I
NTRODUCTION
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© Eyrolles
La tradition bouddhique en matière de psychologie est tout autre :
depuis deux mille ans, elle s’intéresse à l’étude des émotions et des états
d’esprit positifs. Elle considère que, de toutes les émotions positives, la
compassion est la voie royale qui mène à une vie saine, heureuse et pleine
de sens. Dès le début de ma formation de psychologue, j’ai été frappé par
l’indifférence marquée par la psychologie occidentale à l’égard des états
d’esprit positifs, surtout la compassion. J’avance, sans craindre
d’exagérer, que les disciplines psychologiques en Occident ne proposent
pas une seule méthode claire, pratique et bien étayée pour utiliser la
compassion. Certains penseurs ont retracé ce parti pris culturel propre à
notre héritage mathématique, scientifique et économique, qui n’estime
que ce qui se mesure facilement. Selon William Kittredge, cet héritage
met l’accent depuis sept siècles sur tout ce qui peut se compter, se peser
et se mesurer et auquel on peut attribuer une valeur économique précise.
« Les Européens, affirme-t-il, se sont formés à croire que ce qui ne peut
avoir un prix est sans valeur. Des attributs comme la compassion ou
l’empathie, qui ne sont pas quantifiables et donc impossibles à produire,
leur semblent archaïques, voire irréels. »
Pour paraphraser Andrew Lewin, même si on ne peut peser ni mesurer la
compassion, elle compte, et bien qu’on ne puisse lui attribuer un prix,
elle a de la valeur. Plus je travaille, plus je vis, et plus le coût personnel
et social de ce mépris pour la compassion me saute aux yeux. Sans les
moyens nécessaires au développement des qualités qui donnent un sens à
la vie, qui nous apportent la paix et la joie, nous en sommes réduits à
suivre les publicitaires qui nous conseillent d’acheter des objets et de
rechercher la distraction. Pour trouver le bonheur, les plus sensibles aux
problèmes psychologiques n’auront que des médicaments, ou ils seront
condamnés à ressasser indéfiniment leur enfance, à travailler sur leur
estime de soi, leurs limites ou leur capacité à assouvir le plus de désirs
possible. Sans amour, compassion, satisfaction ou joie, il ne nous reste
qu’une psychologie horriblement limitée qui parvient à soigner certaines