Dossier
Nosologie des otites
Martine François
Service ORL, hôpital Robert Debré, 48 boulevard Sérurier, 75019 Paris
Dans le langage courant « otite » est un raccourci pour otite moyenne aiguë
suppurée. Mais en médecine il faut être plus précis pour que tous les praticiens
parlent le même langage et ne confondent pas les otites externes et les otites
perforées, les otites congestives et les otites moyennes aiguës suppurées collec-
tées, les épanchements résiduels et les otites séreuses.
Mots clés : otite externe, otite congestive, otite moyenne aiguë suppurée, otite séreuse,
labyrinthite
Dans le langage courrant « otite »
est un raccourci pour otite
moyenne aiguë suppurée. En fait le
terme « otite » signifie simplement in-
flammation de l’oreille. Or, l’oreille
est divisée en trois parties [1], qui ont
une origine embryologique différente
(entre parenthèse sont indiqués les ter-
mes de la nouvelle nomenclature
1
):
l’oreille externe qui comporte le
pavillon de l’oreille (auricule), le
conduit auditif externe (méat acousti-
que) et la face externe de la membrane
tympanique ;
l’oreille moyenne qui comporte
la face interne de la membrane tympa-
nique, la caisse du tympan, la trompe
d’Eustache (trompe auditive) et les cel-
lules mastoïdiennes ;
l’oreille interne ou labyrinthe qui
comprend le labyrinthe antérieur cor-
respondant à la cochlée, et le labyrin-
the postérieur qui comporte les élé-
ments du système vestibulaire : les
canaux semi-circulaires, l’utricule et
le saccule.
L’otite externe
L’otite externe est l’atteinte de la
peau recouvrant le conduit auditif ex-
terne (méat acoustique) [2]. Elle peut
être aiguë ou chronique. Les formes
malignes, qui sont dues le plus sou-
vent à Pseudomonas aeruginosa,et
qui surviennent sur des terrains très
particuliers (diabète essentiellement),
mettent en jeu le pronostic vital.
Les myringites sont une forme très
particulière d’otite externe, limitées à
la face externe de la membrane tympa-
nique. Il s’agit le plus souvent de myrin-
gites chroniques, avec un aspect granu-
leux, un peu suintant de la membrane
tympanique, sans signes généraux. La
frontière entre myringite aiguë et otite
moyenne aiguë n’est pas franche, car il
est très difficile d’affirmer que l’inflam-
mation est strictement limitée à la face
externe du tympan.
L’atteinte infectieuse ou simple-
ment inflammatoire du pavillon de
l’oreille (auricule), dénommée péri-
chondrite, ne fait pas partie des otites
externes.
1
La « nouvelle nomenclature » est la nomen-
clature anatomique française établie en 1977
par la Commission de Francisation des No-
menclatures internationales. En fait, les an-
ciennes dénominations telles que conduit
auditif externe ou trompe d’Eustache sont
beaucoup plus souvent employées que les
nouvelles : méat acoustique et trompe audi-
tive !
m
t
p
Tirés à part : M. François
doi: 10.1684/mtp.2007.0121
mt pédiatrie, vol. 10, n° 3, mai-juin 2007
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L’otite interne
Le terme d’otite interne a été abandonné au début du
XX
e
siècle au profit de celui de labyrinthite [2]. L’inflam-
mation de l’oreille interne, qu’elle soit ou non infectieuse,
compromet l’avenir de l’audition.
Les otites moyennes
La classification des otites moyennes dépend avant
tout de deux critères : l’ancienneté de la pathologie et
l’existence ou non d’un épanchement rétrotympanique
(tableau 1).
L’otite est dite aiguë si elle évolue depuis moins de
3 semaines, subaiguë ou prolongée si elle dure depuis
plus de 3 semaines et moins de deux mois, chronique si
elle évolue depuis plus de deux mois [3].
L’épanchement rétrotympanique peut être purulent
(comme dans les otites moyennes aiguës suppurées col-
lectées) ou séreux (ou encore séro-muqueux) dans les
épanchements résiduels post-otite moyenne aiguë (moins
de 2 mois) et dans les otites séreuses (ou séromuqueuses)
(l’épanchement doit alors exister depuis plus de deux
mois).
Les otites aiguës sans épanchement rétrotympanique
sont les otites congestives.
Le traitement d’une otite congestive étant complète-
ment différent de celui d’une otite moyenne aiguë suppu-
rée collectée, on conçoit l’importance de faire la diffé-
rence entre une caisse du tympan remplie d’air et une
caisse du tympan remplie de liquide. Cette différence peut
être faite à l’otoscopie : en cas d’épanchement rétrotym-
panique, la membrane tympanique est opaque. Une
membrane tympanique bombée vers l’extérieur ou der-
rière laquelle on voit des bulles d’air signe la présence
d’un épanchement rétrotympanique [4]. L’otoscope pneu-
matique, plus facile à utiliser que le spéculum de Siegle
des ORL, apporte un argument supplémentaire en faveur
d’un épanchement si la membrane tympanique ne bouge
pas lorsqu’on insuffle un peu d’air dans le conduit auditif
externe (alors que s’ilyadel’air derrière la membrane
tympanique, les gaz étant compressibles, la membrane
tympanique s’enfonce un peu). En cas de doute, on peut
s’aider de la tympanométrie : la courbe de tympanométrie
est plate en cas d’épanchement rétrotympanique, en toit
de pagode si la caisse du tympan est remplie d’air. Cet
examen n’est pas fait en période aiguë car il est alors
douloureux. Il est utile en cas d’hypoacousie pour recher-
cher une éventuelle otite séreuse (mais ce n’est pas un test
d’audition). Le réflectomètre acoustique n’est pas utilisé
en France (le réflectomètre acoustique mesure la diffé-
rence entre le son incident et le son réfléchi par la mem-
brane tympanique. Plus l’angle de gradient spectral est
élevé, plus les chances d’avoir un épanchement rétrotym-
panique sont faibles).
Les otites chroniques sans épanchement rétrotympani-
que sont, pour simplifier, les perforations tympaniques
simples et les cholestéatomes. Ces otites chroniques né-
cessitent un traitement chirurgical et sont en pratique
prises en charge par les ORL.
Références
1. Bonfils P, Chevallier JM. Anatomie du système auditif. In anatomie
ORL, deuxième édition. Flammarion Médecine Sciences Paris,
2005 : 294-335.
2. Legent F. Définition et nosologie des otites. Rev Prat 1998 ; 48 :
829-32 ; (Paris).
3. Coiffier T, Garabédian EN. Otites récidivantes et otites d’évolution
prolongée de l’enfant. Rev Part 1998 ; 48 : 867-70 ; (Paris).
4. Paradise JL. On classifying otitis media as suppurative or nonsup-
purative, with a suggested clinical schema. J Pediatr 1987 ; 111 :
948-51.
Tableau 1.Nosologie des otites moyennes
Aiguë Subaiguë Chronique
Sans épanchement rétrotympanique Otite congestive Otite chronique cholestéatomateuse
ou non
Avec épanchement rétrotympanique Otite moyenne aiguë collectée
(OMA) ou perforée
Otite traînante ou épanchement
résiduel post-OMA
Otite séreuse
mt pédiatrie, vol. 10, n° 3, mai-juin 2007 151
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