1. RISQUES LIÉS AUX AGENTS PHYSIQUES DANS L'ENVIRONNEMENT* GÉNÉRAL ET PROFESSIONNEL Nuisances sonores aiguës et chroniques : effets extra-auditifs Période : mars à juin 2007 Effets non auditifs du bruit sur la santé et le système cardiovasculaire et impact du bruit en milieu scolaire. Annie MOCH - Université Paris X Nanterre - Equipe d’accueil de doctorants 3984 : processus cognitifs et conduites interactives - Nanterre Effets du bruit sur la santé et le système cardiovasculaire L’étude de Black et al. a porté sur une population de 1 500 sujets, au départ. La moitié des personnes constituait un groupe exposé aux bruits d’avions et était localisée autour de l’aéroport de Sydney ; l’autre moitié représentait un groupe contrôle (dont on avait examiné la similitude sur le plan socio-économique), résidant dans une banlieue de Sydney non exposée aux bruits d’avions. Une enquête par questionnaire a permis de traiter les réponses de 704 sujets (taux de retour d’un peu moins de 50%). L’enquête comportait en particulier une échelle relative à un indice de santé globale, le SF-36 (Ware et Sherbourne, 1992), des questions plus précises concernant l’hypertension du sujet interrogé ainsi que celle de ses parents, et l’existence éventuelle d’autres facteurs de risque, comme un taux élevé de cholestérol. Des items testaient aussi la sensibilité et la gêne vis-à-vis du bruit. L’exposition au bruit a été analysée sur le terrain à l’aide de nombreuses stations de mesure installées sur les lieux. Les principaux résultats ont montré, après contrôle par des analyses statistiques de l’impact potentiel des facteurs susceptibles de constituer des biais, que les scores obtenus au questionnaire de santé (qui prenait en compte l’état de santé physique mais aussi la santé mentale, le niveau de dynamisme…) étaient plus bas dans le groupe exposé au bruit que dans le groupe contrôle. Par ailleurs il a été souligné que l’exposition chronique à de nombreux passages d’avions était associée à un stress chronique lié au bruit et que ce stress conduisait à un risque supérieur d’hypertension. Commentaire : Il s’agit d’une étude très bien menée tant sur le plan des mesures de bruit que sur celui de l’exploitation statistique des données, qui a permis de contrôler un grand nombre de biais. Une de ses principales limites réside dans le fait que les données de santé sont déclarées par les sujets et non collectées de manière objective. La recherche de Heinoven-Guzejev et al. s’est appuyée sur une cohorte suivie depuis 1974 portant sur la population adulte finlandaise née avant 1958 et a testé les liens existants entre le bruit et l’hypertension. Pour cela, de nouvelles données ont été recueillies en 1988, portant sur 1494 sujets, par une méthode d’enquête par questionnaire : celui-ci était constitué d’items relatifs à la sensibilité au bruit et à l’exposition des sujets à la nuisance sonore au domicile ainsi que dans le milieu de travail ou dans les espaces de loisirs. De même, des 8 données précises ont été recueillies concernant le niveau d’hypertension déclaré des sujets. Ces données ont été croisées avec le taux de mortalité. Celui-ci a été relevé entre juin 1989 et décembre 2003, à partir du registre officiel finlandais des actes de décès. On a ainsi trouvé que sur 382 décès, 193 étaient dus à des causes cardiovasculaires dont 111 à des troubles coronariens, et 189 décès relevaient d’autres causes que cardiovasculaires. Les résultats ont mis en évidence le fait que la mortalité coronarienne et la mortalité cardiovasculaire avaient été significativement plus élevées chez les femmes exposées au bruit, qui s’étaient déclarées sensibles à celui-ci, comparées à celles des femmes non exposées au bruit et non sensibles. Ces résultats ne se retrouvent pas chez les hommes. De plus il a été montré que les femmes classées comme hypertendues et sensibles au bruit présentaient un risque accru de mortalité coronarienne ou provenant d’autres problèmes cardiovasculaires. Pourtant ce risque accru ne serait pas lié à une plus forte sensibilité au bruit de ces femmes car la relation entre sensibilité au bruit et mortalité cardiovasculaire s’est avérée aussi élevée chez les femmes hypertendues que chez celles qui ne l’étaient pas. Commentaire : Les limites de cette recherche, qui demeure d’un grand intérêt car on ne dispose que de peu de données dans ce domaine, résident principalement dans le fait que l’exposition réelle au bruit n’a pas été mesurée mais simplement estimée à partir des déclarations des personnes interrogées. Il en est de même pour certains indices de santé comme l’hypertension. De plus, peu d’explications ont été fournies par les chercheurs pour expliquer les différences de résultats en fonction du sexe. Impact du bruit à l’école Une enquête conduite au Brésil sur 62 professeurs et 464 élèves par Zannin et al. a permis de souligner l’impact négatif du bruit dans les situations de travail scolaire. Pour cela des mesures acoustiques précises ont été entreprises concernant le niveau de bruit ambiant relevé dans la classe, les durées de réverbération (ce qui correspond à l’écho, mesuré par la durée d’un son après l’arrêt de la source), ainsi que le degré d’isolation entre les salles. Les professeurs devaient évaluer sur des échelles en 6 points, la gêne liée au bruit, en fonction des différentes activités scolaires, et préciser l’impact estimé du niveau sonore sur eux-mêmes. Les résultats ont montré que, chez les professeurs principalement, les bruits déclarés © Afsset - Bulletin de veille scientifique en securité sanitaire de l’environnement* et du travail - Décembre 2007 *«L’environnement étant ici considéré comme l’ensembles des agents - d’ordre physique, chimique ou microbiologique auxquels l’homme est exposé directement ou indirectement au travers de ses milieux de vie, compte non tenu des facteurs liés aux comportements individuels». comme interférents le plus avec l’activité de la classe, étaient surtout ceux émanant des élèves présents dans les autres classes ainsi que la voix de leur professeur, suivis par ceux de leur propre classe. En ce qui concerne les principaux effets ressentis, ont été cités : la nécessite de hausser la voix, une perte de concentration, suivie par de l’irritabilité, de l’anxiété et de l’inconfort. Commentaire : Les limites de ce type de recherche sont dues au fait qu’il s’agit plus d’impacts perçus que d’observations réelles. Des approches expérimentales en laboratoire devraient pouvoir cerner de plus près les effets du bruit sur les activités pratiquées. Conclusion générale Les études portant sur les effets non auditifs du bruit sur la santé demeurent assez peu nombreuses, en particulier celles concernant le système cardiovasculaire. Elles auraient besoin d’être poursuivies dans le contexte très actuel des liens entre santé et environnement pour mieux comprendre les mécanismes tant physiologiques que psychologiques (comme le stress perçu) mis en jeu. De même l’impact du bruit en milieu scolaire, mais aussi dans d’autres milieux de travail, nécessite encore de nouvelles études. Publications analysées Black D, Black J, Issarayangyun T et al. Aircraft noise exposure and resident’s stress and hypertension: a public health perspective for airport environmental management. J. Air Transport Manag. 2007 ; 13(5):264-76. Heinoven-Guzejer M, Vuorinen H, Mussalo-Rauhamaa H et al. The association of noise sensitivity with coronary heart and cardiovascular mortality among Finnish adults. Sci.Tot. Environ. 2007 ; 372(2-3):406-12. Zannin P, Marcon C. Objective and subjective evaluation of the acoustic comfort in classrooms. Appl. Erg. 2007 ; 38(5):675-80. Revues de la littérature Muzet A. The effects of noise on sleep and their possible repercussions on health. Med. Sci. (Paris). 2006 ; 22(11):973-7. Publications Aasvang G, Engladh B, Rothschild K. Annoyance and selfreported sleep disturbances due to structurally noise from railway tunnels. Appl. Acoust. 2007 ; 68(9):970-81. Anisman H, Prakash P, Merali Z et al. Corticotropin releasing hormone receptor alterations elicited by acute and chronic unpredictable stressor challenges in stressor-susceptible and resilient strains of mice. Behav-Brain Res. 2007 ; 181(2):180-90. Gidlöf-Gunnarson A, Öhrström E. Noise and well being in urban residential environments: The potential role of perceived availability to nearby green areas. Landsc. Urban. Plan. sous presse. Klæboe R. Are adverse impacts of neighbourhood noisy areas the flip side of quiet benefits? Appl. Acoust. 2007 ; 68(5):557-75. Ljungberg JK, Neely G. Stress, subjective experience and cognitive performance during exposure to noise and vibration. J. Environ. Psychol. 2007 ; 27(1):44-54. Autres publications Ware JE Jr, Sherbourne CD. The MOS 36-item short health survey (SF-36). I. Conceptual framework and item selection. Med. Care. 1992 ; 30(6):473-83. © Afsset - Bulletin de veille scientifique en securité sanitaire de l’environnement* et du travail - Décembre 2007 *«L’environnement étant ici considéré comme l’ensembles des agents - d’ordre physique, chimique ou microbiologique auxquels l’homme est exposé directement ou indirectement au travers de ses milieux de vie, compte non tenu des facteurs liés aux comportements individuels». 9