Optique adaptative - Institut d`Optique Graduate School

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Une expérience pédagogique d’optique adaptative
Thierry AVIGNON, Hervé SAUER, Lionel JACUBOWIEZ
Institut d’Optique Graduate School
RD 128 - Campus Polytechnique
2, avenue Augustin Fresnel
91127 PALAISEAU cedex
FRANCE
La turbulence atmosphérique limite considérablement la résolution des plus grands
télescopes astronomiques. L'optique adaptative permet de s’affranchir en grande partie de ce
problème. Cette technique consiste à analyser les défauts instantanés du front d'onde et à
les corriger en temps réel à l'aide d'un miroir déformable. La mise en œuvre pratique d'un
système didactique installé dans notre service de travaux pratiques permet aux élèves
ingénieurs d’acquérir de solides connaissances sur cette technologie promise à un bel avenir
dans un grand nombre de domaines (instruments d’optique, lasers, ophtalmologie, etc…). Ce
montage leur permet également d’approfondir leurs connaissances dans de nombreux
domaines, comme l'optique instrumentale, les aberrations, l’optique de Fourier ou encore les
asservissements numériques. La description détaillée présentée dans cet article peut aussi
être d’un grand intérêt pour les élèves de Classes Préparatoires aux Grandes Écoles qui
choisissent un TIPE sur un sujet lié à cette problématique.
1. Introduction
L’optique adaptative permet d’améliorer considérablement les performances des systèmes
optiques en réduisant les déformations rapides des fronts d’ondes. Elle repose sur le principe
suivant : mesurer le défaut du front d’onde et le compenser en temps réel en utilisant un
modulateur spatial de phase, comme, par exemple, un miroir déformable. L’optique
adaptative a été imaginée pour la première fois par Horace W. BABCOCK en 1953, mais n’a
connu un réel essor que dans les années 90 avec les progrès rapides de l’informatique et la
disponibilité des premiers miroirs déformables industriels, sous l’impulsion des astronomes
français et en particulier de Pierre LENA.
La limite de résolution d’un instrument d’optique idéal est liée à la diffraction. Pour un
télescope parfait de diamètre D travaillant à la longueur d’onde
λ
, la limite de résolution
angulaire est 1,22 ×
λ
/D. Par exemple, si D vaut 8 m et
λ
vaut 0,5 µm, la résolution limite
est théoriquement de 0,015 seconde d’arc. Malheureusement, même dans d'excellentes
conditions météorologiques sur les meilleurs sites d'observation, la résolution obtenue avec
les grands télescopes ne dépasse que très rarement 1,22 ×
λ
/r0 avec r0 20 cm pour
l’observation dans le visible (r0 est appelé paramètre de FRIED), soit une résolution réelle de
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l’ordre de 0,5 seconde d’arc. Le principal responsable de cette dégradation de la qualité des
images astronomiques est connu depuis fort longtemps : il s’agit de la turbulence
atmosphérique, provoquée par les vents dans les différentes couches de l’atmosphère de
températures différentes. La turbulence déforme de manière importante et rapide le front
d’onde provenant de l’étoile observée. Ce phénomène est aussi à l'origine de la scintillation
des étoiles perceptible à l'œil nu. On peut appréhender l’effet de cette turbulence en
observant une voiture au loin sur une route surchauffée un jour de grand soleil.
On comprend donc aisément le vieux rêve des astronomes : s’affranchir de la turbulence
atmosphérique ! Ce rêve est devenu réalité depuis maintenant une vingtaine d'années, avec
en particulier le lancement du télescope spatial « Hubble » (1990) et l’installation des premiers
systèmes d’optique adaptative sur les grands télescopes (première démonstration
expérimentale en 1989 sur le télescope de 1.5m de l'observatoire de Haute Provence [1]).
L'optique adaptative (on parle aussi d’optique active pour les corrections à très basse
fréquence) n'est déjà plus réservée au seul domaine de l'astronomie où, depuis les années
90, cette technique donne d’excellents résultats. Elle se répand rapidement dans tous les
domaines de l'optique (compensation de dérive thermique de systèmes optiques, remise en
forme de faisceaux laser, microscopie, etc.). Il s’agit d’une technologie promise à un
important développement industriel. Reposant sur des principes simples, elle couvre de
nombreux domaines : optique instrumentale, aberrations, optique de Fourier, etc. C’est aussi
une splendide illustration d’un asservissement multivariable, qui démontre l’efficacité des
méthodes d’algèbre linéaire.
Pour toutes ces raisons, nous avons élaboré au service des travaux pratiques de l’Institut
d’Optique une expérience didactique d’optique adaptative. Elle permet aux étudiants
d’acquérir des compétences sur les trois points essentiels d’un montage d’optique
adaptative : un analyseur de front d’onde en temps réel, un miroir déformable, une boucle
d’asservissement.
La présence d’une lame de verre de mauvaise qualité, en mouvement sur le trajet optique,
simule la turbulence atmosphérique. Le front d’onde est très déformé et l’image associée de
très mauvaise qualité (Fig.1a). En tournant, cette lame entraîne des déplacements et des
déformations de l’étoile guide et de l’objet étendu. En utilisant la correction en temps réel du
front d’onde, l’image devient presque parfaite et ne bouge plus (Fig.1b). MAGIQUE !
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a b
Figure 1 : images du point source (étoile guide) et de l’objet étendu sans (a) et avec correction du front d’onde (b)
2. Schéma du montage
La figure 2 présente le schéma du montage. La source ponctuelle qui jouera le rôle
d’« étoile guide » est l’extrémité de la fibre optique monomode d’une diode laser fibrée à
670 nm. Elle est placée au foyer d’un objectif, L1 (doublet de focale f’ = 150 mm). Un cube
séparateur permet d’étudier un objet étendu placé, lui aussi, dans le plan focal de L1. Le
télescope est simplement modélisé par le doublet corrigé L2 (f’ = 300 mm). Comme il sera
expliqué dans le paragraphe suivant, le dernier doublet, L3 (f’ = 100 mm), est nécessaire
pour conjuguer le miroir déformable MIRAO et l’analyseur de front d’onde. Le cube
séparateur de polarisation (PBS 1) sépare la voie de mesure du front d’onde des deux voies
d’imagerie. Une des voies d’imagerie permet la visualisation de la tache image fortement
agrandie. La deuxième voie permet observer l’amélioration de la qualité de l’image pour un
objet étendu.
Remarque : les cubes séparateurs d’épaisseur, e = 20mm, translatent par réfraction les plans focaux
images du doublet L2 de 6.7 mm ((n-1)e/n) sur la voie d'analyse et 13,4 mm (2×(n-1)e/n)) sur la voie
d'imagerie. Pour ne pas alourdir les figures et les raisonnements, on a choisi de ne pas représenter
cette réfraction des rayons sur les faces des cubes séparateurs.
D’autre part, le faisceau étant très peu ouvert (N= 300/15 = 20), les cubes séparateurs n’induisent pas
d’aberration sphérique notable.
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Figure 2 : Schéma du montage : miroir déformable (MIRAO), analyseur de front d’onde (HASO) et voies
d’imagerie petit et grand champs.
Point clé d’optique instrumentale : conjugaison de pupille
Le miroir déformable, MIRAO, est la pupille de l’ensemble du système optique d’imagerie.
Son diamètre est 15 mm, alors que la matrice de microlentilles de l’analyseur de front d’onde,
HASO, est un carré de 5 mm de côté. Le système optique (Fig.3), constitué par les 2
doublets L2 et L3, doit conjuguer le miroir déformable et l’analyseur de front d’onde (en
dimension et en position).
Le grandissement de -1/3 est simplement obtenu en plaçant l’analyseur de front d’onde à
100 mm du foyer image de L2.
Le doublet L3 , de focale 100 mm, permet d’obtenir l’image du miroir MIRAO dans le plan de
l’analyseur de front d’onde.
Cette conjugaison de la pupille est une condition indispensable au bon fonctionnement de
l’expérience : le front d’onde doit nécessairement être mesuré dans le plan conjugué du
miroir déformable. On peut vérifier ce réglage en pivotant le miroir déformable : l’image de la
pupille sur la matrice de microlentilles de l’analyseur ne doit pas bouger.
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Figure 3 : conjugaison entre le miroir et l’analyseur de front d’onde. Si on pivote le miroir, on vérifie que l’image
de la pupille reste fixe sur l’analyseur
Les figures 2 et 3 montrent qu’un front d’onde réfléchi par MIRAO parfaitement plan donnera,
à l’arrivée sur la matrice de microlentilles, un front d’onde parfaitement sphérique divergent,
de rayon de courbure 100 mm.
3. L’analyseur de front d’onde
Les déformations du front d’onde doivent être mesurées en temps réel pour être corrigées
par le système d’optique adaptative. Dans notre montage, nous utilisons un analyseur de
front d’onde de type SHACK-HARTMANN dont le principe est très simple. Il est constitué d’une
matrice de microlentilles et d’une matrice CCD (caméra vidéo). La matrice CCD est placée
dans le plan focal image des microlentilles (Fig. 4). Chaque microlentille donne une tache
image sur la matrice CCD. Lorsque le front d’onde est déformé, ces taches se déplacent. Ce
déplacement, proportionnel à la focale des microlentilles, est directement relié à la pente
moyenne du front d’onde sur la microlentille. La mesure effectuée par l’analyseur de front
d’onde est donc la mesure des déplacements des taches images, c'est-à-dire la mesure d’un
vecteur que nous appellerons « vecteur déplacement », ,,
..., , ,...
ix iy
GGG
Δ= Δ Δ
G
xi
G,
Δ
et
,iy
GΔ désigne le déplacement Gi,x – Gi,x_ref, Gi,y – Gi,y ref de la position du barycentre, par
rapport à une position de référence, de la tache i selon Ox et Oy et i variant de 1 à
Nsous pupilles, nombre de microlentilles du Schak-Hartmann éclairées.
À partir de ces pentes mesurées, de nombreuses méthodes permettent de remonter à la
forme du front d’onde elle-même.
L’analyseur de front d’onde est un modèle, HASO 32, développé et commercialisé par la
société française Imagine Optic. Il est constitué d’une matrice de 32 × 32 microlentilles (5 mm
× 5 mm) et d’une caméra CCD de 256 × 256 pixels (capteur de 5 mm × 5 mm). Il permet de
tester des fronts d’onde plans aussi bien que des fronts d’onde sphériques convergents ou
divergents. Le logiciel livré avec l'analyseur calcule et affiche le défaut du front d’onde
mesuré par l’analyseur de SHACK-HARTMANN.
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