le point 1592 |21 mars 2003 |8988 |21 mars 2003 |le point 1592
L
’acte de naissance de l’Irak est, en
apparence, aisé à extraire. Le pays
doit son nom à la conquête arabe*,
opérée par le deuxième calife, Omar,
dans les années 637 à 642, de ce qui
s’appelait encore la Mésopotamie. Il
prend de la consistance, et exerce un
rayonnement, lorsque Bagdad est fon-
dée, à peu près de toutes pièces, entre
758 et 765 par un autre calife, Mansour,
et que la cité devient la métropole de
l’Islam, succédant ainsi à Damas. Même
s’il attendra très longtemps avant d’être
un Etat, l’Irak serait ainsi plus que mil-
lénaire, ce qui déjà n’est pas rien.
Sauf que les bâtisseurs de Bagdad,
pour se fournir en pierres, piochèrent
dans les ruines voisines de Ctésiphon,
qui, cent trente ans plus tôt, était la ca-
pitale du royaume perse des Sassanides,
après avoir été parthe, et grecque en-
core auparavant, tout comme Séleucie,
elle aussi toute proche au bord du Tigre,
où s’était installé Séleucos, devenu
prince de Babylonie lors du partage de
l’empire d’Alexandre. C’est que Baby-
lone non plus n’est pas loin, moins de
100 kilomètres au sud, là où le Tigre se
rapproche le plus de l’Euphrate avant
de le rejoindre, là où mourut le conqué-
rant macédonien, où Cyrus le Grand,
roi des Perses, en 539 avant notre ère,
mit fin au royaume fondé dix-huit siècles
plus tôt par Sargon Ier, illustré par Ham-
mourabi le législateur et renouvelé par
Nabuchodonosor, qui, en – 587, avait
pris Jérusalem. Plus haut encore dans
le temps, à la fin du IVemillénaire, aux
confins de l’histoire et de la légende,
voici, au pays de Sumer dans lequel le
golfe Arabo-Persique s’enfonce alors
d’une centaine de kilomètres au-delà
de sa configuration actuelle, la cité d’Ou-
rouk, où naquirent à la fois Gilgamesh
et la première forme d’écriture, là où
s’élaborèrent aussi les premier mythes
connus de l’origine du monde. N’est-ce
pas entre Tigre et Euphrate qu’est lo-
calisé l’Eden, ce premier jardin qui se
rencontre dans la plupart des cultures
sémitiques ?
L’ origine du mouvement chiite
D’Our, en Chaldée, au sud, à Ninive, la
grande ville d’Assyrie, au nord, où ré-
gnèrent Sennachérib et Assurbanipal,
la Mésopotamie, lorsqu’elle devient
l’Irak, est gorgée de mémoire fabuleuse,
de noms fameux transmis dans le
monde méditerranéen principalement
par la Bible et les historiens grecs. La
basse Mésopotamie, même s’il n’est pas
sûr qu’elle ait été évangélisée par les
apôtres Thomas et Barthélemy, compte
très tôt de nombreuses communautés
chrétiennes, que les conciles succes-
sifs comme les traditions locales vont
souvent diviser en Eglises séparées.
Ce n’est certes pas le glorieux passé
mésopotamien qui conduisit Ali, gendre
de Mahomet et quatrième calife, à trans-
férer sa résidence de Médine à Kufa,
tout près de Babylone désormais en-
gloutie. Son assassinat dans cette ville
en 661 donna définitivement naissance
au mouvement chiite. C’est là, pour
l’Irak musulman, le premier grand sou-
venir identitaire. Le deuxième est la
mort à Kerbala de son fils Hussein, en
octobre 680, sous les coups des soldats
envoyés contre lui par le calife
omeyyade de Damas. Pour les
chiites, ce tragique anniversaire
continue d’être l’objet d’une
grande fête funèbre. L’Irak et la
famille du Prophète eurent leur
revanche lorsque le sunnite
Aboul Abbas, qui sut se conci-
lier les chiites, fut proclamé ca-
life à Kufa en 750, arborant un
étendard noir contre l’étendard
vert des Omeyyades désormais
déchus.
Sous le nouveau califat, le
centre de gravité de l’Islam se
déplace vers l’est, où l’influence
persane est prédominante. De
fait, le nom de la capitale fon-
dée par le deuxième calife ab-
basside est d’origine iranienne
et signifie « donnée par Dieu ».
A la fin du VIIIesiècle, sous le
règne du petit-fils de Mansour,
Haroun al-Rachid, le calife des
«Mille et une nuits » et corres-
pondant de Charlemagne, Bag-
dad, avec peut-être 1 million
d’habitants, est la plus grande
ville du monde. En dépit de
nombreux soubresauts, son
rayonnement demeure incom-
parable durant quatre siècles,
grâce à ses activités commer-
ciales florissantes, grâce aussi
au brassage des idées, des
croyances et des savoirs dont
elle est le creuset : tandis que
le calife Al-Mamoun, au début
du IXesiècle, fonde un
observatoire où les calculs
De Sumer à l’Irak moderne en passant par Babylone et les califes abbassides,
l’ancienne Mésopotamie est l’un des berceaux de la civilisation. par laurent theis
Irak 6 000 ans d’Histoire
EN COUVERTURE
Bagdad, fondée aux
alentours de 760
par le calife
Mansour, dans toute
sa splendeur.
Lithographie
anonyme de 1900 ■
ÿ
akg
SUMÉRIENS AKKADIENS ROYAUMES BABYLONIENS
Chute de
Ninive
PERSES GRECS PARTHES SASSANIDES ARABES
INDÉPENDANCE
MONGOLS / TURCS EMPIRE
OTTOMAN
Ecriture Sargon Hammourabi Cyrus
Sargon II
Sennachérib
Alexandre
Haroun al-Rachid
Al-Mansour Saladin Soliman
Mandat
britannique
Nabuchodonosor II
-3000 -2500 -2000 -1500 -1000 -500 0 500 1000 1500 2000
-3100 -2450 -2250 -1894 -1255 -612 -539 -331 -129 226 632 1258 1534 1920 1932
(Ourouk, Our, Eridou, Lagash)
ASSYRIENS
(Ninive)
Les Sumériens
En 3500 av. J.-C., des populations non
sémitiques arrivent sur les rives du
Tigre et de l’Euphrate et donnent nais-
sance à de petits Etats urbains
indépendants. On leur doit l’écriture.
Les Akkadiens
La puissance d’Akkad commence vers
2450 av. J.-C. avec Sargon l’Ancien. Ils
vont dominer la Babylonie et Sumer
(métallurgie, bronze, commerce avec
la vallée de l’Indus).
Les Babyloniens
Apogée sous Hammourabi (1792-
1750 av. J.-C.). Babylone sera conquise
par le Perse Cyrus (en 539 av. J.-C), puis
par Alexandre le Grand, qui renverse
les Perses et y meurt en 323 av. J.-C.
Les Assyriens
Ils fondèrent un immense empire qui, à
son apogée, sous Sargon II, comportait
plus de 70 provinces. La splendeur de
Ninive date de Sennachérib (705-
681 av. J. -C.).
Les Parthes
Peuple semi-nomade d’origine iranienne
installé au sud-ouest de la mer Caspienne.
Avec Mithridate Ier, leur puissance s’étend
jusqu’en Babylonie. Ils seront renversés
par les Sassanides en 226.
Les Arabes
En 750, le califat abbasside est établi
en Irak. En 762, Al-Mansour décide de
construire une nouvelle capitale,
Bagdad.
Les Mongols et les Turcs
En 1258, les hordes mongoles de
Houlagou prennent Bagdad. Elles
seront chassées par les Turcs otto-
mans de Soliman le Magnifique.