C’est sans aucun doute à Maine de Biran que doit revenir le
mérite d’avoir, le premier, insisté sur la valeur de l’effort en tant
que soubassement de notre personne, de notre « moi ».
« Il y a bien longtemps que je m’occupe d’études sur
l’homme, ou plutôt de ma propre étude ; et à la fin d’une vie dé-
jà avancée, je pourrais dire avec vérité qu’aucun homme ne s’est
vu ou ne s’est regardé passer comme moi, alors même que j’ai
eu le plus de ces affaires qui entraînent ordinairement les
hommes hors d’eux-mêmes. Dès l’enfance, je me souviens très
bien que je m’étonnais de me sentir exister et j’étais porté,
comme par instinct, à me regarder en dedans pour savoir com-
ment je pourrais vivre et être moi »1.
La quête de son identité fut le moteur de la philosophie bi-
ranienne. Cela transparaît à chacune des pages de son journal,
qui fut cependant bien plus qu’un simple carnet de mémoires,
puisque contenant, épars, la substance de beaucoup de ses
écrits philosophiques.
On y découvre un être émotif, hypersensible — parfois
peut-être à la limite de l’hypochondrie — qu’un rien impres-
sionne, désarçonne : événements, réflexions, jusqu’aux varia-
tions climatiques.
C’est pour échapper à cette hyperémotivité que s’est faite la
méditation biranienne sur la volonté et l’effort, Maine de Biran
essayant de cerner une part de lui-même qui fût à l’abri des
multiples et incessantes influences du monde extérieur (et de
son propre organisme) pour s’y installer plus solidement.
1 Maine de Biran, Nouveaux essais d’Anthropologie, Vrin, 1989, p.
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