Religions du monde entier

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Religions du
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Vladimir Grigorieff
Religions
du monde entier
Les monothéismes,
l’hindouisme et le bouddhisme
© Groupe Eyrolles, 2004
ISBN 2-7081-3521-X
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Chapitre 1
Le judaïsme
:
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Le Dieu Vivant se choisit un peuple et fait alliance avec lui : Abraham, Isaac,
Jacob (Israël).
Qu’il y eût avant Abraham d’autres croyants au vrai Dieu, la Bible même l’atteste. Pour mémoire, qu’on se rappelle Noé, sauvé du Déluge 20, comme aussi
Melchisédek 21 qui bénit Abraham.
Mais avec Abraham, ce chef, d’origine païenne, d’un groupe migrant de
Mésopotamie, Dieu n’est plus seulement connu comme le Très-Haut, le
Créateur 22 mais comme Dieu Vivant qu’il s’agit d’écouter comme la
Personne-Une qui parle ici et maintenant (hic et nunc), dont les injonctions
imposent obéissance absolue et dont les promesses sont dignes de confiance absolue. Avec Abraham, Dieu et l’homme s’engagent dans une Histoire,
dans une Alliance pour un peuple.
Sur l’ordre de Dieu, Abraham quitte son pays. Sur l’ordre de Dieu, Abraham,
prêt à lui sacrifier son fils Isaac 23, ne doute pourtant pas des promesses de
Dieu quant à sa postérité, quant à la Terre promise, quant aux futures nations
qui en lui sont bénies.
En Abraham, Dieu se choisit déjà son peuple de fidèles et fait alliance avec lui.
Le Dieu Vivant signifie par là qu’il intervient dans l’Histoire et qu’il élit pour
ce faire un peuple. Peuple envers lequel il tiendra ses promesses mais dont en
retour il n’exigera rien moins que la sainteté.
L’alliance se poursuit avec Isaac, puis avec Jacob qui changera son nom en
celui d’Israël.
Les trois Patriarches et les quatre Matriarches de la tradition juive sont donc :
Abraham et Sarah, Isaac et Rébécca, Jacob (Israël) époux de Léa et de Rachel.
Ce peuple reçoit la Loi (Torah) et la promesse d’une Terre. Quelques siècles plus
tard, Moïse, reprenant le fil de l’Alliance, sous la conduite de Dieu, libère le
peuple juif (am Israël), esclave en Égypte.
Sur le mont Sinaï, Moïse reçoit la Loi (Torah) et l’injonction de conduire le
peuple en Terre promise, en Canaan, en Israël (èrèts Israël). Pendant quarante
ans de pérégrinations dans le désert, le peuple fera l’apprentissage du joug de
la Loi et de la liberté (à s’y soumettre) .
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Les piliers du judaïsme : Le Dieu Vivant
– Israël – La Torah – La terre d’Israël
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Chapitre 1 : Le judaïsme
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Ce n’est pas sans raison qu’on dit parfois mosaïsme au lieu de judaïsme 24, tellement est grande l’importance de Moïse considéré comme le premier et le plus
grand des prophètes, comme celui qui est à la fois le fondateur de la religion
juive, le libérateur du peuple juif, son intercesseur éternel. Moïse est non seulement le prophète qui a reçu toute la révélation, comme nous le verrons plus
loin, mais aussi le prototype du Messie futur, et encore celui dont les mérites
rejaillissent sur toutes les générations passées et à venir. On ne saurait exagérer la centralité de Moïse dans le judaïsme, car si le judaïsme est théo-centré,
c’est de Moïse et du mosaïsme qu’il en reçoit direction et directives.
De même que le christianisme est christo-centré (même si tout doit faire
retour au Père), on peut dire, mutatis mutandis, que le judaïsme est moïsocentré.
Israël en exil attend-espère la venue du Messie rédempteur. Le lien qui unit
Israël (le peuple) à Israël (la terre) est un lien conditionnel. Dans le contrat (la
Torah) qui lie Dieu à son peuple, La Terre promise (Israël) n’est pas à posséder
mais à mériter.
En d’autres termes, Israël ne peut résider en Israël que s’il est fidèle à la Loi
(Torah). Infidèle à celle-ci, il disparaîtra partiellement ou sera voué à l’Exil où
la Présence de Dieu (la Chekhinah) l’accompagnera cependant.
Et c’est, comme en témoigne l’Histoire, ce qui est arrivé.
Après une courte période d’indépendance rayonnante et royale (David,
Salomon), de grands désastres ponctuent l’histoire d’Israël : 722, 586 avant
notre ère, 70 et 135 de notre ère (voir tableau : Repères historiques).
À partir de ce moment et pendant près de deux mille ans, l’histoire juive
connaît de nombreuses péripéties et vicissitudes, expulsions et massacres,
mais aussi des terres d’accueil et des périodes, géographiquement localisées,
de grandeur et de paix relative, en terre d’Islam surtout, mais aussi en terre
chrétienne.
Le peuple juif n’en demeure pas moins en exil (galouth), dans la dispersion
(diaspora), dans l’attente du Messie rédempteur.
Messie-rédempteur pensé à la fois comme celui qui, tel un nouveau Moïse,
« fils de David », libérera son peuple de l’exil-esclavage et lui fera remériter la
Terre promise, Israël, et comme celui, plus mystérieux, qui, à la fin des temps
(ère messianique), mettra fin à toute souffrance et à toute injustice en établissant le royaume universel de la sainteté et de la paix.
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Repères historiques
-1700
Abraham quitte la Mésopotamie pour Canaan.
-1300
Moïse libère le peuple juif esclave en Égypte.
-1010-970
Règne de David.
-970-930
Règne de Salomon. À sa mort, deux royaumes : Israël au Nord
(10 tribus) et Juda au Sud (2 tribus).
-722
Prise, par Sargon II d’Assyrie, de Samarie, capitale du royaume
d’Israël. Déportation de sa population qui « disparaît » en
Babylonie (« les dix tribus perdues »). Fin du royaume d’Israël.
-586
Prise et destruction de Jérusalem, capitale du royaume de Juda,
par Nabuchodonosor, roi de Babylone. Déportation de l’« élite »
juive en Babylonie. Destruction du 1er Temple.
-536
Cyrus, roi des Perses, autorise les Juifs au retour. Une partie seulement rentre au pays.
-200
La révolte des Maccabées contre l’hellénisation.
66-70
1re guerre des Juifs contre Rome. Titus s’empare de Jérusalem.
Destruction du second Temple.
135
Deuxième guerre des Juifs contre Rome. Disparition de l’État juif.
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À partir de cette date et jusqu’au XVIIIe siècle, les Juifs vivront en Diaspora
(dispersion), autrement dit en Exil, migrants à l’ombre de la Croix, installés à
l’ombre du Croissant, quoique, selon les époques, il y aura toujours une présence juive en Judée, fût-elle minime.
À partir du XVIIIe siècle s’opérera la progressive accession des Juifs à l’émancipation (égalité des droits), leur sortie du ghetto, leur entrée en « modernité ».
Laquelle entraînera des courants divers : réformismes religieux, « assimilationismes », sionismes…
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Chapitre 1 : Le judaïsme
1933-1940
Antisémitisme européen mais principalement nazi virulent et occasionnellement meurtrier.
1941-1945
Génocide (Shoah, « Holocauste ») du peuple juif, massacré sur place ou transporté dans des centres de mise à
mort par les séides d’un nazisme « biologique », « eugénique », délirant et monstrueusement criminel.
1948
Naissance de l’État d’Israël (conquête de l’indépendance
nationale par le mouvement sioniste).
Des définitions précises
Shoah : mot hébreu qui signifie catastrophe et désigne métaphoriquement
le génocide des Juifs par les nazis.
Holocauste : terme qu’il vaudrait mieux abandonner du fait de sa dénotation sacrificielle. Assimiler le peuple juif à une victime offerte en sacrifice à
Dieu est un non-sens criant et une contre-vérité odieuse.
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La double Torah (les deux torot)
Il y a d’une part la Loi écrite, d’autre part la Loi orale. Toutes les deux trouvent leur origine en Moïse, fondateur de la religion juive. La Bible ou Ancien
Testament se dit en hébreu Tanakh (acrostiche des trois initiales des trois parties qui la composent : Torah (le Pentateuque = 5 livres), Neviim (les
Prophètes), Ketouvim (les Écrits ou Hagiographes) (voir Tableau des Livres
canoniques).
Ω La Loi écrite est très exactement la Torah, la première partie du Tanakh, ce
« Livre de l’Alliance » qui est le contrat même qui lie Dieu et son peuple. Les
deux autres parties (les Prophètes, les Écrits) relèvent elles aussi de l’Écriture sainte mais n’ont pas la même « importance », quoique, par une sorte
de récupération transcendante et de « panmosaïsme » (tout est déjà en
germe dans les paroles que Dieu a dites à Moïse à qui il révéla tout), elles
bénéficient de l’autorité globale de la Torah comme « Livre de l’Alliance ».
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Ω La Loi orale est ce commentaire oral qui coexiste avec le texte écrit (la
Torah). D’origine divine, donnée à Moïse, elle jouit d’une autorité d’autant
plus grande que, sans elle, le texte écrit ne serait pas exactement compris.
Cette Loi orale non destinée au début à être écrite l’a été par la suite vu
l’abondance des commentaires, la pluralité des interprétations et des Maîtres
en interprétation, la nécessité de définir exactement et concrètement la loi (la
halakha : la « bonne marche » de la Loi), la nécessité de préserver un acquis
dont les temps troublés ne permettaient pas de garantir la pérennité.
La première codification de cette Loi orale s’appelle la Mishnah (répétition).
Celle-ci à son tour fut commentée et cela donna lieu à une nouvelle rédaction
appelée Guemara (finition), toujours revêtue de la même autorité de Loi orale
venant de Moïse.
L’ensemble de ces deux éléments, Mishnah et Guemara, constitue le Talmud,
dont il existe deux versions : le Talmud de Babylone (achevé au Ve siècle de
notre ère dans les académies de Babylone; près de douze mille grandes pages
(5984 folios)) et le Talmud de Jérusalem, beaucoup moins étendu (achevé au
IVe siècle en Judée).
En résumé et pour comparer, on peut dire qu’à l’heure actuelle (et depuis le Ve
siècle de notre ère), les textes canoniques du judaïsme sont le Tanakh (l’Ancien
Testament) + le Talmud ; tandis que pour le christianisme les textes canoniques
sont l’Ancien Testament + le Nouveau Testament, et que pour l’islam il n’y a
qu’un seul livre : le Coran (mais « complété » par les hadiths du Prophète).
Le Décalogue
De la Torah écrite, un des passages les plus connus et célébrés est celui du
Décalogue en qui l’Occident voit comme sa charte de civilisation. Recopionsle tel qu’il figure dans la Torah en Exode, chap. XX, versets 1 à 17 (une autre version, « légèrement » différente en Deutéronome, chap. V, versets 6 à 21).
II
52
1. « Et Dieu prononça toutes ces paroles.
2. C’est moi le Seigneur, ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte,
de la maison de servitude :
3. Tu n’auras pas d’autres dieux face à moi.
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I
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III
IV
V
VI
VII
VIII
IX
X
4. Tu ne te feras pas d’idole, ni rien qui ait la forme de ce qui se trouve
au ciel là-haut, sur terre ici-bas ou dans les eaux sous la terre.
5. Tu ne te prosterneras pas devant ces dieux et tu ne les serviras pas,
car c’est moi le Seigneur, ton Dieu, un Dieu jaloux, poursuivant la
faute des pères chez les fils sur trois et quatre générations — s’ils me
haïssent —
6. mais prouvant sa fidélité à des milliers de générations — si elles
m’aiment et gardent mes commandements.
7. Tu ne prononceras pas à tort le nom du Seigneur, ton Dieu, car le
Seigneur n’acquitte pas celui qui prononce son nom à tort.
8. Que le jour du sabbat on fasse un mémorial en le tenant pour sacré.
9. Tu travailleras six jours, faisant tout ton ouvrage,
10. mais le septième jour, c’est le sabbat du Seigneur, ton Dieu. Tu ne
feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, pas plus que ton
serviteur, ta servante, tes bêtes ou l’émigré que tu as dans tes villes.
11. Car en six jours, le Seigneur a fait le ciel et la terre, la mer et tout ce
qu’ils contiennent, mais il s’est reposé le septième jour. C’est pourquoi le Seigneur a béni le jour du sabbat et l’a consacré.
12. Honore ton père et ta mère, afin que tes jours se prolongent sur la
terre que te donne le Seigneur, ton Dieu.
13. Tu ne commettras pas de meurtre.
14. Tu ne commettras pas d’adultère.
15. Tu ne commettras pas de rapt.
16. Tu ne témoigneras pas faussement contre ton prochain.
17. Tu n’auras pas de visées sur la maison de ton prochain.
Tu n’auras pas de visées ni sur la femme de ton prochain, ni sur son
serviteur, sa servante, son bœuf ou son âne, ni sur rien qui appartient à ton prochain. »
(Traduction Œcuménique de la Bible (TOB))
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De ce Décalogue, la tradition juive donne une présentation traditionnelle sur
« deux tables » où figurent les premiers mots de chaque commandement.
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L’hébreu s’écrivant et se lisant de droite à gauche, nous avons essayé de
rendre l’aspect visuel de ces deux « tables » de la Loi, telles que traditionnellement figurées dans les lieux de culte, sur des objets de culte ou même sur
des bijoux symboliques.
6. N’assassine pas...
7. Ne sois pas adultère...
8. Ne vole pas...
9. Ne sois pas faux témoin...
10. Ne convoite pas...
1. Je suis ton Dieu...
2. Ne fais pas d’idoles...
3. Ne jure pas en vain...
4. Souviens-toi du chabbath...
5. Honore tes parents...
Cette disposition est remarquable à plusieurs titres. La deuxième « table » ne
comporte que des interdictions absolues (la forme grammaticale même du
commandement exclut toute exception) ayant trait à la vie sociale.
La première table, outre les commandements essentiels concernant Dieu et
la sanctification de son œuvre de création par le sabbat, comporte le seul
commandement positif de la vie sociale, et celui-ci origine tout homme dans
le respect dû aux parents.
À titre de comparaison, remarquons que l’ordre traditionnel catholique, la
numérotation des commandements et même le contenu sont parfois différents ou « adaptés ». Ainsi, par exemple, pour le judaïsme, l’interdiction d’assassiner est le sixième commandement alors que, pour le catéchisme catholique, il est le cinquième.
Pour permettre au lecteur de faire lui-même ses commentaires, nous reproduisons ci-dessous le Décalogue tel qu’il fut connu et appris par cœur par des
millions de catholiques au cours de nombreuses décennies.
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1. Un seul Dieu tu adoreras, Et aimeras parfaitement.
2. Dieu en vain tu ne jureras, Ni autre chose pareillement.
3. Le dimanche tu garderas, En servant Dieu dévotement.
4. Tes pères et mères honoreras Afin de vivre longuement.
5. Homicide point ne seras, De fait ni volontairement.
6. Luxurieux point ne seras, De corps ni de consentement.
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7. Le bien d’autrui tu ne prendras, Ni retiendras injustement.
8. Faux témoignage ne diras, Ni mentiras aucunement.
9. L’œuvre de chair ne désireras, Qu’en mariage seulement.
10. Bien d’autrui ne convoiteras, Pour les avoir injustement.
Le catéchisme de Malines, 1882, p. 104 (240 pages).
Dans le Nouveau Testament, le Décalogue est implicite et connu, il n’a plus
besoin d’être rappelé.
Dans le Coran (Sourate XVII, 22-39), on trouve une sorte de Dodécalogue (12
commandements).
Tableau des livres canoniques du judaïsme
LOI ÉCRITE : LE TANAKH ou BIBLE
I. La Torah (ou Pentateuque)
Ω Genèse
Ω Exode
Ω Lévitique
Ω Nombres
Ω Deutéronome
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II. Les Prophètes
Ω Premiers prophètes :
Josué
Juges
1 et 2 Samuel
1 et 2 Rois
Ω Derniers prophètes :
Isaïe
Jérémie
Ézéchiel
Les 12 « petits prophètes »
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III. Les Écrits (ou Hagiographes)
Les Psaumes
Proverbes
Job
Les « cinq rouleaux »
(Lamentations, Écclésiaste, Ruth, Esther, Cantique des Cantiques)
Daniel
Ezra
Néhémie
1 et 2 Chroniques
LOI ORALE
I. Midrash (scruter)
Il contient plusieurs recueils de textes exégétiques concernant le Tanakh.
II. Talmud
A. Mishnah (« répétition »). Elle contient 63 traités selon six « ordres » :
Semences (agriculture...) ; Fêtes (chabbath...) ; Femmes (vie conjugale...) ;
Dommages (lois civiles et criminelles...) ; Choses saintes (Temple...) ;
Purifications (pur et impur).
B. Guémara (« finition »). Elle contient les commentaires sur 36 traités de la
Mishnah. On y distingue l’aspect législatif (Halakha, l’aspect narratif, l’aspect
moral, l’aspect coutumier et l’aspect folklorique (Aggadah)).
III. Le Zohar
C’est un commentaire ésotérique et mystique sur la Torah.
Définitions
Talmud : l’achèvement de son écriture fut terminé au Ve siècle de notre ère, le
Midrash date du IIe au Xe siècles ; le Zohar date du XIIIe s. D’autres livres de
commentaires en tous genres n’ont jamais cessé d’être édités depuis lors,
mais n’ont pas de valeur canonique. Le Zohar est le dernier qui soit considéré
comme canonique.
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Canoniques : qui appartiennent à un canon : ensemble des livres admis comme
faisant autorité. À ce canon biblique, les catholiques et les protestants ajoutent d’autres livres, appelés chez les premiers Deutérocanoniques, chez les
seconds Apocryphes.
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L’orthopraxie et l’étude
Ce qui fait à proprement parler la spécificité du judaïsme, c’est qu’il est une
orthopraxie 25 et non une orthodoxie 26 et, en plus, une étude. Dans le judaïsme, on accorde infiniment moins d’importance aux idées que l’on pourrait avoir sur Dieu, sur l’homme en général, sur le temps, l’espace, la nature,
etc. que sur l’accomplissement des commandements (mitzvoth, pluriel de
mitzvah) tels qu’ils sont inscrits et prescrits dans la Loi écrite (Torah) et explicités et scrutés dans la Loi orale (Talmud).
Certes, dans le judaïsme, on a aussi quelque idée sur ce que serait une pensée juste, des croyances justes, mais un adage fort libéral empêche que les
opinions se figent en orthodoxie exclusive : « Les paroles des uns et des
autres sont les paroles du Dieu Vivant. »
Néanmoins, Maïmonide (philosophe, théologien, médecin juif, 1135-1204)
s’est attelé à la tâche de définir ce que serait une « foi correcte ». Il fut critiqué en son temps et beaucoup continuent à penser que ses Treize Principes
de Foi ont valeur indicative plutôt que valeur obligatoire au sens d’un véritable credo essentiel (voir tableau).
En fait, qui pratique la Loi et ne cesse de l’étudier pour la pratiquer fidèlement
n’a pas besoin d’articles de foi, mais — qu’on nous passe l’expression — d’articles de loi.
Toute la Loi est contenue dans la Torah, c’est pourquoi toutes les lois, commandements moraux, rituels et cultuels — entre lesquels on ne se permet pas
d’établir une hiérarchie ou une différence de nature essentielle — ont leur
source dans la Torah et uniquement en elle ou trouvent en elle, selon les commentaires autorisés des Maîtres du Talmud (Torah orale), leur fondement.
- 613 commandements (mitzvoth) constituent ainsi toute la Loi : 248 positifs
(ce chiffre ferait référence au nombre total des « parties » du corps humain) et
365 négatifs (référence au nombre de jours d’une année solaire).
Nous ne pouvons bien sûr entrer dans le détail ni discuter avec le lecteur de
ce qui à première vue apparaît comme une construction légaliste et ritualiste
ne laissant pratiquement aucun acte de l’homme en dehors du champ et de
l’intervention de la Loi.
Que le joug de la Loi puisse être plein de saveur et de raisons pour qui s’y soumet relève d’un vécu intime dont aucune observation externe ne peut rendre
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compte. Remarquons toutefois, sans épiloguer, qu’une telle observance méticuleuse sépare ceux qui s’y soumettent du « cours naturel » d’une convivialité profane.
Les Treize Principes de la Foi selon Maïmonide
Je crois en l’existence d’un créateur et d’une providence.
Je crois en l’unicité de Dieu.
Je crois en l’incorporéité de Dieu.
Je crois en l’éternité de Dieu.
Je crois qu’à Dieu seul est dû un culte.
Je crois en la parole des prophètes.
Je crois que Moïse a été le plus grand de tous les prophètes.
Je crois à la révélation de la Torah à Moïse, sur le Sinaï.
Je crois à l’immuabilité de la Loi révélée.
Je crois à l’omniscience de Dieu.
Je crois en la rétribution dans ce monde et dans l’autre.
Je crois en la venue du Messie.
Je crois en la résurrection des morts.
Impossible de partager avec qui que ce soit (juif ou non-juif) un repas qui ne
serait pas casher (conforme aux prescriptions rituelles en fait d’alimentation),
impossible d’avoir avec qui que ce soit une activité interdite le chabbath
(aussi « innocente » que de regarder une émission de TV, par exemple), impossible d’épouser une femme (même juive) qui ne respecterait pas les lois de la
pureté conjugale. Ce rigorisme est parfois tempéré ou inobservé, il n’empêche qu’il est la Loi : dura lex, sed lex.
Par ailleurs, il ne s’agit pas d’exagérer ce nombre de 613 commandements
quant à chaque individu particulier. Ce nombre en effet concerne le peuple
juif pris dans sa totalité. Certaines lois concernent exclusivement les
hommes, d’autres les femmes, certaines le roi, d’autres ont trait au service du
Temple, donc ne concernent que les prêtres officiants, etc. Du fait même qu’il
n’y ait plus de roi, plus d’esclaves, plus de Temple, et donc plus de culte et de
prêtres officiants, il résulte que certaines mitzvoth ne sont tout simplement
plus observables mais uniquement connaissables et pouvant être étudiées. À
titre d’exemple, voici quelques mitzvoth, très brièvement fondées et commentées. 27
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1. Le devoir de procréer, selon le verset (Gen. 1, 28) : « ... Croissez et multipliezvous ! » Applicable partout et à toutes les époques. Commandement obligatoire pour l’homme, non pour la femme.
Sans l’effectuation de ce commandement, le monde se dépeuplerait.
2. Le devoir de circoncire, selon le verset (Gen. XVII, 10) : « ... Circoncisez tout
mâle ». Applicable partout et à toutes les époques. Ce devoir incombe au père.
Signe de l’alliance et symbole de parachèvement.
548. L’obligation de rédiger un acte de répudiation, selon le verset
(Deutéronome XXIV, 1) : « ... Rédigez pour elle un acte de répudiation... ».
Applicable partout et à toutes les époques. Ce devoir incombe au mari.
Sans cet acte, la femme serait toujours mariée et son remariage éventuel
adultère.
34. Il est interdit d’assassiner, selon le verset (Exode XX, 13) : « Tu ne commettras pas d’assassinat. » Applicable partout et toujours, par tous.
Qui assassine son semblable dépeuple de ses propres mains le monde.
82. Il est interdit au tribunal de condamner à mort un accusé à la majorité
d’une seule voix, selon le verset (Exode XXIII, 2) : « Tu ne suivras pas une
majorité qui veut le mal... » Il faut toujours donner une chance de plus à l’acquittement qu’à la condamnation, la vie d’un homme étant irremplaçable.
Au moins près de la moitié des commandements positifs et négatifs n’ont
plus aucune actualité du fait de la disparition du Temple et de son culte, de
ce que la vie juive se déroule en diaspora et non plus en Israël 28, de l’absence
de royauté en Israël, etc. Ils n’en sont pas moins étudiés et commentés. En
cela réside aussi la grande spécificité du judaïsme : la passion de l’étude de
la Loi, laquelle peut conduire aussi au goût d’autres études ou de l’étude en
général.
Comprendre exactement ce que Dieu a commandé qu’on fasse alors qu’on
n’est plus en mesure de le faire puisque le Temple est détruit et qu’on se trouve en Exil, voilà bien une attitude paradoxale, diront les uns, névrotique,
diront les autres. Mais beaucoup moins qu’on ne le croit puisque celui qui
étudie, c’est comme s’il hâtait la venue du Messie par l’étude désintéressée
de ce qui sera un jour réalisé : toute la Torah sur la Terre d’Israël.
Ici aussi, il nous faut décrocher car cette quasi-transcendance de l’étude de la
Loi de Dieu, de la Torah, des deux Torot, ne relève plus de l’observation mais
du vécu de celui qui en fait sa raison d’être.
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La Kabbale
ou la tradition ésotérique dans le judaïsme
Ω la Torah parle des choses d’en bas, mais se réfère en réalité aux choses d’en
haut ;
Ω tout 31 a un sens patent mais bien plus un sens latent qu’il s’agit de scruter et de dévoiler.
En dehors du judaïsme, la Kabbale a touché à la Renaissance certains milieux
chrétiens et continue d’intéresser beaucoup de cercles friands d’ésotérisme.
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Kabbale vient de l’hébreu qabbalah qui signifie réception, tradition. Il s’agit
d’une tradition ésotérique qui remonterait selon certains à Adam, tradition
qui ferait partie de la Révélation authentique, tradition qui serait transmise
d’initié en initié, lesquels auraient par ailleurs assimilé également des traditions ésotériques d’origine étrangère (babylonienne, perse...), des idées gnostiques 29 et néo-platoniciennes 30.
Quoi qu’il en soit, la Kabbale ne s’étudie généralement qu’à partir d’un certain âge, qui varie selon les individus, sous la conduite d’un maître initié, car
son étude n’est pas sans danger pour celui qui n’aurait pas bien assimilé
d’abord le contenu exotérique (apparent, simple, valable pour tous) de la
Révélation et pourrait se perdre, s’affoler, ou recourir à des procédés magiques, dans la poursuite du sens caché de celle-ci quant à Dieu, à l’Univers, à
l’Homme, au Salut.
Ceci montre combien il est difficile d’en dire quelque chose d’un peu sérieux,
surtout en quelques lignes, à qui n’est pas déjà au fait de l’exotérique dont
l’ésotérique, par de nouveaux symboles et moyens d’interprétation, prétend
donner la clef et dévoiler le sens et la puissance cachés.
Déjà, le Talmud contenait certains éléments épars de cosmogonie et de théosophie ésotériques.
Mais c’est en Provence, en Espagne, en Allemagne que la Kabbale se systématisa.
Le Zohar (Séfèr ha-Zohar, Le Livre de la Splendeur), « découvert » en Espagne
au XIIIe siècle comme l’œuvre de Rabbi Siméon bar Yohaï, célèbre Maître du IIe
siècle de notre ère ayant vécu en Galilée, représente l’œuvre majeure, la
« Bible » des Kabbalistes.
Le Zohar contient de nombreux textes difficiles du fait des correspondances
et transmutations qu’il opère à partir, en gros, de deux grands principes :
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Chapitre 1 : Le judaïsme
Un petit texte, d’allure midrashique (commentaire « scrutateur »), permettra
au lecteur de s’en faire une toute petite idée.
Le départ de la vie
Lorsqu’un homme est à l’heure où il va quitter la vie, Adam, le premier
homme, vient devant lui et lui demande pourquoi il quitte le monde et en
quelle condition. L’homme dit : « Malheur à toi, car c’est à cause de toi que je
dois mourir. »
Adam répond : « Mon fils, j’ai enfreint un seul commandement, et j’ai été châtié pour cela ; vois le nombre des commandements de notre Maître, positifs et
négatifs, que tu as transgressés. »
Rabbi Hiyya dit : « Aujourd’hui encore Adam existe ; il se présente deux fois
par jour devant les patriarches et confesse ses fautes ; il leur montre l’endroit
où il séjournait autrefois dans la splendeur céleste. »
Rabbi Yessa dit : « Adam se présente devant chaque homme au moment où il
va quitter cette vie afin de témoigner que l’homme ne meurt pas à cause du
péché d’Adam mais à cause de ses propres péchés, ainsi que les sages l’ont dit :
« Il n’est de mort sans péché. »
(Le Zohar, Le Livre de la Splendeur. Extraits choisis et présentés par Gershom
Scholem, Éd. Seuil, 1980, coll. Points-Sagesse n° SA21, p. 40.)
© Eyrolles Pratique
Le hassidisme
Le mot vient de l’hébreu hèsèd (grâce), d’où hassidim (les pieux, les dévots). Déjà,
au IIe siècle avant notre ère, il y eut des Juifs pieux connus comme Assidéens
(transcription, pour cette époque historique, de hassidim) qui combattirent aux
côtés des Maccabées 32. Au XIIe siècle en Rhénanie, se constitua une communauté de hassidim qui, en réaction par rapport aux duretés de l’époque
(famines, discriminations, injustice...), prônèrent l’ascétisme, l’altruisme, le pardon des Injures. Comme si aux mêmes causes répondaient les mêmes effets,
c’est en Podolie (sud-ouest de l’Ukraine) après les massacres de Bogdan
Chmielnicki 33 et la catastrophe qui en résulta pour la communauté juive de
Pologne, comme aussi après la folle aventure du faux Messie Shabbtaï Zvi 34,
que naquit le mouvement hassidique moderne dont le fondateur est Israël
Baal Chem Tov 35, surnommé le Becht (acrostiche des trois initiales de son
titre : B, CH, T).
Puisque des maux terribles ne cessent d’accabler les communautés juives,
puisque Shabbtaï Zvi s’est révélé un faux Messie et, qui plus est, apostat,
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puisque la masse du peuple est de moins en moins à même de se consacrer à
l’étude — ressentie par ailleurs comme non seulement trop érudite mais encore
et surtout comme trop peu chaleureuse — le Becht fera porter l’accent sur la joie
que l’homme peut et doit éprouver du fait de la présence de Dieu en toutes
choses, sur la valeur pour chacun de la moindre de ses actions et de ses pensées
pour peu qu’elles soient animées d’une intention spirituelle (kavanah).
L’important est la ferveur, l’intensive intention, la joie que manifestent tant le
chant (souvent très peu de paroles et même parfois de purs airs sans paroles)
que la danse, et non l’étude méticuleuse d’observances scrupuleuses. Son enseignement sera à la mesure même de l’attente de son auditoire de gens simples,
sensibles à son charisme, fait de courts récits, d’apologues, de fables, d’anecdotes dont le retentissement, dans le cœur de chacun, se poursuit longuement
et longtemps.
Son mouvement « piétiste » trouva des opposants radicaux (mitnagdim) qu’effrayait un judaïsme populaire si peu studieux et tellement passionné. Après des
« guerres » et armistices nombreux, la paix fut signée : le hassidisme ne se substitue pas à l’étude, l’étude n’exclut pas la ferveur joyeuse.
Par la suite, le hassidisme connut des transformations diverses dont ne sont pas
exclues certaines tendances charismatiques point toujours indemnes de
paternalisme spirituel, de superstitions, d’esprit sectaire, de fermeture au
monde, d’« ultra-orthodoxie ».
Les hassidim actuels forment en tout cas des groupes religieux bien « visibles »
par leur façon de se vêtir, habituelle au temps de leur fondateur et de leurs
contrées d’origine, inhabituelle aujourd’hui : caftans noirs, bas blancs, chapeaux
à fourrure.
Il n’est pas de meilleure initiation à goûter le message et la manière du hassidisme que d’écouter, par exemple, ces trois petits récits (en version légèrement
abrégée).
Quelqu’un cita une sentence du Baal Chem : « C’est chose archi-connue que nul
ne commettrait de péché si l’esprit de folie n’avait pris possession de lui. Or,
que fait le sage devant un fou ? Il rit de toutes les folies qu’il lui voit faire ; avec
ce rire, un souffle de douce clémence se répand sur le monde, attendrissant la
sévère rigueur de la stricte Justice. Tout ce qui pesait lourdement se fait légèreté. » ...
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Le rire salvateur
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Un homme et non pas l’homme
Question posée à Rabbi Pinhas : « Pourquoi est-il écrit : Au jour que Dieu créa
un homme sur la terre, et non point : au jour que Dieu créa l’homme sur la
terre ? »
Réponse et explication : « Tu serviras ton Créateur exactement comme s’il
n’existait qu’un seul homme sur terre : toi ! »
Le bon reniement
… L’homme ne possède rien qui soit créé en vain... Mais pourquoi donc le
reniement de Dieu a-t-il été créé ? C’est qu’il peut, lui aussi, tourner en bien
et servir au salut. Car si quelqu’un vient à toi pour te demander aide et assistance, tu ne vas pas lui dire d’une bouche pieuse : « Aie confiance et tournetoi vers Dieu dans ta détresse ! Non. Tu vas agir comme si Dieu n’existait pas :
comme s’il n’y avait sur toute la terre que toi, seulement toi, qui puisses aider
cet homme. »
(Extraits de Les Récits hassidiques. Martin Buber. Éd. Plon, 1963. pp. 175, 193,
473)
Calendrier juif et fêtes juives
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L’année juive se calcule depuis la « création du monde ». En l’an zéro de notre
ère, le chiffre convenu est de 3760 années. Pour savoir en quelle année « juive »
nous sommes, il suffit d’ajouter à ce nombre (3760) l’année du calendrier
« civil », « universel ».
Ainsi, jusqu’au 27 septembre 2003, nous sommes en 5763 (3760 + 2003). Mais
dès le 28 septembre 2003 (début de la nouvelle année juive, Roch Hachana),
nous serons en 5764, étant donné que l’année juive commence 3/4 mois plus
tôt que l’année civile.
Comme les mois du calendrier juif sont des mois lunaires de 29 ou 30 jours, il
y a un retard à rattraper sur l’année solaire de 365 jours 1/4. Ce retard de
11 jours par an (365 — 354) est comblé tous les 3 ans par un mois intercalaire.
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Roch Hachana (« tête de l’année » = nouvel an) : jour anniversaire de la
création du monde et passage en jugement de toute créature. La sonnerie du chofar (corne de bélier sans défaut) rappelle le sacrifice d’Isaac et
appelle Dieu à la clémence, les fidèles à l’examen de conscience.
Les « dix jours terribles » (entre Roch Hachana et Yom Kippour : force du
repentir et clémence de Dieu).
2. Yom Kippour (« jour de l’expiation », « le grand pardon ») : Dieu accorde
son pardon pour les péchés commis contre lui, mais chacun doit demander pardon pour les péchés commis envers son prochain à son prochain
lui-même. Jeûne de 24 heures. Toute la journée se passe à la synagogue
en prières et supplications afin d’obtenir le pardon et une « bonne inscription » dans « le livre de la vie et de la mort » pour l’année à venir.
3. Souccoth (« fête des cabanes ») : 7 jours pendant lesquels le fidèle mange
et dort dans une « cabane » dont le toit laisse voir le ciel.
Commémore la vie sous tente des Hébreux durant les quarante ans d’errance dans le désert, à la sortie d’Égypte.
4. Simkhat- Torah (« la joie de la Torah ») : célèbre la donation de la Torah à
Moïse. Le cycle de sa lecture s’achève ce jour et reprend ce même jour. Les
rouleaux de la Torah, sortis de 1’« Arche sainte », sont portés à bras le
corps : chants et danses.
5. Hanoukah (« la fête de la Dédicace » ou « fête des lumières ») : commémore le miracle de la lumière (lampe à huile) qui resta allumée huit jours
au lieu d’un, lors de la nouvelle consécration du Temple en 164 avant
notre ère. Chaque jour, on procède à l’allumage d’une bougie supplémentaire, et cela pendant huit jours, sur un chandelier à huit branches
(hanoukiah), muni d’un appendice pour loger la bougie « servante » qui
sert à l’allumage des autres.
6. Pourim (« la fête des « sorts ») : les « sorts » utilisés par Haman, vizir du
roi perse Assuérus (Ve siècle avant notre ère), pour choisir la date d’extermination de tous les Juifs de l’empire se retournent contre lui, grâce à
l’intervention d’Esther. Lecture du Livre d’Esther à la synagogue. Repas
festif. Cadeaux aux enfants. Carnaval.
7. Pessakh (« Pâque » = le « saut » que fait l’Ange exterminateur en épargnant les maisons des Hébreux) : commémore la libération par Dieu du
peuple juif, esclave en Égypte.
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Repas solennel (sédèr) au cours duquel le père lit la Haggadah (récit de la
sortie d’Égypte). Obligation de manger de la matzah (pain sans levain,
encore appelé pain azyme), pain d’ « humilité », et interdiction de tout
autre pain pendant les huit jours de la fête.
8. Chavouoth (« fête des Semaines » ou Pentecôte (50 jours après Pâque) :
commémore le don de la Loi (Torah) fait par Dieu à Moïse : « fête du don
de notre Torah » .
9. Ticha be Ab (« le neuf du mois de Av ») : jour de deuil et de jeûne qui commémore la destruction des deux Temples de Jérusalem (586 avant notre
ère, 70 de notre ère).
Parmi les fêtes populaires, signalons aussi :
Ω Tou Bichvat (le 15 chvat) : « nouvel an des arbres ».
Ω Lag Baomer (le 18 Iyar) : fête des écoliers. Cette fête célèbre aussi Siméon
bar Yohaï (IIe s.), l’auteur présumé du Zohar (XIIIe s.), traité de la tradition
ésotérique (Kabbale).
« Valeurs juives » ou judaïsme
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Pas plus que d’autres religions, le judaïsme n’a échappé à l’air du temps, au
climat général de contestation de la religion tant comme orthodoxie que
comme orthopraxie.
La majorité des Juifs aujourd’hui ne sont plus orthopraxes (ou, si l’on préfère
observants, pratiquants), mais se plaisent à trouver dans ce qu’ils appellent
les valeurs juives un portrait du Juif selon leur goût : ni chasseur, ni violent,
ni raciste, ni buveur, mais porté à aider son prochain, à ressentir la peine du
pauvre et de la victime, lui qui a si souvent été l’un et l’autre, animé du souci
de comprendre, attiré, comme par atavisme, vers les études. En somme, il y
aurait un humanisme juif, et de belle eau, qui n’aurait rien de religieux et qui
constituerait l’essentiel de ces valeurs juives dont la judéité est toujours porteuse. Certes, ces valeurs naquirent de la religion, mais elles sont maintenant
suffisamment adultes pour se passer d’une transcendance et d’une justification par la Loi.
La minorité orthopraxe, elle, ne connaît de valeurs juives que précisément
celles qui passent par la transcendance et par la Torah, à telle enseigne même
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que l’on pourrait dire que le commandement « tu auras souci de ton prochain
comme de toi-même » 36 n’est justifié que parce que intimé par Dieu et non
parce que maxime humaniste.
Cette injonction n’est mitzvah (commandement de la Loi) que pour cette raison-là. Le judaïsme orthopraxe n’est pas un humanisme laïque car il est d’un
même mouvement théo-centré, torah-centré, mitzvah-centré.
Cette opposition entre majorité laïque et minorité orthopraxe ne rend pas
bien compte du vécu de millions de Juifs qui, tout en refusant de faire partie
de cette minorité orthopraxe, n’en ont pas moins le sentiment de ne pas
appartenir pour autant à une majorité laïque, « pure et dure ». Se méfiant
comme la peste de toute injonction qui les sommerait de choisir leur camp
(orthopraxe ou laïque), ils ressentent bien plus leur appartenance à la judéité
comme le dénominateur commun qui les tient quittes de toute obligation à
préciser leur attitude quant à la religion (foi et orthopraxie).
Retenant des rites et coutumes ce qui leur convient, « subvertissant » laïquement le sens de certaines fêtes (Pâque), de certains rites (bar mitzvah, circoncision), ils nourrissent leur judéité d’une sorte de « religiosité civile » ou
laïque, ethno-centrée, dont la modernité ambiguë puise pourtant dans la
tradition. Ils gardent les signes mais en modifient le sens.
Certes, tant que la situation d’Israël ne deviendra pas « normale », tant que
l’antisémitisme 37 n’aura pas fait la preuve de son déclin final mais hésitera
entre rémission et accès, tant que le christianisme et l’islam auront encore du
chemin à parcourir pour se débarrasser de leurs antijudaïsmes respectifs non
pas au nom de la tolérance ou d’un quelconque concordisme superficiel, mais
au nom même — si cela se peut — d’une foi plus féconde, les Juifs, croyants
ou incroyants, seront unis (ou en tout cas feront semblant de l’être), comme
ils l’ont toujours été face à l’insulte, au péril, au malentendu. À tel point
d’ailleurs que, par une sorte d’amalgame langagier, les incroyants eux aussi
s’incluent dans le judaïsme, distinguant simplement un « judaïsme laïque »
d’un « judaïsme religieux ». Or, dire du judaïsme qu’il serait religieux, c’est un
pléonasme, quant à dire du judaïsme qu’il pourrait être aussi un laïcisme,
c’est énoncer une contre-vérité.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, aujourd’hui, quelques-uns déjà prennent l’habitude de distinguer fort justement entre la judéité, la qualité ou le
fait d’appartenance à l’ethnie juive, et la judaïté, la qualité ou le fait d’appartenir au peuple d’Israël dans sa fidélité à la Torah et à son Dieu. Ce n’est pas
parce que la judaïté implique la judéité que la réciproque est vraie.
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Chapitre 1 : Le judaïsme
Le judaïsme est la religion, la Torah, de ceux qui sont juifs de judaïté. Ceux qui
sont exclusivement Juifs de judéité, et qui sont donc incroyants, agnostiques,
athées, convertis même à une autre religion, et dans tous les cas non orthopraxes, ne sont plus dans le judaïsme.
Bien sûr, le judaïsme peut les intéresser culturellement ou scientifiquement,
ils peuvent même ressentir plus d’intérêt pour l’étude de celui-ci que pour le
bouddhisme, même conserver quelques bribes de tradition ou d’émotions
« tribales » ou « tripales », il n’empêche qu’éloignés de toute orthopraxie, tout
en restant Juifs, ou d’origine juive, ou autre chose encore, ils ne sont plus
dans le judaïsme. Qu’ils aient, du fait de leur judéité, et eux seuls, qualité
pour faire retour (techouvah) à la foi de leurs ancêtres ne saurait gommer ou
rendre perméable la différence radicale existant entre un humaniste juif
laïque et un Juif religieux et donc orthopraxe.
Toute autre est la différence entre tenants d’un judaïsme ou réformé, ou libéral, ou conservateur, ou orthodoxe. Là, il s’agit d’un débat intra-religieux entre
ceux qui pensent que l’essentiel étant posé : l’alliance liant Dieu-la Torah-le
peuple d’Israël, on peut et on doit discuter des accommodements possibles ou
changements éventuels, étant donné le monde dans lequel on vit.
Comme ce débat n’intéresse que ceux qui sont religieux, nous n’avons rien à
en dire. Tout ce que nous pouvons constater est que ce débat existe et qu’il
ne peut qu’être virulent, étant donné la nature même de tout système orthopraxe pour qui toute modification qui ne parviendrait à se fonder sur le texte
de la Loi, fût-ce par une interprétation subtile, est impossible. Ce n’est pas
pour rien que le courant « libéral » met davantage l’accent sur les enseignements éthiques des Prophètes que sur l’orthopraxie rituelle.
Les non-religieux qui seraient laïquement pour une Loi plus souple, plus
« humaine », n’ont de fait rien à voir dans ce débat — sauf intellectuellement,
bien sûr — puisque, quand bien même la Loi serait entièrement allégée, eux
n’en seraient pas preneurs pour autant, puisqu’incroyants. C.Q.F.D.
Cela étant dit, reste que le judaïsme, jusque dans ceux qui « pratiquement »
le nient, comme dans ceux qui, venus du monde païen, ne cessent d’en
revendiquer peu ou prou l’héritage, est comme un aimant qui n’a rien perdu
de son pouvoir d’attraction, comme un pôle toujours orienté vers ce qui,
comme le Dieu qu’il annonce, est Vivant.
C’est dire qu’il n’est pas moins mystérieux que la vie, toujours la même et
toujours autre.
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Quelques symboles de la vie religieuse juive
Beaucoup de ces réalités qui forment l’ordinaire de la vie religieuse juive n’ont
pu être évoquées au cours de ce bref survol. Elles sont pourtant énigmatiques
au premier chef pour celui qui n’est pas un tant soit peu initié à cette vie.
Les quelques rubriques explicatives ci-dessous permettront sans doute au
lecteur d’y voir un peu plus clair.
Ω Casher (« conforme, pur ») : ce qui est conforme aux règles de la cachrouth.
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Ω Cachrouth : ensemble des règles complexes délimitant le permis et
l’interdit en fait d’alimentation. Exemple : interdiction du porc, des bêtes
de proie, des crustacés... Interdiction de mélanger dans un même repas
des produits lactés et des produits carnés ou d’utiliser la même vaisselle
pour ces deux types de produits, interdiction de consommer la viande d’un
animal « autorisé » non abattu rituellement.
Ω Chabbath (« repos ») : jour de repos du vendredi soir au samedi soir. Jour
de repos, d’études, de repas festifs, de chants, de méditations, d’entretiens... Très nombreuses interdictions liées au refus de tout « travail » : ne
pas écrire, ne pas fumer, ne pas utiliser de moyen de locomotion... Toutes
interdictions qui déroutent l’observateur étranger ou le non-pratiquant,
mais que la Loi orale s’est évertuée à commenter et à expliciter dans le
sens de la joie et de la libération, non de la peine ou de l’ascétisme. En cas
de nécessité absolue, les interdictions d’agir, de se déplacer, d’écrire... sont
levées car le chabbath ne saurait faire obstacle au devoir de sauver une vie
en danger.
Ω Chma Israël (« Écoute, Israël... ») : début de la prière journalière récitée
matin et soir. Cette prière qui provient du Pentateuque (Deutéronome, VI,
4-9) exprime la quintessence de la foi juive. Ces premiers mots ont acquis,
au cours des âges, pour tout le peuple juif, valeur de symbole face aux
persécutions.
Ω Hazan (chantre) : c’est lui qui dirige et anime de sa voix souvent belle la
prière publique à la synagogue.
Ω Juif, juive : toute personne née de mère (femme mariée ou célibataire)
juive ou converti(e) selon la Loi. La loi israélienne est ici restrictive, car elle
ne reconnaît plus comme juive une personne convertie à une autre religion. Aux yeux de la Loi juive, Mgr Lustiger est toujours juif, aux yeux de la
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Chapitre 1 : Le judaïsme
loi israélienne, il a cessé de l’être. Toute personne née de mère juive adultère (encore faut-il le prouver !) est considérée comme mamzer ou mamzerah (juif ou juive « illégitime »).
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Ω Kaddich (« saint ») : très ancienne prière récitée en araméen, à la glorification et à la sanctification du Nom de Dieu (doxologie). Elle n’est pas une
prière pour l’âme du disparu comme on le croit parfois dans la tradition
populaire, quoique aussi récitée pendant les onze mois d’une période de
deuil d’un an par le fils du disparu.
Ω Kippah (ou calotte, ou yarmoulka) : petit couvre-chef qui se porte sur le
sinciput. L’obligation de la porter ne fait pas partie des 613 commandements, mais la coutume a pris force de loi. Signe d’allégeance au Très Haut,
de « crainte de Dieu ».
Ω Koi Nidré (« tous les vœux ») : à la veille de Yom Kippour, prière par laquelle le fidèle annule tous ses vœux inconsidérés envers Dieu.
Ω Mezouzah (« linteau de porte ») : étui contenant les deux premiers chapitres du Chma Israël (voir plus haut) ; on le fixe sur le montant droit du
chambranle de la porte.
Ω Minyan (nombre) : désigne le quorum de dix hommes, âgés de 13 ans ou
plus, nécessaire pour qu’il y ait prière publique et pour certaines cérémonies religieuses où la prière est toujours collective et publique.
Ω Niddah (« femme impure ») : une femme n’est pas permise à son mari pendant une période de douze jours qui commence à la fin de ses règles. Après
une immersion dans la mikvah (édifice du bain rituel), elle lui sera à nouveau permise. Base de la vie conjugale des époux orthopraxes.
Ω Rabbin (de l’hébreu rabbi, mon maître) : personne qui a reçu, à la suite
d’études spécialisées, le titre d’expert de la Loi. Aujourd’hui, ses fonctions
peuvent être multiples, surtout s’il est appointé par l’État ou une congrégation. Il n’en demeure pas moins essentiellement un interprète et un
décisionnaire en matière de Loi juive. Il n’est en tout cas aucunement un
prêtre.
Ω Synagogue : n’est ni une église, ni un temple, mais un lieu de réunion
(beth-knesset) pour la prière collective mais aussi pour l’étude de la Loi.
Ω Talith : châle de prière rectangulaire muni aux quatre coins de franges
(tsitsith).
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Ω Tefiline : phylactères. Deux boîtiers de cuir noirci reliés à des lanières de
cuir. Chaque boîtier renferme des rouleaux de parchemin sur lesquels sont
inscrits des versets bibliques. Ils sont utilisés pour la prière du matin (sauf
chabbath et jours de fête). Un des téfilines se met sur le bras gauche,
l’autre ceint le front.
Ω Tsitsith : franges du talith. Elles comportent 39 torsades (en guématria :
Tsitsith = 39 = Dieu est Un).
Ω Yéchivah : école où l’on étudie la Torah, principalement le Talmud.
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