Journal Identification = NRP Article Identification = 0298 Date: July 28, 2014 Time: 5:2 pm
REVUE DE NEUROPSYCHOLOGIE
NEUROSCIENCES COGNITIVES ET CLINIQUES
119
Article de synthèse
du risque de développer un trouble psychotique à
l’âge adulte [4] (voir aussi plus loin, «La perspective
développementale »).
Le caractère transdiagnostique
Les hallucinations peuvent apparaître au décours d’une
multitude de pathologies, qu’elles soient organiques (prise
de toxiques, crises d’épilepsie, migraines avec aura,
lésions ou tumeurs cérébrales), ophtalmiques (syndrome de
Charles Bonnet sur dégénérescence maculaire liée à l’âge,
glaucome...), ou neurodégénératives (démence à corps de
Lewy, maladie d’Alzheimer, de Parkinson).
De nombreuses pathologies psychiatriques sont égale-
ment concernées par ce symptôme (troubles de l’humeur,
trouble de stress post-traumatique, spectre schizophré-
nique, troubles de la personnalité). Une forte association
au cours du développement est d’ailleurs retrouvée entre
hallucinations et un certain nombre de pathologies psy-
chiatriques sans trouble psychotique tels que les troubles
dépressifs et anxieux de l’enfant. Plus particulièrement,
chez les adolescents, ces symptômes seraient associés à
un plus grand risque de développer un, voire plusieurs,
trouble(s) psychopathologique(s), notamment sur l’axe 1 du
DSM-IV, comparativement aux enfants pré-pubères (80 %
chez les 13-16 ans contre 57 % chez les 11-13 ans) [5].
Les troubles des apprentissages seraient également concer-
nés, tels que le TDA/H (trouble déficitaire de l’attention
avec ou sans hyperactivité) diagnostiqué dans lequel 22 %
des cas présenteraient des hallucinations [6], alors que le
risque d’hallucination pharmaco-induite par le méthylphé-
nidate est estimé à 0,5-1 %. D’autres étiologies, notamment
génétiques, infectieuses, auto-immunes et métaboliques,
sont également retrouvées associées aux hallucinations,
tant chez l’enfant que chez l’adulte [7].
Au vu de ces diverses étiologies, les hallucinations sont
de plus en plus considérées dans une perspective dimen-
sionnelle et transnosographique.
La perspective développementale
Aussi surprenant que cela puisse paraître, ce symp-
tôme est fréquemment retrouvé au cours du développement
normal. Souvent en lien avec des évènements environne-
mentaux stressants, il peut se révéler bénin, et dans 58 à
95 % des cas, transitoire. Les symptômes s’amendent géné-
ralement lors de la résolution de situations anxiogènes [8].
Les parasomnies bénignes (hallucinations hypnagogiques
– au coucher – et hypnopompiques – au réveil) sont égale-
ment des causes physiologiques fréquemment rapportées.
L’avancée en âge fait par ailleurs évoluer la relation
entre le symptôme, sa fréquence et son caractère patho-
logique. Les récentes études épidémiologiques estiment la
prévalence de ce symptôme dans la modalité auditive à
9 % chez les 7-8 ans, 17 % chez les 9-12 ans, 7,5 % chez
les 13-18 ans et à 5 % en population adulte [3]. Ces fré-
quences seraient à diviser par deux pour les hallucinations
survenant dans la modalité visuelle [9]. Il est à noter que
la fréquence du symptôme hallucinatoire semble diminuer
avec l’avancée en âge, à l’inverse de sa valeur pronostique.
La persistance ou l’apparition tardive de ce symptôme au
cours de l’adolescence constituerait un des premiers élé-
ments pronostiques à rechercher [10].
Phénoménologie des hallucinations
À la différence des hallucinations intrapsychiques,
indépendantes des sens et d’emblée complexes, les hallu-
cinations psychosensorielles peuvent concerner l’ensemble
des modalités sensorielles, et pour chacun de ces sens, des
phénomènes élémentaires et complexes sont distingués.
Les hallucinations auditives (HA), les plus fréquentes
quels que soient le contexte d’apparition, la culture et
l’âge, peuvent se traduire par de simples sons (rires, bour-
donnements, sifflements, klaxons, sons d’animaux...), des
mots isolés (prénom...), des mélodies, ou des phrases
et dialogues élaborés. Dans ce dernier cas, il s’agit
d’hallucinations acoustico-verbales (HAV). Les HV sont
également fréquentes, allant de formes géométriques
(kaléidoscopes), phosphènes ou flashs, à la vision de
visages, personnes, animaux réels ou fantastiques, ou
objets divers. Dynamiques ou statiques, certaines, appelées
panoramiques, peuvent envahir tout le champ visuel. Les
hallucinations tactiles (HT) vont de simples picotements,
aux sensations de froid ou de brûlures sur la peau, et les
cénesthésiques (HC) concernent les organes internes et les
sensations ressenties dans le corps. Enfin, les hallucinations
olfactives (HO) et gustatives (HG) sont le plus souvent désa-
gréables (nourriture, parfum, goudron, ammoniac, chairs
en décomposition, matières fécales, pourriture), allant de
la simple identification à l’attribution à une personne ou à
un événement de vie [11].
Le caractère multisensoriel
Au-delà de la complexité au sein d’une modalité sen-
sorielle donnée, il n’est pas rare d’observer une fusion
des percepts pour produire une expérience hallucinatoire
multisensorielle. Dans la schizophrénie, les patients rap-
portent notamment des hallucinations audiovisuelles, où
ce qui est entendu constitue la bande-son de ce qui est vu.
Les HO sont également souvent associées aux HT et aux
HG. Ces trois modalités sensorielles sont regroupés sous
le terme de «TOGH »(tactil olfactory gustatory halluci-
nations) restent cependant encore difficiles à identifier et
malheureusement trop peu étudiées. Néanmoins, même si
cela reste en débat, l’intérêt pour ce type d’hallucinations
croît en raison de sa potentielle valeur pronostique psychia-
trique. Leur présence tôt dans l’évolution pourrait en effet
signer une évolution plus défavorable [12].
Le caractère multisensoriel serait également prédomi-
nant dans la schizophrénie à début précoce, et serait le
marqueur d’une plus grande sévérité du trouble psycho-
tique et d’un poids neurodéveloppemental plus important,
comme l’indique l’association avec l’ampleur de la défi-
cience intellectuelle associée [13]. Chez la personne
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.