Synthèse Ann Biol Clin 2015 ; 73 (4) : 399-406 Proliférations lymphoïdes B matures à cellules chevelues Chronic B-cell lymphoproliferative disorders with hairy cells Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Xavier Troussard Édouard Cornet Laboratoire d’hématologie, CHU Côte de Nacre, Caen, France <[email protected]> Résumé. L’examen standardisé du frottis sanguin au microscope représente la première étape du diagnostic d’un syndrome lymphoprolifératif chronique B : il permet d’orienter dans un second temps les investigations complémentaires. Au laboratoire, la mise en évidence de cellules chevelues lors de l’examen d’un frottis sanguin est un problème de pratique quotidienne. Les proliférations à cellules chevelues représentent des entités hétérogènes, dont le diagnostic reste parfois difficile. Si la leucémie à tricholeucocytes (LT) et le lymphome splénique de la zone marginale (LSZM) représentent des entités à part entière, la forme variante de la LT (LT-V) et le lymphome diffus de la pulpe rouge de la rate (LDPRR) restent à ce jour des entités provisoires dans la classification WHO 2008. Nous aborderons les principales caractéristiques cliniques et biologiques de ces quatre entités et les moyens utiles pour les caractériser, les identifier et les distinguer les unes des autres ; examen standardisé du frottis sanguin, examen par cytométrie en flux, analyse du répertoire des gènes des chaînes lourdes des immunoglobulines et leur statut mutationnel (profil muté ou non muté), recherche de mutations : BRAFV600E dans la LT ou MAP2K1 dans la LT-V. Nous aborderons aussi les principaux aspects thérapeutiques en insistant sur les nouvelles drogues ciblées qui s’introduisent en force dans l’arsenal thérapeutique. doi:10.1684/abc.2015.1037 Mots clés : leucémie à tricholeucocytes, forme variante de la leucémie à tricholeucocytes, lymphome splénique de la zone marginale, lymphome splénique diffus de la pulpe rouge Article reçu le 22 juillet 2014, accepté le 10 septembre 2014 Abstract. The standardized blood smear examination is the first step in the diagnosis of a B-cell chronic lymphoproliferative disorder and can guide further investigations. In the laboratory, the identification of hairy cells on blood smear is a matter of daily practice. Hairy cell proliferations represent heterogeneous entities and their respective diagnoses can be difficult. If hairy cell leukemia (HCL) and splenic marginal zone lymphoma (SMZL) represent separate entities, the variant form of HCL (HCLv) and splenic diffuse red pulp small B-cell lymphoma (SDRPL) remain provisional entities in the 2008 WHO classification. We discuss the main clinical and biological characteristics of these four entities and appropriate means to characterize, identify and distinguish from each other; standardized blood smear examination, multiparameter flow cytometry analysis, analysis of the repertoire of immunoglobulins heavy chains genes and their mutational status (mutated or unmutated profile), molecular analyses: BRAF gene V600E mutation in HCL and MAP2K1 gene mutations in HCLv. We also discuss the main therapeutic aspects with emphasis on the new targeted drugs that enter into force in the therapeutic arsenal. Key words: hairy cell leukemia, hairy cell leukemia-variant, splenic marginal zone lymphoma, splenic diffuse red pulp small B-cell lymphoma Tirés à part : X. Troussard Pour citer cet article : Troussard X, Cornet É. Proliférations lymphoïdes B matures à cellules chevelues. Ann Biol Clin 2015 ; 73(4) : 399-406 doi:10.1684/abc.2015.1037 399 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Synthèse Les hémopathies lymphoïdes matures (HLyM) regroupent de nombreuses entités, allant de la leucémie lymphoïde chronique (LLC) à un grand nombre d’hémopathies malignes (HM) plus souvent indolentes, avec pour chacune d’entre elles des caractéristiques cliniques et biologiques spécifiques. Pour préciser le type exact de l’HM, l’examen standardisé du frottis sanguin coloré au May Grünwald Giemsa constitue la première étape du diagnostic, complétée dans un second temps par une étude immunophénotypique en cytométrie en flux (CMF) des cellules sanguines. La dernière classification WHO 2008 des tumeurs hématopoïétiques et des tissus lymphoïdes distingue parmi les HLyM, les HlyM-B et les HLyM T et NK [1]. Les HLyM-B comprennent notamment la leucémie lymphoïde chronique (LLC), la leucémie prolymphocytaire (LPL), le lymphome à cellules du manteau (LCM), le lymphome lymphoplasmocytaire/macroglobulinémie de Waldenström (MW), le lymphome folliculaire (LF), le lymphome de la zone marginale (LZM), la leucémie à tricholeucocytes (LT), le myélome multiple/leucémie à plasmocytes et d’autres entités, dont les lymphomes diffus à grandes cellules ou le lymphome de Burkitt, très différentes. Ces différentes entités présentent leurs propres caractéristiques cliniques, biologiques, histologiques, cytogénétiques ou moléculaires très spécifiques mais aussi des prises en charge thérapeutiques différentes, allant d’une simple surveillance à des traitements par immunochimiothérapie ou à des traitements ciblés. À cette hétérogénéité s’associe parfois une grande complexité, avec des zones de chevauchement de certaines entités rendant le diagnostic définitif particulièrement difficile chez certains patients. Nous envisagerons dans cet article les principales caractéristiques des proliférations à cellules chevelues, incluant deux entités déjà reconnues : la leucémie à tricholeucocytes (LT) et le lymphome splénique de la zone marginale (LSZM) avec cellules villeuses et deux entités provisoires ; la forme variante de la LT (LT-V) et le lymphome diffus de la pulpe rouge de la rate (LDPRR) (tableau 1). La prise en charge thérapeutique de ces différentes hémopathies s’est améliorée ces dernières années ; elle nécessite une prise en charge adaptée en milieu spécialisé. Si l’association chimiothérapie et immunothérapie reste le gold standard, les traitements adaptés chez la personne âgée avec des comorbidités et les traitements ciblés seront détaillés. Leucémie à tricholeucocytes (LT) Entité reconnue à part entière, son incidence est difficile à évaluer en France. En 2006, une étude aux ÉtatsUnis a enregistré sur une période de 10 ans (1992-2001) 400 136 985 hémopathies malignes, dont 114 548 hémopathies lymphoïdes (84 %) et 1 094 cas de LT (0,80 %). Une prédominance masculine est observée : 834 cas (76 %) chez l’homme et 260 cas (24 %) chez la femme. L’incidence standardisée à la population américaine de 2000 montre une incidence plus élevée chez les hommes (0,62/100 000 personnes-années dans la population blanche américaine, 0,21 chez les Afro-Américains, 0,20 chez les Asiatiques) comparée à celle observée chez la femme et respectivement de 0,16, 0,8 et 0,04/100 000 personnes-années [1]. L’étiologie de la LT reste inconnue : les études épidémiologiques montrent un rôle protecteur du tabac et une association de la maladie avec la profession agricole. L’association avec la radioactivité n’est pas démontrée. Touchant l’homme de 50 ans, la LT se caractérise par une pancytopénie, parfois seulement une neutropénie, une thrombopénie ou une anémie souvent discrètement macrocytaire. La monocytopénie contraste avec l’analyse des automates, qui identifient les tricholeucocytes comme des monocytes. Les tricholeucocytes, parfois peu nombreux, sont des cellules de grande taille avec un cytoplasme étendu, faiblement et irrégulièrement basophile présentant de fines projections cytoplasmiques (figure 1A). Des inclusions cytoplasmiques “granulo-lamellaires” ayant l’aspect de bâtonnets discrètement basophiles à zone centrale claire sont parfois détectées. Le rapport nucléo-cytoplasmique est bas et le noyau souvent excentré. Ovale ou arrondi, il peut être parfois réniforme. La chromatine nucléaire a un aspect finement dispersé et le nucléole, peu ou pas visible, est de petite taille et souvent unique. L’immunophénotypage lymphocytaire par CMF montre la présence de cellules lymphoïdes B clonales CD19+, CD20+ n’exprimant ni le CD5 ni le CD23, ni le CD27 (marqueur des cellules B mémoire), ni le CD38 mais exprimant le CD103, le CD123, le CD11c et le CD25 [2]. Le CD103 est une ␣E intégrine liée de façon non covalente à l’intégrine 7. Considéré comme spécifique de la LT, son expression est aussi positive dans certains cas de LSZM. Les tricholeucocytes expriment aussi la molécule CD123 reconnaissant la chaîne ␣ du récepteur de l’IL3. Le CD76 (DBA44), utilisé sur coupes en paraffine ou sur cellules en suspension, est exprimé de façon inconstante dans la LT et dans environ 80 % des cas de LSZM [3]. L’expression de l’annexine A1 (ANXA1), médiateur de l’action des glucocorticoïdes dans l’inflammation et impliquée dans le cycle cellulaire et la prolifération, est très spécifique de la LT [4]. Un score immunologique a été développé pour le diagnostic de la LT. Basé sur l’expression de quatre marqueurs (CD103, CD11c, CD25 et CD123), un point est attribué pour une expression positive et 0 point pour une expression négative. 98 % des cas de L ont un score à 3 ou 4, contrairement à la LT-V ou au LSZM où le score est habituellement de 0 ou 1 [5]. Ann Biol Clin, vol. 73, n◦ 4, juillet-août 2015 Leucémie à tricholeucocytes Tableau 1. Principales différences entre les proliférations B à cellules chevelues. Âge moyen Lymphocytose Aspects morphologiques des cellules Villosités Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Noyau Nucléole Histologie médullaire Infiltration Fibrose Histologie splénique Infiltration Immunophénotype CD11c CD103 CD123 CD25 Annexine A1 IGHV4-34 BRAFV600E MAP2K1 LT LT-V LDPRR LSZM 55 ans Basse 70 ans Élevée 70 ans Moyenne 70 ans Moyenne Inégalement réparties Rond, ovale, Réniforme Peu visible Inégalement réparties Rond, Rond parfois bilobé Proéminent Inégalement réparties Rond Polaires Peu visible Petit IntraSinus IntraSinus IntraSinus IntraSinus Diffuse PR Diffuse PR Diffuse PR Aspect micronodulaire pulpe blanche + + + + + + + - + (50 %) + (10 %) + (25 %) - - + - + ? ? Rond LSZM : lymphome splénique de la zone marginale ; LT : leucémie à tricholeucocytes ; LT-V : forme variante de leucémie à tricholeucocytes ; LDPRR : lymphome diffus de la pulpe rouge de la rate ; PR : pulpe rouge ; IntraSinus : intrasinusoïdal. La biopsie ostéomédullaire, non utile au diagnostic, montre une infiltration tumorale, soit diffuse ou interstitielle soit focale avec des cellules facilement reconnaissables sur les coupes médullaires par leur aspect en œuf sur le plat, la forme nucléaire ovalaire ou réniforme, leur aspect chromatinien et l’importance de la zone claire qui sépare chaque noyau, conséquence de la grande taille des cytoplasmes peu visibles ou rétractés sur coupe. Il existe aussi une fibrose réticulinique expliquant la difficulté à l’aspiration. Les cellules expriment l’iso-enzyme 5 de la phosphatase acide tartrate résistante (TRAP), se traduisant par une positivité granulaire cytoplasmique non spécifique mais néanmoins très caractéristique. Une augmentation des plasmocytes polyclonaux et des mastocytes est aussi observée. La splénectomie, inutile au diagnostic, montre une infiltration de la pulpe rouge splénique, avec effacement de la pulpe blanche et formation de pseudo-sinus spléniques avec élargissement des cordons pulpaires. Les études de séquençage des gènes des chaînes lourdes des immunoglobulines (IGHV) montrent un profil muté dans 90 % des cas, avec une utilisation de VH3-23 dans 21 % des cas, VH4-34 dans 10 % et VH3-30 dans 8 %. Les patients mauvais répondeurs aux analogues des purines (PNA) ont habituellement : 1) un profil non muté, souvent une volumineuse splénomégalie, un chiffre élevé de tricholeucocytes Ann Biol Clin, vol. 73, n◦ 4, juillet-août 2015 circulants, une utilisation d’IGHV3 ou IGHV4 et des anomalies de TP53 [6] ; 2) une utilisation de VH4-34 associé à un profil non muté, une leucocytose élevée (> 5 × 109 /L), l’obtention d’une réponse hématologique complète (RHC) dans seulement 15 % des cas et une survie globale diminuée (< 9 ans) [7]. La mutation BRAF V600E, identifiée en 2011 comme constante dans la LT mais absente dans les autres proliférations chroniques B [8], est caractérisée au niveau de l’exon 15 par une substitution en position 600 de la valine (V) par l’acide glutamique (E). La mise en évidence de BRAF V600E est justifiée dans les cas où le diagnostic est difficile ; identifiée dans 80 % des cas de LT, elle est aussi présente dans certaines tumeurs solides : mélanomes (50 %), cancers papillaires de la thyroïde (40 %) et certaines maladies hématologiques : histiocytoses langerhansiennes dont la maladie d’Erdheim-Chester (57 %), leucémie lymphoïde chronique [9] ou myélome multiple des os. Négative, elle doit faire rechercher des mutations au niveau de l’exon 11 de BRAF [10]. L’origine du tricholeucocyte est débattue. La présence du récepteur pour le fragment Fc des IgG est un argument pour considérer le tricholeucocyte comme une cellule d’origine monocytaire. Les données du transcriptome suggèrent que le tricholeucocyte dérive d’une cellule B mémoire [11, 12] 401 Synthèse Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. A B C D Figure 1. Aspects morphologiques des proliférations à cellules chevelues. A. Leucémie à tricholeucocytes (LT). B. Forme variante de leucémie à tricholeucocytes (HCLv). C. Lymphome diffus de la pulpe rouge de la rate (LDPRR). D. Lymphome splénique de la zone marginale avec cellules villeuses. de la zone marginale. Il n’est pas exclu qu’il y ait aussi une origine commune entre cette cellule et la cellule histiocytaire [13]. Des travaux récents montrent que le tricholeucocyte pourrait dériver, comme dans les syndromes myéloprolifératifs ou les syndromes myélodysplasiques, de la cellule-souche hématopoïétique porteuse de la mutation BRAF V600E [14]. Les traitements de la LT se sont améliorés avec l’introduction des interférons en 1984 puis des PNA ; pen402 tostatine en 1984 ou cladribine en 1990. Nous avons établi des recommandations françaises afin d’harmoniser la prise en charge thérapeutique des patients avec une LT [15]. Les anticorps monoclonaux anti-CD20, associés ou non aux anti-CD20 sont de plus en plus utilisés pour rendre la maladie résiduelle la plus indétectable possible [16]. Dans les formes résistantes ou en cas de réponse insuffisante aux PNA, des perspectives nouvelles apparaissent avec les inhibiteurs de BRAF déjà introduits en clinique [17-24] ou avec Ann Biol Clin, vol. 73, n◦ 4, juillet-août 2015 Leucémie à tricholeucocytes l’utilisation potentielle des inhibiteurs de BTK [25]. La toxicité liée à l’utilisation de ces drogues est néanmoins à prendre en considération dans cette hémopathie indolente [26, 27]. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Forme variante de la LT (LT-V) Décrite par Cawley [28], la LT-V est rare (60 à 75 nouveaux cas/an aux États-Unis) et représente 10 à 20 % de l’ensemble des LT. Sa terminologie est inappropriée, dans la mesure où cette variante n’est en rien superposable à la LT. Entité provisoire dans la classification WHO 2008, l’âge médian des patients est de plus de 70 ans. La splénomégalie est présente dans 85 % des cas et contraste avec la rareté de l’atteinte hépatique (19 %) et ganglionnaire (15 %). La leucocytose est souvent augmentée et l’anémie et la thrombopénie sont observées dans 29 % et 43 % des cas. Il n’existe ni monocytopénie ni neutropénie. Les cellules ont une taille intermédiaire à grande, un noyau régulier avec un nucléole unique et proéminent, une chromatine relativement condensée et un cytoplasme plus ou moins abondant avec des projections (figure 1B). Une infiltration médullaire interstitielle est présente dans 75 % des cas : elle est mixte interstitielle et nodulaire dans 10 % des cas. Il existe une infiltration de la pulpe rouge splénique associée à une pulpe blanche réduite ou même absente. La présence de cellules tumorales dans les sinusoïdes est souvent détectée. Les cellules tumorales expriment fortement les immunoglobulines de surface (plus souvent IgG et lambda). L’expression du CD11c est forte et celle du CD103 est observée dans environ 2/3 des cas. Il n’existe pas d’expression du CD25. L’expression du CD123 est inconstante et faible [29, 30]. Contrairement à la forme typique, le score immunologique est bas, à 0 ou 1, dans la LT-V. VH434 est utilisé dans 36 % des cas de LT-V et dans moins de 10 % des cas de LT, expliquant en partie la résistance aux PNA de la LT-V. Le pronostic de la LT-V est moins bon que celui du LSZM [31], justifiant la reconnaissance de ces deux entités. La mutation BRAF V600E est absente, contrairement à la mutation MAP2K1 présente dans la LT-V et les LT ou LT-V utilisant VH4-34 [32]. Lymphome diffus de la pulpe rouge de la rate (LDPRR) Identifié en 2002 [33], le LDPRR est comme la LT-V une entité rare [34, 35] et provisoire. La lymphocytose modérée est présente dans 75 % des cas et l’anémie, la thrombopénie Ann Biol Clin, vol. 73, n◦ 4, juillet-août 2015 et la neutropénie sont rares. Il n’existe pas de monocytopénie. Le frottis sanguin présente un aspect homogène : les lymphocytes sont de taille petite à moyenne avec un noyau rond ou légèrement ovale, parfois excentré, une chromatine dense souvent mottée, un cytoplasme basophile avec des projections irrégulièrement réparties et une distribution polaire (figure 1C). La base des villosités est en général assez large [34, 36]. Le nucléole est absent ou peu visible. Chez certains patients, un pourcentage significatif de lymphocytes de plus grande taille avec un nucléole proéminent est noté, des modifications pouvant correspondre à une progression ou une transformation de la maladie. Comme dans la LT et la LT-V, une infiltration diffuse de la pulpe rouge est présente dans le LDPRR. Pour distinguer le LDPRR du LSZM, la biopsie ostéomédullaire est insuffisante et ne permet pas de remplacer la splénectomie [37]. Un score immunologique basé sur cinq marqueurs (CD11c, CD22, CD76, CD27 et CD38) a été développé [38]. Un point est donné en cas de positivité du CD76 et en cas de négativité du CD27 et du CD38. Pour les deux autres marqueurs : CD11c et CD22, c’est le ratio entre l’intensité de fluorescence du marqueur et de son sotype (RFI) qui est pris en compte avec un point lorsque ce ratio est > 25 pour le CD11c et > 130 pour le CD22. Dans le LDPRR, ce score est entre 3 et 5, jamais < 3 et dans le LSZM, il est entre 0 et 2. Si l’expression du CD5 est caractéristique de la LLC et du LCM, des LDPRR CD5+ ont été rapportés, ainsi que de rares lymphomes diffus à grandes cellules, de LT ou de LT-V. Les données d’étude des séquences des gènes des chaînes lourdes des immunoglobulines sont limitées dans le LDPRR. Néanmoins, une représentation augmentée de VH3-23 et de VH4-34 est observée, contrastant avec une utilisation peu fréquente de VH1-2 [36]. Lymphome splénique de la zone marginale (LSZM) Le LSZM atteint la femme âgée entre 60 et 70 ans. Son incidence reste à évaluer en France : son incidence est évaluée aux États-Unis à 0,13/100 000 et sa fréquence est estimée à 0,6 % de l’ensemble des lymphomes malins non hodgkiniens [39]. Un lien a été établi entre virus de l’hépatite C, cryoglobuline et LSZM [40, 41]. Aucune amélioration de la survie n’a été notée dans la dernière décade [42]. Une splénomégalie est souvent présente et contraste avec la rareté des adénopathies. Des manifestations auto-immunes (cirrhose biliaire primitive, polyarthrite rhumatoïde, purpura thrombopénique idiopathique) sont identifiées dans 10 % des cas et une protéine monoclonale sérique, habituellement inférieure à 30 g/L, de type IgG ou IgM dans un tiers des cas. 403 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Synthèse La lymphocytose supérieure à 4 G/L est inconstante [43]. Contrairement au LDPRR, l’examen du frottis est hétérogène : il montre des cellules lymphoïdes avec une chromatine dense et des villosités polaires (figure 1D) en pourcentage variable [44] associées à d’autres cellules, notamment des petits lymphocytes, des cellules lymphoplasmocytaires, des cellules de taille moyenne au cytoplasme pâle dites monocytoïdes, voire des cellules plasmocytaires. Il est habituel de distinguer les LSZM avec ou sans cellules villeuses. Les cellules lymphoïdes expriment les marqueurs B, CD19, CD20, CD22, CD79b, FMC7 mais n’expriment pas les molécules CD10, CD43 et CD123 et sont dans plus de 80 % des cas CD23- et CD5-. Les immunoglobulines de surface sont de type IgM et IgD (80 %), des IgM et des IgG (20 %), les autres profils étant plus rarement observés. S’il existe des cas indiscutables de LSZM CD5+ [45], le diagnostic doit être retenu avec une extrême prudence et il convient d’éliminer dans ces cas inhabituels les diagnostics de LLC ou de phase leucémique de LCM. La biopsie ostéo-médullaire montre le plus fréquemment une infiltration nodulaire, avec présence de cellules tumorales en localisation paratrabéculaire. Une infiltration diffuse est parfois observée dans les formes avancées de l’hémopathie. Très caractéristique est l’existence d’une infiltration sinusoïdale. La splénectomie est utile chez les patients avec une splénomégalie volumineuse et symptomatique ou lorsque le diagnostic reste indécis. Il existe dans tous les cas une atteinte nodulaire de la pulpe blanche avec des follicules dont la taille est augmentée. Les centres folliculaires sont réduits et remplacés par les cellules lymphoïdes tumorales. La pulpe rouge est atteinte de façon variable. À noter la présence d’une infiltration intra sinusoïdale, très caractéristique mais inconstante. Les délétions en 7q sont les anomalies cytogénétiques les plus fréquentes localisées principalement en 7q31 et 7q32. Les anomalies du chromosome 3 sont aussi fréquentes avec des +3 totales ou partielles associées à des modifications d’expression du CD5 et du CD23. La trisomie 12, fréquente dans la LLC est plus rare dans le LSZM. Les translocations, impliquant les gènes des chaînes lourdes des immunoglobulines, sont observées dans moins de 10 % des cas. La t(11;14)(q13;q32), caractéristique du lymphome à cellules du manteau, a été observée indiscutablement chez des patients avec un LSZM et elle est à distinguer de la t(11;14)(p11;q32) rapportée aussi dans le LSZM. Des anomalies de TP53 sont observées dans un peu moins de 20 % des cas : contrairement à la LLC, leur impact sur le pronostic reste à évaluer. Deux profils ont été décrits dans le LSZM et l’impact du type muté ou non muté sur le pronostic reste à préciser. Dans le LSZM, le profil est non muté dans 15 % des cas en 404 cas d’homologie à 100 % et dans 34 % en cas d’homologie > 98 %. Trois réarrangements IGHV1-2 (25 %), IGHV434 (13 %) et IGHV3-23 (8 %) représentent un peu moins de la moitié (46 %) des réarrangements identifiés dans une large série de 337 patients. VH4-34 et VH1-2 sont utilisés de façon préférentielle dans le LSZM, avec le VH1-2 plutôt dans les formes non mutées. La mutation MYD88 L265P présente dans la majorité des cas de macroglobulinémie de Waldenström [46] a été identifiée dans de rares cas de LSZM (4 %), quelques cas de lymphome du MALT (7 %) et dans aucun cas de lymphome nodal de la zone marginale [47]. Le concept de lymphocytose monoclonale villeuse (LMV) a été introduit par analogie à la lymphocytose B monoclonale et correspond à des patients sans splénomégalie présentant une lymphocytose monoclonale variable dans le temps et la présence de cellules villeuses. La LMV peut précéder de plusieurs années le diagnostic de LSZM ou régresser spontanément. Liens d’intérêts : X. Troussard : essais cliniques : protocole ACSE (cohorte LLC et HCL) ; protocole MedImmune (Immunotoxics et HCL). Références 1. Morton LM, Turner JJ, Cerhan JR, Linet MS, Treseler PA, Clarke CA, et al. 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