LA COMPTABILITE ENVIRONNEMENTALE 1. Mieux informer La comptabilité s’est d’abord développée comme moyen de gestion et de pilotage de l’entreprise pour répondre aux besoins immédiats des dirigeants de celle-ci. Mais elle est rapidement devenue un outil plus étendu, un moyen d’information des associés, des salariés et des tiers en général. Le législateur est intervenu en ce sens et désormais la notion d’information dépasse largement celle des parties prenantes. Définir la comptabilité environnementale est complexe. La comptabilité verte (environnementale) peut se concevoir comme un système d’information apte à rendre compte des atteintes à l’environnement engendrées par l’activité des entreprises et, parallèlement, des dépenses que celles-ci ont engagées pour prévenir ces atteintes. Ainsi, elle recouvre un large champ que laisse ouvert la définition proposée par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe : « la comptabilité environnementale est un système qui permet de répertorier, organiser, gérer et fournir des données et des informations sur l’environnement, en unités physiques ou monétaires. Organisée comme tous systèmes comptables, elle permet de donner, en termes objectifs, l’état et les variations du patrimoine naturel, les interactions entre économie et environnement, les dépenses destinées à la prévention, la protection et la réparation de l’environnement ». La comptabilité environnementale, au delà du champ de la comptabilité, concerne la communication de l’entreprise sur l’environnement. Il faut dès lors distinguer : Le rapport de développement durable et plus généralement les obligations faites aux entreprises de publier des informations sur les atteintes à l’environnement dont elles sont responsables, sans qu’elles soient sanctionnables pour autant (tout au moins en l’état actuel du droit) et, éventuellement, sur les mesures qu’elles prennent pour réduire ces atteintes, L’obligation de publier une information sur les atteintes à l’environnement, qui elles pourraient être sanctionnées en l’état actuel du droit, et sur les montants sur lesquels l’entreprise est exposée. Ainsi, les sociétés exploitant une installation classée seront soumises à un certain nombre de contraintes déclaratives et d’informations, et cette réglementation spécifique évoluant rapidement, il conviendra d’en tenir compte afin de mesurer l’ampleur des dépenses susceptibles de présenter un caractère environnemental. 2. L’information environnementale déjà fournie par la comptabilité traditionnelle L’obligation générale d’information relative aux états financiers résulte des sources légales relatives aux obligations comptables applicables à tous les commerçants, personnes physiques ou morales. Cette obligation concerne l’élaboration du bilan, du compte de résultat et de l’annexe (C.Com., art. L.123-12, al.3). L’annexe doit ainsi compléter et commenter l’information donnée par les comptes et faire état de tout fait susceptible d’avoir une influence significative sur le jugement des lecteurs des comptes. Ainsi, les données relatives à l’impact environnemental et social de l’entreprise, suivant l’importance qu’elles présentent pour l’entreprise ont vocation à figurer en annexe des comptes. Par ailleurs, au-delà de ces obligations générales d’information, le droit positif en France a évolué rapidement, jusqu’à la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (Grenelle 2). Cette loi est venue élargir la loi NRE (Nouvelles Régulations Economiques) qui oblige les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé à intégrer dans leur rapport de gestion «des informations sur la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité ainsi que sur ses engagements sociétaux en faveur du développement durable.» (C.com., art. L.225-102-1). Les données chiffrées sont de trois ordres : les dépenses de la société pour prévenir les conséquences de son activité sur l’environnement, Le montant des provisions et garanties pour risques en matière d’environnement, Les montants des indemnités versées au cours de l’exercice en exécution d’une décision de justice et les actions menées en réparation des dommages causés à l’environnement. Des décrets en Conseil d'Etat doivent établir la liste de ces informations en cohérence avec les textes européens et internationaux (ce qui permettra une comparaison des données entre sociétés européennes), 1/ 3 et ouvrir l’obligation d’information au-delà des sociétés cotées (sociétés dont le total de bilan ou le chiffre d'affaires et le nombre de salariés excèdent les seuils fixés). La loi n°2003-699 du 30 juillet 2003 ( « loi Bachelot ») a imposé que le rapport annuel des sociétés exploitant les installations classées les plus dangereuses informe de la politique de prévention des risques d’accidents technologique, rende compte de la capacité de la société à couvrir sa responsabilité civile vis-àvis des tiers exposés et précise les moyens prévus pour assurer la gestion de l’indemnisation des victimes (C.com., art. L. 225-102-2). L’environnement doit également être pris en compte dans le cas où l'entreprise exploite une ou des installations classées au sens du titre Ier du livre V du code de l'environnement, et qu’elle connait des difficultés financières : le bilan économique et social réalisé par l’administrateur dans le cadre de l’arrêté du plan de sauvegarde est complété par un bilan environnemental (C.com., art. L 623-1). 3. Les dépenses environnementales La comptabilité environnementale, c’est donc d’abord rassembler de l’information en vue d’évaluer les coûts et risques environnementaux, et notamment estimer ce que coûte l’internalisation de certaines externalités, c'est-à-dire intégrer un coût engendré par un processus de production et pris en charge par la collectivité. L’entreprise internalise des coûts, soit parce que cela lui est imposé (à travers des taxes ou des redevances), ou parce qu’elle est incitée à le faire (subventions, exonérations…). Les dépenses concernées sont celles qui revêtent une importance significative, selon la recommandation de la commission européenne du 30 mai 2001 (n°2001/453/CE), une opération ou un évènement susceptibles d’affecter la situation financière et les résultats de la société. Et selon la recommandation CNC n°2003-R-02 du 21 octobre 2003, celles effectuées en vue de prévenir, réduire ou réparer les dommages que l’entreprise a occasionnés ou pourrait occasionner par ses activités, à l’environnement. En fonction de la nature de chacune d’elles, elle devra envisager si elle doit retenir un traitement comptable particulier. Cette démarche pourra mettre en évidence : Des obligations particulières et constitutives d’un passif environnemental à comptabiliser Des dépenses enregistrées à immobiliser Des informations à mentionner dans l’annexe ou le rapport de gestion 4. Les difficultés soulevées par la comptabilité environnementale La notion de comptabilité environnementale varie, selon les chercheurs, d’une vision limitée c'est-à-dire essentiellement technicienne, à une vision élargie, qui prendrait en compte les notions du développement durable. Les définitions s’emboîtent donc les unes dans les autres, en s’éloignant de plus en plus des rôles traditionnels de la comptabilité. Le premier niveau revient strictement à respecter le rôle traditionnel de la comptabilité et à rendre compte des flux et des risques environnementaux afin de pouvoir communiquer aux parties prenantes une image fidèle de l’entreprise. Dans le deuxième niveau, il s’agit de mesurer et d’informer sur les dommages causés à la nature par l’entreprise, tout en améliorant cette gestion environnementale. Le troisième niveau s’inscrit dans la logique de développement durable, au-delà du seul problème de protection de l’environnement. Dès lors se pose la question de la pertinence de l’information communiquée, quel que soit le niveau auquel on se situe. En effet, l’entreprise va rencontrer deux types de problèmes : le premier est de savoir si une information possède un caractère environnemental ou pas (et quand elle le possède si l’on veut intégrer la notion de risque). Le second se pose sur l’évaluation des coûts eux-mêmes. En ce qui concerne la notion de périmètre environnemental, la difficulté tient au fait que la comptabilité environnementale, contrairement à la comptabilité générale, n’a pas de cohérence globale. Les critères permettant de dire si une dépense est environnementale ou pas dépendent des objectifs poursuivis, donc subjectifs. Chaque entreprise devra apprécier, sous la responsabilité de ses dirigeants, dans quelle mesure son activité et sa politique interne l’exposent à des dépenses environnementales. Cela revient à appliquer le principe général de sincérité. Les difficultés rencontrées en matière d’évaluation de la dépense environnementale tiennent : 2/ 3 à la notion d’horizon économique lointain (reconstitution de carrières, démantèlement de centrales nucléaires) en lien avec ce qui constitue le fait générateur de la dépense à évaluer (règlement n°2000-06 du CRC sur les passifs) à l’exhaustivité, la portée des nuisances à considérer par l’entreprise sur l’environnement, en vertu du principe pollueur-payeur la valeur à donner aux ressources naturelles en l’absence de prix de marché. 5. Les autres outils liés à la mise en place d’un système de management environnemental (SME) Un grand nombre d’outils de gestion permettant le fonctionnement des SME sont également regroupés sous le nom de comptabilité environnementale et fournissent aux tiers les informations relatives à l’environnement. Ainsi, à côté des rapports environnementaux, on peut évoquer la technique de la valeur ajoutée négative qui consiste à évaluer les consommations de patrimoine naturel pour calculer un résultat prenant en compte l’impact environnemental. L’écobilan permet d’évaluer l’impact environnemental d’un produit tout au long de son cycle de vie (ACV) : conception, fabrication, utilisation et fin de vie. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1°) Nicolas Antheaume, Bernard Christophe, La comptabilité environnementale, des outils pour évaluer la performance écologique, e-theque, 2005 2°) Jean-Philippe Lafontaine, Les techniques de comptabilité environnementale, entre innovations comptables et innovations managériales, Comptabilité-Contrôle-Audit, Mai 2003 3°) Marina Teller, Développement durable et comptabilité, cahiers de droit de l’entreprise n°3, Mai 2010 4°) Ordre des Experts-Comptables, La gestion environnementale, Dunod, octobre 2008 3/ 3