Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XV - n° 5 - mai 2011
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La transition “enfant-adulte”. L’adolescence : quand la maladie s’invite…
Simultanément, l’enfant apprend à aimer d’autres indi-
vidus (enseignants, animateurs, pairs, etc.) à l’aune du
modèle a ectif intériorisé avec son père et sa mère. Par
exemple, pour le petit garçon, l’amour pour la gure
maternelle intériorisée reste une trace, un résidu qui
ne fait que préparer le futur choix amoureux. Cette
latence n’en est pas moins une période particulière-
ment féconde pour le développement psychoa ectif
de l’enfant en ce qu’elle prépare implicitement aussi les
remaniements spéci ques à la puberté tant au niveau
corporel que psychique. C’est au cours de cet itinéraire
que l’adolescence constitue l’après-coup de l’infantile.
Les enjeux psychiques des transformations
corporelles et pubertaires
La puberté est considérée comme l’un des moments de
crise subjective dans la vie, liée à un bouleversement
biologique. Ce moment essentiel du processus d’ado-
lescence se caractérise par une série de transformations
dont le destin n’est pas écrit à l’avance. Ce processus est
déterminé par ce qui a précédé (vie infantile) et se révèle
déterminant pour ce qui va suivre. Ce processus est une
seconde chance d’élaboration des con its infantiles qui
n’ont pas été résolus. L’adolescence permet à l’enfant de
devenir sujet (de son histoire et de sa vie), de pouvoir
s’approprier son corps et sa pensée, et d’être capable
d’un choix d’objet, notamment sexuel.
Si l’adolescence constitue une période de la vie dé nie
par une tranche d’âge (11-12ans à 18-20ans de nos
jours), il n’en reste pas moins qu’elle se superpose à
une période de changements physiologiques et anato-
miques auxquels le terme de puberté renvoie. Les psy-
chanalystes spécialisés dans l’adolescence (Ph. Gutton,
Ph.Jeammet, C.Chabert, F. Marty, etc.), parlent des
bouleversements psychiques inhérents à cette période
comme du “pubertaire” imposant au jeune un véritable
travail psychique d’élaboration de la puberté, appelé
“le travail du pubertaire”.
Chez l’enfant, du fait de son immaturité physique –
notamment –, il existe une protection qui empêche
l’accomplissement de ses désirs incestueux et parri-
cides, puis, ensuite, le corps infantile immature pro-
tecteur se transforme à la faveur de l’apparition des
caractères sexuels secondaires. L’image du corps se
modi e, l’importance qui lui est accordée également.
Cette évolution de l’image corporelle se traduit par des
comportements, comme le besoin de mouvements,
le désir de connaissances, le refus de soins maternels,
etc. Avec l’arrivée de la puberté, il se trouve tout à coup
soumis à un grand bouleversement, qu’il ne peut ni
contrôler ni maîtriser. Son corps change, il ne reconnaît
ni ses émotions ni parfois ses pensées. Il a même la sen-
sation que les adultes ne le regardent plus de la même
façon et ce n’est pas faux ; le corps du garçon devient
celui d’un homme et celui de la petite lle, d’une femme.
La “trahison” du corps lui impose de quitter l’enveloppe
protectrice de l’enfance (2). Ce corps attire l’attention
des adultes et des pairs provoquant des réactions, des
commentaires, des regards. Simultanément, les pulsions
libidinales sexualisent ses relations avec autrui. Avec
son entourage proche les relations deviennent di ciles.
Même le contact physique avec les parents, les frères
et sœurs devient source de gêne, voire d’inquiétude.
Les câlins se font rares ; il doit s’éloigner.
Dans ce contexte, l’inceste et le parricide, vœux de la
période œdipienne, deviennent réalisables. Devant la
menace de ces possibilités passionnelles, l’adolescent
érige un aménagement défensif protecteur. Cette “crise
de la défense” prend des allures parfois singulières :
mur sonore (adolescent enfermé dans sa chambre
avec la musique à fond), passer des heures au télé-
phone (évitement de tout contact avec les parents),
intellectualisation (défense qui passe par de grands
débats philosophiques, de grandes interrogations sur
l’état du monde, “Qui suis-je ?”), agressivité verbale (la
projection évacue l’angoisse “de toute façon, tout ça
c’est la faute de mes parents” ou bien “c’est à cause des
médecins que je suis comme cela”), etc. Ces mouvements
caractéristiques montrent à quel point, pour l’adoles-
cent, l’ennemi est le corps (à présent sexué, génital et
à l’origine de fantasmes) capable de jouissance dans
l’acte sexuel. Cette crise défensive est nécessaire pour
absorber le choc de la puberté, qu’on peut considérer
comme un traumatisme nécessaire.
Il s’agit pour le jeune de traverser l’une des plus grandes
épreuves de sa vie en ayant à se soustraire à l’auto-
rité des parents, à leur amour et à leur tendresse. Ce
désinvestissement a ectif nécessaire de ces gures
tutélaires et d’amour l’autorise, à terme, à d’autres inves-
tissements vers le monde extérieur et vers les autres
(substituts parentaux, groupes de pairs). Entre temps,
on assiste à un double mouvement. Il n’est pas rare
de constater combien l’adolescent s’engage dans une
période à l’allure dépressive, marquée par la tristesse ;
simultanément, il se voue à lui-même un amour intense
(regards dans la glace, notamment), préoccupation
narcissique normale et nécessaire.
Pour nir, soulignons qu’un adolescent pubère devient
capable de procréation et, de ce fait, accède à un pou-
voir nouveau jusqu’alors attribué aux seuls parents.
L’asymétrie entre les adultes et l’enfant se réduit car
l’écart de générations comme les di érences (physiques,