Dossier Nosologie des otites Martine François Service ORL, hôpital Robert Debré, 48 boulevard Sérurier, 75019 Paris <[email protected]> Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Dans le langage courant « otite » est un raccourci pour otite moyenne aiguë suppurée. Mais en médecine il faut être plus précis pour que tous les praticiens parlent le même langage et ne confondent pas les otites externes et les otites perforées, les otites congestives et les otites moyennes aiguës suppurées collectées, les épanchements résiduels et les otites séreuses. Mots clés : otite externe, otite congestive, otite moyenne aiguë suppurée, otite séreuse, labyrinthite D ans le langage courrant « otite » est un raccourci pour otite moyenne aiguë suppurée. En fait le terme « otite » signifie simplement inflammation de l’oreille. Or, l’oreille est divisée en trois parties [1], qui ont une origine embryologique différente (entre parenthèse sont indiqués les termes de la nouvelle nomenclature1) : – l’oreille externe qui comporte le pavillon de l’oreille (auricule), le conduit auditif externe (méat acoustique) et la face externe de la membrane tympanique ; – l’oreille moyenne qui comporte la face interne de la membrane tympanique, la caisse du tympan, la trompe d’Eustache (trompe auditive) et les cellules mastoïdiennes ; – l’oreille interne ou labyrinthe qui comprend le labyrinthe antérieur correspondant à la cochlée, et le labyrinthe postérieur qui comporte les éléments du système vestibulaire : les 1 Tirés à part : M. François 150 mt pédiatrie, vol. 10, n° 3, mai-juin 2007 L’otite externe L’otite externe est l’atteinte de la peau recouvrant le conduit auditif externe (méat acoustique) [2]. Elle peut être aiguë ou chronique. Les formes malignes, qui sont dues le plus souvent à Pseudomonas aeruginosa, et qui surviennent sur des terrains très particuliers (diabète essentiellement), mettent en jeu le pronostic vital. Les myringites sont une forme très particulière d’otite externe, limitées à la face externe de la membrane tympanique. Il s’agit le plus souvent de myringites chroniques, avec un aspect granuleux, un peu suintant de la membrane tympanique, sans signes généraux. La frontière entre myringite aiguë et otite moyenne aiguë n’est pas franche, car il est très difficile d’affirmer que l’inflammation est strictement limitée à la face externe du tympan. L’atteinte infectieuse ou simplement inflammatoire du pavillon de l’oreille (auricule), dénommée périchondrite, ne fait pas partie des otites externes. doi: 10.1684/mtp.2007.0121 mtp La « nouvelle nomenclature » est la nomenclature anatomique française établie en 1977 par la Commission de Francisation des Nomenclatures internationales. En fait, les anciennes dénominations telles que conduit auditif externe ou trompe d’Eustache sont beaucoup plus souvent employées que les nouvelles : méat acoustique et trompe auditive ! canaux semi-circulaires, l’utricule et le saccule. Tableau 1. Nosologie des otites moyennes Aiguë Subaiguë Sans épanchement rétrotympanique Otite congestive Avec épanchement rétrotympanique Otite moyenne aiguë collectée (OMA) ou perforée Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. L’otite interne Le terme d’otite interne a été abandonné au début du XXe siècle au profit de celui de labyrinthite [2]. L’inflammation de l’oreille interne, qu’elle soit ou non infectieuse, compromet l’avenir de l’audition. Les otites moyennes La classification des otites moyennes dépend avant tout de deux critères : l’ancienneté de la pathologie et l’existence ou non d’un épanchement rétrotympanique (tableau 1). L’otite est dite aiguë si elle évolue depuis moins de 3 semaines, subaiguë ou prolongée si elle dure depuis plus de 3 semaines et moins de deux mois, chronique si elle évolue depuis plus de deux mois [3]. L’épanchement rétrotympanique peut être purulent (comme dans les otites moyennes aiguës suppurées collectées) ou séreux (ou encore séro-muqueux) dans les épanchements résiduels post-otite moyenne aiguë (moins de 2 mois) et dans les otites séreuses (ou séromuqueuses) (l’épanchement doit alors exister depuis plus de deux mois). Les otites aiguës sans épanchement rétrotympanique sont les otites congestives. Le traitement d’une otite congestive étant complètement différent de celui d’une otite moyenne aiguë suppurée collectée, on conçoit l’importance de faire la différence entre une caisse du tympan remplie d’air et une caisse du tympan remplie de liquide. Cette différence peut être faite à l’otoscopie : en cas d’épanchement rétrotympanique, la membrane tympanique est opaque. Une membrane tympanique bombée vers l’extérieur ou derrière laquelle on voit des bulles d’air signe la présence d’un épanchement rétrotympanique [4]. L’otoscope pneu- Otite traînante ou épanchement résiduel post-OMA Chronique Otite chronique cholestéatomateuse ou non Otite séreuse matique, plus facile à utiliser que le spéculum de Siegle des ORL, apporte un argument supplémentaire en faveur d’un épanchement si la membrane tympanique ne bouge pas lorsqu’on insuffle un peu d’air dans le conduit auditif externe (alors que s’il y a de l’air derrière la membrane tympanique, les gaz étant compressibles, la membrane tympanique s’enfonce un peu). En cas de doute, on peut s’aider de la tympanométrie : la courbe de tympanométrie est plate en cas d’épanchement rétrotympanique, en toit de pagode si la caisse du tympan est remplie d’air. Cet examen n’est pas fait en période aiguë car il est alors douloureux. Il est utile en cas d’hypoacousie pour rechercher une éventuelle otite séreuse (mais ce n’est pas un test d’audition). Le réflectomètre acoustique n’est pas utilisé en France (le réflectomètre acoustique mesure la différence entre le son incident et le son réfléchi par la membrane tympanique. Plus l’angle de gradient spectral est élevé, plus les chances d’avoir un épanchement rétrotympanique sont faibles). Les otites chroniques sans épanchement rétrotympanique sont, pour simplifier, les perforations tympaniques simples et les cholestéatomes. Ces otites chroniques nécessitent un traitement chirurgical et sont en pratique prises en charge par les ORL. Références 1. Bonfils P, Chevallier JM. Anatomie du système auditif. In anatomie ORL, deuxième édition. Flammarion Médecine Sciences Paris, 2005 : 294-335. 2. Legent F. Définition et nosologie des otites. Rev Prat 1998 ; 48 : 829-32 ; (Paris). 3. Coiffier T, Garabédian EN. Otites récidivantes et otites d’évolution prolongée de l’enfant. Rev Part 1998 ; 48 : 867-70 ; (Paris). 4. Paradise JL. On classifying otitis media as suppurative or nonsuppurative, with a suggested clinical schema. J Pediatr 1987 ; 111 : 948-51. mt pédiatrie, vol. 10, n° 3, mai-juin 2007 151