V O C A B U L A I R E Cytokines, chimiokines et signaux de transduction ● P. Desreumaux* L es cytokines sont des protéines solubles de faible poids moléculaire impliquées dans la communication entre les cellules. Elles peuvent être synthétisées par plusieurs types cellulaires. Elles sont produites localement en faible quantité et ont une demi-vie courte, ce qui rend difficile leur détection et explique l’intérêt des techniques d’identification par amplification génique (PCR). Depuis la mise en évidence de la première cytokine en 1957, plusieurs classifications basées sur la structure et les principales fonctions de ces médiateurs ont été proposées. Classification des cytokines Malgré l’existence de nombreuses boucles de régulation et l’étonnant pléiotropisme fonctionnel des cytokines, trois grands groupes ont été caractérisés : les cytokines inflammatoires, les cytokines anti-inflammatoires et les cytokines immunorégulatrices (tableau I). Tableau I. Principales cytokines inflammatoires/anti-inflammatoires et immunorégulatrices. Cytokines inflammatoires Cytokines antiinflammatoires Cytokines immunorégulatrices type 1 Cytokines immunorégulatrices type 2 IL-1 α et β IL-6 IL-8 TNFα IL-1RA IL-10 TGFβ IL-4 IL-2 IFNγ IL-4 IL-5 IL-13 Les cytokines immunorégulatrices interviennent dans i) la susceptibilité/résistance aux agents infectieux, ii) les mécanismes allergiques et iii) la régulation des cytokines inflammatoires. Elles sont classées en deux types appelés chez l’homme type 1 et type 2, par analogie avec la classification proposée par Mossman et coll. chez la souris pour les clones lymphocytaires T CD4+ (profils Th1 et Th2) (1, 2). Les cytokines immunorégulatrices de type 1 sont représentées par l’IL-2 et l’IFNγ. Elles sont impliquées dans l'activation du système immunitaire cellulaire et la résistance aux infections bactériennes, les réactions d'hypersensibilité retardée et la synthèse d'IgG2a. Les cytokines de type 2 (IL-4, IL-5 et IL-13) interviennent préférentiellement dans la synthèse d’IgE, l'activation et le recrutement des éosinophiles, la résistance aux infections parasitaires, les mécanismes allergiques et la susceptibilité aux infections bactériennes (tableau I). Classification des chimiokines Les chimiokines définissent un sous-groupe d’une cinquantaine de médiateurs caractérisés par leurs propriétés chimioattractantes (3). En fonction de leur structure, on distingue essentiellement deux sous-familles : les CXC, chimiokines impliquées dans le recrutement et l’activation des polynucléaires neutrophiles, et les CC, chimiokines dont les principales cibles cellulaires sont les éosinophiles, les basophiles, les monocytes et les lymphocytes avec un rôle privilégié de MCP 4-5, RANTES et l’éotaxine 1-2 dans l’activation et le recrutement des éosinophiles dans les tissus (4) (tableau II, page 297). * Laboratoire de recherche sur les maladies inflammatoires de l’intestin, CHU Lille. Transduction du signal Les cytokines et les chimiokines agissent sur les cellules cibles en se fixant sur des récepteurs membranaires spécifiques qui vont activer une cascade d’événements intracellulaires à l’origine de la transduction d’un signal du cytoplasme vers le noyau, capable d’activer la cellule. Les principaux facteurs de transcription associés aux récepteurs des cytokines sont les STATs (signal transducers and activators of transcription) et les JAKS (Janus kinases) qui, après fixation des cytokines sur leurs récepteurs, vont pouvoir passer du cytoplasme vers le noyau, se lier spécifiquement à certaines régions de l'ADN et permettre la transcription de différents gènes (tableau III, page 297) (5). D'autres voies de transduction du signal induites par des cytokines telles que le TNFα, l’IL-1, l’IL-6 et l’IL-8 passent par la phosphorylation de protéines cytoplasmiques dont les mieux La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 6 - décembre 1998 295 La balance entre les cytokines inflammatoires (IL-1, IL-6, IL-8, TNFα) et anti-inflammatoires (antagoniste du récepteur de l’IL-1 [IL-1RA], IL-10, TGFβ) gère localement l’intensité et la durée de la réaction inflammatoire. Elle peut être également à l’origine d'effets systémiques tels que la diminution de la synthèse de l'albumine et l'augmentation de la synthèse de protéines inflammatoires. V O C A B U L A I R E TNF IL-1, 6, 8 + IκB NFκB/IκB Corticoïdes Salicylates Ciclosporine IL-10 Cytoplasme NFκB + Noyau ADN + Protéines de la réponse immunitaire et de l'inflammation Récepteur de cytokine JAK Récepteur de cytokine STAT NFκB/IκB MAP kinase p38 Cytoplasme ERK1.2 JNK Noyau STAT/JAK NFκB ADN 296 Figure 1. La transduction du signal induite par les cytokines est médiée essentiellement par des facteurs de transcription spécifiques associés aux récepteurs des cytokines (STATs et JAKS), le complexe NFκB/IκB et les MAP kinases. Après activation, ces protéines cytoplasmiques vont passer dans le noyau, se fixer à certaines régions de l’ADN cellulaire et réguler l’expression de gènes. ATF2, c-Jun, Elk1 Figure 2. Les cytokines se fixent sur la cellule au niveau de récepteurs membranaires spécifiques qui vont transmettre un signal à la cellule par le complexe NFκB/IκB. La phosphorylation de IκB induite par les cytokines permet la dissociation de NFκB/IκB, la migration du dimère NFκB vers le noyau et l’expression par la cellule de certains gènes puis de protéines impliquées dans l’inflammation et les réactions immunitaires. Le mode d’action de nombreuses molécules anti-inflammatoires ou immunosuppressives telles que les corticoïdes, les salicylés, la ciclosporine et l’IL-10 passe en partie par une inhibition de la dissociation de NFκB/IκB. La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 6 - décembre 1998 Tableau II. CXC et CC chimiokines : récepteurs et principales cibles cellulaires. CXC Chimiokines CXCR (1-4) Cibles cellulaires CC Chimiokines CCR (1-8) Cibles cellulaires IL-8 ENA-78 GCP-2 GRO α, β, γ IP-10 MIG NAP 2-4 SDF-1 1, 2 2 1, 2 2 3 3 2 4 N, Mast, Eo,T N N, Mast N, Mast Mo,T, NK T N Mo, L, N MCP 1-5 MIP-1α, β, γ RANTES I-309 HCC-1 Eotaxine 1-2 TARC 1, 2, 3 1, 5 1, 3, 5 8 ? 1, 3 4 Mo, Eo Mast,T Mo,T Mo, Eo Mast,T Mo Mo Eo, Mast Mast,T Tableau III. Association des principaux signaux de transduction aux récepteurs des cytokines. Cytokines STATs JAKs IFNγ, IL-7, IL-10 1 1, 2 IFNα/β 1, 2 1 IL-4 6 1, 3 IL-13 6 1 IL-6 1, 3 1, 2 IL-12 3, 4 2 connues dépendent du complexe IκB/NFκB et des MAP kinases (figure 1) (6). Le facteur de transcription NFκB est un homo- ou hétérodimère composé de cinq protéines p65, c-Rel, RelB, p50 et p52 (6). Ce dimère NFκB est associé dans le cytoplasme à une protéine inhibitrice IκB par des liaisons non covalentes. Sept molécules IkB ont été identifiées : IκB-α, IκB-β, IκB-γ, IκB-ε, Bcl-3, p100 et p105 (6). La phosphorylation de IκB, induite par les cytokines, permet la dissociation du complexe IκB/NFκB et la migration de NFκB vers le noyau, permettant alors l’expression de certains gènes, puis de protéines impliquées dans l’inflammation et les réactions immunitaires (figure 2). Les MAP kinases sont également des médiateurs importants de la transduction d’un signal depuis la surface cellulaire jusqu’au noyau. Les trois principales voies de transduction impliquant La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 6 - décembre 1998 CXCR (1-4) : 4 récepteurs décrits des CXC chimiokines ; CCR (1-8) : 8 récepteurs décrits des CC chimiokines ; ENA : epithelial cell-derived neutrophil activating peptide ; GRO : growth related oncogen ; MCP : monocyte chemoattractant protein ; GCP-2 : granulocyte chemotactic protein 2 ; IP : interferon induced peptide ; MIG : monokine induced by IFN ; NAP : neutrophil-activating peptide ; MIP : macrophage inflammatory protein ; HCC-1 : hemofiltrate CC chemokine ; RANTES : regulated on activation normal T cell expressed and secreted ; TARC : thymus and activationregulated cytokine ; SDF : stromal-cell-derived factor ; N : polynucléaire neutrophile ; Mast : mastocyte ; Eo : polynucléaire éosinophile ; T : lymphocyte T ; Mo : monocyte ; NK : cellules natural killer. des MAP kinases aboutissent à l’activation des MAP kinases ERK1.2 (extracellular regulated kinase), JNK1 (c-Jun N-terminal Kinase), et p38 (7). Conclusion Les nouvelles techniques de détection de ces médiateurs impliqués dans la réponse immunitaire ont permis de mieux analyser les différentes réactions mises en jeu au cours de l’inflammation. L’étude des cytokines et des signaux de transduction constitue donc à la fois un outil pour une meilleure compréhension de la physiopathogénie de maladies immunologiques ou inflammatoires et pour le développement de nouvelles cibles thérapeutiques telles que l'IL-10 ou les anticorps dirigés contre le TNFα utilisés dans les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin. ■ R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Mosmann T.R., Cherwinski H.M., Bond M.W. et coll. Two types of murine helper T cell clone. J Immunol 1986 ; 136 : 2348-57. 2. Clerici M., Shearer G.M. The Th1-Th2 hypothesis of HIV infection : new insights. Immunol Today 1994 ; 15 : 575-81. 3. Luster A.D. Chemokines - Chemotactic cytokines that mediate inflammation. N Engl J Med 1998 ; 338 : 436-45. 4. Desreumaux P., Capron M. Eosinophils in allergic reactions. Curr Opin Immunol 1996 ; 8 : 790-5. 5. Leaman D.W., Leung S., Li X., Stark G.R. Regulation of STAT-dependent pathways by growth factors and cytokines. FASEB J 1996 ; 10 ; 1578-88. 6. May M.J., Ghosh S. Signal transduction through NF-κB. Immunol Today 1998 ; 19 : 80-8. 7. L’Allemain G. Deciphering the MAP kinase pathway. Prog Growth Factor Res 1994 ; 5 : 291-334. 297