Dossier thématique
Introduction
L’artériopathie oblitérante
des membres inférieurs
(AOMI) se définit comme
une atteinte artérielle obs-
tructive principalement, mais
non exclusivement, liée à
l’athérosclérose. L’AOMI est
une pathologie extrêmement
fréquente qui, en elle-même,
compromet peu le pronostic
vital. Elle est, en revanche,
souvent le témoin d’une
atteinte athéroscléreuse dans
d’autres territoires, notam-
ment les artères coronaires
et cérébrales, qui, elles, peu-
vent rapidement compro-
mettre le pronostic vital et
fonctionnel. On doit donc
raisonner, dans le bilan et la
prise en charge thérapeu-
tique d’un patient artéri-
tique, non pas seulement sur
ses seuls symptômes locali-
sés aux membres inférieurs,
mais aussi sur le dépistage,
la prévention et le traitement
des autres localisations.
Rappel
épidémiologique
Les études épidémiologi-
ques retrouvent une incidence
de la maladie chez 2 à 3 %
des hommes et 1 à 2 % des
femmes âgés de plus de 60
ans. La prévalence augmente
avec l’âge, passant de 1 à
1,5 % avant 50 ans pour
atteindre 5 % au-delà de
70 ans chez les hommes.
Lorsqu’on utilise des tests
plus sensibles, comme la
prise de pression distale,
cette prévalence est multi-
pliée par 3 à 4. L’évolution
de l’artériopathie chez le
claudicant est le plus souvent
lente et bénigne dans ses
conséquences ischémiques.
Après 5 à 10 ans de suivi, 70
à 80 % des patients sont
stables ou améliorés, 20 à
30 % ont aggravé leurs
symptômes, et 5 à 10 % ont
besoin d’une amputation mi-
neure ou majeure (figure 1).
Malgré ce relativement bon
pronostic local, l’espérance
de vie est réduite chez l’ar-
téritique en raison principa-
lement d’une surmortalité
d’origine cardiovasculaire.
Dix ans après les premiers
signes de claudication, envi-
ron 60 % des patients de
sexe masculin sont décédés,
et le risque de mortalité car-
diovasculaire est multiplié
par 2 à 3. Dans une étude
épidémiologique récente, le
risque relatif de mortalité
cardiovasculaire, après 10 ans
de suivi, était multiplié par 6
et la mortalité coronaire par
6,6 chez les patients avec
atteinte vasculaire périphé-
rique. L’excès de mortalité
totale, outre la mortalité
coronaire – qui est la princi-
pale – s’explique aussi par
les accidents vasculaires cé-
rébraux, les ruptures d’ané-
vrisme de l’aorte et les can-
cers du poumon. L’incidence
des accidents cardiovascu-
laires non mortels chez le
claudicant est estimée entre 2
et 3 % par an.
Par ailleurs, si on retient que
20 % des artéritiques voient
leur artérite se dégrader, on
peut calculer que 1 % des
hommes au-delà de 55 ans
auront une ischémie critique
des membres. L’incidence
annuelle d’une ischémie cri-
tique est estimée entre 500
et 1 000/million d’habitants.
Le pronostic de l’ischémie
critique est redoutable. La
mortalité est de 18 % et le
taux d’amputations majeurs
de 26 % à 1 an.
Classification
Les indications thérapeu-
tiques de l’AOMI dépen-
dent, bien entendu, du stade
évolutif de la maladie, et
l’on ne traitera pas de la
même façon un patient se
plaignant d’une claudication
à 500 m, qu’un autre ayant
un trouble trophique associé
à des douleurs de décubitus.
À la classique mais imprécise
classification de Leriche et
Fontaine (tableau I), on pré-
fère maintenant définir le
claudicant par des critères
plus objectifs incluant, outre
la distance de marche et la
gêne fonctionnelle, l’index de
pression systolique (IPS) à la
cheville, qui doit être systé-
matiquement noté lors de
l’examen clinique d’un arté-
ritique. La survenue de dou-
leurs spontanées et de décu-
bitus doit faire suspecter une
ischémie critique, dont la
définition a été précisée par
le consensus européen de
1989. La définition de l’is-
chémie critique chronique
des membres inférieurs, que
le malade soit ou non diabé-
tique, repose sur l’un des
deux critères suivants :
– douleurs ischémiques de
décubitus, persistantes et
récidivantes, ayant nécessité
L
’évolution de l’artériopa-
thie chez le claudicant
est le plus souvent lente et
bénigne dans ses consé-
quences ischémiques. Après
5 à 7 ans de suivi, 70 à 80 %
des patients sont sta-bles ou
améliorés, 20 à 30 % ont
aggravé leurs symptô-mes,
et 5 à 70 % ont besoin d’une
amputation mineure ou
majeure. Malgré ce relatif
bon pronostic local, la morta-
lité et l’espérance de vie sont
réduites chez l’artéritique, en
raison principalement d’une
surmortalité d’origine cardio-
vasculaire. Le traitement mé-
dical repose principalement
sur la prescription d’antiagré-
gants plaquettaires, qui doit
être systématique en l’ab-
sence de contre-indication,
sur la correction des facteurs
de risque d’athérosclérose,
et sur des exercices de
marche réguliers afin d’amé-
liorer l’ischémie d’effort. Ce
n’est qu’en cas d’aggravation
ou de gêne persistante qu’on
s’adressera aux autres possi-
bilités thérapeutiques, soit la
radiologie vasculaire inter-
ventionnelle, qui a boule-
versé la prise en charge de
l’artéritique, soit la chirurgie
qui garde des indications
mieux définies.
II
Traitement médical de l’artérite oblitérante
de membres inférieurs
Joseph Emmerich
Le Courrier de Médecine Vasculaire (1), n° 1, octobre/novembre/décembre 2001