ne peuvent trouver leur place au début de ce livre. Les arts sont ennemis des
abstractions. Ils vivent d'imagination et de poésie, mais de cette poésie qui leur
présente la forme plutôt que l'idée, la forme revêtue de fictions vivantes, de tous
ses attributs matériels. Dites à Phidias que la dispute de Neptune et de Minerve,
c'est la colonie phénicienne chassée par la colonie égyptienne ; — qu'Érechthée,
c'est le blé confié à la terre, et Pandrose la rosée qui le fait croître ; — que
Minerve, c'est l'esprit de lumière et de vie qui réside dans le soleil et la lune, et
osez lui demander ensuite des chefs-d'œuvre ! Qu'on me permette donc de
reproduire les fables qui entourent le berceau d'un peuple, d'autant plus
charmantes qu'elles sont plus naïves. Qui voudrait les dépouiller de leurs
mensonges, lorsque l'art qu'elles ont si admirablement inspiré les a en retour
consacrées et faites immortelles ?
Cécrops, par les bienfaits d'une civilisation inconnue, attira promptement autour
de lui les habitants de l'Attique, dispersés jusque-là, errants et misérables.
C'était le temps où les dieux parcouraient la terre, prenant possession des villes
où l'on devait leur rendre un culte particulier. Neptune vint le premier, et,
frappant le roc de son trident, fit paraître la mer au milieu de l'Acropole. Minerve
arriva à son tour, et, appelant Cécrops pour qu'il lui servit de témoin, planta un
olivier chargé de ses fruits. Cécrops réunit alors les hommes et les femmes
(car
alors les femmes assistaient aux assemblées)
, et recueillit les voix. Les hommes se
prononcèrent pour Neptune, les femmes pour Minerve, et, comme il s'en trouva
une de plus, la déesse l'emporta.
Neptune appela en vain de ce jugement devant les douze Dieux réunis sur
l'Aréopage. Le témoignage de Cécrops assura à Minerve une nouvelle victoire.
Dès lors elle devint la déesse protectrice de la ville, lui donna son nom et fut
honorée à Athènes plus qu'en aucun lieu de la terre. L'olivier qu'elle avait fait
naitre sur le rocher frappé par Neptune fut entouré d'une enceinte, et, auprès de
l'autel et de la statue consacrés à la déesse, on n'en éleva qu'aux dieux qui lui
étaient chers, à Jupiter Très-Haut, son père, à Vulcain son frère.
Plus tard cependant on commença à redouter le courroux de Neptune. Déjà il
avait voulu inonder l'Attique, et Mercure seul, envoyé par Jupiter, avait pu
l'arrêter. La forme de son trident empreinte sur le roc, et ce trou au fond duquel,
lorsque soufflait le vent d'Afrique, on entendait mugir la mer, semblaient une
continuelle menace. Érechthée, par le conseil de l'oracle, éleva d'abord dans
l'Acropole un autel à l'Oubli, monument de la réconciliation de Neptune et de
Minerve ; puis Neptune fut admis à partager les honneurs de la déesse.
Érechthée était né de l'amour déçu de Vulcain pour Minerve et de la Terre, qui
voulut être mère à sa place. Les Athéniens faisaient de cet événement des récits
différents, qui, s'ils blessaient fort sa pudeur, sauvaient au moins la virginité de
leur protectrice. Minerve, honteuse à la fois et touchée de compassion pour
l'enfant qui gisait à terre, résolut de l'élever en se cachant des autres dieux. Elle
le mit dans une corbeille et l'emporta dans son sanctuaire. Là vivaient les trois
filles de Cécrops, Pandrose, Aglaure et Hersé, qui s'étaient consacrées à son
culte. Un jour la déesse s'aperçut que sa ville était trop accessible du côté du
couchant. Elle alla chercher une montagne à Pellène, et confia la corbeille à
Pandrose en lui défendant de l'ouvrir. Pandrose fut fidèle ; mais ses deux sœurs,
poussées par la curiosité, découvrirent le mystère. Aussitôt une corneille alla
annoncer cette nouvelle à Minerve, qui revenait avec la montagne dans ses bras.
De surprise et de colère elle la laissa tomber : c'est ainsi que fut formé le mont
Lycabette. Hersé et Aglaure, égarées alors par une démence furieuse, se