La science à la barre L`utilisation de l`imagerie médicale par les

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La science à la barre L’utilisation de l’imagerie médicale par les tribunaux marque le début d’une nouvelle ère en droit criminel. Pourra‐t‐on maintenant s’appuyer sur les neurosciences pour déterminer le degré de responsabilité d’un accusé? Est‐ce une caution scientifique infaillible? Par Marine Corniou La jeune femme qui entre dans la salle d’audience de l’Institut Philippe‐Pinel, à Montréal, ne porte ni menottes ni blouse de détenue. Pourtant, en mai 2009, cette petite brune au sourire timide a commis un meurtre d’une violence inouïe. En plein délire paranoïaque, elle a assassiné sa mère, la frappant de dizaines de coups de couteau. Lors de son procès, en janvier dernier, elle a été déclarée coupable, mais non criminellement responsable «pour cause de troubles mentaux». En proie à des hallucinations auditives et à des délires mystiques, la jeune femme, qui souffre de schizophrénie, voyait en sa mère l’incarnation du diable. Le jour du crime, des «voix» lui ont ordonné de se défendre. Depuis deux ans, elle est détenue et soignée entre les murs de l’Institut Pinel, spécialisé en psychiatrie légale, comme une centaine d’autres patients qui ont violenté ou tué un parent, un enfant ou un inconnu. La Commission d’examen des troubles mentaux (CETM), devant laquelle la jeune femme comparaît aujourd’hui pour son évaluation annuelle, a la tâche délicate de mesurer sa «dangerosité». Peut‐on l’autoriser à faire quelques sorties? À travailler dans un centre de réinsertion? C’est à ce genre de questions que doivent répondre le procureur de la Couronne, les quatre psychiatres et le psychologue présents. Assise à la table, face à eux, la jeune femme a le regard hésitant et ses mains tremblent un peu. Mais tout porte à croire qu’elle a le dessus sur sa maladie. Ses médecins et son psychologue lui ont fait prendre conscience de la réalité de ses troubles et les médicaments antipsychotiques qu’elle absorbe religieusement tous les jours ont réussi à faire taire les voix. Épaulée par son équipe soignante, elle apprend tout doucement à se reconstruire. La schizophrénie n’est qu’un des troubles mentaux qui peuvent un jour pousser quelqu’un à commettre l’irréparable. La liste est longue: dépression, troubles bipolaires, psychose, psychopa‐thie; ou encore «trouble de l’adaptation» avec anxiété et humeur dépressive, le diagnostic qu’a reçu le cardiologue Guy Turcotte après avoir poignardé ses deux enfants, en février 2009. Le 4 novembre, ce sera son tour d’être reçu par cette Commission – intégrée au tribunal administratif de Québec – qui décidera s’il doit demeurer à l’Institut Pinel ou s’il peut être libéré. Comment savoir si ces hommes et ces femmes, qui ont eu un jour un accès de folie meurtrière, représentent encore une menace pour la société un, deux, trois ou cinq ans après les faits? Pour le moment, ce sont essentiellement des médecins qui en jugent. Ils évaluent les réactions des patients en situation de stress, leurs interactions sociales, la manière dont ils colla‐bo‐rent avec les soignants, l’effet des traitements, etc. Des questionnaires neu‐ro‐psy‐chologiques les aident également à estimer le risque de futures violences. Le plus couramment employé, le test HCR 20, prend en compte la gravité et la nature des actes violents passés, les symptômes actuels du patient et son contexte de vie (toxicomanie, soutien familial, etc.). Mais, comme le souligne le docteur Michel Filion, un des psychiatres de l’Institut Pinel présents à l’audience ce jour‐là: «Aucune évaluation ne nous permettra jamais d’être sûr que le risque est nul.» D’ailleurs, il n’est pas rare que deux experts arrivent à des conclusions opposées pour un même malade. Vous pouvez lire la suite du reportage dans le numéro de novembre 2011 de Québec Science. 
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