Génétique des maladies endocriniennes Genetics of endocrine diseases L ongtemps considérée comme une discipline scientifique au langage inaccessible, réservée à quelques initiés étudiant des maladies rares, la génétique fait aujourd’hui irruption dans la pratique quotidienne de nombreux endocrinologues. Il était donc important que la revue Métabolismes, Hormones, Diabètes et Nutrition consacre un dossier à ce thème. Le but de ce dossier et des articles qui le composent n’est pas seulement de faire le point sur ces maladies endocriniennes déterminées par les hasards de l’hérédité et dont on connaît de mieux en mieux les mécanismes, mais surtout de bien vous informer sur les règles et les structures qui sont actuellement mises en place pour vous aider à prendre en charge ces malades. Sur ce sujet, l’article de Y. Malthiery et F. Savagner vous donnera toutes les informations nécessaires. Qu’il s’agisse d’une maladie congénitale endocrinienne ou d’une prédisposition à une néoplasie endocrinienne, les premiers problèmes se posent en consultation. Ces difficultés ne sont d’ailleurs pas tant de suspecter le diagnostic de maladie endocrinienne héritée, que de savoir quoi faire ensuite pour aider ce patient et sa famille. Mises en place pour la mucoviscidose, les maladies génétiques neuromusculaires et l’oncogénétique, les consultations pluridisciplinaires ont pour objectif d’aider et d’informer les patients dans cette période qui entoure le diagnostic de maladie génétique, en partenariat avec son médecin traitant. Associant un spécialiste de la pathologie, un généticien et un psychologue, cette équipe pluridisciplinaire va informer le patient sur sa maladie génétique potentielle, les caractéristiques génétiques de celle-ci et les éventuelles implications familiales. Le patient décidera alors de se faire pratiquer ou non un test génétique, dont on l’informera du résultat et lui seul. Si le patient est atteint d’une maladie génétique, se posera alors la question de ses apparentés cliniquement sains, mais potentiellement porteurs de l’anomalie génétique. Seul le patient est autorisé à les informer et ceux-ci décideront ou non de contacter la consultation pluridisciplinaire, qui est la seule structure habilitée à les prendre en charge pour ce diagnostic génétique. Ces règles de prise en charge, régies par les lois de bioéthique, ont conduit le ministère de la Santé à labelliser des centres pluridisciplinaires de consultations de génétique. La création actuelle d’un réseau national de consultations d’oncogénétique, d’abord destiné à la prise en charge des patients atteints de cancers familiaux du sein et du côlon, a permis l’intégration à ce réseau des tumeurs endocrines. Reste à mettre en place une organisation similaire pour les autres maladies génétiques endocriniennes. Le test génétique est au centre de la consultation pluridisciplinaire et sera réalisé sur un échantillon de sang envoyé au laboratoire hospitalier de génétique. Comme les consultations, ces laboratoires sont labellisés par le ministère de la Santé et le “maillage” national est en bonne voie, au moins pour les tumeurs endocrines. Ce test génétique ne pourra être réalisé par le laboratoire que si l’échantillon est accompagné du formulaire de consentement dit “éclairé”, signé par le patient. De tels formulaires existent dans tous les hôpitaux et peuvent être demandés aux laboratoires de génétique. En l’absence de ce document, le laboratoire n’a légalement pas le droit de faire l’examen. Le clinicien doit savoir qu’un test génétique est un examen biologique long et coûteux, qui peut prendre des dizaines d’heures de travail aux techniciens et biologistes. Cela a deux conséquences immédiates : 1- l’indication d’un test génétique doit être pesée et repose pour chaque maladie sur des critères très précis. Si le médecin ne se conforme pas à ces règles de prescription, il pourra se voir refuser la pratique d’un test pour un patient, dont le cas est insuffisamment évocateur de la maladie génétique ; 2- le médecin et le patient pourront attendre Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 2, mars/avril 2005 3 plusieurs semaines ou plusieurs mois le résultat du test génétique, qui devra être confirmé sur un deuxième prélèvement. Dans la plupart des cas, ce test génétique réalise le séquençage du gène susceptible d’être muté. Cette technique assure une fiabilité importante du résultat, qu’il faut cependant nuancer : un résultat positif assure définitivement le diagnostic de maladie génétique, à l’erreur d’échantillon prêt, ce qui justifie le deuxième prélèvement de contrôle. Un résultat négatif ne peut exclure à 100 % l’existence d’une anomalie du gène encore inconnue ou méconnue du biologiste. Il faut donc rester prudent et modeste. Un nombre grandissant de gènes et donc de maladies héréditaires endocriniennes peuvent aujourd’hui faire l’objet d’un diagnostic moléculaire. C’est le cas, bien sûr, des gènes de la ménine et de l’oncogène RET, responsables des néoplasies endocriniennes multiples de type 1 et 2 respectivement. Ces deux pathologies sont abordées dans ce dossier par A. Calender d’une part, et P. Niccoli-Sire et B. Conte-Devolx d’autre part, et représentent les exemples les plus aboutis de la prise en charge de maladies génétiques en endocrinologie. Le contraste est d’ailleurs saisissant entre la NEM2, maladie à pénétrance totale, responsable de cancer médullaire de la thyroïde, consécutive à quelques mutations de l’oncogène RET et la NEM1 d’expression clinique variable, souvent limitée à une hyperparathyroïdie et consécutive à des mutations multiples et variées du gène de la ménine. Ces deux articles font un point actuel des indications du test génétique dans ces deux maladies et des conséquences de ce diagnostic génétique pour la prise en charge thérapeutique et familiale de la maladie. Ce test génétique est réalisé par plusieurs laboratoires d’oncogénétique sur le territoire français. Mais la génétique des maladies endocriniennes ne se résume pas aux néoplasies endocriniennes multiples. Dans le simple cadre de l’oncogénétique, le gène VHL et les différents gènes de la succinate déshydrogénase (SDHB, SDHC et SDHD) sont clairement impliqués dans les formes familiales de phéochromocytomes et le gène de la sous-unité régulatrice de la protéine kinase AMPc dépendante (PRKAR1A) dans le rare complexe de Carney. Enfin, et à côté de l’oncogénétique endocrinienne, qui est la partie la plus structurée de la génétique en endocrinologie en raison des incitations financières et organisationnelles du ministère de tutelle, il ne faut pas oublier les maladies génétiques endocriniennes souvent découvertes dans l’enfance, et plusieurs équipes françaises ont largement contribué à la connaissance de ces maladies et de leur gène. C’est le cas de l’hyperplasie congénitale des surrénales consécutive à des mutations inactivatrices du gène CYP21, de l’insensibilité aux androgènes (récepteur des androgènes), mais aussi des maladies héréditaires du métabolisme phosphocalcique et bien d’autres. En conclusion, ces progrès grandissants dans la prise en charge des patients atteints de maladies génétiques endocriniennes sont la conséquence de la mise en place de structures et d’une organisation qui restent à compléter pour les maladies endocriniennes non tumorales. Un autre manque important, qui sera comblé prochainement, est la constitution d’un annuaire des laboratoires français habilités à réaliser les tests génétiques pour les différents gènes des maladies héréditaires endocriniennes. É. Clauser Laboratoire d’oncogénétique, hôpital Cochin et département d’endocrinologie, institut Cochin, Inserm U567 et CNRS UMR8104 faculté de médecine Cochin, Paris. 4 Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 2, mars/avril 2005