Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVII - n° 4 - avril 2013
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Alcool et rythmes de sécrétion hormonale
Les rythmes ont des composantes endogène et exo-
gène. La composante endogène a été mise en évi-
dence par suppression de la composante exogène lors
d’expériences hors du temps. Dans de telles conditions,
les rythmes persistent, et la génétique des rythmes
biologiques est aujourd’hui bien documentée (2).
Ils sont sous le contrôle d’une ou plusieurs horloges
internes ou pacemakers capables de les générer et
de les moduler en fonction des informations reçues
de l’environnement. Le noyau supra-chiasmatique de
l’hypothalamus est modulé notamment par l’infor-
mation photopériodique. L’horloge interne assure
2 rôles principaux : la synchronisation des rythmes
biologiques entre eux et l’adaptation de ces rythmes
à l’alternance jour-nuit.
La composante exogène est celle des facteurs d’en-
vironnement qui ne créent pas les rythmes mais les
modulent. L’alternance lumière-obscurité, les horaires
de travail, les habitudes sociales sont les principaux
synchroniseurs.
Certaines conditions conduisent à une désynchronisa-
tion des rythmes biologiques, qui cessent de présenter
les relations temporelles habituelles (3). La cause de la
désynchronisation peut être externe, comme un vol
transméridien ou le travail posté. Elle peut être interne
comme conséquence du vieillissement, de la dépression
ou de certains cancers.
La désynchronisation peut être également due à des
xénobiotiques. L’alcool est l’un d’entre eux, et les pre-
miers concepts en chronobiologie sont liés aux études
concernant l’alcool. Il en est ainsi de la chronocinétique,
en 1956, et de la chronotoxicité, en 1959, ainsi que de
la chronesthésie, qui rend compte des variations de la
sensibilité des organes cibles aux eets de l’alcool (4).
L’eet de l’alcool sur le système veille-sommeil, les per-
formances physiques et intellectuelles, la température
ou les secrétions hormonales a ainsi fait l’objet d’une
abondante littérature (5). Nous développons ci-après
les eets de l’alcool sur l’organisation temporelle de la
sécrétion d’hormones, et notamment de la mélatonine,
et des axes corticotrope et thyréotrope.
Mélatonine
La mélatonine est sécrétée par la glande pinéale. Sa
sécrétion débute vers 22 h, atteint un maximum entre
minuit et 2 h, pour s’interrompre entre 4 h et 6 h. Il
n’y a pas de sécrétion diurne de mélatonine, elle est
inhibée par la lumière. Le rythme de sécrétion est
généré directement par l’oscillateur circadien des
noyaux supra-chiasmatiques, soumis aux synchroni-
seurs photiques. La lumière provoque une avance de
sécrétion lorsqu’elle est appliquée en début de journée
et un retard lorsqu’elle est appliquée en fin de journée.
La mélatonine est un excellent marqueur de la synchro-
nisation circadienne d’un individu, capable d’entraî-
ner les rythmes d’autres systèmes circadiens comme
l’humeur, le sommeil ou les cycles de reproduction et
d’hibernation chez l’animal (1).
Les rapports entre alcool et mélatonine ont été étu-
diés chez le volontaire sain et chez les personnes ayant
un trouble lié à l’alcool. Chez le volontaire sain et en
population générale, la sécrétion de mélatonine a été
rapportée comme étant inhibée par l’alcoolisation aiguë
et chronique (6).
Chez les alcoolo-dépendants, il y a également une
diminution de la sécrétion nocturne de la mélatonine
associée à un retard de la phase d’apparition du pla-
teau de sécrétion. Cette action pourrait être impliquée
dans l’augmentation de l’incidence des cancers du sein
chez les consommateurs d’alcool, notamment en cas
de travail posté (7).
Dans un travail mené chez les volontaires sains,
nous n’avons pas retrouvé cet eet inhibiteur dans
un protocole au cours duquel des volontaires sains
recevaient 256 g d’alcool répartis régulièrement sur
24 heures (8).
En revanche, dans un travail réalisé chez les alcoolo-
dépendants, nous avons retrouvé une sécrétion diurne
inhabituelle de mélatonine lors des 24 premières heures
de sevrage chez 4 alcoolodépendants sur 7 au total
en dosant dans les urines l’excrétion diurne de 6-sul-
fatoxymélatonine (6SM) et suggéré les potentialités
désynchronisantes de l’alcool (9).
Axe corticotrope et alcool
La sécrétion du cortisol a une composante circa-
dienne avec un pic maximal le matin, des pics du midi
et du soir et un rythme ultradien de 90 mn. Chez le
volontaire sain, l’alcool stimule l’axe hypothalamo-
hypophyso-surrénalien (HHS) lorsque les éthanolémies
sont supérieures à 1 g/l et varie en fonction de l’heure
d’administration (10). Ainsi, les alcoolisations à partir
de 19 h entraînent de manière la plus régulière une
élévation des cortisolémies.
Chez l’alcoolo-dépendant, les données concernant
l’axe HHS dièrent suivant le moment dans la maladie :
consommation active, sevrage, abstinence ou compli-
cations de l’alcoolisation chronique (11).
L’exposition chronique à l’éthanol peut conduire, chez
certains alcoolo-dépendants, à une adaptation de l’axe