153le peuple juif et ses saintes écritures
1. De l’Ancien au Nouveau
Paradoxalement, c’est parce que les auteurs en font trop que surgit une
première critique. Dire que le nom d’Ancien Testament, «est une expres-
sion forgée par l’apôtre Paul pour désigner les écrits attribués à Moïse »
et, qu’en les nommant de la sorte, «l’Église chrétienne n’a aucunement3
voulu suggérer que les Écritures du peuple juif étaient périmées et qu’on
pouvait désormais s’en passer» (§2, p. 17) a de quoi surprendre. L’apô-
tre Paul (2 Co 3,12-15) n’a-t-il pas déclaré que Moïse «mettait un voile
sur son visage pour empêcher les fils d’Israël de voir la fin de ce qui est
passager. [...] lorsqu’on lit l’Ancien Testament, ce même voile demeure.
Il n’est point retiré; car c’est le Christ qui le fait disparaître4.» Autre
traduction, rapportée en note dans la Bible de Jérusalem : «Il ne leur est
pas dévoilé que cette alliance a été abolie par le Christ». Dans He 8,13,
Paul est tout à fait explicite : «En disant alliance nouvelle, il [l’oracle
prononcé par Jérémie] rend vieille la première. Or ce qui est vieilli est
vétuste, est prêt à disparaître ». Aphraate, l’un des Pères de l’Église, dira
à son tour : «Comme [les Juifs] ne gardèrent pas la Loi ni ses alliances,
[Dieu] l’abolit et il promit de leur donner un nouveau Testament5». Et tel
fut bien, d’âge en âge, le sentiment général des fidèles, sans que les prêtres
qui les enseignaient ou l’Église aient cherché à inverser la tendance.
Certes, dit le document (§84, p. 202), «sans l’Ancien Testament, le
Nouveau Testament serait un livre indéchiffrable, une plante privée de
ses racines et destinée à se dessécher »; la logique le veut et l’Église en a
admis le très théorique principe même aux pires moments de l’anti-
judaïsme. On ne peut nier cependant, que 18 siècles après Marcion et sa
condamnation par l’Église, «un marcionisme mitigé continue d’impré-
gner l’enseignement chrétien6». Le document reconnaîtra d’ailleurs que:
Dans le passé entre le peuple juif et l’Église du Christ Jésus, la rupture a
pu parfois sembler complète, à certaines époques et dans certains lieux. À
3. Ici, comme ailleurs, c’est nous qui soulignons.
4. Ici et pour tous les textes du Second Testament, nous utilisons la traduction de la
Bible de Jérusalem, Paris, Cerf, 1998.
5. Aphraate le sage Persan, Les exposés / traduit, annoté et indexé par M.-J. Pierre
(Sources chrétiennes 359), Paris, Cerf, 1989, vol 2, p. 566.
6. M. Remaud, Chrétiens et Juifs entre le passé et l’avenir, Bruxelles, Lessius, 2000,
p. 66.
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