Eric Gozlan
— 194 —
3. L’apostasie dans les textes
Les deux premières paroles des dix commandements condamnent toute
forme d’apostasie. Exode 20, 3-6: «Tu n’auras pas d’autres dieux devant
moi. Tu ne feras point d’idole, ni toute image de ce qui est en haut dans
le ciel, ou en bas sur la terre, ou dans les eaux au-dessous de la terre. Tu
ne te prosterneras point devant elles, tu ne les adoreras point; car moi,
l’Eternel ton Dieu, je suis un Dieu jaloux, qui poursuit la faute des pères
sur les enfants jusqu’à la troisième et la quatrième génération, pour ceux
qui me haïssent; et qui exerce la bienveillance jusqu’à la millième, pour
ceux qui m’aiment et gardent les commandements».
Pour Rachi, l’expression «tu n’auras pas… » signifie que non seu-
lement la confection d’une idole est interdite, mais qu’on ne doit pas
même en avoir (c’est-à-dire en faire garder) une, par une tierce personne.
Maïmonide déclare que quiconque se laisse aller à la pensée qu’il existe
une autre divinité que Dieu transgresse cette défense et est un apostat.
«Tu ne feras point d’idoles, d’images de ce qui est en haut dans le
ciel». Tandis que les autres religions permettent et vont jusqu’à exiger la
représentation imagée de leurs idoles et divinités, le judaïsme enseigne
dès ses débuts que Dieu est esprit et il stigmatise toutes les formes d’ado-
ration reposant sur une image taillée ou sculptée de mains d’hommes.
À l’époque des Hasmonéens, il était ordonné aux hébreux de s’incliner
devant une idole ou de s’écarter tant soit peu de leur foi en un Dieu unique.
Aussi, d’innombrables juifs se trouvèrent-t-ils prêts à mourir ou à se laisser
écraser par les légions romaines plutôt que de permettre d’ériger dans le
temple de Jérusalem l’aigle romain. Au Moyen Âge, nombre de pères et de
mères préférèrent mourir avec leurs enfants plutôt qu’accepter le baptême
forcé. Emmanuel Kant écrit au sujet de ces versets: «Il n’existe aucun pas-
sage plus sublime dans les Ecritures que cette phrase: Tu ne te feras point
d’image. Elle suffit à expliquer l’enthousiasme dont fit preuve le peuple
juif, à l’époque de sa grandeur, lorsqu’il se compara à d’autres nations».
Deutéronome 13, 7,10: «Si ton frère, l’enfant de ta mère, si ton fils
ou ta fille ou l’épouse qui repose sur ton sein, ou l’ami qui t’est comme
ta vie vient secrètement te séduire en disant: allons servir des dieux
étrangers, que ni toi ni tes pères n’avez connus, des dieux des peuples qui
vous entourent qu’ils soient proches ou lointains d’un bout de la terre à
l’autre: tu ne lui céderas pas, tu ne l’écouteras pas, tu le regarderas sans
pitié, tu n’auras pas de peine pour lui et tu ne le couvriras pas».