regards sur les refugies song en asie du sud-est au début

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REGARDS SUR LES REFUGIES SONG
EN ASIE DU SUD-EST AU DÉBUT DES YUAN
CLAUDINE SALMON
Il semble bien que les campagnes mongoles contre l’empire des Song du Sud,
Nan Song 南宋, aient accéléré l’immigration chinoise en Asie du Sud-Est et
sans doute aussi au Japon, et poussé, hors du pays, un certain nombre de hauts
fonctionnaires, tant militaires que civils, qui refusaient de se rallier à la dynastie étrangère. Il est probable aussi que les expéditions Yuan 元 de la fin du
e
XIII siècle vers le Viêt Nam, le Champa, la Birmanie et Java ont eu le même
effet, vu que les troupes étaient composées en majorité de Han recrutés dans
l’ex-empire des Song du Sud – ce que l’on appelait alors « l’armée des nouveaux sujets » ou xinfujun 新附軍. Si plusieurs auteurs mentionnent ces migrations forcées, rares sont ceux qui les ont sérieusement étudiées.
Li Changfu est peut-être l’un des premiers historiens à avoir brièvement
fait allusion à cette immigration politique massive en rapportant, dans une petite monographie sur les Chinois d’outre-mer, parue en 1927, quelques traditions qui, assez curieusement, émanent toutes d’Insulinde, région pour laquelle les sources écrites d’époque mongole sont très maigres. Il note :
Après la chute des Song, les Chinois se rendirent en grand nombre dans
les contrées du Sud. Selon une tradition en vogue dans la diaspora, le fonctionnaire loyaliste ( yichen 遺臣) Song Zheng Sixiao 鄭思肖1 compterait
1
Zheng Sixiao (1241–1318) était originaire de Lianjiang 連江, au Fujian 福建. Il ne
s’était pas rallié aux Yuan et avait pris le zi de Suonan 所南 (littéralement « Qui fait
face au Sud ») en souvenir des Song du Sud. Toutefois, à la différence de son père, il
semble ne jamais avoir exercé de fonction dans l’administration, il était donc un simple
roturier loyaliste, yimin 遺民. Il écrivit un recueil de poèmes et de prose, intitulé Xinshi 心史, dans lequel il exprime des sentiments violemment anti-mongols, et l’enferma
dans une boîte en fer, recouverte d’un enduit de chaux, qu’il jeta au fond du puits
abandonné d’un monastère de Suzhou 蘇州 (Jiangsu 江蘇). La préface indique que le
texte fut terminé en 1283, mais la boîte en fer ne fut retrouvée, par un moine, que sous
les Ming et publié pour la première fois en 1640. Du fait que le texte comporte plusieurs erreurs factuelles, il a été regardé par certains historiens, sans doute à tort,
comme un faux fabriqué sous les Ming pour encourager la résistance aux Mandchous
(pour une vue d’ensemble des différentes interprétations, voir Jay, « Memoirs and Officials Accounts » : 601-602). La vie de Zheng Sixiao n’est pas très bien documentée
mais, à notre connaissance, aucun texte d’époque ne permet d’affirmer que ce partisan
des Song soit allé à Java. Voir sa biographie par Li Chu-tsing dans Franke (éd.), Sung
660
CLAUDINE SALMON
au nombre des fondateurs de [la future] Batavia. À Lombok, une des petites îles de la Sonde, les Shadun ren 沙頓人2 se disent les descendants de
militaires Song et le souverain de Goa, près de Makassar, Célèbes Sud,
prétend posséder un couteau, donné jadis sous les Yuan, par un Chinois3.
Un peu plus de dix ans plus tard, Huang Jingchu, dans un petit recueil de biographies d’éminents Chinois de la diaspora, reprend la tradition concernant
Zheng Sixiao. Celle-ci s’explique peut-être par le fait que ce lettré loyaliste
Song est resté jusqu’à nos jours très célèbre en Chine en raison de son talent
de peintre et sans doute aussi de son excentricité4. Ici, il est censé avoir été
accueilli dans la future Batavia par une petite communauté de Chinois et
avoir obtenu, du souverain du lieu, un terrain en échange de « huit jarres remplies de thé » (ba chaguan 八茶罐)5. Le même auteur rapporte, à la suite,
l’histoire d’un autre réfugié Song, un certain Zhuo Mou 卓謀, originaire de
Jiaying 嘉應 (Guangdong 廣東) qui, aux côtés du célèbre chef des armées
Wen Tianxiang 文天祥 (1236–1283) 6 , fut défait en 1279 par les troupes
mongoles lors de la bataille maritime de Yashan 崖山 (dans l’actuel district
de Xinhui 心會, au Guangdong) au cours de laquelle la flotte Song fut anéantie. En compagnie d’autres soldats ayant échappé à la noyade, il s’enfuit à
Bornéo où il s’établit sur un territoire concédé par le souverain du lieu. Il érigea des forteresses le long de la côte nord, probablement pour se défendre
contre d’éventuelles expéditions mongoles voire contre des incursions de pirates, dont les vestiges, aux dires de l’auteur, étaient encore visibles dans le
paysage au moment où il écrivait7.
La première étude en chinois à traiter de façon plus globale de l’émigration chinoise outre-mer sous les Yuan est celle de Chen Zhutong parue en
2
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Biographies, « Painters » : 15-23. L’auteur rapporte plusieurs anecdotes, peut-être
apocryphes, sur Zheng Sixiao, mais pas celle sur sa fuite à Java.
Vraisemblablement une transcription fautive pour Sasak, groupe ethnique majoritaire
de l’île, dont la transcription actuelle est sa-sa-ke ren 薩薩克人.
Li Changfu, Huaqiao : 3.
On jugera de la célébrité persistante de Zheng Sixiao en consultant sur Internet les
nombreux sites renvoyant au Xinshi et reproduisant quelques peintures d’orchidées,
non-enracinées, exprimant la détresse du peintre face à l’anéantissement de la dynastie
Song.
Le souvenir de cette histoire est encore attaché à un lieu-dit Patekoan de la ville chinoise de Jakarta (anciennement Batavia), noté par ces trois caractères ba chaguan 八茶
罐 qui, en Hokkien, se prononcent « Patekoan ». Voir aussi Xu Yunqiao, Nanyang
Huayu lisu cidian : 3-4, sous l’entrée « Ba chaguan ».
Voir notamment sa biographie dans Franke (éd.), Sung Biographies : 1187-1201.
Huang Jingchu, Huaqiao mingren gushi lu : 1-3. L’auteur, malheureusement, ne cite
pas ses sources.
LES RÉFUGIÉS SONG EN ASIE DU SUD-EST AU DÉBUT DES YUAN
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1937, mais la question des réfugiés Song n’en constitue qu’une infime partie8.
Viennent ensuite les travaux de Chan Hok-Lam parus au début des années
1960. Cet auteur après avoir publié, en 1961, un premier article en chinois a
repris la question, en anglais cette fois, dans un journal de Singapour9. Il met
notamment l’emphase sur les hauts personnages de l’administration qui furent
contraints de quitter la Chine, avec l’idée d’aller chercher du renfort militaire
en vue de reconquérir le territoire perdu mais qui, pour la plupart, renoncèrent
à leur projet et trouvèrent asile tant au Viêt Nam qu’au Champa.
Nous voudrions ici reconsidérer cette question en mettant l’accent sur trois
pays : le Viêt Nam, le Champa et le Cambodge pour lesquels les sources
écrites en chinois nous permettent d’envisager plusieurs types d’insertion dans
les sociétés locales. Dans le premier pays on verra que la culture locale très
sinisée a permis aux réfugiés de se glisser puis de s’intégrer facilement dans
la société d’accueil. Dans le deuxième au contraire les nouveaux venus apparaîtront comme interférant dans une société radicalement étrangère et difficile à saisir en raison des rivalités pour le pouvoir au sein de la classe dirigeante. Enfin, dans le troisième, les réfugiés apparaîtront comme évoluant
sans peine dans un monde pourtant culturellement très différent, mais dans
lequel ils trouvent aisément à se fondre.
Il va de soi que ces trois pays tout comme les contrées insulaires abritaient, depuis les Song au moins, des communautés marchandes chinoises
plus ou moins importantes qui entretenaient des rapports assez étroits avec les
provinces de la Chine méridionale et qui ont pu, dans certains cas, faciliter
l’intégration des nouveaux venus10. Mais il faut reconnaître que les sources
sur ces questions restent assez maigres, en dépit de la redécouverte, au début
des années 1960, d’une inscription de l’époque Trần 陳 (1226–1400) émanant
d’un réfugié Song.
Le Viêt Nam comme tremplin pour les loyalistes Song
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Chen Zhutong, « Yuandai Zhonghua minzu haiwai fazhan kao ».
Chan Hok-Lam, « Song yimin liuyu Annan Zhancheng kao » ; du même, « Chinese
Refugees ».
Il existe une étude japonaise sur les communautés chinoises en Asie du Sud-Est sous
les Song, mais l’auteur a volontairement laissé de côté la question des réfugiés politiques de la fin de la dynastie et, de plus, traite davantage des marchands au long cours,
qui séjournaient au rythme des moussons dans les différents pays d’Asie du Sud-Est
(Champa, Srivijaya, Viêt Nam, Cambodge, Java…), que de communautés chinoises
proprement dites : Wada Hisanori, « The Chinese Colonies of South-East Asia in the
Sung Period ». Pour une vision d’ensemble de l’importance des contrées des Mers du
Sud et de l’Ouest pour les Song du Sud et les Yuan, voir notamment Ptak, Die maritime Seidenstraße : 148-211.
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CLAUDINE SALMON
Le Viêt Nam 11 se trouvait dans une position très particulière du fait que,
d’une part, il partageait une frontière avec l’empire Song et que, de l’autre, le
fondateur de la dynastie qui succéda aux Lý 李, Trần Thái Tông 陳太宗
(1226–1258), appelé Chen Rijiong 陳日煚 dans les sources chinoises12, était
un Chinois ou un descendant de Chinois originaire de Changle 長樂, au Fujian 福建. Ce dernier fait est rapporté tant dans les sources chinoises que
vietnamiennes, mais avec des variantes. Le plus ancien texte à y faire allusion
semble bien être le Qidong yeyu 齊東野語, « Paroles d’un lettré retiré de Qidong », de Zhou Mi 周密 (1232–1308) qui fut terminé à la fin du XIIIe siècle.
Il y est dit que Chen Rijiong, de son vrai nom Xie Shengqing 謝升卿13, aurait
épousé la fille du premier ministre [appartenant au clan des Trần 陳], luimême marié à une princesse Lý, et qu’il aurait finalement pris le pouvoir14.
Pour le ðại Việt Sử Ký Toàn Thư, « Mémoires historique du Đại Việt au
complet », Trần Thái Tông est bien d’origine chinoise, mais à la cinquième
génération. C’est son oncle, Trần Thủ ðộ 陳守度, alors régent du royaume,
qui le maria à la fille du dernier souverain Lý (sans descendance masculine)
et obligea celle-ci à céder le trône à son mari15.
La première incursion mongole eut lieu en 1257, après que Trần Thái
Tông eut refusé de laisser passer sur son territoire les troupes qui devaient attaquer les Song par le sud. Il s’ensuivit une guerre au cours de laquelle la capitale vietnamienne fut détruite ; mais en définitive, les envahisseurs durent
refluer vers le Yunnan 雲南 que les Mongols occupaient depuis qu’ils avaient
mis fin au royaume tibéto-birman de Dali 大理, en 1253, afin de contrôler la
route vers la Birmanie et l’Asie du Sud16. Par la suite, Trần Thánh Tông 陳聖
11
Le Viêt Nam, qui était bordé au sud – légèrement au nord du Col des nuages – par le
Champa, était sous les Song appelé Jiaozhi 交阯 jusqu’au règne de Xiaozong 孝宗
(1163–1189), et ensuite Annan 安南. Les Yuan reprirent cette dernière appellation.
Quant aux Vietnamiens, ils désignaient leur pays par le nom de ðại Việt 大越. Ici,
pour simplifier, nous utiliserons exclusivement le terme moderne de Viêt Nam.
12
Les Chinois, depuis les Tang 唐, appelaient leurs empereurs par leurs noms de temple,
mais lorsqu’il s’agissait des souverains vietnamiens, ils les désignaient de façon
condescendante par leurs noms personnels.
Il avait changé son nom alors qu’il était encore en Chine à la suite d’une querelle avec
un batelier.
13
14
Zhou Mi, Qidong yeyu : 352, sous la rubrique « Annan guowang 安南國王 ». Zhou Mi
dit tenir cette anecdote du notaire du bureau des affaires militaires Chen He 陳合, zi
Weishan 惟善. À noter que l’histoire des Song, tout comme celle des Yuan, passe
l’origine chinoise du fondateur des Trần sous silence.
15
ðại Việt Sử Ký Toàn Thư 大越史記全書, IV, 5: 1a.
16
Yuanshi 元史, « Annan », 209: 4633-4634.
LES RÉFUGIÉS SONG EN ASIE DU SUD-EST AU DÉBUT DES YUAN
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宗 (1258–1278), le successeur de Trần Thái Tông, mena une politique plus
nuancée, consistant à se reconnaître comme vassal des Mongols et à envoyer
des missions porteuses de tribut, en principe tous les trois ans17, tout en prêtant aussi allégeance aux Song, ce jusque sous le règne de l’empereur Duzong
度宗 (1265–1274)18.
Lorsque la situation se détériora davantage chez les Song, les Vietnamiens
accueillirent différentes vagues de réfugiés. Il est certes difficile d’avoir une vue
précise de ces flux migratoires, le Songshi et le Yuanshi les passent sous silence ou presque, et seules les sources vietnamiennes y font ponctuellement
allusion. La première vague à être signalée de façon précise remonte à janvier
1264. Le ðại Việt Sử Ký Toàn Thư note qu’un chef local héréditaire (tuguan
土官) de la préfecture de Siming 思明 (dans le sud de l’actuel Guangxi 廣西,
à la frontière avec le Viêt Nam), nommé Huang Bing 黃炳, vint présenter le
tribut et faire sa soumission, accompagné de plus de deux mille personnes19.
Les populations Song des régions méridionales, qui avaient vu le royaume voisin de Dali disparaître, avaient sans doute de bonnes raisons d’être inquiètes
face à la puissance grandissante des Mongols. Le fait n’est pas rapporté dans
les histoires officielles chinoises.
La deuxième vague recensée eut lieu en novembre 1274. Un groupe de réfugiés montés sur une trentaine de bateaux, avec femmes et enfants et des
marchandises en vue de faire du commerce, débarquèrent dans la baie
d’Annam, en un lieu-dit La Cát Nguyên 洛葛原. Ils furent bien accueillis par
les autorités vietnamiennes qui leur permirent de s’installer à la capitale,
Thăng Long 昇龍. Ces réfugiés, selon le ðại Việt Sử Ký Toàn Thư, rapportèrent qu’ils venaient du Jiangnan 江南 où les Mongols venaient souvent faire
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Les obligations des pays tributaires ne se limitaient pas à l’envoi du tribut. En 1267,
ordre fut en outre donné au souverain vietnamien de venir se présenter en personne à la
cour, de laisser un frère ou un fils en otage, de dresser un registre de la population, de
contribuer à l’armée mongole en levant des troupes, de payer des taxes, tandis qu’un
daruγači 達魯花赤, sorte de commissaire impérial, était envoyé sur place pour contrôler les affaires ; cf. Yuanshi, « Annan », 209: 4635 ; voir aussi Li Ze (Lê Tắc) 黎崱
(militaire vietnamien qui se rallia aux Mongols en 1285), Annan zhilüe: 48, où est reproduit un édit de 1275, rappelant au souverain vietnamien les « six services » (liu shi
六事) assignés aux pays tributaires auxquels il s’était dérobé ; traduction française de
Sainson, Ngann-Nann-Tche-luo, Mémoires sur l’Annam : 104-105. Cette traduction,
basée sur une version d’assez mauvaise qualité, ne correspond pas toujours au texte de
l’édition de Wu Shangqing.
Songshi, 488: 14072. La dernière ambassade à apporter le tribut date de 1273 ; Songshi, 46: 915 ; Bielenstein, Diplomacy and Trade in the Chinese World, 589–1276 : 34.
Cette double allégeance se reflète aussi dans le fait que le ðại Việt Sử Ký Toàn Thư, à
partir de 1261, note le décompte des années selon les calendriers vietnamien, Song et
mongol.
ðại Việt Sử Ký Toàn Thư, IV, 5: 28a.
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CLAUDINE SALMON
des incursions. Ils se disaient être des Huiji 回鷄 ou « poulets qui reviennent
», expression curieuse que la chronique tente d’expliquer en disant que les
Vietnamiens appelaient le pays des Song « Kê quốc » 鷄國 ou « le Pays des
poulets »20. On peut se demander si ji (kê) ne serait pas plutôt une coquille
pour hu 鶻, auquel cas on serait en présence de Huihu 回鶻 ou de Uighurs. Le
fait est fort plausible car le Yuanshi 元史 rapporte qu’il y avait déjà des marchands Uighurs au Viêt Nam dans les années 126021.
La troisième vague eut lieu au cours de l’année 1276, à une date non précisée, sans doute en rapport avec la prise de la capitale Song, Lin’an 林安 (act.
Hangzhou 杭州, Zhejiang 浙江), par les troupes mongoles en mars de cette
même année22. Le souverain du Viêt Nam, inquiet, envoya, au cours de la 3e
lune (février-mars) une mission à Longzhou 龍州 (act. district de Liucheng
栁城 au Guangxi) qui, sous couvert d’acheter des médicaments, devait se renseigner sur la situation des Mongols23. L’arrivée de ce troisième groupe de réfugiés n’est pas recensée dans le ðại Việt Sử Ký Toàn Thư, mais son souvenir
nous a été conservé grâce à une inscription gravée sur une cloche en bronze
fondue (apparemment en 1321), par un taoïste originaire du district de Fuqing
福清, préfecture de Fuzhou 福州 (Fujian 福建), un certain Xu Zongdao 許宗
道. Il dit s’être rendu au Viêt Nam en bateau, en compagnie de marchands24,
mais peut-être aussi de hauts fonctionnaires civils et militaires car, comme on
verra plus bas, Xu entretint des rapports étroits avec la famille régnante et
participa aux côtés des Vietnamiens à la lutte contre les Mongols en 128525.
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ðại Việt Sử Ký Toàn Thư, IV, 5: 34a. Chan Hok-Lam, « Chinese Refugees » : 6, n. 23,
avance l’idée que c’est le Champa qui était appelé « Pays des Poulets ».
Yuanshi, 209: 4635 ; voir aussi Li Ze, Annan zhilüe : 47, où il est aussi fait allusion à
des Uighurs (huihu) séjournant au Viêt Nam en 1267.
Songshi, 47: 926.
ðại Việt Sử Ký Toàn Thư, IV, 5: 34b.
Le ðại Việt Sử Ký Toàn Thư, IV, 6: 17a, note l’arrivée de Xu Zongdao pour l’année
1302, ce qui paraît peu probant vu ce qu’on sait maintenant grâce à l’inscription de
1321.
La cloche en bronze se trouvait à l’origine dans le temple fondé par Xu Zongdao, le
Baihe Tongsheng guan 白鶴通聖觀 ou « Temple de la communication divine de Baihe/Bạch Hạc », situé dans le village de Bạch Hạc 白鶴 du district de même nom, province de Vĩnh Phúc 永福. Le temple a été détruit, mais la cloche serait toujours conservée dans ledit village. Il existe deux séries d’estampages conservés à l’Institut HanNôm de Ha Nôi (n° 4 997-5 000 et 13 955-13 958). L’inscription a été publiée (avec
une traduction en vietnamien) une première fois en 1966 (Hà-Văn-Tấn et Phạm-ThịTâm, « Bài minh trên chuông thông-thánh quán và một số vấn ñề lịch sử ñời Trần »),
et une deuxième fois, en 2002, sans référence à la première étude, dans le vol. 2 du
corpus des inscriptions Han Nôm du Viet Nam : Hoàng Văn Lâu et Keng Hui Ling et
LES RÉFUGIÉS SONG EN ASIE DU SUD-EST AU DÉBUT DES YUAN
665
Quant à la quatrième vague, elle eut lieu peu après la chute de la dynastie
en mars 1279. Le ðại Việt Sử Ký Toàn Thư 26 y fait allusion en ces termes :
« Après que les Song eurent disparu, leurs gens vinrent prendre refuge chez
nous » 宋亡, 其人歸我. Elle correspond à l’arrivée « discrète » de troupes
Song, notamment sous la direction du général Zhao Zhong 趙忠, sur lequel
on sait peu de choses. Son nom n’apparaît qu’une fois dans le Songshi pour
l’année 1273 où, en tant que chef d’armée (tongling 統領), il est dit conduire
ses troupes vers Meizhou 眉州 (act. district de Meishan 眉山, au Sichuan 四
川)27. Quant au ðại Việt Sử Ký Toàn Thư, il ne mentionne le nom du général
Song que pour préciser que ses troupes combattirent l’armée mongole aux côtés des Vietnamiens en 128528. Ces derniers, qui étaient sous la haute surveillance des Mongols, se devaient de garder une certaine discrétion quant au
soutien qu’ils apportaient aux loyalistes Song.
Mais, lorsqu’en janvier 1285, une armée mongole, sous la direction d’un
des fils de Qubilai, le prince Toγōn (ou Toghon), Tuo-huan 脫驩, attaqua le
Viêt Nam, qui à deux reprises avait refusé de laisser passer les troupes mongoles voulant aller combattre le Champa – se rendant bien compte que le jour
où les Yuan occuperaient le Champa, le pays ne tarderait pas à subir le même
sort – elle rencontra d’anciennes troupes Song. Le Yuanshi rapporte qu’après
avoir pris la capitale vietnamienne et s’être dirigée vers le Thanh Hóa 清化 et
autres régions, l’armée mongole captura plus de quatre cents soldats de la dynastie déchue et fit notamment prisonnier le gendre 29 de l’ancien ministre
Song, Chen Zhongwei 陳仲微 (1212–1283)30. Il est dit aussi que plusieurs
anciens hauts fonctionnaires qui avaient gagné le Viêt Nam en 1279, dont
l’ex-grand conseiller adjoint (canzhi zhengshi 参知政事), Zeng Yuanzi 曾淵
子31 et Chen Wensun 陳文孫, le fils de Chen Zhongwei32, qui selon toutes
26
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31
al. (éds.), Yuenan Han Nan mingwen huibian, vol. 2(1) Chenchao 陳朝 / Thời Trần :
145-166.
ðại Việt Sử Ký Toàn Thư, IV, 5: 46b.
Songshi, 46: 914 ; Yu Ruyun, Songshi renming suoyin, vol. 4 : 1784.
ðại Việt Sử Ký Toàn Thư, IV, 5: 48b.
Yuanshi, « Annan », 209: 4644.
Voir notamment sa biographie par Chan Hok-Lam dans Franke (éd.), Sung Biographies : 99-101.
De fait, Zeng Yuanzi (reçu à l’examen du 3e degré en 1250, mais qui avait été rétrogradé et envoyé à Leizhou 雷州 en 1275), s’était présenté à Canton lorsque la famille
impériale s’y était installée et avait été nommé grand conseiller adjoint et commandant
en chef du Guangxi. Il gagna le Viêt Nam après l’ultime bataille de Yashan en 1279 ;
cf. Songshi, 47: 932, 944 et 416: 12487 ; voir aussi Li Ze, Annan zhilüe, 10: 268, où il
est dit qu’à son arrivée au Viêt Nam, il fut reçu par le souverain, mais qu’on perd ses
traces après son ralliement aux Mongols.
666
CLAUDINE SALMON
apparences participaient à la lutte, auraient fait leur soumission33. Le ðại Việt
Sử Ký Toàn Thư rapporte comment, au début de la 5e lune de 1285, le sixième
fils de Trần Thái Tông, le prince Hiêu Văn Vương 昭文王 (1255–1330), qui
avait accepté dans son armée les troupes du général Zhao Zhong battit
l’armée mongole à la passe de Hàm Tư Quan 鹹子關34. Il semble donc que
les ex-troupes Song – qui combattaient toujours sous leur ancien uniforme, ce
qui dérouta beaucoup l’adversaire – eurent un rôle décisif dans cette victoire
des Vietnamiens contre les Mongols (有趙忠之為家將, 故敗元之功) 35.
L’inscription de la cloche du Baihe Tongsheng guan rapporte, quant à elle,
comment au cours de la première lune de l’année 1285, le prince Hiêu Văn
Vương en compagnie de Xu Zongdao fit vœu de venger le souverain, comment il dirigea les soldats dans la lutte contre les Mongols et comment Sōtu
fut « décapité »36, mais sans qu’il soit fait allusion au rôle joué par les troupes
de Zhao Zhong37.
Les sources ne nous disent rien sur l’éventuel rôle de ces troupes des anciens Song lors de la troisième incursion mongole en 1287, ni sur les dernières années d’exil de ces militaires et de leurs chefs. En revanche, on a quelques renseignements sur l’accueil fait par la cour à ces hauts fonctionnaires
en exil38. De plus, l’inscription de la cloche, ainsi que plusieurs passages du
ðại Việt Sử Ký Toàn Thư nous renseignent sur les rapports étroits qui exis32
33
Songshi, 422: 12620 ; Chan Hok-Lam, « Chinese Refugees » : 4-5.
Yuanshi, 209: 4645.
34
ðại Việt Sử Ký Toàn Thư, IV, 5: 48a-b. Hàm Tư Quan se trouve dans le village de
Hàm Tư, district de Châu Giang, province de Hải Hưng 海興, au bord du fleuve
Rouge, non loin de Tây Kết 西結, là où, selon les sources vietnamiennes, le généralissime Sōtu 唆都 trouva la mort.
35
ðại Việt Sử Ký Toàn Thư, IV, 5: 48b.
Hoàng Văn Lâu et Keng Hui Ling et al. (éds.), Yuenan Han Nan mingwen huibian, vol.
2(1): 151.
36
37
38
Les sources chinoises et vietnamiennes qui se rapportent à la période des Trần et aux
luttes avec les Mongols comportent entre elles de nombreuses divergences au niveau
des dates, en particulier celles concernant les règnes des souverains vietnamiens à partir du deuxième, Trần Thánh Tông 陳聖宗, mais aussi des faits. Sur ces questions
complexes et multiples, nous renvoyons le lecteur à l’étude de Yamamoto Tatsurō,
Annan shi kenkyū, dans laquelle l’auteur entreprend une comparaison systématique des
différents textes. Toutefois il ne s’est pas penché sur le rôle des réfugiés Song dans la
lutte.
Voir Chan Hok-Lam, « Chinese Refugees » : 4-5, où il est dit notamment qu’à la mort
de Chen Zhongwei, le souverain vietnamien, Trần Thánh Tông 陳聖宗 (1258–1278),
composa un poème qui est conservé dans la collection des œuvres poétiques de ce dernier. Mais, finalement Trần Thánh Tông aurait brisé le cercueil de Chen Zhongwei
avec une hache, en apprenant la trahison du fils de ce dernier ; cf. aussi Li Ze, Annan
zhilüe, 10: 267.
LES RÉFUGIÉS SONG EN ASIE DU SUD-EST AU DÉBUT DES YUAN
667
taient entre le prince Hiêu Văn Vương, qui parlait bien chinois39, et divers réfugiés dont Xu Zongdao, avec lequel il s’entretenait de taoïsme40. On voit
aussi comment Xu réussit à gagner à ses idées plusieurs membres de la famille royale41 qui tous contribuèrent généreusement pour la restauration du
Baihe Tongsheng guan faite à son initiative42, ainsi que pour la fonte de la
cloche. C’est en effet Xu Zongdao qui introduisit au Viêt Nam les pratiques
de liturgie du recueil du « Rituel de jeûne du Registre jaune » Taishang
huanglu zhai yi 太上黃籙齋議, compilé par l’éminent liturgiste Du Guangting 杜光庭 à la veille du soulèvement de Huang Chao 黃巢, et comportant
trois préfaces du compilateur datées de 880, 891 et 90143.
Pour ce qui est des soldats qui désertèrent les armées mongoles, le ðại
Việt Sử Ký Toàn Thư44 rapporte au moins un cas d’importance, celui du zongguan 總管 ou « commandant en chef » Zhang Xian 張顯 qui se serait rendu
en 1285, après la mort du généralissime Sōtu45. On retrouve Zhang Xian en
46
1298, en train de mener une campagne contre les Ai Lao 哀牢 au cours de
laquelle il trouva la mort. Trần Anh Tông 陳英宗 lui conféra, à titre posthume, le caractère Minh 明 qui signifie « brillant, intelligent »47.
Le Champa – un carrefour doublement convoité
39
40
41
Pour un portrait très vivant du prince Hiêu Văn Vương qui prenait plaisir à parler chinois avec les réfugiés, dont l’abbé d’un monastère chez qui il allait souvent passer la
nuit, et les émissaires des Yuan, dont un certain Chen Daozhao 陳道詔, voir ðại Việt
Sử Ký Toàn Thư, IV, 7: 2a-2b.
Hoàng Văn Lâu et Keng Hui Ling et al. (éds.), Yuenan Han Nan mingwen huibian,
vol. 2(1): 151.
Voir le tableau de tous les membres de la famille royale cités dans l’inscription dans
Hoàng Văn Lâu et Keng Hui Ling et al. (éds.), Yuenan Han Nan mingwen huibian,
vol. 2(1): 155.
42
Sur l’emplacement d’un ancien temple taoïste, le Tongling guan 通靈觀 « Temple de
la communication spirituelle », fondé durant l’ère Yonghui 永徽 des Tang (650–655).
43
Voir Verellen, Du Guangting (850–933) : 40, 120, 134-138 et 185 ; Hoàng Văn Lâu et
Keng Hui Ling et al. (éds.), Yuenan Han Nan mingwen huibian, vol. 2(1): 152 ; le fait
est d’ailleurs noté dans le ðại Việt Sử Ký Toàn Thư, IV, 6: 17a : 符水齋醮科儀 興行
自此始.
44
ðại Việt Sử Ký Toàn Thư, IV, 5: 5a.
45
ðại Việt Sử Ký Toàn Thư, IV, 5: 49a.
Le Ai Lao correspond approximativement à l’actuel Laos.
46
47
ðại Việt Sử Ký Toàn Thư, IV, 6: 5a. Selon Chan Hok-Lam, « Chinese Refugees » : 56, dans les années 1290, il y avait encore des chefs locaux du Guangxi qui luttaient
contre les Mongols et qui trouvaient éventuellement refuge au Viêt Nam.
668
CLAUDINE SALMON
Bien que le Champa ait entretenu des relations diplomatiques et commerciales très étroites avec l’empire Song48, les sources ne nous informent guère sur
les résidents chinois, pas plus d’ailleurs que sur les autres résidents étrangers49. Toutefois le Xu zizhi tongjian changbian 續資治通鑑長編 « Collection de notes en vue de la continuation du parfait miroir pour assister le gouvernement » (1183) rapporte qu’un marchand de Quanzhou 泉州, Shao Bao
劭保, qui s’était rendu au Champa en 1042, signala à son retour qu’il avait vu
dans ce pays une centaine de déserteurs chinois devenus des pirates (junzei 軍
賊 ) ; à la suite de quoi, l’empereur ordonna qu’ils fussent exécutés à
l’exception de leur chef qui devait être ramené en Chine50. Le Yijian zhi 夷堅
志, « Notes de Yijian » de Hong Mai 洪邁 (1123–1202) relate l’histoire d’un
natif de Quanzhou, un certain Wang Yuanmao 王原懋, qui avait travaillé
pendant dix ans comme interprète pour le souverain du Champa, lequel lui
aurait donné sa fille en mariage ; pour finir, Wang s’en retourna dans son
pays natal avec beaucoup d’argent et se lança dans le commerce maritime51.
D’autres sources font allusion à un fonctionnaire militaire originaire du Fujian qui, voulant se rendre dans sa garnison à Hainan 海南, échoua au Champa en 1173, son bateau ayant dérivé suite à une tempête. Là, il aida le souverain Jaya Indravarman IV à combattre le Cambodge en lui montrant comment
utiliser la cavalerie et l’art de lancer des traits tout en étant à cheval et lui procura des chevaux à Jiyang 吉陽 (act. Yazhou 崖州, Hainan 海南)52. Le fait
que les Chinois aient été en assez grand nombre au Champa au moment des
expéditions mongoles laisse entendre qu’une communauté existait déjà sous
les Song, qui jouissait de privilèges juridiques, comme le note Zhao Rugua 趙
汝适53, et sur laquelle s’appuyèrent sans doute les émissaires qui, à la fin de
48
49
50
51
52
53
Bielenstein, Diplomacy and Trade in the Chinese World, 589–1276 : 40-50.
Cf. Maspero, Le royaume de Champa : 6, note 6.
Cité d’après So, Prosperity, Region, and Institutions in Maritime China : 39 ; le Songshi, 419: 14084, rapporte également ce fait, mais ici le marchand Shao Bao est dit être
natif du Guangdong. Inversement, il y avait aussi un certain nombre de Chams qui allaient chercher refuge au Guangdong et à Hainan.
Yijian dingzhi 夷堅丁志, juan 6 ; cité d’après Wada Hisanori, « The Chinese Colonies
of South-East Asia in the Sung Period » : 82, 85.
Le fait est rapporté en détail dans la notice sur le Champa de Zhou Qufei, Lingwai daida (1e éd. 1177) : 77 ; trad. allemande de Netolitzky, Das Ling-wai Tai-ta von Chou
Ch’ü-fei : 37 ; cf. aussi Songshi, 489: 14086 ; Wenxian tongkao 文獻通考 (1322), 322:
2610 (notice sur le Champa) ; voir aussi Maspero, Le Royaume du Champa : 163.
Cf. Chau Ju-kua, On the Chinese and Arab Trade in the Twelfth and Thirteenth Centuries : 47: « If a Chinese should be left by a native while lying dangerously wounded,
the latter is treated as a murderer and put to death. »
LES RÉFUGIÉS SONG EN ASIE DU SUD-EST AU DÉBUT DES YUAN
669
la dynastie, vinrent chercher de l’aide. Il apparaît notamment qu’à cette époque les ambassadeurs chams auprès des Song étaient parfois des Chinois54.
Zhao Shi 趙昰 proclamé empereur des Song à Fuzhou en 1276, sous le
nom de règne de Duanzong 端宗, avait d’ailleurs projeté de se réfugier au
Champa55, mais il mourut au début de 1278, au Guangdong, avant d’avoir pu
exécuter son dessein. Le grand conseiller (chengxiang 承相) Chen Yizhong
陳宜中 s’était rendu au Champa dès la fin de 1277 pour explorer la situation56. Ce pays avait l’avantage d’entretenir de bons rapports avec les Song et
de plus se trouvait très proche des côtes du Guangdong, mais il dut hésiter à
s’engager dans la lutte. Chen Yizhong, n’ayant pas réussi dans sa mission, ne
rentra pas, malgré plusieurs émissaires qui lui furent envoyés 57. Il est fort
possible que Chen Yizhong ait fait office de conseiller auprès du souverain
cham, peut-être avec l’espoir d’influer sur sa politique extérieure. Zheng
Sixiao, dans son Xinshi 心史, fait allusion à
Zeng Yuanzi et aux autres fonctionnaires civils et militaires qui partirent
au-delà des mers, soit pour prendre du service auprès du souverain du
Champa, soit pour se marier au Jiaozhi, soit encore pour aller se réfugier
dans des contrées plus lointaines
曾淵子等諸文武臣流離海外, 或仕占城, 或婿交趾, 或別流遠國58.
Il mentionne plus particulièrement Chen Yizhong, qui après que les Mongols
eurent décidé d’attaquer le Champa en 1282, ne voulant pas renoncer à son
projet, « disparut une fois de plus et s’enfuit vers Shepo [Java] et autres pays
» 又遁而奔闍婆等國59. Par contre, un de ses suivants, Shi Wenguang 石文
54
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56
57
Cf. Songshi, 489: 14080-14081 (notice sur le Champa) ; Wada Hisanori, « The Chinese Colonies in South-East Asia in the Sung Period » : 88.
Cf. Songshi, 47: 944.
Songshi, 47: 943 ; Songji sanchao zhengyao, 6: 68 ; Xu zizhi tongjian 續資治通鑑,
183: 5007. Pelliot, Mémoires sur les coutumes du Cambodge de Tcheou Ta-kouan,
version nouvelle : 87, note 4.
Cf. Songshi, 418: 12532 et 451: 13276. Les annales laissent seulement entendre que
Chen Yizhong ne voulait pas rentrer en raison de ses mauvais rapports avec Zhang
Shijie 張世傑 (1236–1279), un général qui défendit la cause Song jusqu’au dernier
moment et mourut alors qu’il essayait de gagner le Viêt Nam ; cf. aussi, Pelliot, Mémoires sur les coutumes du Cambodge, version nouvelle : 87, note 4.
58
Zheng Sixiao, Xinshi, « Dayi lüexu » 大意略敘 : 972.
59
Ibid. La mission de Chen Yizhong est entourée d’une certaine confusion. Selon
d’autres sources, dont le Songshi, 418: 12532, Chen Yizhong se serait enfui au Siam
où il serait mort. Par ailleurs, Pelliot, Mémoires sur les coutumes du Cambodge, version nouvelle : 88, suite de la note 4 de la page précédente, cite une chronique bouddhique, le Fozu lidai tongzai 佛祖歷代通載, « Récit des générations successives de
Buddha », dont la compilation a dû être achevée en 1333, qui donne des renseigne-
670
CLAUDINE SALMON
光, originaire de Zengcheng 増城 (Guangdong), s’en retourna en Chine, mais
il y arriva après la chute des Song. Selon la monographie de Zengcheng, il
construisit dans sa ville natale, avec l’aide des Chams qui l’avaient accompagné, une forteresse pour protéger les habitants60.
Il y avait, semble-t-il, comme le note Pelliot, de grandes rivalités à la cour
cham elle-même, avec un parti qui poussait à la soumission aux Mongols autour du vieux roi, et un autre qui poussait à la résistance, sans doute soutenu
par des réfugiés Song61. Après les notifications mongoles de 1278 et de 1280,
le souverain du Champa fit savoir qu’il était disposé à faire soumission, toutefois il n’entendait pas se présenter en personne à la cour mongole comme cela
lui avait été demandé à plusieurs reprises. De plus, en 1282, un prince cham
agissant sur le conseil d’un manzi 蠻子 – nom sous lequel les Mongols désignaient les Song du Sud vaincus – retint et fit exécuter les deux émissaires
Yuan qui devaient se rendre au Siam et au Maabar 馬八兒國 (Malabar ?, région de l’actuelle côte de Coromandel, en Inde) 62 . Cette dernière offense
amena l’empereur Qubilai à mettre à exécution son intention de soumettre le
Champa par la force, et il entama une guerre qui devait durer jusqu’en 1285,
comme on l’a vu plus haut. C’est alors que les troupes mongoles virent, peu
après leur débarquement, venir à eux une bande de Chinois établis au Champa, dont un certain Zeng Yan 曾延 qui semble bien avoir été un réfugié Song.
Ils dirent que le souverain cham s’était réfugié dans la montagne, qu’il
n’attendait que l’arrivée de troupes de renfort d’autres provinces pour commencer la lutte et qu’il avait fait massacrer plus de cent Chinois et qu’euxmêmes n’avaient eu que le temps de se sauver. Des espions interrogés
confirmèrent ces assertions en ajoutant que le souverain cham avait envoyé
des missions au Viêt Nam, au Cambodge et à Java pour y solliciter une aide
militaire. On peut se demander si la fuite de Chen Yizhong et de ses partisans,
telle qu’elle est présentée par Zheng Sixiao, n’avait pas un rapport avec ces
missions. Mais ces renforts n’arrivèrent jamais et, finalement, au cours de la
3e lune de 1284, le roi envoya son interprète chinois, un certain Wang (Wang
tongshi 王通事) pour dire que le souverain se soumettait et renouvelait sa
promesse d’envoyer le tribut63. Ainsi le Champa se trouvait délivré des troupes mongoles après avoir rusé pendant plus de deux ans. On apprend, indirec-
60
61
62
63
ments assez différents sur les allées et venues de Chen Yizhong, mais pour les mettre
en doute.
Voir Chen Zhutong, « Yuandai Zhonghua minzu haiwai fazhan kao » : 124 ; Chan
Hok-Lam, « Chinese Refugees » : 3.
Pelliot, Mémoires sur les coutumes du Champa, version nouvelle : 109. Maspero n’a
pas du tout abordé cette question dans Le Royaume de Champa.
Yuanshi, 210: 4661 ; voir aussi Chan Hok-Lam, « Chinese Refugees » : 7.
Yuanshi, 210: 4663. Pour une vision d’ensemble des luttes entre les Chams et les
Mongols, voir Maspero, Le Royaume de Champa : 171-191.
LES RÉFUGIÉS SONG EN ASIE DU SUD-EST AU DÉBUT DES YUAN
671
tement, qu’au cours de cette longue campagne bien des soldats avaient dû déserter l’armée mongole, puisqu’au début de l’année 1286, l’empereur Qubilai
donna l’ordre de réintégrer dans leurs positions trois officiers qui s’étaient
éclipsés : Huduhu 忽都虎, Liu Jiu 劉九 et Tian Er 田二64.
Le Cambodge et autres contrées des Mers du Sud
comme terres d’exil
Le Cambodge, plus éloigné de l’empire chinois, n’avait pas aux yeux des
loyalistes Song, tout comme à ceux des Mongols65, la même importance stratégique que le Viêt Nam et le Champa. Il n’y eut donc pas, semble-t-il, de
troupes Song qui s’y installèrent en nombre, mais seulement des réfugiés.
Néanmoins, les Yuan envoyèrent, comme aux autres pays des Mers du Sud et
de l’Ouest, une mission de persuasion afin que le Cambodge dépêche une
ambassade pour faire acte de soumission et payer le tribut ; celle-ci eut lieu,
soit en novembre 1281, selon Zhou Daguan 周達觀66, soit en janvier 1283,
selon le Yuanshi67. La première et, semble-t-il, unique ambassade cambodgienne eut lieu en 1285. Elle se rendit en Chine en compagnie d’une délégation du Champa, « pour offrir en tribut dix musiciens, des drogues médicinales et des peaux de crocodiles68. » En 1292, un marchand musulman, un certain Ali 阿里, désireux d’équiper lui-même un navire pour suivre, avec un
certain Zhang Cun 張存, l’armée mongole envoyée pour réduire Java se proposa pour aller rappeler le Cambodge à son devoir69. À supposer que cette
mission persuasive ait bien eu lieu, elle n’eut guère d’effet, car, en 1296, une
autre ambassade pour réclamer à nouveau l’hommage fut envoyée, à laquelle
Zhou Daguan prit part 70 , mais qui curieusement ne se trouve mentionnée
64
65
66
Yuanshi, 13: 281.
Le Yuanshi, à la différence du Songshi, ne comporte pas de notice sur le Cambodge.
Il semble qu’il y ait quelques confusions dans le texte de Zhou Daguan au sujet des
missions antérieures, ou que l’auteur n’ait pas été bien au courant de celles-ci. Voir la
traduction et la longue discussion de Pelliot, Mémoires sur les coutumes du Cambodge,
version nouvelle : 10, 120-121.
67
Yuanshi, « Zhancheng » 占城, 210: 4661-4662.
68
Yuanshi, 13: 279.
Yuanshi, 17: 365. Pelliot, Mémoires sur les coutumes du Cambodge, version nouvelle :
121-122.
69
70
Il y avait aussi dans la mission un certain Yexian haiya 也先海牙 ou Äsän (Esen)qaya, personnage, au nom mongol, sur lequel on ne sait rien par ailleurs ; cf. Pelliot,
« Mémoires sur les coutumes du Cambodge » : 158 ; voir aussi Pelliot, Mémoires sur
les coutumes du Cambodge de Tcheou Ta-kouan, version nouvelle : 21.
672
CLAUDINE SALMON
nulle part dans l’histoire officielle71. Elle ne nous est connue que par le précieux récit privé qu’en fit Zhou. Il s’agit du Zhenla fengtu ji 真臘風土記 ou
« Mémoires sur les coutumes du Cambodge »72. Aux dires de cet auteur la mission fut fructueuse puisqu’elle reçut l’hommage73. Toutefois, on ne trouve
pas, dans les sources officielles chinoises d’ambassades pour les années qui
suivirent, ce qui tendrait à montrer qu’en dépit des missions mongoles, le
Cambodge n’entendait pas faire acte d’allégeance.
Pour autant que l’on puisse juger, il existait une communauté chinoise qui
remontait pour le moins aux Song, sans doute même antérieurement vu la
longue histoire des relations diplomatiques entre les deux pays 74 . Selon
Cœdes et Groslier, un bas-relief du Bayon, construit vers 1200, représente la
demeure, avec cours et appartements successifs, d’un riche Chinois assis à
l’intérieur de celle-ci et entouré d’objets de son pays75. Zhou Daguan fait de
son côté allusion à un compatriote, un certain M. Xie 謝氏, qui lui dit avoir
été établi au Cambodge depuis 35 ans, soit depuis circa 1260, mais ne souffle
mot de son état76. Notre auteur fait de plus allusion aux « descendants de Chinois », appelés alors Tangren yizhong 唐人遺種 qui, pour la plupart, brûlaient leurs morts77. Il nous parle aussi des nouveaux venus qui à son époque
arrivaient en grand nombre, mais ne peut, il va sans dire, évoquer directement
71
72
73
74
75
76
77
Pour un essai d’interprétation de ce silence des sources concernant la mission de 1296–
1297, voir Chen Zhengxiang, Zhenla fengtu ji yanjiu : 37-38. Pour une édition chinoise
critique des « Mémoires », on se reportera à celle de Xia Nai, Zhenla fengtu ji jiaozhu.
On ne sait rien de Zhou Daguan si ce n’est que, comme Zhou Qufei, l’auteur du Lingwai daida, il était originaire de Yongjia 永嘉, dans la circonscription de Wenzhou 溫
州, act. province du Zhejiang 浙江. Peut-être était-il un marchand lettré, ou un employé de l’Office des douanes maritimes (shibosi 市舶司) contrôlant le commerce extérieur se faisant dans le port de Wenzhou, encore qu’on ne lui connaisse pas de fonction officielle. Quoi qu’il en ait été, il avait une bonne connaissance du Cambodge et
possiblement aussi du cambodgien, vu le nombre de termes vernaculaires introduits
dans son récit. On ignore la date de composition du Zhenla fengtu ji, tout comme celle
de la première édition. Pour une discussion critique des éditions ultérieures voir Pelliot, Mémoires sur les coutumes du Cambodge, version nouvelle : 37-61.
Pelliot, Mémoires sur les coutumes du Cambodge, version nouvelle : 10.
Pour un aperçu diachronique des relations diplomatiques entre les deux pays, voir Bielenstein, Diplomacy and Trade in the Chinese World, 589–1276 : 52-54.
Cœdes, Pour mieux comprendre Angkor : 17 ; Groslier, Le Bayon, Inscriptions du
Bayon : 167 et Marchal, Monuments d’Angkor : 107, pour une reproduction photographique. Pour d’autres traces d’influence chinoise au Cambodge à cette époque, voir
l’index du volume sur les inscriptions du Bayon ; voir aussi Mus, « Les balistes du
Bayon ».
Pelliot, Mémoires sur les coutumes du Cambodge, version nouvelle : 33.
Ibid. : 24.
LES RÉFUGIÉS SONG EN ASIE DU SUD-EST AU DÉBUT DES YUAN
673
le problème des réfugiés politiques Song. Il se contente de parler des immigrés des classes inférieures :
Les Chinois qui arrivent en qualité de matelots trouvent commode que
dans ce pays on n’ait pas à mettre de vêtements, et comme en outre le riz
est facile à gagner, les femmes faciles à trouver, les maisons faciles à
aménager, le mobilier facile à acquérir, le commerce facile à diriger, il y
en a constamment qui désertent pour y [rester] 往往皆逃於彼78.
Zhou nous donne aussi d’intéressantes précisions sur le statut juridique de ses
compatriotes qui différait de celui des Cambodgiens. Ils bénéficiaient notamment d’un traitement préférentiel en cas de meurtre, ou encore, lorsque
par ignorance, ils enfreignaient les règles du code vestimentaire79.
Toujours aux dires de Zhou Daguan, les Chinois établis au Cambodge
étaient des marchands qui venaient vendre tous les produits que les classes
supérieures de la population d’alors pouvaient désirer. Notre auteur nous
fournit une assez longue liste incluant de l’or, de l’argent, des soieries de couleurs, une certaine sorte d’étain de Zhenzhou 真州, des plateaux laqués de
Wenzhou 溫州, des céladons de Quanzhou, du papier …, mais aussi des objets d’usage plus courant comme des peignes, des aiguilles, des parapluies et
des marmites en fer80 . Il y avait également des artisans qui fabriquaient des
meubles. Zhou note en effet :
Depuis peu, on a inauguré des tables basses, hautes d’environ un pied.
Pour dormir, on n’emploie que des nattes en bambou, et on couche sur des
planches. Depuis peu, certains emploient aussi des lits bas, qui sont en général fabriqués par les Chinois81.
Il est intéressant de constater que lors du passage de Zhou Daguan, les Chinois établis au Cambodge s’étaient récréé un univers mental dans lequel certaines de leurs divinités avaient trouvé leur place. C’est ainsi que Lu Ban 魯
班, le patron des constructeurs en général et des travailleurs du bois en particulier, était apparu à Angkor. Zhou rapporte que selon une tradition locale il
aurait, en une nuit, construit « la tour de pierre qui est à un demi-stade en dehors de la porte Sud ». De plus, sa tombe – Angkor Vat – était, aux dires des
immigrés, « à environ un stade en dehors de la porte sud et à peu près dix stades de tour82. » Tout laisserait donc entendre que ces Chinois n’avaient pas de
visées politiques.
78
79
80
81
82
Pelliot, Mémoires sur les coutumes du Cambodge, version nouvelle : 34.
Ibid. : 13 : « Mais même si un Chinois nouvellement arrivé porte une étoffe à deux
groupes de ramages, on n’ose pas lui en faire un crime parce qu’il est ngan-ting pacha, c’est : qui ne connaît pas les règles (mĭn tĭng + bhāsā). »
Pelliot, Mémoires sur les coutumes du Cambodge, version nouvelle : 27-28.
Ibid. : 31.
Ibid. : 11.
674
CLAUDINE SALMON
En regard du Cambodge, les autres terres d’exil restent fort mal documentées, car il n’existe que très peu de sources d’époque mongole, en dehors des
histoires officielles relatant surtout les échanges diplomatiques. Pour ce qui
est du Siam, noté Xian 暹 dans les sources chinoises de l’époque, on a longtemps pensé qu’il s’agissait de Sukhotai, mais récemment Ishii Yoneo a mis
cette interprétation en cause et propose d’y voir Ayutthaya83. La fuite et la
mort de Chen Yizhong dans ce dernier pays, déjà mentionnées plus haut à
propos du Champa, sont rapportées dans une source anonyme non datée
d’époque Yuan, le Sanchao yeshi 三朝野史, « Histoire non officielle des trois
derniers règnes [Song] » 84 , ainsi que dans le Songshi 85 . Ces deux textes
s’accordent sur le fait que Chen Yizhong serait mort à Xian86. Il semble que
lorsque l’empereur Qubilai, en 1282, décida, on l’a vu, d’envoyer une mission
au Siam (qui ne devait jamais arriver), il voulait tout à la fois s’enquérir des
réfugiés Song dans ce pays et amener le souverain à faire allégeance. Il faut
ensuite attendre 1292 pour qu’une autre mission mongole soit expédiée à
Xian87. Mais, chose intéressante, le Yuanshi note, pour le mois de mai 1285,
qu’un ordre impérial fut donné qui prescrivait de poursuivre et de saisir le
prince de Guang 廣 des Song (i.e., le dernier souverain Song, mort en 1279
au Guangdong) et Chen Yizhong88. Ceci laisse entendre que la cour mongole
était encore incertaine sur la mort du prince Guang, ou bien, comme le suggère Pelliot89, que le titre avait été repris par un nouveau prétendant réfugié
au Siam. En dépit des assez nombreux échanges diplomatiques qui eurent lieu
entre les deux pays dans les années 1290 et 1300, aucune autre information
concernant les réfugiés Song ne se laisse percevoir.
Toutefois Wang Dayuan, dans son Daoyi zhilüe 島夷誌略, « Récit sommaire sur les barbares et les îles » (terminé en 1349), bien qu’il ne semble pas
s’intéresser aux communautés chinoises vivant dans les pays qu’il a visités
83
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88
89
Ishii Yoneo, « Siamese Port-Policies along the Bay of Thailand ».
Sanchao yeshi, 3b. Comme cela a déjà été noté par Pelliot (Mémoires sur les coutumes
du Cambodge, version nouvelle : 18) et par d’autres chercheurs à sa suite, il y a eu
dans cette édition une interpolation, le toponyme Xian 暹 ayant été remplacé par celui
de Xianluo 暹羅 qui est visiblement un anachronisme.
Songshi, 418: 12532.
Le fait est encore rapporté dans les histoires modernes du Siam en chinois ; cf. notamment Xie Yourong, Xinbian Xianluo guozhi : 205.
Pelliot, « Deux itinéraires de Chine en Inde » : 240-244, et pour plus de détail sur les
rapports diplomatiques entre Sukhotai et les Mongols, voir aussi Flood, « SukhothaiMongol Relations: A Note on Relevant Chinese and Thai Sources (with translations) ».
Yuanshi, 13: 286. L’année 1285 correspond par ailleurs à un durcissement du contrôle
du commerce maritime.
Pelliot, Mémoires sur les coutumes du Cambodge, version nouvelle : 88, suite de la
note de la page précédente.
LES RÉFUGIÉS SONG EN ASIE DU SUD-EST AU DÉBUT DES YUAN
675
ou, du moins, qu’il ne juge pas opportun de les présenter90, donne néanmoins
à quatre reprises quelques informations qui peuvent laisser entendre qu’il y
avait des réfugiés Song. En ce qui concerne le Cambodge, le peu qu’il dit sur
la condition juridique des Chinois rappelle étrangement le texte de Zhou Daguan91. Parlant ensuite de Tumasik 單馬錫 (act. Singapour), Wang Dayuan
note que « les natifs y vivaient mélangés à des Chinois » 92. Beaucoup plus à
l’ouest, en Inde, sur la côte de Coromandel, notre auteur, pour la première
fois, signale dans la plaine de Nagapattinam (Ba-dan 八丹), l’existence d’un
stupa (tuta 土塔) chinois en briques haut de plusieurs zhang dont il donne la
date d’achèvement des travaux (8e lune de 1267) qui était gravée sur
l’édifice : « Xianchun sannian bayue bigong » 咸淳 三年八月畢工, ce qui
laisse entendre qu’il y avait eu à proximité une communauté de marchands à la
fin des Song et donc peut-être aussi de réfugiés93. Enfin, à propos des troupes
qui firent partie de l’expédition mongole contre Java, en 1293, Wang Dayuan
rapporte que plusieurs bateaux allèrent se fracasser sur l’île de Goulanshan 勾
欄山 ou Gelam (au large de la côte ouest de Kalimantan). À ses dires, la plupart des soldats repartirent après avoir construit sur place une dizaine de bâtiments, à l’exception d’une centaine de soldats malades qui restèrent sur l’île
où ils firent souche94. Le Yuanshi fait aussi allusion au séjour de troupes dans
l’île de Gelam, mais seulement pour dire qu’elles s’y arrêtèrent pour construire des petits bateaux permettant de remonter les rivières95.
Bien que les sources d’époque Yuan soient assez fragmentaires, elles nous
permettent néanmoins d’entrevoir l’importance de ces flux migratoires vers
les pays d’Asie du Sud-Est les plus proches avec lesquels les marchands Song
90
91
92
93
94
95
Dans les années 1340, la question des loyalistes Song était encore très sensible aux
yeux des Yuan ; cf. Jay, « Memoirs and Officials Accounts » : 597-598. Toutefois,
d’autres historiens pensent qu’il existait une certaine liberté d’expression sous les
Yuan ; cf. Franke, « Some Aspects of Chinese Private Historiography » : 117.
Wang Dayuan, Daoyi zhilüe jiaoshi : 69-70.
Ibid. : 213.
Ibid. : 285. Voir le croquis de Sir Walter Elliot représentant le stupa tel qu’il était en
1846, dans Yule, The Book of Ser Marco Polo, vol. II : 336 et la note de l’éditeur
concernant le monument qui fut détruit dans la seconde moitié du XIXe siècle. Voir
aussi Guy, « The Lost Temples of Nagapattinam and Quanzhou ». Ibn Battûta (Voyages d’Ibn Battûta, vol. IV : 103), contemporain de Wang Dayuan, fait aussi référence
à des marchands chinois établis à Coulam ou Quilon (sur la côte du Kerala), là où sous
les Song, les marchands chinois changeaient de bateau pour continuer leur voyage vers
l’ouest (cf. Zhou Qufei, Lingwai daida : 91 ; Netolitzky, Das Ling-wai Tai-ta von
Chou Ch’ü-fei : 41). Voir aussi Sen Tansen, « The Formation of Chinese Maritime
Networks to Southern Asia, 1200–1450 ».
Wang Dayuan, Daoyi zhilüe jiaoshi : 285.
Yuanshi, 162: 3802 (biographie de Shibi 史弼). Sur l’expédition à Java, voir aussi,
Groeneveldt, « The Expedition of the Mongols against Java in 1293 A.D. ».
676
CLAUDINE SALMON
avaient entretenu des rapports étroits. Elles nous aident aussi à mieux saisir
l’apport des réfugiés à la résistance contre les Mongols et au coup d’arrêt porté à la politique de contrôle de ces derniers au Viêt Nam et au Champa, lequel
a été trop rarement pris en considération par les historiens modernes.
Il est certain que la culture commune à la Chine et au Viêt Nam a fait que
les Chinois ont trouvé dans ce dernier pays un terrain d’accueil extrêmement
favorable à tous les niveaux de la société. Une fois abandonné l’espoir de reconquérir la Chine, les réfugiés pensèrent à s’intégrer. Le meilleur exemple
montré par nos sources est celui du maître taoïste Xu Zongdao qui passa plus
de quarante années dans son pays d’accueil, ayant vécu au moins sous le règne de quatre souverains différents, et largement partagé la vie intellectuelle de
l’élite du royaume. Mais il apparaît qu’il ne s’agissait pas d’un cas unique et
bien des échanges culturels, voire religieux, eurent lieu parallèlement entre
les moines, les lettrés chinois et leurs homologues vietnamiens, comme le
laisse entendre, à plusieurs reprises le ðại Việt Sử Ký Toàn Thư. Même les
militaires jouèrent un rôle dans ce dialogue, comme le suggèrent les exemples
des généraux Zhao Zhong et Zhang Xian.
Pour les autres pays, le Champa et le Cambodge en particulier, la différence de culture entre les émigrés et leurs hôtes fait qu’il est plus difficile de
saisir les échanges. Mais si on veut bien se rappeler qu’en seulement huit
jours on passait du Guangdong au Champa, on peut en conclure qu’un dialogue avait été établi de longue date, mais qu’on ne le perçoit pas de façon
concrète. Il en était de même pour le Cambodge, comme le montre Zhou Daguan, et sans doute aussi le Siam où les résidents chinois avaient leur place
dans la société.
Les réfugiés n’ont pas dû manquer de s’installer aussi dans les contrées insulaires mais, jusqu’à présent, ni les sources chinoises, ni les sources locales
ne nous permettent de suivre leurs traces. Seul, le Xishan zazhi 西山 雜志,
« Notes diverses de la Colline de l’ouest », texte manuscrit de Cai Yongjian 蔡
永蒹, daté de 1815 (découvert dans les années 1980), dont l’authenticité a été
mise en doute par certains96, rapporterait que des membres de la famille de Pu
Shougeng 蒲壽庚 (commissaire aux douanes de Quanzhou, qui, en 1279, ouvrit les portes de la ville aux troupes mongoles) se seraient enfuis aux Philippines, à Mait 麻逸 (act. Mindoro) ou à Butuan 蒲端 (Nord de Mindanao), ne
voulant pas se rallier aux Yuan97. Pour les autres îles d’Insulinde, mises à part
les quelques notes de Wang Dayuan examinées ci-dessus, seule l’histoire
orale, chinoise, mais aussi locale, semble garder encore le souvenir de ces an96
97
Voir notamment So, Prosperity, Region, and Institutions in Maritime China : 7. Il
existerait plusieurs copies de ce texte.
Cf. Liao Dake, « Zheng He yu Dongnan Ya Huaren muselin » : 193. Sur la présence de
Chinois à Butuan sous les Song, voir notamment Ptak, « China and the Trade in Cloves, circa 960–1435 », XII: 7.
LES RÉFUGIÉS SONG EN ASIE DU SUD-EST AU DÉBUT DES YUAN
677
ciennes migrations. Dans les dernières décennies du XVIIe siècle, quelques
groupes ethniques du Grand Est indonésien se disaient descendre de Chinois
de l’époque mongole. Le premier Européen à noter ce fait à propos des Bajau
(qu’il appelle Badjorezen) est le gouverneur des Moluques Robertus Padtbrugge (en poste de 1677 à 1682) dans un de ses rapports qui a été repris par
Spreuwenberg98. Selon cet auteur, les Bajau, population très métissée vivant
sur des bateaux et se rencontrant alors surtout à Menado, Makassar et Tabukan (dans l’Archipel des Sangihe au nord de Célèbes), seraient venus de
Chine pour échapper aux duretés de la vie et /ou à l’oppression des Mongols.
À l’époque où Spreuwenberg faisait son enquête sur le Minahasa (nord de
Célèbes), Bickmore disait à propos des Bantiks, un autre groupe ethnique de
la région de Menado, qu’ils passaient aussi pour être les descendants des Chinois qui se seraient établis à Minahasa, lorsque pour la première fois ils vinrent acheter des épices99. Enfin, en 1986, le sultan de Buton, petite île située
au sud-est de Makassar, se disait encore descendre d’un militaire chinois de
l’expédition mongole contre Majapahit qui, après avoir déserté, était venu
s’établir dans l’île en compagnie d’une princesse javanaise100. Il est intéressant de noter qu’en Insulinde au moins le souvenir des guerres mongoles de la
fin du XIIIe siècle et des réfugiés Song est resté beaucoup plus vivant dans les
mentalités, que celui des derniers tenants des Ming, bien qu’un grand nombre
d’entre eux se fussent aussi réfugiés dans les contrées des Mers du Sud101.
Au Viêt Nam, le souvenir des Song s’est cristallisé d’une autre façon, avec
la création le long du littoral des provinces du Thanh Hóa et du Nghệ An 乂
安, de temples consacrés à la mère du dernier empereur Song, la reine Yang
Taihou 楊太后. Celle-ci s’étant suicidée en se jetant dans la mer, la tradition
veut que son cadavre ait échoué sur le littoral vietnamien, et qu’ensuite elle
ait fait des miracles. Cette légende a été consignée, à plusieurs reprises, dans
les textes sino-vietnamiens avec des variantes. La plus ancienne version
connue est sans doute celle relatée par le médecin Lãn-Ông 懶翁 (1720–
1791) lors d’une visite à un de ses temples situé non loin du village de Hoàng
Mai 黃梅, sous-préfecture de Quỳnh Lưu 瓊瑠 (province du Nghệ An) en
1782. À cette occasion, Lãn-Ông composa deux sentences parallèles qui lais98
99
100
101
Spreuwenberg, « Een blik op de Minahassa » : 35, où le rapport est cité.
Bickmore, Travels in the Indian Archipelago : 342. Le fait est que sous les Yuan, les
bateaux chinois se rendaient dans les Moluques pour acheter des clous de girofle ; cf.
Wang Dayuan, Daoyi zhilüe jiaoshi : 205. Pour plus de détails sur le commerce chinois
en direction des Moluques, voir Ptak, « The Northern Trade Route to the Spice Islands
» : 29-33.
Cf. l’interview donnée à la revue indonésienne Femina (30 sept. 1986, « 700 Tahun
Lalu Merah-Putih Sudah Berkibar di Pulau Buton » : 59).
Voir notre article « Réfugiés Ming dans les Mers du sud vus à travers diverses inscriptions (ca. 1650 – ca. 1730) ».
678
CLAUDINE SALMON
sent bien voir l’importance du souvenir de la dynastie Song dans les mentalités d’alors :
La chute de la grande dynastie des Song laisse des regrets sans fin,
Le culte au temple sous le ciel du Sud continue durant les quatre saisons102.
大宋基圖千古恨
南天宇宙四辰春103
Nous ne savons malheureusement rien de ce culte pour l’époque contemporaine.
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102
103
Cf. Lãn-Ông, Thượng Kinh Ký-sự : 16-17. Pour d’autres versions de la légende, voir
Chan Hok-Lam, « Chinese Refugees » : 4, n. 11, et Ngô ðức Thọ et al. (éds.), Di Tích
Lịch Sử Văn Hóa Việt Nam : 567.
Texte original cité, d’après le manuscrit VHv. 2321 conservé à l’Institut Han Nôm de
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Song Refugees in Southeast Asia
at the Beginning of the Yuan Dynasty
It seems that the Mongol campaigns against the Southern Song Empire may have
accelerated Chinese immigration in Southeast Asia, and drove away a certain
number of high officials, who refused to rally round the foreign dynasty. It is
probable also that the late thirteenth century Yuan expeditions to Vietnam,
Champa, Burma and Java had the same effect, as the majority of troops were
made up of Han recruited in the former Southern Song empire.
In this article we would like to reconsider this question covering three countries: Vietnam, Champa and Cambodia for which the written sources in Chinese
682
CLAUDINE SALMON
allow us to envisage several types of merging into local societies. It goes without
saying that these three countries, like the insular countries, have sheltered, at least
since the Song, more or less sizeable Chinese merchant communities who entertained rather close relations with the provinces of southern China and who have
been able, in certain cases, to facilitate the integration of the newcomers.
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