thérapeutique Fréquence cardiaque et pronostic cardiovasculaire Olivier Brevet* E n matière de risque cardiovasculaire, la pression artérielle est bien connue pour être un facteur prédictif de complications. Dans de récentes études, la fréquence cardiaque au repos s’avère être également prédictive de certaines pathologies potentiellement fatales. Dans de nombreux travaux, une fréquence cardiaque élevée est corrélée à un plus fort taux de décès d’origine cardiovasculaire et de décès toutes causes confondues. Aussi, une nouvelle analyse de l’étude LIFE (Losartan Intervention for Endpoint Reduction in Hypertension) [1] avait pour objectif de déterminer l’impact d’une réduction du rythme cardiaque sur la mortalité chez 9 190 patients hypertendus traités par losartan ou aténolol. Après un suivi moyen de presque 5 ans, une mortalité globale de 8,9 % et une mortalité cardiovasculaire de 4,8 % ont été rapportées. Parmi les patients décédés, une plus faible baisse de la fréquence cardiaque a été observée indépendamment du traitement. L’analyse des résultats a aussi révélé une hausse du risque de mortalité de 25 % et une augmentation du risque de mortalité cardiovasculaire de 16 % pour chaque dizaine de battements par minute (bpm) supplémentaire. En outre, une fréquence au repos supérieure ou égale à 84 bpm a été associée à une augmentation du risque de mortalité totale et de mortalité cardiovasculaire de 79 % et 55 % respectivement. Cette étude confirme donc l’aspect prédictif de la fréquence cardiaque, ainsi que l’intérêt de la contrôler dans le cadre de l’hypertension artérielle. Peu de données sont disponibles sur l’évolution, à la suite d’un infarctus du myocarde, des divers facteurs prédictifs d’une mort subite d’origine cardiaque au cours du temps. Une analyse spécifique de l’étude VALIANT (Valsartan in Acute Myocardial Infarction) [2] a concerné 14 703 patients en situation d’infarctus aigu, afin d’évaluer ces facteurs. Chez ces patients, la fréquence cardiaque a été étroitement et significativement corrélée au risque de mort subite, quel que soit le moment où la mesure a été réalisée (de la phase aiguë jusqu’à 3 ans plus tard). Cette corrélation semble par ailleurs indépendante de l’utilisation de bêtabloquants. Après un pontage d’une ou plusieurs artères coronaires, on sait qu’un rythme cardiaque élevé favorise l’apparition de complications à très court terme. Une équipe française s’est récemment penchée sur le rôle pronostique de la fréquence cardiaque à plus long terme après un pontage coronaire (3). Sur les 1 022 patients ayant subi l’intervention et suivis pendant 2 à 3 mois, 18,7 % ont été touchés par un événement cardiovasculaire, et 105 patients sont décédés. Ces patients présentaient une fréquence cardiaque plus élevée que ceux qui ont survécu (72,3 bpm contre 67,9 bpm), indépendamment de la prescription de bêtabloquants. Ces trois études rappellent donc une nouvelle fois l’intérêt de mesurer et d’analyser la fréquence cardiaque compte tenu de son rôle pronostique et thérapeutique. En effet, qu’il s’agisse de l’hypertension artérielle, de l’infarctus du myocarde ou des suites d’une intervention chirurgicale coronaire, une fréquence cardiaque élevée est corrélée à une augmentation du risque de complications. ■ Tableau. Facteurs prédictifs de mort subite en fonction de la période post-infarctus, d’après (2). Hospitalisation initiale (149 événements) De la sortie à J30 (102 événements) De J30 à J180 (365 événements) De J180 à 3 ans (593 événements) HR (IC95) HR (IC95) HR (IC95) HR (IC95) Fréquence cardiaque 1,3 (1,16-1,45) 1,24 (1,12-1,38) 1,13 (1,04-1,22) 1,11 (1,03-1,19) Pression systolique 0,80 (0,72-0,90) 0,93 (0,86-1,00) 1,91 (1,40-2,61) 1,65 (1,33-2,04) Variables mesurées au début de chaque période Réhospitalisation pour insuffisance cardiaque 2,24 (1,45-3,47) * Paris. Références bibliographiques 1. Okin PM, Kjeldsen SE, Julius S et al. All-cause and cardiovascular mortality in relation to changing heart rate during treatment of hypertension: the LIFE Study. ACC 2008;abstract 1028-193. 2. Piccini JP, Pieper KS, Solomon SD et al. Predictors of sudden cardiac death change with time after myocardial infarction: results from the VALIANT trial. ACC 2008;abstract 1003-59. 3. Franck MJ, Aboyans V, Lacroix P et al. Postoperative heart rate is a predictor of cardiovascular events after coronary artery bypass surgery. ACC 2008;abstract 1035-185. La Lettre du Cardiologue • n° 416 - juin 2008 | 49 LC 416 JUIN 2008.indd 49 1/07/08 13:54:51