la Structure de l’Economie Marocaine
(Parts Sectorielles Exprimées en Pourcentage du PIB)
19.4
28.8
18.8
51.8
15.7
28.2
16.5
56.1
0.0
10.0
20.0
30.0
40.0
50.0
60.0
Primaire
Secondaire
Manufacturier
Tértiaire
Moyenne 90-99
Moyenne 00-08
Source : Estimations du gouvernement marocain et des équipes de la Banque mondiale
II. Le Défi d’une Croissance Plus Forte
8. Les rythmes de croissance alisés au cours de la dernière décennie sont encourageants
mais demeurent insuffisants, et le consensus est large sur la nécessité d'accélérer la croissance
au cours de la prochaine décennie. Plusieurs réformes structurelles ont été lancées, mais d’autres
demeurent nécessaires afin que leurs bénéfices se réalisent pleinement. La libéralisation du transport,
de l’énergie et des télécommunications, le renforcement du secteur financier et l’ouverture sélective
du régime commercial ont contribué au dynamisme du secteur non agricole, particulièrement depuis
2 Agriculture, forêts et pêche.
3 PIB au coût des facteurs.
5
2004. L’économie est plus résiliente face aux chocs, aussi bien internes qu'externes. Elle a résisté
assez bien à la hausse des prix du pétrole et à la fin de l’accord multifibre qui a frappé l’industrie
marocaine du textile. Néanmoins, davantage doit être fait pour enclencher un processus de création
d’emplois de qualité et de réduction de la pauvreté.
9. Au cours des deux dernières décennies, la croissance au Maroc a reposé principalement
sur la demande interne, une situation dont les limites sont maintenant apparentes. L’expérience
internationale montre que la croissance axée uniquement sur le marché intérieur est insuffisante pour
maintenir les taux de croissance à un niveau élevé. La contribution des exportations nettes de biens et
services non-facteurs a été de plus en plus négative, comme montré par la détérioration des déficits de
la balance commerciale. Ce résultat est principalement attribuable aux politiques passées qui ont
favorisé la production de biens et services non échangeables, caractérisés par des parts des biens
intermédiaires importés relativement élevées. Dans ce contexte, la majeure partie de l'investissement
national et international s'est concentrée dans les secteurs où les biens et services sont en grande partie
destinés au marché intérieur, comme l'immobilier, les télécommunications, les services de gros et de
détail, le transport et les services financiers. De plus, l’existence de rigidités au niveau de l’offre,
particulièrement celles liées à l’inadéquation de qualification et de rigidité dans le marché du travail et
les contraintes de l’environnement des affaires, limitent l’investissement dans les secteurs
concurrentiels à forte valeur ajoutée. Enfin, le régime commercial est caractérisé par un biais contre
les exportations qui favorise encore des activités protégées et de rente dans un marché intérieur
relativement restreint.
10. La faiblesse de la productivité et des salaires faibles (particulièrement dans le secteur
privé) continuent à caractériser la croissance économique du Maroc. Le Maroc a investi pas
moins de 6 pourcent du PIB dans l’éducation pendant de nombreuses années. Des ressources
considérables ont été affectées à l’accumulation du capital physique associé à l’infrastructure de base,
mais elles ont entraîné une hausse limitée de la productivité totale des facteurs. L'expérience à
l’échelle internationale nous montre que l’atteinte et le maintien d’un taux croissance annuel du PIB
au-dessus de 6 pourcent nécessite non seulement une hausse de l’investissement mais aussi des gains
de productivité assez importants. Pour soutenir la croissance de la productivité, il faut aussi améliorer
la mobilité de la main-d’œuvre et du capital des entreprises à faible valeur ajouté vers celles à forte
valeur ajoutée. Il est aussi nécessaire de réaffecter le capital et la main-d’œuvre des sous-secteurs
agricoles qui stagnent vers des secteurs à plus haute productivité, qu'ils soient liés ou non à
l'agriculture.
11. Les exportations à faible valeur ajoutée limitent le potentiel de croissance. Depuis la fin
des années 70, les exportations ont connu des changements mineurs sur le plan de la composition ; sa
valeur ajoutée (sophistication) a été plutôt stagnante. La structure commerciale a globalement évolué
vers des exportations de produits finis (l’habillement en particulier) pour le marché de l’Union
européenne et vers les produits semi-finis (engrais et acide phosphorique). La structure s’est éloignée
des exportations traditionnelles de produits agricoles et des phosphates. Néanmoins, la performance
des exportations marocaines a été inférieure à celle de ses concurrents. Cette sous-performance n’est
pas due à des facteurs externes, tels que des termes d’échange défavorables, la fin de l’accord
multifibres, ou la hausse des prix du pétrole. Elle est largement attribuable à des facteurs internes,
particulièrement les gaps en termes de compétitivité et de diversification. L’idée qu’un lien solide
existe entre la croissance rapide et la diversification des exportations est largement acceptée dans la
littérature économique. Le Maroc ne peut pas soutenir une croissance plus rapide en exportant les
mêmes biens en plus grand nombre ou de meilleure qualité.
A. Politiques pour une croissance plus rapide
12. Afin de s’assurer que l’économie puisse emprunter le chemin d’une croissance plus
élevée et soutenue, le Maroc devra continuer sur des réformes économiques qui accélèrent la
transformation économique vers des produits à plus forte valeur ajoutée et plus diversifiés ; le
pays devra aussi accorder une place plus importante au commerce international comme source
additionnelle de croissance. Les réformes structurelles en cours dans les secteurs commercial et
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