mettre en accord l’identité sexuelle des hommes et leur identité génitale. D’autres
sociétés néo-guinéennes pensent parvenir au même résultat en extrayant du corps du
novice une partie de sa substance féminine par saignée ou en lui faisant absorber une
substance masculine autre que le sperme. On est donc en droit de se demander si l’acte
homosexuel initiatique est bien un acte sexuel, ou si, inversement, toute autre méthode de
renforcement de la masculinité n’en serait pas un à sa manière.
Quelle est la finalité de l’acte sexuel ? B. Juillerat a décrit le premier accouplement des
jeunes époux yafar, dans lequel les gestes de l’amour sont accompagnés d’incantations et
d’actes rituels destinés à stimuler la fécondité cosmique. A la suite de quoi les fluides
sexuels sont recueillis en vue de favoriser la fertilité agraire de la femme et la fertilité
cynégétique de l’homme. Outre qu’on peut se demander où il commence et où il finit,
l’acte sexuel acquiert une résonance qui dépasse le cadre strictement sexuel dans une
région du monde où domine une théorie substantialiste de la procréation selon laquelle
l’homme et la femme forment l’enfant en lui donnant la substance propre à leur sexe
respectif, et où l’on voit parfois dans l’accouplement un moyen d’obtenir ces substances,
hors d’une finalité procréatrice, dans le but d’une utilisation magique. C’est le cas chez
les Marind-anim (Van Baal, 1966), où des orgies rituelles permettent de recueillir, reçus
par une même femme, les spermes de plusieurs hommes qui a valeur de substance
totémique du clan. L’idée que la sexualité ne se limite pas à l’acte génital trouve sa pleine
expression dans la Chine ancienne. On y remarque, à côté d’un extraordinaire mysticisme
sexuel, un grand développement de pratiques et d’institutions liées à la sexualité (Van
Gulik, 1971), dont l’existence ne peut se comprendre que dans le contexte de la doctrine
taoïste (Schipper, 1982) selon laquelle l’homme est un microcosme fonctionnant comme
un macrocosme. L’union sexuelle est la réplique de l’interaction des forces cosmiques
jumelles, le yin et le yang, essences respectivement féminine et masculine. Il ne s’attache
à l’acte sexuel, qui est un devoir sacré relevant de l’ordre du monde, aucun sentiment de
faute et donc de culpabilité.
Qui est l’auteur de l’acte sexuel ? Dans les exemples dont il a été question, il semble
difficile d’établir « la généalogie de l’homme de désir » dont parle Foucault (1984). Bien