DROIT PUBLIC DES BIENS
Séance 1 vendredi 10 février 2012
Une première partie de ce cours va concerner le domaine public, et le fait de travailler sur la
notion de propriété publique des biens. Les personnes publiques sont autant propriétaires d’un
domaine public qu’un domaine privé.
Important : publication du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P).
Taper sur google : guide pratique du CG3P, on peut le télécharger, c’est un document utile.
Livre à jour : Foulquié. Ça s’appelle le droit administratif des biens, chez Lexis Nexis.
PREMIERE PARTIE : LE DOMAINE DES PERSONNES PUBLIQUES.
Deux remarques préalables : les personnes publiques sont propriétaires d’un patrimoine, qui est à la
fois immobilier (au sens du droit civil), et propriétaire d’un patrimoine mobilier. Exemple : les
tableaux des musées. On va appeler ça la propriété des personnes publiques. Ensuite les biens
relèvent soit du domaine public, soit du domaine privé. On va travailler sur le patrimoine des
personnes publiques. Pourquoi privilégier la distinction domaine privé et public ? Ces deux domaines
ont des régimes différents.
Introduction : cette distinction est d’origine jurisprudentielle mais codifiés dans le CG3P,
arrivé en décembre 2006 par une ordonnance, et les codes se sont faits en 2010.
CHAPITRE 1. LA DEFINITION DU DOMAINE PUBLIC
Section 1. finition légale
Cela relève de débats doctrinaux. Puis le juge interviendra. En fait ce domaine public
représente un patrimoine qui est soit un patrimoine « naturel » (le littoral), et « artificiel » (les ports).
Quelques mots sur l’approche historique et les débats doctrinaux :
Comment est née l’idée de différencier domaine privé et public ? Sous l’ancien régime, le
domaine de la couronne était unifié, unique. Ensuite cette unité est mise en cause au nom d’assurer
la protection d’une partie du patrimoine. On va imposer la distinction « domaine public », « domaine
privé ».
I. Le principe de la distinction
A) Une lente reconnaissance de la distinction
À partir du principe de l’unité des biens de la couronne, certains textes conduisent (1er pas
important de distinction) à dissocier ce domaine de la personne même du roi. Le premier texte à
conduire à cette distinction : l’édit de Moulin de février 1566, qui précise l’inaliénabilité des biens de
la couronne. Cela signifie qu’on ne peut pas vendre les biens de la couronne. Ce texte va être repris
par un certain nombre d’autres textes. Il s’agit d’éviter une dilapidation du patrimoine national. Mais
survient une deuxième idée. Peu à peu les juristes de l’ancien régime estiment que le patrimoine
public a aussi une valeur de bien commun, en raison de l’affectation du bien soit à l’usage du public,
soit ce qui sera le service public. Exemple : les routes sont du domaine public, certes elles ne peuvent
pas être dilapidées, mais elles doivent être protégées, elles profitent à tous.
Sur cette première étape, les révolutionnaires édifient ce qu’on va appeler le premier
code domanial en 1790. Cependant si le domaine de la couronne est transféré à la nation, le
législateur révolutionnaire ne distingue pas le domaine public du domaine privé. Ce n’est que au
cours du 19ème siècle, que la doctrine introduit la dissociation domaine public \ domaine privé, que le
domaine public doit être soumis à un régime exorbitant du droit commun.
L’auteur le plus important qui va travailler sur cette notion : Proudhon va introduire
l’idée de la nécessité de soustraire une partie des biens des personnes publiques au droit civil en
raison de l’affectation de ces biens.
Mais à l’époque la notion même d’affectation interdit de consacrer l’existence d’un
droit de propriété des personnes publiques sur leurs biens. On ne reconnaît pas immédiatement la
propriété des personnes publiques sur les biens.
Proudhon défend également le principe de la protection des biens affectés à l’usage
de tous. Il se fonde sur l’article 538 du code civil. En effet cet article disait que « Les chemins, routes
et rues à la charge de l'Etat, les fleuves et rivières navigables ou flottables, les rivages, lais et relais de
la mer, les ports, les havres, les rades, et généralement toutes les portions du territoire français qui ne
sont pas susceptibles d'une propriété privée, sont considérés comme des dépendances du domaine
public. »
Il dissocie déjà bien pour certains biens domaines public et privés.
B) La nature du droit de proprié des personnes publiques
Il y a deux thèses en présence :
- La thèse de l’opposition à la propriété des personnes publiques. En effet il est impossible
(selon une partie de la doctrine) le droit des collectivités publiques sur les choses au droit de
propriété des particuliers à l’exception des biens du domaine privé. Autrement dit la domanialité
publique exclurait la propriété. Ou encore on dit que le domaine public serait composé de biens
insusceptibles de propriété par nature ou en raison de l’affectation (pour le domaine public artificiel).
- La thèse de la propriété des personnes publiques sur le domaine public. Hauriou propose au
contraire l’idée de propriété au nom de l’utilité de cette reconnaissance, dès lors qu’on admet qu’il
s’agit d’une propriété singulière différente du droit de propriété privé. La personne publique n’a pas
l’abusus. Elle doit respecter l’inaliénabilité des biens du domaine public.
Cette thèse sera consacrée par une jurisprudence CE 27 janv. 1923, PICCIOLI. Il faut savoir
que cette propriété est désormais très importante pour les personnes publiques. L’idée qu’on a : on
doit trouver une compatibilité entre la défense, le respect du domaine public, mais aussi une
certaine rentabilité.
II. La recherche des critères de distinction
A) Les conceptions initiales de la distinction
Le premier critère, c’est le caractère insusceptible d’appropriation privée et affecté à l’usage
de tous. Ensuite cette référence permet déjà d’englober dans le domaine public la domanialité qu’on
va appeler naturelle. Mais il est nécessaire de se référer à d’autres critères, on va procéder à une
évolution sur le critère de l’affectation.
B) Le critère de l’affectation
L’idée est la suivante : pour qu’un bien relève du domaine public, il faut qu’il soit affecté à
l’utilité publique. Cette utilité publique peut se dissocier en deux hypothèses :
- soit l’affectation à l’usage de tous
- soit le bien va être affecté à un service public
Cette affectation concerne non seulement les biens immeubles, mais aussi les biens meubles
avec une évolution importante du fait du CG3P : ils le sont non pas en raison de leur affectation, mais
en raison de leur valeur historique.
Ce critère permet d’intégrer avec des nuances le domaine public naturel.
III. Consécration par le droit positif
Le premier texte qui va codifier cette solution c’est le Code du domaine de l’État. Il y en avait
qu’un seul, qui ne concernait que l’État, son article 2, qui conservait la référence au caractère
insusceptible d’appropriation privée, et le code ajoute « en raison de leur nature » (domaine naturel
en tant que tel) ou de leur destination.
Ensuite l’apport du CG3P : il définit les critères par rapport à l’affectation et ajoute aux biens
affectés à un service public. Il rappelle l’importance de la propriété sur le bien par une personne
publique. Et il ajoute le principe, qui est l’aménagement indispensable (cf. plus tard).
Section 2. La définition jurisprudentielle du domaine public et la
codification
Aussi bien dans le code que dans la jurisprudence, on a seulement quelques changements de
termes. La première condition, c’est la propriété de la personne publique.
La qualification ne résulte en aucun cas du pouvoir de décision de l’autorité publique mais de
la simple application des critères jurisprudentiels.
La collectivité ne pourra pas procéder à un classement unilatéral. CE 22 avril 1977,
MICHAUD.
Si ces critères ne sont pas réunis, la qualification par l’autorité propriétaire dans le domaine
public est sans conséquences CE 21 déc. 1956, SNCF c. M. GIRAUD.
Ensuite troisième élément : seul le juge administratif est compétent pour déterminer la
consistance du domaine public, et cela à titre exclusif.
Quant à la consistance du domaine public :
- La propriété d’une personne publique.
- L’affectation.
- Le critère de l’aménagement (indispensable) et non pas spécial pour les biens affectés au
service public.
I. L’appartenance du bien à une personne publique
A) Le droit de proprié des personnes publiques
Désormais le droit de propriété sur les biens du domaine public a été consacré tant par la
jurisprudence que par le Code. Philippe Yolka a fait sa thèse sur le droit de propriété des personnes
publiques, qui commente chez Lexis-Nexis.
Ce critère est confirmé par la jurisprudence. L’intérêt c’est de permettre notamment aux
personnes publiques de posséder ou d’avoir des actions telles que l’action possessoire, et l’action en
revendication, le droit d’acquérir la mitoyenneté ou encore après avoir fait sortir le bien du domaine
public, le fait d’aliéner le bien.
Le droit de propriété suppose la compatibilité entre les droits du propriétaire et la garantie
de l’affectation. La propriété publique est régie par les deux principes suivants :
- l’insaisissabilité de la propriété publique
- L’inaliénabilité des biens du domaine public
B) Le cas des établissements publics fonctionnels
Dans un 1er temps seul l’État et les collectivités territoriales ont un droit de propriété sur le
domaine public. Mais se pose la question des établissements publics fonctionnels (les universités, la
RATP) qu’on distingue des établissements publics territoriaux, il y a eu une hésitation du juge, qui ne
reconnaitra la pleine propriété que tardivement.
1) La reconnaissance de la domanialité publique des établissements publics
Pendant très longtemps, les établissements publics n’avaient pas de propriété sur leurs
biens, ils n’avaient donc pas de propriété publique. Puis dans le cadre d’un projet de réforme du
code civil, la Cour de cassation va admettre la propriété des musées de France sur les collections des
musées dans un arrêt du CASS. Civ. 1ère 2 avril 1963, MONTAGNE. Ainsi les collections seront bien
dans le domaine public.
Puis le juge administratif admet la qualification de domanialité publique à condition que les
biens de l’établissement public appartiennent avant le transfert à une collectivité territoriale, CE 19
mars 1965, COMPAGNIE LYONNAISE DES EAUX. Il y a aussi un avis sur l’ORTF en 1963.
Avis du 28 avril 1977 à propos des hôpitaux.
On ne comprend pas pourquoi le juge a cette hésitation.
Enfin on a un revirement de jurisprudence, TC 18 sept. 1979, établissement public des
arches de la défense (EPAD) à propos d’ouvrages réalisés par l’établissement public et notamment à
propos de la qualification de la dalle de la défense. Le CE confirme la domanialité publique CE 21
mars 1984, MANSUY. Sans qu’il y ait lieu de distinguer entre EPA et EPIC.
Séance 2 jeudi 16 février 2012
A priori il n’y a pas lieu de distinguer entre les établissements publics administratifs et les
établissements publics industriels et commerciaux. C’est un premier progrès qui va nous permettre
d’évaluer vers la question des EPIC. On est dans une phase d’évolution.
En effet la dimension industrielle et commerciale des EPIC n’est pas toujours compatible avec
la domanialité publique. C’est pourquoi le législateur est intervenu. Avec son intervention, précision
de la jurisprudence.
2) Position du législateur : la possibilité de décider que les biens d’un EPIC affectés à un SP relèvent
de la domanialité privée. Les biens sont propriétés d’un établissement public, ils font partie du
domaine public, mais la loi peut décider que ces biens seront soumis à un régime de domanialité
privée, sous l’influence du droit de l’UE.
Cas concrets :
- Domaine ferroviaire
Ce domaine de la SNCF comprend non seulement les voies ferrées mais également les gares,
leurs dépendances (parkings, galeries marchandes). Ce domaine a été étendu par une jurisprudence
CE 5 fév. 1965, société lyonnaise des transports. Les buffets de gare étaient dans le domaine public,
le législateur a modifié cette qualification avec la création depuis 1997 d’un nouvel EPIC : le RFF,
réseau ferré de France. Cela va avoir des conséquences sur la nature des biens. En effet, les biens qui
correspondent à l’activité SNCF restent propriété de l’État, et ceux qui concernent RFF ont été
transférés aux nouveaux EPIC. Autrement dit : l’infrastructure ferroviaire est dans le domaine public
alors que les autres biens (qui ne sont pas affectés au transport) relèvent du domaine privé.
- La Poste
Depuis 1990, on a un EPIC qui dispose de dépendances du domaine public.
- France Télécom.
Tout en étant un établissement public, puis en devant une SA, l’ensemble des biens ont été
déclassés et transférés comme biens privés à la nouvelle société. Depuis 2001 c’est la même solution
pour La Poste.
Cela veut dire qu’on peut les gérer, aliéner librement. Ce n’est plus un patrimoine lié à un SP.
Les solutions jurisprudentielles :
Le juge a fait évoluer le contenu des EPIC. Exemple en matière d’EDF-GDF : CE ass. 23 oct.
1998, a le CE infirme les positions du juge du fond. Il rappelle le principe de l’appartenance au
domaine public, tout en précisant quEDF est habilité à acquérir des biens et qu’il peut également les
aliéner dans les conditions du droit privé et de ce fait, il confirme la difficile compatibilité entre
domanialité publique et gestion commerciale des biens. À défaut de qualification par le législateur, le
juge va se prononcer sur la qualification, et va tenter de concilier l’affectation au SP et l’intérêt
économique.
- Logement social.
Le logement social est notamment géré par l’office public HLM, ou par des sociétés HLM. Avant il y
avait une ≠ de régime en fonction de la nature de la personne propriétaire des biens.
Mais en fait le juge dès les années 1980 va intégrer les logements dans le domaine privé,
pour faciliter l’aliénation.
C) Les établissements publics territoriaux (EPT) : le cas particulier des EPCI
Les plus connus sont les établissements publics de coopérations intercommunales (EPCI).
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