2008, vol. 45, n°1
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Documentaliste - Sciences de l’information
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évaluer les « forces et faiblesses » du service pour déterminer
sa marge de manœuvre ; et mesurer « les opportunités et les
menaces » dans son environnement, autrement dit la nature et
l’ampleur des besoins et des enjeux liés à l’information.
Individus et communauté
La prise en compte de la spécificité de la fonction documentaire
pousse même à aller plus loin. Il ne faut surtout pas oublier
qu’un service documentation est d’abord au service de sa com-
munauté (l’institution ou la collectivité dont il dépend) puisque
c’est elle qui, directement ou indirectement, le finance. Cela
signifie que la logique de « prestation » incluse dans l’approche
marketing (définir des services adaptés aux besoins des publics)
doit s’articuler à une logique de
« contribution» aux objectifs et aux
enjeux de la collectivité. C’est la notion
d’« alignement stratégique » proposée
par Jean Michel dans l’article qui figure
dans ce dossier.
La conséquence est immédiate sur
le diagnostic : on s’intéressera autant à
identifier les besoins des utilisateurs
potentiels qu’à repérer les orientations
et les contraintes de son organisme…
et sur la stratégie : la décision marke-
ting centrale de couples « cible/offre »
(quel service pour quel utilisateur)
dépend des choix faits sur le position-
nement du service, sur sa place et son
identité au sein de sa communauté.
Étapes et méthode
Pour conclure, trois réflexions de
méthode proviennent d’un regard
transversal sur l’ensemble des témoi-
gnages proposés dans ce dossier.
D’abord, un des avantages de la démarche de marketing stra-
tégique est qu’elle se veut complète, pour parvenir à définir le
cadre d’une fonction documentaire dans un environnement
donné. Gérer son service par une succession de microdécisions
sur des aspects particuliers de son fonctionnement, c’est risquer
de perdre la cohérence nécessaire. L’approche globale offre à
l’inverse l’opportunité de fixer des orientations d’ensemble dans
lesquelles l’activité pourra ensuite évoluer au quotidien.
L’innovation et la créativité sont aussi de mise. Il n’existe pas
de formule pertinente a priori puisque la logique est de s’adapter
à un contexte aux contours chaque fois spécifiques ! Il faut donc
se méfier des modèles tout faits. L’intérêt du marketing est qu’il
nous propose un cadre méthodologique pour déployer notre
imagination professionnelle.
Enfin, l’évolution générale montre que la construction de
l’offre de service doit se faire le plus possible en associant les
décideurs et les utilisateurs. Chacun peut aujourd’hui être auto-
nome dans sa maîtrise de l’information. Les professionnels de
la documentation suivent le mouvement : ils ne sont plus uni-
quement (et dans certains cas plus du tout) fournisseurs mais
se situent comme partenaires. L’interaction avec ceux que l’on
a à servir s’épaissit, se densifie et se diversifie. N’est-ce pas une
opportunité considérable pour engager une nouvelle étape dans
l’histoire de notre fonction ?
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obligent à énoncer d’autres principes d’action. Et il
évolue encore : dans une société plus individualisée
que jamais et face à des clients de plus en plus exi-
geants, on s’oriente vers la valorisation d’une relation
commerciale fondée sur l’échange et la confiance : on
trouvera d’ailleurs dans ce dossier une analyse de
son application possible au secteur information-
documentation.
Lequel de ces marketings retenir
comme pertinent pour la fonction
documentaire ? En fait, on se trouve
en présence de deux tendances. L’une,
plutôt anglo-saxonne, s’approprie le
modèle classique du marketing-mix :
l’offre faite à l’utilisateur est régie par
un ensemble de variables (les fameux
quatre P : produit, prix, place et promotion) définies
et contrôlées par le service d’information documen-
taire. L’autre, plutôt européenne, considère comme
fondamentale et structurante la dimension de service
de l’activité documentaire. La philosophie de
l’orientation utilisateur est présente dans les deux
cas, mais la différence de fond concerne la perception
de la place de l’utilisateur dans le système documen-
taire. Dans une logique de marketing-mix, l’utilisateur
est un «consommateur » d’information en puissance
qu’il faut attirer et séduire par une offre « packagée »
en fonction des besoins exprimés. Dans l’approche
service, l’utilisateur est vu comme un participant à
part entière du dispositif.
La référence dominante de ce dossier est claire-
ment dans la deuxième approche. Elle amène alors
à centrer la réflexion marketing sur la définition du
résultat que le système doit produire pour l’utilisateur,
sur les conditions de sa « coproduction » par cet uti-
lisateur et sur la nature des relations du système avec
son public.
Aide à la décision stratégique
Il faut aussi déterminer à quel niveau de concep-
tion nous intégrons la préoccupation marketing.
En tant que consommateurs, notre contact avec le
marketing se fait via sa dimension opérationnelle, par
exemple la publicité. En tant que concepteurs et ges-
tionnaires de dispositifs documentaires, nous devons
raisonner autrement. Le marketing est avant tout une
méthode d’aide à la décision stratégique pour identi-
fier l’offre de services pertinente et porteuse face aux
besoins et définir ainsi le cadre d’intervention du dis-
positif. Cette dimension dicte les étapes de la méthode.
La définition de la stratégie marketing s’appuie sur un
diagnostic préalable dont on ne peut faire l’économie:
Florence Muetest pro-
fesseur au sein du dépar-
tement Information
documentaire de la Haute
École de gestion de
Genève, après avoir été
pendant quinze ans
maître de conférences
associée et consultante
indépendante. Son
domaine de compétence
concerne la définition et le
pilotage des stratégies de
développement des ser-
vices d’information. Elle
mène actuellement une
recherche sur la définition
d’indicateurs stratégiques
pour les bibliothèques
académiques.
florence.muet
@
hesge.ch
1 De façon générale, ce dossier fait référence à des contextes
d’intervention documentaire professionnels (entreprises, recherche,
enseignement supérieur, administrations) qui supposent une approche
« utilitaire » de l’information et des savoirs.
2 On entend ici le terme « service d’information documentaire » dans
un sens générique fonctionnel et non structurel, incluant tout type de
configuration d’un dispositif documentaire, centralisé ou non, sur place,
uniquement à distance ou hybride, etc.