SANTÉ, LE TRAITEMENT
DE LA DIFFÉRENCE
Dossier coordonné par Didier Fassin
N° 1225 - Mai-juin 2000
HOMMES & MIGRATIONS
N° 1225 - Mai-juin 2000 -
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De même qu’au XIX
e
siècle, comme l’a parfaitement montré Gérard
Noiriel, les mesures administratives visant à surveiller la circu-
lation des étrangers ont préfiguré une politique de contrôle de
l’ensemble de la population, nationaux compris (avec entre autres
l’instauration de la carte d’identité obligatoire), de même la
politique de santé en direction des migrants est susceptible de
rattraper demain, d’une manière ou d’une autre, l’ensemble de
la politique de santé de ce pays.
Car au-delà même du seul domaine
sanitaire et social, la santé des
migrants renvoie au devenir de la
société tout entière, depuis la
régulation des flux migratoires
jusqu’aux conditions du droit d’asile,
depuis la politique du logement
jusqu’à celle de l’emploi, depuis la
protection sociale jusqu’à l’égalité des
soins. Elle interroge par tous les côtés
à la fois les fondements politiques,
et même philosophiques, de la Répu-
blique. Ainsi en va-t-il par exemple
du traitement de la différence, qui dans ce domaine pose des
questions d’autant plus aiguës que l’on touche à la souffrance,
à la maladie et à la mort.
Pourtant, ladite “santé des migrants”
est devenue un vocable désuet, renvoyant à une pratique de gestion
sanitaire des populations qui ne l’est pas moins. De même que
la médecine tropicale a dû s’affranchir du regard condescendant
du colonisateur, la pratique médicale doit cesser de
regarder d’abord l’immigré pour voir en premier lieu
le patient, l’individu. Bien sûr, il ne faut pas pour
autant oublier que les souffrances psychiques de l’exil,
ainsi que certains traits de la culture d’origine peuvent
expliquer la manière dont le patient perçoit sa maladie,
et qu’ils peuvent même obérer le traitement
habituellement réservé à celle-ci. Mais le malade
étranger ne peut plus être cet étrange malade dont
la culture d’origine expliquerait toutes les affections,
en particulier psychiques. Car si l’étranger partage
avec ses compatriotes une culture, il partage aussi
avec ses homologues au sein de la société d’immigration,
qu’ils soient français ou d’autres origines que lui, des
conditions de vie – le chômage, la précarité du séjour,
l’exclusion, la pauvreté – qui contribuent tout aussi
bien à expliquer certaines pathologies dont il souffre.
En naturalisant la diffé-
rence dans le champ de la
santé, on s’expose à ne plus
regarder les immigrés que
collectivement, à les trai-
ter séparément dans tous
les domaines, et ainsi à
créer les conditions d’une
segmentation par origine
des problèmes sociaux.
MALADE ÉTRANGER, ÉTRANGE MALADE ?
par
Philippe Dewitte
N° 1225 - Mai-juin 2000 -
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SOMMAIRE
SANTÉ, LE TRAITEMENT
DE LA DIFFÉRENCE
Dossier coordonné par Didier Fassin
Malade étranger, étrange malade ?
par Philippe Dewitte
1
La question de la santé des migrants renvoie au devenir de la société tout entière, elle
interroge les fondements politiques, et même philosophiques, de la République.
Repenser les enjeux de santé autour de l’immigration
par Didier Fassin
5
Traditionnellement, le migrant est considéré comme nécessitant une prise en charge par-
ticulière, du fait de sa supposée différence. Sa santé a longtemps été un domaine réservé
aux seuls spécialistes médicaux et autres psychologues.
Le saturnisme, une maladie sociale
de l’immigration
par Anne-Jeanne Naudé
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Parce qu’il affecte essentiellement des enfants d’origine africaine, le saturnisme a été
traité jusque dans les années quatre-vingt comme une maladie liée à des comportements
culturels spécifiques, alors que l’on a affaire à une maladie de l’habitat insalubre.
Au-delà du gène et de la culture
par Doris Bonnet
23
Maladie génétique, la drépanocytose implique pour les immigrés africains qui en sont
atteints, outre de graves problèmes de santé, des choix de vie et des changements dans
les rapports entre l’individu, le groupe et la société d’accueil.
Une consultation pour les migrants à l’hôpital
par Chantal Crenn
39
Monsieur D. résiste aux thérapeutes et refuse de se raconter en tant qu’immigré. Un exemple
qui montre les difficultés de la prise en compte de l’ethnicité dans le traitement des migrants.
De la psychiatrie des migrants au culturalisme
des ethnopsychiatries
par Richard Rechtman
46
Les discours ethnopsychiatriques, axés sur la différence et la distinction ethnique, réduisent
le migrant à sa seule dimension culturelle, faisant fi de la subjectivité et du degré d’adhé-
sion de l’individu aux croyances de sa propre culture.
Le malade dans sa différence : les professionnels
et les patients migrants africains à l’hôpital
par Laurence Kotobi
62
Face aux difficultés qu’ils rencontrent dans la prise en charge des migrants, les professionnels
médico-sociaux produisent souvent un discours culturaliste, généralisant des cas particuliers.
Les catégories d’”origine” et de “nationalité”
dans les statistiques du sida
par Augustin Gilloire
73
Par peur de discriminer, l’État français répugne à se servir des statistiques liées à l’origine,
alors qu’il faudrait prendre des mesures en faveur d’une population dont on sait qu’elle
est plus touchée par le sida que les nationaux.
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HOMMES & MIGRATIONS
est publié avec le concours
du Fonds d’action sociale
pour les travailleurs
immigrés et leurs familles
de la Délégation au
développement et à l’action
territoriale
de la Délégation
interministérielle à la Ville
du Comité catholique
contre la faim et pour le
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et du
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Les données sur le sida dans la population
étrangère en France
par Florence Lot
83
À partir de données de l’Insee, l’Institut de veille sanitaire a réalisé une analyse
sur les cas déclarés de sida parmi les populations étrangères domiciliées en France.
L’accès aux soins des étrangers en situation précaire
par Sandrine Musso-Dimitrijevic
88
Après un long séjour forcé - et thérapeutiquement inadapté - au Maroc, A., ancienne toxi-
comane atteinte du sida, vivant en France depuis l’âge de deux ans et mère d’un enfant
français, a dû effectuer un douloureux parcours du combattant pour être régularisée.
Les étrangers dans les consultations des centres
de soins gratuits
par Andrée et Arié Mizrahi
94
Si l’absence ou la précarité d’emploi et de logement, ainsi qu’un faible niveau de scola-
risation caractérisent les patients français comme étrangers, en revanche ces derniers béné-
ficient moins de la législation sociale et sont souvent sans droits.
L’accès aux soins des étrangers : débats
et évolutions du droit
par le groupe “Protection sociale” du Gisti
101
La loi “Pasqua” de 1993 conditionnait l’accès à l’aide sociale à la régularité du séjour,
introduisant ainsi une distinction entre Français et étrangers. Lors des débats sur la cou-
verture maladie universelle, cette approche n’a pas été remise en question.
CHRONIQUES
INITIATIVES
La formation en anthropologie à l’hôpital,
Zahia Kessar
112
La place de la santé et des soins chez des Tsiganes migrants,
Farid Lamara et Pierre Aïach
117
MUSIQUES
Maurice El Medioni, l’enchanteur,
François Bensignor
123
AGAPES
Bread, buns & scones, le pain béni des Britanniques,
Marin Wagda
129
MÉDIAS
Nouveaux médias : vers la “balkanisation” du paysage audiovisuel français ?
Mogniss H. Abdallah
136
CINÉMA
Comédia infantil ; La coupe ; Les enfants du ciel ; Garage Olimpo ; Passeurs de rêves ;
Propaganda ; Salsa ; Un dérangement considérable ; Demain je brûle,
André Videau
142
LIVRES
James Cohen, M.-P. Garrigues, Habdelhafid Hammouche,
Mustapha Harzoune, Djamel Khamès
153
Les dessins illustrant ce numéro sont de Jean-Pierre Gaüzère. Pour tout contact : Iconovox -
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Le photomontage de couverture est d’Olivier Mauffrey : olivier.mauf[email protected]
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N° 1225 - Mai-juin 2000 -
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SANTÉ, LE TRAITEMENT DE LA DIFFÉRENCE
Le développement de la citoyenneté sociale
autour du corps et de la maladie, la construction de la différence
en termes de culture dans les institutions médicales,
sont des questions de société
qui dépassent largement le seul domaine sanitaire.
SANTÉ
LE TRAITEMENT DE LA DIFFÉRENCE
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