Journal Identification = ABC Article Identification = 1037 Date: July 6, 2015 Time: 12:37 pm
400 Ann Biol Clin, vol. 73, n◦4, juillet-août 2015
Synthèse
Les hémopathies lymphoïdes matures (HLyM) regroupent
de nombreuses entités, allant de la leucémie lymphoïde
chronique (LLC) à un grand nombre d’hémopathies
malignes (HM) plus souvent indolentes, avec pour chacune
d’entre elles des caractéristiques cliniques et biologiques
spécifiques. Pour préciser le type exact de l’HM, l’examen
standardisé du frottis sanguin coloré au May Grün-
wald Giemsa constitue la première étape du diagnostic,
complétée dans un second temps par une étude immuno-
phénotypique en cytométrie en flux (CMF) des cellules
sanguines.
La dernière classification WHO 2008 des tumeurs héma-
topoïétiques et des tissus lymphoïdes distingue parmi les
HLyM, les HlyM-B et les HLyM T et NK [1]. Les HLyM-B
comprennent notamment la leucémie lymphoïde chronique
(LLC), la leucémie prolymphocytaire (LPL), le lymphome
à cellules du manteau (LCM), le lymphome lympho-
plasmocytaire/macroglobulinémie de Waldenström (MW),
le lymphome folliculaire (LF), le lymphome de la zone
marginale (LZM), la leucémie à tricholeucocytes (LT),
le myélome multiple/leucémie à plasmocytes et d’autres
entités, dont les lymphomes diffus à grandes cellules ou
le lymphome de Burkitt, très différentes. Ces différentes
entités présentent leurs propres caractéristiques cliniques,
biologiques, histologiques, cytogénétiques ou moléculaires
très spécifiques mais aussi des prises en charge thérapeu-
tiques différentes, allant d’une simple surveillance à des
traitements par immunochimiothérapie ou à des traitements
ciblés. À cette hétérogénéité s’associe parfois une grande
complexité, avec des zones de chevauchement de certaines
entités rendant le diagnostic définitif particulièrement dif-
ficile chez certains patients.
Nous envisagerons dans cet article les principales carac-
téristiques des proliférations à cellules chevelues, incluant
deux entités déjà reconnues : la leucémie à tricholeuco-
cytes (LT) et le lymphome splénique de la zone marginale
(LSZM) avec cellules villeuses et deux entités provisoires ;
la forme variante de la LT (LT-V) et le lymphome diffus de
la pulpe rouge de la rate (LDPRR) (tableau 1).
La prise en charge thérapeutique de ces différentes hémo-
pathies s’est améliorée ces dernières années ; elle nécessite
une prise en charge adaptée en milieu spécialisé. Si
l’association chimiothérapie et immunothérapie reste le
gold standard, les traitements adaptés chez la personne
âgée avec des comorbidités et les traitements ciblés seront
détaillés.
Leucémie à tricholeucocytes (LT)
Entité reconnue à part entière, son incidence est difficile
à évaluer en France. En 2006, une étude aux États-
Unis a enregistré sur une période de 10 ans (1992-2001)
136 985 hémopathies malignes, dont 114 548 hémopathies
lymphoïdes (84 %) et 1 094 cas de LT (0,80 %). Une pré-
dominance masculine est observée : 834 cas (76 %) chez
l’homme et 260 cas (24 %) chez la femme. L’incidence
standardisée à la population américaine de 2000 montre
une incidence plus élevée chez les hommes (0,62/100 000
personnes-années dans la population blanche américaine,
0,21 chez les Afro-Américains, 0,20 chez les Asiatiques)
comparée à celle observée chez la femme et respecti-
vement de 0,16, 0,8 et 0,04/100 000 personnes-années
[1]. L’étiologie de la LT reste inconnue : les études épi-
démiologiques montrent un rôle protecteur du tabac et
une association de la maladie avec la profession agricole.
L’association avec la radioactivité n’est pas démontrée.
Touchant l’homme de 50 ans, la LT se caractérise par
une pancytopénie, parfois seulement une neutropénie, une
thrombopénie ou une anémie souvent discrètement macro-
cytaire. La monocytopénie contraste avec l’analyse des
automates, qui identifient les tricholeucocytes comme des
monocytes. Les tricholeucocytes, parfois peu nombreux,
sont des cellules de grande taille avec un cytoplasme
étendu, faiblement et irrégulièrement basophile présentant
de fines projections cytoplasmiques (figure 1A). Des inclu-
sions cytoplasmiques “granulo-lamellaires” ayant l’aspect
de bâtonnets discrètement basophiles à zone centrale claire
sont parfois détectées. Le rapport nucléo-cytoplasmique est
bas et le noyau souvent excentré. Ovale ou arrondi, il peut
être parfois réniforme. La chromatine nucléaire a un aspect
finement dispersé et le nucléole, peu ou pas visible, est de
petite taille et souvent unique.
L’immunophénotypage lymphocytaire par CMF montre la
présence de cellules lymphoïdes B clonales CD19+, CD20+
n’exprimant ni le CD5 ni le CD23, ni le CD27 (marqueur
des cellules B mémoire), ni le CD38 mais exprimant le
CD103, le CD123, le CD11c et le CD25 [2]. Le CD103 est
une ␣Eintégrine liée de fac¸on non covalente à l’intégrine
7. Considéré comme spécifique de la LT, son expression
est aussi positive dans certains cas de LSZM. Les tricholeu-
cocytes expriment aussi la molécule CD123 reconnaissant
la chaîne ␣du récepteur de l’IL3. Le CD76 (DBA44), uti-
lisé sur coupes en paraffine ou sur cellules en suspension,
est exprimé de fac¸on inconstante dans la LT et dans envi-
ron 80 % des cas de LSZM [3]. L’expression de l’annexine
A1 (ANXA1), médiateur de l’action des glucocorticoïdes
dans l’inflammation et impliquée dans le cycle cellulaire et
la prolifération, est très spécifique de la LT [4]. Un score
immunologique a été développé pour le diagnostic de la
LT. Basé sur l’expression de quatre marqueurs (CD103,
CD11c, CD25 et CD123), un point est attribué pour une
expression positive et 0 point pour une expression néga-
tive. 98 % des cas de L ont un scoreà3ou4,contrairement
à la LT-V ou au LSZM où le score est habituellement de 0
ou 1 [5].
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