*LIBERALE PSII 51 3/02/04 16:59 Page 40 Libérale Hoquet Un phénomène complexe parfois sévère Le plus souvent, le hoquet cède spontanément. Lorsqu’il persiste, il peut devenir invalidant. Sa résolution passe alors par le traitement de la cause, principalement digestive mais souvent masquée. En cas d’échec de toute thérapeutique, le recours à des consultations antihoquet peut être utile. C ouramment répandu, le hoquet est en fait un spasme du diaphragme suivi, quelque 35 millisecondes plus tard, de la fermeture incomplète de la glotte. Celle-ci, qui normalement reste fermée jusqu’à la fin de la contraction (pouvant parfois durer jusqu’à une seconde), demeure ouverte et provoque le bruit caractéristique. Cependant, plusieurs autres centres sont en jeu : au niveau du tronc cérébral (près des centres respiratoires), au niveau cervical (avec le nerf phrénique), mais aussi dans la région du bas œsophage. Ce phénomène est en fait un réflexe de défense, protégeant d’un éventuel reflux gastrique. Il existe pendant le sommeil, mais se modifie. Physiologique chez l’embryon, le hoquet est présent in utero, persiste souvent en postnatal, notamment chez l’enfant prématuré. Fréquent chez le nourrisson, il n’a pas alors de signification pathologique, sauf s’il est associé à un reflux accompagné de rejets alimentaires tardifs. On doit, en ce cas, rechercher une incontinence du cardia qui, en demeurant béant lors des contractions stomacales, laisse refluer les aliments jusqu’à la bouche. Pathologiquement, le déclenchement d’un hoquet peut suivre un repas trop abondant ou trop alcoolisé. Il peut aussi être dû à une consommation abondante de tabac ou faire suite à un stress important. Il peut également être lié à l’absorption trop rapide ou trop importante de boissons gazeuses ou d’aliments successivement chauds et froids. Le hoquet peut survenir au décours d’explorations médicales. La modification des doses d’anesthésiques ou l’introduction de certains autres médicaments peut alors rapidement rétablir l’ordre. En cas d’échec, l’inhalation d’éther ou la stimulation de la partie postérieure du pharynx, à l’aide d’un cathéter nasal, permet de faire cesser le symptôme. Le plus souvent, avec une fréquence variant de 10 à 60 secousses par minute, et après des manœuvres simples, le hoquet cesse. Cependant, dans un certain nombre de cas, la crise persiste. Ces véritables crises peuvent parfois durer 40 Professions Santé Infirmier Infirmière - No 51 - décembre 2003 plus de 48 heures, en continu ou par phases. Dans ce cas, l’épuisement résultant de cet état et de l’anorexie liée à l’insomnie peut conduire à une profonde dépression. « Lorsque le patient vient à notre consultation spécialisée, il a parfois effectué un véritable parcours du combattant, affirme le Dr Jean-Louis Bizec, de l’hôpital SaintJoseph à Paris. Avec nombre de médecins, il a essayé beaucoup de traitements. Trop d’échecs ont parsemé son parcours médical, beaucoup de praticiens ou de gourous en tous genres lui ont promis des résultats, mais ont finalement échoué, le laissant avec sa gêne. Cette gêne devenant vite un handicap très ennuyeux. » Causes digestives hautes Si reconnaître un hoquet persistant est aisé, il importe d’en rechercher l’étiologie. Une cause digestive doit être suspectée en premier. L’examen médical suit un interrogatoire quasi policier, qui précisera tout signe d’appel : une toux persistante, déclive, nocturne, une brûlure rétrosternale, un pyrosis ou une dysphagie, voire des maux de gorge réguliers sans signe infectieux ou des angines à répétition. Avec moins d’évidence, ce peut être une succession d’épisodes rhinopharyngés ou bronchiques, pathognomoniques lorsque le patient, après un repas, en se baissant pour enfiler ses chaussures, ressent une gêne thoracique, voire une brûlure rétrosternale, associée à une remontée acide buccale ou laryngée. Devant un tel signe, il importe de rechercher, isolées ou associées, une hernie hiatale, une œsophagite, une gastrite, avec un reflux gastro-œsophagien (RGO) ou non. Lorsque la clinique est insuffisante, la fibroscopie peut confirmer l’atteinte œsophagienne ou gastrique, détecter même la présence d’Helicobacter pylori, germe retrouvé dans l’ulcère de l’estomac, mais aussi dans le lymphome gastrique. Un traitement aux inhibiteurs de la pompe à protons associé à deux antibiotiques permet, en éradiquant ce germe, de traiter les affections qu’il peut causer. Parfois, seule la manométrie ou la PHmétrie permet d’af- *LIBERALE PSII 51 3/02/04 16:59 Page 41 Libérale firmer un reflux peu évident. En dehors de toute pathologie sous-jacente, ces examens aident parfois à diagnostiquer une hyperkinésie pouvant entraîner à elle seule un hoquet, sans autre substratum anatomique. Causes digestives basses Une origine digestive basse a pour responsables les colopathies, les colites en tous genres avec leur symptomatologie riche de douleurs abdominales, de météorismes et de troubles du transit. Exceptionnellement en cause, une infection sous-diaphragmatique peut pourtant se révéler (abcès ou péritonite chronique). Les signes biologiques et radiologiques permettent alors de détecter cette infection latente. La cause digestive identifiée, le traitement étiologique fera, la plupart du temps, cesser ce hoquet. Sont utilisés les modificateurs de la digestion, comme le métoclopramide, liés, en cas de hernie et de RGO, aux anti-acides, aux anti-H2, ou aux inhibiteurs de la pompe à protons, en fonction de l’importance des lésions. Conjointement, les conseils hygiénodiététiques sont indispensables à rappeler ou à énoncer : suppression du tabac, des graisses, du chocolat, du café, des épices (modificateurs du sphincter œsophagien). Parfois, lorsque le reflux est très important, que la fibroscopie a trouvé une œsophagite importante et résistant aux traitements classiques médicamenteux, la chirurgie peut alors être indiquée. Actuellement, la chirurgie sous cœlioscopie ou sous laparoscopie semble avoir les faveurs, le risque principal étant, pour cette technique, de léser le nerf phrénique. En cas de colopathie, l’arsenal thérapeutique est vaste et apprécié par le médecin, en fonction de son patient. Il peut être utile de s’aider d’examens complémentaires pour éliminer une lésion organique intestinale. En l’absence de tumeurs bénignes ou malignes décelées seront alors utilisés les modificateurs des contractions coliques : des antispasmodiques ou des accélérateurs du transit, voire des “calmants” à impact intestinal ou des anxiolytiques plus généraux. Enfin, un abcès sous-diaphragmatique, une péritonite chronique ne doivent pas être méconnus. Causes non digestives Quand il n’existe pas de causes digestives, il convient d’éliminer en premier la prise régulière de médicaments (benzodiazépines, corticoïdes, barbituriques). En l’absence de pathologie digestive, de prise médicamenteuse, et en présence de signes neurologiques, il faut envisager une cause cérébrale. Vertiges, céphalées, troubles mnésiques ou du comportement doivent faire craindre un problème encéphalique. Le scanner diagnostique une tumeur cérébrale (plus souvent voisine du tronc) ou repère un problème vasculaire : de l’anévrisme cérébral jusqu’à la maladie d’Alzheimer. Si les examens radiologiques ne suffisent pas, une étude des potentiels auditifs évoqués peut révéler une tumeur du tronc cérébral ou du cervelet. La résolution du hoquet passe alors par le traitement de l’affection causale. Enfin, et plus rarement, le hoquet peut accompagner une pathologie urologique ou postopératoire abdominale ou pelvienne : une lithiase urinaire comme une bride postopératoire. Le hoquet peut souvent aggraver un syndrome tumoral ou immunodéficitaire acquis : il fait partie des syndromes paranéoplasiques, comme signe non pas révélateur, mais aggravant. Enfin, les patients atteints de cancer présentent souvent, en fin d’évolution de la maladie, un hoquet responsable d’une gêne supplémentaire. Son traitement, encore trop souvent négligé, les soulage pourtant. L’efficacité de tous les médicaments qui ont pu être essayés contre le hoquet n’est pas garantie. Cependant, plusieurs règles sont à respecter : si un traitement correctement suivi pendant un mois ne provoque aucune amélioration, il est alors inutile de le poursuivre. En revanche, si l’amélioration peut être immédiate, elle est le plus souvent progressive. Le médicament ayant apporté les meilleurs résultats, en dehors du traitement étiologique, semble être le baclofène (Lioresal®), un traitement dont les effets secondaires ne sont pas rares (fatigue, somnolence ou nausées). J.B. Lorsque rien ne marche, consultations anti-hoquet à Paris : – hôpital Saint-Antoine : 01 49 28 23 87 ; – hôpital de la Salpêtrière : 01 42 17 66 84 ; – hôpital Saint-Joseph : 01 44 12 33 87 ; – SOS hoquet : 01 42 17 67 77. RÉFÉRENCES B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Bizec JL, Launois S, Bolgert F et al. Le hoquet de l’adulte. Rev Mal Resp 1995 ; 12 : 219-29. 2. Bizec JL, Cabane J, Derenne JP et al. Hoquet de l’adulte. EMC Paris 25-498-A-10. 3. Cabane J, Desmet V. Derenne JP et al. Le hoquet chronique. Rev Med Interne 1992 ; 13 : 72-7. 4. Nouveau dictionnaire de médecine et chirurgie et de l’art vétérinaire. Paris 1772 ; 5 : 159. 5. Hippocrate. Les aphorismes. Les épidémies. Librairie de l’Académie royale de Médecine. Paris : JB Baillere, 1846. 6. Cabane J, Derenne JP. Le hoquet. Conc Med 1988 ; 110 : 2829-32. 7. Lance JW, Bassil GT. Familial intractable hicup relieved by baclofen. Lancet 1989 ; 2 : 276-7. Professions Santé Infirmier Infirmière - No 51 - décembre 2003 41