REUNION DE LA SOCIETE DE PSYCHIATRIE DE L’EST INTERVENTION DU 17 MARS 2012 ÉVOLUTION DE CONCEPT DE DIAGNOSTIC EN PSYCHIATRIE AU COURS DE 40 ANS D’EXERCICE PROFESSIONNEL Par Paul BIZOUARD – Professeur Emérite de Pédopsychiatrie Université de Franche-Comté Le mot diagnostic est utilisé dans son sens premier en médecine pour désigner l’action d’identification d’une maladie d’après des symptômes observés. Symptômes objectifs mesurables par le médecin mais aussi ressentis par le patient, symptômes subjectifs essentiellement décrits par le patient mais aussi représentables par le médecin. Habituellement en médecine, la maladie désigne un processus, c'est-à-dire un phénomène vivant, actif, et organisé, processus dit pathologique parce qu’entraînant une gêne, une souffrance ou une variation de fonctionnement par rapport à la norme, processus dont la cause et l’évolution sont généralement bien identifiés, quand on pense par exemple à la pneumonie, l’ulcère, l’infarctus du myocarde. En clinique psychiatrique, la définition du diagnostic est plus complexe, d’une part parce que les symptômes décrits sont plus souvent subjectifs, d’autre part parce que la notion même de maladie mentale reste sujette à discussion, puisque son origine, à la différence de la plupart des maladies somatiques est généralement méconnue d’où la dénomination actuelle préférée « troubles mentaux ». Mais ceci est l’aboutissement d’une longue évolution qui a commencé à la fin du 18ème siècle, avec la définition par PINEL de « l’aliénation » : une atteinte de la vie psychique qui menace l’homme dans son humanité, puis de la « maladie mentale » par ESQUIROL au début du 19ème siècle, époque où la souffrance, le trouble de la vie mentale sont véritablement pris en charge par une nouvelle catégorie de médecins, « les psychiatres ». Pourtant selon la terminologie médicale ces troubles mentaux ne peuvent être reconnus comme maladie pour autant qu’on ne peut les rapporter à une lésion d’organe, ce qui fut pourtant le cas dans l’antiquité puisque la mélancolie était rapportée à un trouble de la sécrétion biliaire, l’hystérie à un dysfonctionnement de l’utérus. En fait La relation du trouble mental avec un défaut de fonctionnement du cerveau est relativement récente (15 -16ème siècles). Mais si la localisation de cette origine dans le cerveau fut un grand progrès qui se perfectionne encore actuellement par les explorations neuroradiologiques, cette localisation ne donne pas véritablement la cause de la maladie, mis à part le faux espoir suscité par l’exemple célèbre de la Paralysie Générale décrite par Antoine BAYLE en 1822. On retrouve la même illusion actuellement à propos de l’autisme, dont je reparlerai plus tard,car la découverte d’anomalies structurelles ou fonctionnelles de zones temporales du cerveau (ZILBOVICIUS) ne peut être considéré comme une explication étiologique simple, pas plus d’ailleurs que les anomalies génétiques ou métaboliques comme l’annoncent périodiquement les médias. Revenons au 19è siècle durant lequel, dans un mouvement classificatoire généralisé à références scientifiques (Botanique, Zoologie), influencé par les idées positivistes d’Auguste COMTE, les maladies mentales furent décrites essentiellement par des regroupements de symptômes en syndromes, dont l’évolution pouvait être repérée dans le temps : c’est la description de la folie circulaire par FALRET, de la folie à double forme par BAILLARGER puis de la psychose maniaco-dépressive par KRAEPELIN qui individualisa aussi la démence précoce que BLEULER nommera plus tard (1911) « schizophrénie », une dénomination diagnostique qui coïncide et annonce le développement d’une psychiatrie plus explicative du mécanisme du trouble que de sa simple description. En effet au début du 20è siècle les hypothèses psychologiques d’explication des troubles se développeront considérablement avec FREUD, psychiatre psychanalyste, mais aussi avec des psychologues tels que Pierre JANET et des phénoménologues avec BINSWANGER. Le mode de fonctionnement de la pensée, on parle « de structure de personnalité pathologique », sous-jacente à l’apparition des symptômes, introduit une nouvelle forme de diagnostic, sur laquelle nous reviendrons dans notre actualité. Plus tard, l’action efficace de médicaments sur certains troubles mentaux tendra à substituer aux symptômes significatifs de maladie ou de syndromes, des symptômes de dépression, d’ d’anxiété, de délire décrits selon qu’ils réagissent à l’action des médicaments antidépresseurs, anxiolytiques, antidélirants. Insatisfaits de la profusion et du manque de clarté de ces définitions hétérogènes, certains vont définir les troubles mentaux comme « toute souffrance soignée par les psychiatres » tandis que d’autres, se nommant antipsychiatres, dénonceront ce concept qu’ils considèrent comme une appropriation excessive. C’est ici que l’on voit apparaître l’importance de la « dénomination » du trouble par le médecin et la fonction que l’énonciation du diagnostic remplit dans le fonctionnement du psychiatre lui-même. C’est dans ce contexte historique de l’évolution de la discipline psychiatrique dans la société que j’ai survolé rapidement qu’est venue s’inscrire pour moi la construction du concept de diagnostic durant les quarante années de mon exercice professionnel. Elle s’est construite au croisement, à l’interface, à l’interaction de mes activités professionnelles successives : interne en médecine, en neuropsychiatrie, en pédiatrie, chef de clinique assistant en psychiatrie de l’adulte, psychiatre adjoint de psychiatrie d’enfants et d’adolescents, enfin responsable de services hospitaliers d’adultes et enfants, enseignant, chercheur… tout cela se croisant avec l’évolution des idées concomitantes dans la discipline. C’est ce que je vais essayer de vous rapporter, sachant bien qu’il s’agit d’un parcours personnel, singulier, spécifique mais qui pourrait bien refléter l’évolution des psychiatres et de la psychiatrie durant toute cette période et qu’il présente probablement des analogies avec l’évolution d’autres psychiatres de ma génération dont j’espère que certains s’y reconnaîtront. Venu de la médecine où je me suis réjoui de faire comme on dit de « beaux diagnostics » (beaux pour qui ?)somatiques et d’appliquer des traitements remarquablement efficaces, je suis venu à la psychiatrie par l’envie, la curiosité d’approfondir l’origine de la maladie et de la souffrance dans une approche plus personnalisée, plus globale de l’être humain. Pourtant au début, suppléant mon ignorance et mes incertitudes par un retour à des bases médicales, mes premiers mois en psychiatrie furent occupés par la différenciation des maladies enseignées par mon Maître Robert VOLMAT et décrites dans le manuel de psychiatrie de HENRI EY qui différenciait les maladies aigues, psychonévroses émotionnelles, manies, mélancolies, délires, confusions et épilepsies, des maladies chroniques : névroses, délires, schizophrénie, démence, arriération et déséquilibres psychiques. Ces maladies mentales dont le mécanisme s’expliquait par la perte de contrôle des centres supérieurs sur le cerveau primitif, selon une théorie dite organo-dynamique néo Jacksonienne de Henri EY, étaient différenciées des troubles mentaux engendrés par les processus organiques, hormonaux, infectieux, alcooliques, traumatiques, tumoraux. J’ai d’ailleurs fait à l’époque une thèse de médecine à propos du diagnostic de schizophrénie, dans ses modes de début chez le sujet jeune, à propos d’une centaine de cas repérés dans le service pendant trois années d’internat. J’écrivais à l’époque : « Il parait difficile, voire dangereux d’affirmer avec certitude de quelqu’un qu’il est schizophrène avec un recul évolutif de quelques années seulement, ceci en raison du flou nosographique du concept, de l’évolutivité imprévisible de la maladie, du risque non négligeable de catégoriser définitivement un malade étiqueté. Pourtant , poussé par les nécessités de la thérapeutique, dont on observe tous les jours qu’elle est d’autant plus efficace qu’appliquée précocement, on est amené dans un certain nombre de cas, à considérer certains malades comme fortement suspects d’évoluer vers un processus de dissosciationde la pensée, des affects. C’est à ce niveau de probabilité, plus que de certitude, que s’est déroulée notre recherche ». Une thèse complémentaire que j’ai codirigée quelques années après n’a confirmé ces diagnostics que dans la moitié des cas. A la même époque, les jeunes psychiatres de ma génération étaient interpellés par les travaux des antipsychiatres LAING et COOPER en Grande-Bretagne, BASAGLIA en Italie qui précisément remettaient en cause la démarche diagnostic et thérapeutique des psychiatres à qui ils attribuaient l’origine des troubles mentaux, institutionnalisés en maladie du fait de leur dénomination psychiatrique, et pérennisé par l’enfermement en établissements spécialisés dont ils préconisaient la fermeture. En parallèle la pratique psychiatrique des années 70 était aussi fortement influencée par la découverte récente dans le service de Jean DELAY, où Robert VOLMAT avait été chef de clinique assistant en même temps que Pierre DENICKER, de l’action thérapeutique des psychotropes et l’expérimentation de leur action ( tri cyclique, benzodiazépines) orientaient les diagnostics dans un sens privilégiant les symptômes (anxiolytiques, antidépresseurs) dont on évaluait l’intensité par des échelles de cotation (BPRS) moins sophistiquées qu’aujourd’hui. Un séjour d’un an en coopération en Côte d’Ivoire m’aidera à relativiser en côtoyant les guérisseurs traditionnels, le diagnostic et la thérapeutique en fonction de la culture. A mon retour, les sollicitations des pédiatres de Besançon dépourvus de référents en psychiatrie, mon attrait naturel pour l’enfance, et l’amicale pression de mes Maîtres me firent m’orienter vers la pédopsychiatrie où j’ai effectué 4 semestres d’internat, ce qui me confirma l’importance du point de vue du diagnostic de tenir compte de la proximité psychosomatique, ainsi que du développement, de la maturation, de l’éducation pour la construction de la personnalité normale et pathologique, idée confortée à l’époque par les formations complémentaires en psychologie génétique et psychologie sociale. Dés lors mes réflexions diagnostiques en psychiatrie d’adulte que je retrouvais à partir de 1973 comme Chef de Clinique Assistant ne pouvaient se concevoir sans référence à l’histoire du sujet et à son environnement dans une perspective psychodynamique et interactive avec son milieu de vie : toujours penser à l’adulte qu’il deviendra en recevant un enfant, et à l’enfant qu’il a été en recevant des patients adultes. Cette perspective amène naturellement à s’intéresser quant au diagnostic au point de vue de la psychologie pathologique se référant plus particulièrement aux travaux de Jean BERGERET qui tout en ne méconnaissant pas et en respectant le point de vue médical sur les maladies et leurs symptômes classiquement décrits, s’intéressent parallèlement à l’organisation psychique profonde du patient telle qu’elle s’est construite économiquement au cours de son existence. Dès lors on utilisera dans le diagnostic la notion de « structure de personnalité » pour qualifier le mode habituel de fonctionnement de la personnalité. Dans cette hypothèse les symptômes sont considérés comme des formations, des organisations défensives par rapport à des conflits intérieurs, de mode psychotique ou de mode névrotique selon qu’ils se rapportent à des problèmes existentiels, identitaires fondamentaux ou oedipiens en référence à la théorie psychanalytique incluant bien sûr la reconnaissance de l’inconscient. Cette structure de personnalité qui est désignée comme névrotique psychotique ou intermédiaire sans présenter forcément les symptômes habituellement désignés par ces termes dans la psychiatrie classique (ce qui n’est pas sans entraîner un certain nombre de confusions sémantiques) est considérée habituellement comme stable chez l’adulte, momentanée, passagère pendant l’enfance, l’adolescence. Cette structure va déterminer momentanément ou définitivement le mode de relation de l’individu avec lui-même, les autres, et le thérapeute dont la réaction comportementale, la perception idéique, affective face à l’autre (=le contre-transfert) peuvent contribuer au diagnostic entraînant la nécessité pour le psychiatre d’être attentif et lucide à son propre fonctionnement psychique interne, ce qui m’a amené personnellement à entreprendre une psychanalyse personnelle pendant la période de mon clinicat. Plus tard, le travail avec les adolescents, leur famille, la gestion de trois institutions de huit à quinze lits dédiées à leur accueil, leur prise en charge ou leur réinsertion dans la cité, m’a sensibilisé à l’évolution, à la labilité du diagnostic à cette période de la vie, sensibilisé aussi au diagnostic systémique, la place et la fonction de l’adolescent de l’adolescent dans son groupe de vie, aussi bien au niveau familial qu’institutionnel, auquel nous avons été initiés à Besançon par la proximité et la réflexion de Paul-Claude RACAMIER. Dans les années 80, les travaux de recherche et d’évaluation des évolutions cliniques ont amené les psychiatres à rechercher de nouvelles classifications conciliables entre eux, d’abord au niveau national puis international. En France, il existait dans les années 70 une classification INSERM à base nosographique qui fut relativement peu utilisée. Aux EtatsUnis se développa une classification DSM base symptomatique comportementale dite athéorique, qui finalement ne l’est pas puisque basée essentiellement sur la description du comportement. Elle visait a rassembler le maximum de professionnels sur un point de vue commun, quelle que soit les références théoriques du travail clinique. En France, en pédopsychiatrie, MISES et QUEMADA en 1988 proposèrent une classification syndromique associant le point de vue psychopathologique au point de vue psychodéveloppemental ( qui correspondait bien à l’époque à la formation psychodynamique majoritaire parmi les pédopsychiatres), et aux conditions environnementales non reconnues spécifiquement pour l’enfant dans les classifications DSM puis CIM qui se développaient largement à travers le monde. Mes tâches d’enseignant et de chercheur m’ont amené à utiliser effectivement pour le diagnostic ces classifications internationales en veillant à le faire pour ce qu’elles sont : des instruments pour la désignation du trouble et son évaluation sous traitement. Les pratiques actuelles de gestion administratives des soins (fiancées par la Sécurité Sociale) et la prise en charge du handicap par la commissions MDPH (financées par les Conseils généraux) nous ont obligés de plus en plus à utiliser ces références. Mais du fait de leur réductionnisme symptomatique, leur utilisation en clinique m’a toujours paru stérilisante pour la réflexion, la compréhension psychodynamique. Il m’a toujours paru possible de fonctionner en utilisant concomitamment plusieurs systèmes de référence, l’un ou l’autre selon le but recherché : compréhension psychopathologique dans un mouvement empathique vers le patient, soulagement symptomatique rapide d’un symptôme invalidant par une prescription médicamenteuse suffisante pour faciliter secondairement une approche psychothérapique, classification du cas dans une catégorie au sein d’une cohorte de cas semblables dont on suit l’évolution. Heureusement, à coté du DSM, il persiste toujours en France des ouvrages de référence traitant des grands cadres de la clinique psychiatrique classique décrite à la fin du 19 ème siècle et au début du 20ème. Mais, ces dernières années, apparaissent très fréquemment dans ces ouvrages pédagogiques, un rassemblement de plusieurs auteurs, chacun étant spécialiste d’un chapitre de la pathologie. On voit aussi paraître des ouvrages consacrés à un seul type de pathologie (dépression, schizophrénie, anxiété généralisée) ou des ouvrages consacrés à un abord essentiellement thérapeutique, celles-ci présidant la classification des maladies. Pendant les trois dernières années de mon exercice professionnel, j’ai contribué à la création en Franche-Comté d’un Centre Ressources Autismes. Cette expérience m’a fait vivre une autre évolution, révolution quant au diagnostic de l’autisme puisque depuis une dizaine d’années, du fait d’une part des découvertes neuro- biologiques (génétiques, radiologiques, métaboliques = on retrouve la question de la lésion initiale), d’autre part des effets positifs évaluables quantitativement des stimulations intensives pour les apprentissages, un mode d’intervention très prisé par les parents devenus acteurs et évaluateurs des résultats au quotidien. L’autisme considéré autrefois comme une psychose de l’enfance du fait de la proximité de sa symptomatologie, de son mode de fonctionnement, est désormais défini comme un handicap, une difficulté d’apprentissage au cours du développement, d’où son intégration dans un vaste ensemble des « troubles envahissants du développement » et peut être bientôt dans le DSM-5 dans l’ensemble du « spectre autistique ». Ce changement de point de vue à propos du diagnostic du trouble et de son origine change manifestement l’optique de la prise en charge qui devient essentiellement éducative en collaboration avec les parents revendiquant une position de coéducateur, ce qui se conçoit dans leur fonction de parent, mais aussi de cothérapeute ce qui n’est pas sans créer de tensions, de conflits avec ceux dont c’est la fonction professionnelle. Ces conflits ont été illustrés récemment à propos de la parution des recommandations de la HAS sur les modes de prise en charge des enfants autistes TED, recommandations auxquelles nous avons apporté notre expérience avec Claude Bursztejn et Jacques Hochmann. Conflits où l’on voit les parents, des médecins d’autres spécialités, voire des politiques, venir dire aux psychiatres expérimentés la façon d’envisager le diagnostic et le mode de prise en charge de ces enfants. Pourquoi pas ? Puisque de nombreuses avancées médicales ont été liées à l’éclairage venu d’autres disciplines, comme l’apport du chimiste Franc Comtois Pasteur, au traitement de la rage, et plus récemment l’apport des réanimateurs pour la prise en charge de la survie des toxicomanes dépendants. La Loi Kouchner de 2002 a propos de l’obligation d’informer les patients a montré les effets d’annonce du diagnostic médical au patient dont on doit étudier la représentation qu’il s’en fait pour évaluer les risques ou les bienfaits possibles de cette information qui doit lui être délivrée. Anne Danion, qui en parlera après moi, a particulièrement étudié cette question dans le domaine de l’autisme. En effet la signification du diagnostic pour le patient doit être différenciée de celle du médecin : -pour le médecin, comme on l’a déjà dit, le diagnostic lui permet d’être rassuré sur ses connaissances, sa sagacité, ses capacités de soulager son patient… - pour le patient le diagnostic représente aussi le savoir de son médecin (=il sait ce que j’ai) au risque d’ailleurs de s’identifier trop à ce savoir, mais il représente aussi une explication reconnue de ses troubles, la reconnaissance officiel de ses symptômes, d’un processus clairement reconnu comme pathologique que d’autres éprouvent ou ont déjà éprouvé avant lui, avec une perspective évolutive plus ou moins bien tracée (momentanée, chronique, dégénérative) à laquelle il peut se préparer. Le patient n’attend pas forcément, comme certains médecins peuvent l’imaginer, le nom d’une maladie bien référencée, la simple description de ses symptômes tels qu’il les ressent, leur reconnaissance par un autre de leur existence, voire leur origine, de leur sens peut le soulager considérablement : il n’est plus tout seul avec cela ! A l’heure de l’utilisation courante d’internet où les malades vont rechercher l’existence signalée de troubles identiques aux leurs, leur signification, le médecin se doit d’être attentif à leurs connaissances antérieures, à leurs représentations avant de répondre à leurs questions au sujet du diagnostic, au risque de le faire sinon en fonction de ses propres représentations. Au terme de ce parcours évolutif historique s’appuyant par commodité sur le déroulé chronologique d’événements que j’ai vécus, sans vouloir dire pour autant que les conceptions ont évolué dans une succession aussi stricte, il y a eu bien sûr des chevauchements des intrications à un moment donné, le concept à la mode de diagnostic Bio-Psycho-Social des troubles mentaux nous est apparu comme résumant chronologiquement notre parcours professionnel où le diagnostic fut a priori très médical du fait de la formation initiale, puis plus psychologique, plus social du fait de l’expérience vécue en particulier du travail avec les pédiatres, les enfants, et les institutions médico-sociales. Cette évolution personnelle n’est-elle pas la reproduction d’une évolution plus générale des psychiatres (et des médecins en général ?) qui répètent, de générations en générations, un parcours initiatique qui leur fait reprendre, en plus ou moins accéléré, l’histoire de leur discipline telle qu’elle s’est construite au cours des deux derniers siècles du plus médical au plus social, sans oublier que certains peuvent emprunter des raccourcis, voire chemins de traverse !? Mais on a vu chemin faisant que ce concept de diagnostic primitivement utilisé par le psychiatre lui-même pour classifier, identifier et soigner son patient, remplit en outre une fonction pour le praticien lui-même qu’il rassure, surtout quand il débute, en valorisant son savoir et ses capacités thérapeutiques, mais on a vu aussi à l’importance du diagnostic pour le patient lui-même , car ce diagnostic a pour une fonction de représentation voire de justification de ses troubles dont de ce fait il peut prédire, prévoir, craindre l’évolution.