Méditation sur le sens du mot "Fraternité"
La Fraternité n'est pas quelque chose qui se donne. C'est quelque chose qui se fait.
Un légiste demande à Jésus "Qui est mon prochain ?". Jésus lui répond par la parabole du Bon
Samaritain. Un homme, un Juif, gît au bord de la route, blessé par des bandits. Deux hommes, deux
Juifs, le voient et passent leur chemin, mais un troisième, un Samaritain, s'arrête. Il est pris de pitié.
Nous ne savons ni où il allait, ni quelles étaient ses affaires, mais nous savons qu'il change complètement
ses plans. Le fait de soigner le blessé devient l'impératif du moment. Il ne le quitte que le lendemain,
après s'être assuré que les soins nécessaires allaient lui être prodigués dans une auberge. Le Samaritain
avait-il une famille qui l'attendait ? Aurait-il perdu de l'argent parce qu'il aura manqué un rendez-vous
d'affaires important ? Avait-il des préjugés doctrinaux qui l'auraient empêché d'aider un Juif ? Tout est
possible. Mais tout s'efface parce qu'il est pris de pitié. Jésus demande au légiste : lequel des trois [...]
s'est montré le prochain de l'homme qui était tombé sur les bandits ? Le légiste répond : "C'est celui qui
a fait preuve de bonté envers lui." Ce à quoi Jésus répond à son tour : "Va et, toi aussi, fais de même."
Faire. Dans certaines versions de la Bible, l'expression utilisée est littéralement "Faire la bonté". Nous
devons faire la bonté. En faisant la bonté, nous créons nous-mêmes notre prochain. La vraie question
n'est pas "Qui est mon frère ?", mais "À qui serai-je le frère en lui faisant la bonté ?". Ce renversement
de perspective est le mécanisme intérieur même de la parabole.
"Faire", c'est très bien. Nous sommes tous d'accord. Mais Comment faire ? En étant pris de pitié. Le
Samaritain a un cœur perméable, qui se laisse prendre de pitié. Peut-être que l'on peut trouver une
indication sur ce que "se laisser prendre de pitié" signifie dans une autre parole de Jésus : Le vent souffle
où il veut, et tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d'où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque
est né de l'Esprit. (Jn 3,8). Ce vent-là aura probablement soufflé sur le chemin reliant Jérusalem à
Jéricho, et le Samaritain a su l'entendre. Et ce qu'il aura entendu, il l'aura fait.
Nous avons commencé à explorer le sens du mot "Fraternité" et nous sommes presque tout de suite
remontés à l'Esprit, qui est au cœur de la vie spirituelle. C'est certainement le signe que la Fraternité y
est aussi.
Je voudrais explorer avec vous une autre facette du Frère, du Prochain. Ce Frère est la voie royale de
découverte de Dieu. Dans le premier chapitre de la Genèse, Dieu dit : "Faisons l'homme à notre image,
selon notre ressemblance et qu'il soumette les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toute
la terre et toutes les petites bêtes qui remuent sur la terre !" Dieu créa l'homme à son image [...] (Genèse
1, 26-27). Autrement dit, parmi toutes les choses ou êtres qui nous entourent sur terre, le seul qui est fait
- encore ce même verbe, "faire" ! - à l'image et à la ressemblance de Dieu est l'homme. En allant vers ce
Frère, nous allons vers Dieu même. C'est vertigineux. En allant vers toi, mon Frère, je suis certain de
découvrir Dieu.
C'est vertigineux, mais c'est difficile. C'est même impossible. Pourtant, dans l'Evangile selon Saint Luc,
un échange de répliques entre Jésus et ses auditeurs nous donne de l'espoir. Les auditeurs dirent : "Alors,
qui peut être sauvé ?" Et lui répondit : "Ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu."
La Fraternité n'est pas quelque chose qui se donne. C'est quelque chose qui se fait, avec l'aide de Dieu.
Strasbourg, le 13 avril 2015
Alexandru Oance