DOSSIER La conférence Jean Cohen et les JTA 2010 : les temps forts Quiz I. Sur quels critères juge-t-on de la qualité embryonnaire à J3 ? ➊ Nombre de cellules. ➋ Pourcentage de fragments. ➌ Régularité des cellules. ➍ Précocité du clivage. ➎ Cinétique d’évolution de J2 à J3. II. Dans quelles circonstances les chances d’implantation sont augmentées ? ➊ Muqueuse supérieure ou égale à 10 mm. ➋ Transfert d’au moins deux embryons quel que soit l’âge. ➌ Cathéter rigide. ➍ Transfert sous échoguidage. ➎ Muqueuse triple couche le jour de l’hCG. III. Chez une femme de 25 ans, qui a obtenu 5 embryons à J3, que faitesvous pour lui donner toutes les chances de réussite ? ➊ Vous en transférez 2 et en congelez 3. ➋ Vous préférez cultiver l'embryon jusqu'au stade de blastocyste et en transférez 1. ➌ Vous préférez congeler devant une muqueuse triple couche à 6 mm. ➍ Vous effectuez un cathétérisme d’essai avant transfert. ➎ Vous choisissez un embryon qui est passé de 5 à 6 cellules de J2 à J3 mais régulier sans fragment plutôt qu’un embryon à 8 cellules mais régulier avec quelques fragments. Réponses : I : 1, 2, 3, 4, 5 ; II : 1, 4, 5 ; III : 2. * Service de gynécologie obstétrique, SIHCUS (CMCO), 19, rue Louis-Pasteur, BP 4120, 67303 Schiltigheim. Comment améliorer l'implantation embryonnaire How improve human embryo implantation? C. Rongières*, C. Wittemer* La qualité embryonnaire Le développement embryonnaire ◆◆ Quelques données fondamentales La fécondation in vitro (FIV) et l’injection d'un spermatozoïde dans l'ovocyte (intracytoplasmic sperm injection [ICSI]) sont deux techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP) pour lesquelles la fécondation de l’ovocyte par le spermatozoïde a lieu in vitro et les premières étapes du développement de l’œuf fécondé au blastocyste peuvent être suivies de visu. ➤➤ Entre 12 et 18 heures après la mise en contact des gamètes, la fécondation se traduit par la présence au sein de l’ovocyte de deux pronuclei : les pronoyaux mâle et femelle, l’ovocyte fécondé est alors appelé "zygote". Les deux pronoyaux migrent l’un vers l’autre en direction du centre de l’œuf. Lorsqu’ils sont au contact l’un de l’autre (caryogamie), les chromosomes s’individualisent, un fuseau de division se met en place. Les enveloppes des pronoyaux sont détruites et les chromosomes viennent se placer autour de la plaque équatoriale métaphasique. L’assemblage des matériaux génétiques maternels et paternels marque la fin de la fécondation et le début du développement embryonnaire. ➤➤ Le clivage : l’œuf fécondé se divise par mitoses successives en cellules dont la taille diminue progressivement, ce sont les blastomères. Environ 48 heures après la rencontre des gamètes, l’embryon humain comporte généralement entre 2 et 4 blastomères. La segmentation ou clivage se poursuit, 72 heures après la mise en contact ovocyte-spermatozoïde, l’embryon présente 6 à 8 cellules. À partir de 4 cellules, la transcription du génome embryonnaire commence. 20 | La Lettre du Gynécologue • n° 355 - octobre 2010 ➤➤ Entre le 4e et le 5e jour, les blastomères périphériques établissent entre eux des contacts étroits, c’est la compaction ; l’embryon est alors appelé "morula". ➤➤ Le blastocyste se forme entre le 5e et le 6e jour : les blastomères les plus périphériques s’aplatissent pour former une couche continue, c'est le trophoblaste ou trophectoderme, une infiltration de liquide provoque la formation d’une cavité, le blastocèle. Les blastomères internes sont alors regroupés en un massif rattaché au trophoblaste, ce qui constitue le bouton embryonnaire ou masse cellulaire interne. Le stade blastocyste est le dernier stade embryonnaire observable in vitro. En effet, l’étape suivante s’effectue in utero : c’est l’éclosion du blastocyste de sa zone pellucide et sa nidation dans l’utérus. Les techniques de FIV et d'ICSI permettent d’obtenir plusieurs embryons au cours d’un même cycle. Un compromis doit sans cesse être trouvé entre l’optimisation du taux de grossesses initiées par transfert et la minimalisation du taux de grossesses multiples. C’est pourquoi le choix des embryons transférés est très important pour réimplanter le moins d’embryons possible ayant le maximum de chances d’implantation. L’estimation de la qualité embryonnaire se fait aux différents stades de développement. Le stade zygote ◆◆ Évaluation de la qualité Au stade zygote, les génomes originaires des deux gamètes sont encore physiquement séparés dans leurs pronoyaux respectifs. De nombreuses transformations morphologiques interviennent pendant le développement des zygotes humains dont certaines sont visualisables par une simple observation microscopique. Parmi ces transformations, la croissance et la fusion des nucléoles (nucleolar precursor bodies [PNB]) présentent une cinétique bien connue qui fait Résumé On aurait pu imaginer que le transfert d’un embryon dans un utérus préparé permettrait une implantation quasi systématique. Malheureusement, il n’en va pas de la sorte, et, depuis les débuts de l’assistance médicale à la procréation, l’amélioration de l’implantation est au centre des recherches. De multiples éléments sont impliqués dans cet événement pivot. La qualité de l’embryon transféré, la qualité de la muqueuse qui l’accueille et la qualité du transfert lui-même, geste assez simple, rapide et pourtant crucial. D’autres éléments en amont ou en aval sont également concernés. Cependant, ce sont ces trois sujets qui seront développés. des PNB des candidats idéaux pour une évaluation morphologique de la qualité des zygotes. Plusieurs types de classification des zygotes ont été proposés (1-3). La classification de Tesarik semble particulièrement intéressante, elle montre une relation entre le modèle morphologique du zygote, l’arrêt ultérieur de développement de l’embryon et les chances d’implantation de l’embryon. Une étude préliminaire menée dans notre laboratoire montre que les zygotes classés "normaux" selon les critères de Tesarik ont 3 fois plus de chances de s’implanter après transfert in utero que les zygotes des autres classes (4). ◆◆ Stratégies de transfert Quelques études ont été menées au cours desquelles les embryons étaient replacés au stade de zygote. Le replacement a été fait soit dans la trompe par le pavillon, c’est le (Zygote Intra-fallopian Transfer [ZIFT])[5], méthode justifiée par l’hypothèse que le transfert dans la trompe au stade zygote est plus proche des conditions physiologiques, mais la nécessité d’avoir recours à une cœlioscopie pour placer les embryons représentait une contrainte importante qui a amené à quasiment abandonner cette technique. Le replacement a également été réalisé dans l’utérus, c’est le PROST (pronucleated stage transfer). Cette technique n’est plus guère utilisée à l’heure actuelle. Stades clivés ◆◆ Clivage précoce à 24 heures L’observation d’un clivage embryonnaire précoce (24 à 26 heures après l’insémination/injection) traduit une bonne qualité embryonnaire se traduisant par un meilleur taux d’obtention de blastocystes et d’implantation (6). ◆◆ Évaluation de la qualité En ce qui concerne les embryons clivés 48 heures après la mise en contact des gamètes, l’appréciation de la qualité repose sur une approche morphologique fondée sur deux critères : le nombre de blastomères présents (idéalement entre 2 et 4) et la présence de fragments cytoplasmiques. Plusieurs classifications plus ou moins compliquées ont été proposées ; la plus couramment utilisée distingue 5 classes d’embryon (7) : – classe A ou 1 : embryon présentant des blastomères de taille égale sans fragments ; – classe B ou 2 : embryon présentant des blastomères de taille égale, présence d’une quantité peu importante de fragments ; – classe C ou 3 : embryon présentant des blastomères de taille inégale, peu ou pas de fragments ; – classe D ou 4 : embryon présentant des blastomères de taille égale ou inégale, présence d’une quantité importante de fragments ; – classe E ou 5 : embryon présentant peu de blastomères, fragmentation très importante ou complète. Utilisée depuis de nombreuses années, cette classification ne permet qu’une estimation grossière de la qualité embryonnaire. Les embryons ayant des blastomères de taille égale et présentant peu ou pas de fragmentation ont plus de chances de s’implanter que les autres types d’embryons ! En ce qui concerne les embryons clivés 72 heures après la mise en contact des gamètes, l’appréciation de la qualité repose sur une double approche : l’appréciation morphologique décrite ci-dessus et celle de la cinétique du développement embryonnaire. Pour évaluer cette cinétique, les embryons au stade zygote sont cultivés de façon individuelle, identifiés et observés chaque jour. Ainsi, la cinétique idéale de développement pour un embryon est de passer de 2 pronoyaux à 18 heures à 2 à 4 blastomères à 48 heures et 6 à 8 blastomères à 72 heures. Cette observation répétée permet de repérer les embryons ayant arrêté leur développement, et qui ne seront donc pas transférés. L’addition de ces deux paramètres d’évaluation de la qualité embryonnaire, morphologie plus cinétique, constitue une aide appréciable dans le choix des embryons à transférer et a permis d’améliorer les taux d’implantation embryonnaire (8). L’éclosion embryonnaire assistée (assisted hatching), c’est-à-dire la sortie de l’embryon au stade blastocyste de sa zone pellucide, est un phénomène tout à fait capital pour qu’il y ait implantation embryonnaire. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour tenter d’expliquer les échecs répétés d’implantation chez certains couples en AMP. Une explication pourrait être une anomalie de l’éclosion due à un épaississement de la zone pellucide de l’embryon cultivé in vitro. Mots-clés Implantation embryonnaire Transfert d’embryons Qualité endométriale Keywords Embryos implantation Embryos transfer Endometrium quality Références bibliographiques 1. Payne D, Flaherty S, Barry M, Matthews C. Preliminary observations on polar body extrusion and pronuclear formation in human oocytes using time-lapse video cinematography. Hum Reprod 1997;12:532-41. 2. Scott L, Smith S. The successful use of pronuclear embryos transfers the day following oocyte retrieval. Hum Reprod 1998;13:1003-13. 3. Tesarik J, Greco E. The probability of abnormal preimplantation development can be predicted by a single static observation on pronuclear stage morphology. Hum Reprod 1999;14:1318-23. 4. Wittemer C, Bettahar-Lebugle K, Ohl J, Rongières C, Nisand I, Gerlinger P. Zygote evaluation: an efficient tool for embryo selection. Hum Reprod 2000;15:2591-7. 5. Devroey P, Staessen C, Camus M, De Grauwe E, Wisanto A, Van Steirteghem A. Zygote intrafallopian transfer as a successful treatment for unexplained infertility. Fertil Steril 1989;2:246-9. 6. Terriou P, Giorgetti C, Hans Z et al. Comment améliorer nos résultats en AMP ? La France est-elle en retard ? Stratégie de transfert de l'embryon unique : la place du choix de l'embryon et de la congélation embryonnaire. Gynecol Obstet Fertil 2006;34:786-92. La Lettre du Gynécologue • n° 355 octobre 2010 | 21 DOSSIER La conférence Jean Cohen et les JTA 2010 : les temps forts Références bibliographiques 7. Veeck L. Atlas of the human oocyte and early conceptus. Williams & Wilkins editors, 1991. 8. Dawson K, Conaghan J, Ostera G, Winston R, Hardy K. Delaying transfer to the third day post-insemination, to select non-arrested embryos, increases development to the fetal heart stage. Hum Reprod 1995;10:177-82. 9. Dokras A, Ross C, Gosden B, Sargent I, Barlow D. Micromanipulation of human embryos to assist hatching. Fertil Steril 1994;61:51420. 10. Liu H, Cohen J, Alikani M, Noyes N, Rosenwaks Z. Assisted hatching facilitates earlier implantation. Fertil Steril 1993;60:871-5. 11. Antinori S, Panci C, Selman H. Zona thinning with the use of laser: a new approach to assisted hatching in humans. Hum Reprod 1996;11:590-4. 12. Lee D, Lee J, Yoon H, Lee H, Kim M, Roh S. The supplementation of culture medium with protease improves the hatching rate of mouse embryos. Hum Reprod 1997;12:2493-8. 13. Rufas-Sapir O, Stein A, Orvieto R et al. Is assisted hatching beneficial in patients with recurrent implantation failures? Clin Exp Obstet Gynecol 2004;31:110. 14. Primi MP, Senn A, Montag M et al. A European multicentre prospective randomized study to assess the use of assisted hatching with a diode laser and the benefit of an immunosuppressive/antibiotic treatment in different patient populations. Hum Reprod 2004;19:2325-33. 15. Moser M, Ebner T, Sommergruber M et al. Laser-assisted zona pellucida thinning prior to routine ICSI. Hum Reprod 2004;19:573-8. 16. Das S, Blake D, Farquhar C, Seif MM. Assisted hatching on assisted conception (IVF and ICSI). Cochrane Database Syst Rev 2009; (2):CD001894. 17. Leme Alves da Motta E, Alegretti J, Baracat E, Olive D, Serafini P. High implantation and pregnancy rates with transfer of human blastocysts developed in preimplantation stage one and blastocyst media. Fertil Steril 1998;70:659-63. 18. Ménézo Y, Hazout A, Dumont M. Co-culture of embryos on Vero cells and transfer of blastocysts in humans. Hum Reprod 1992;7:101-6. 19. Tsirigotis M. Blastocyst stage transfer: pittfalls and benefits. Too soon to abandon current practice? Hum Reprod 1998;13:3285-9. 20. Gardner D, Schoolcraft W. No longer neglected: the human blastocyst. Hum Reprod 1998;13:328992. Pour surmonter cette difficulté une technique dite d'éclosion assistée a été proposée. Elle consiste à créer une brèche dans la zone pellucide de l’embryon de 72 heures, juste avant le transfert in utero pour faciliter l’éclosion ultérieure. La brèche peut être réalisée de plusieurs manières : par micromanipulation (9), en utilisant de l’acide tyrode (10), par l’action d’un rayon laser (11) ou par une action enzymatique (12). Un certain nombre d’études ont montré des résultats et des indications contradictoires. Une première étude prospective incluant 207 patientes montre que les résultats sont similaires dans les deux groupes dès lors que toutes les patientes sont réunies. En revanche, si on les classe par âge, la technique de l'éclosion assistée (hatching) serait nuisible chez les femmes de moins de 34 ans avec un taux de grossesses significativement moins bon (15 % versus 35 % ; p < 0,05) [13]. Une étude européenne multicentrique a voulu savoir si un traitement antibiotique et immunosuppresseur par corticoïdes améliorerait les résultats après hatching comparé au hatching sans traitement (14). Ce traitement serait intéressant chez des patientes qui ont eu des échecs répétés de grossesse après transfert de bonne qualité (1,6 % sans traitement versus 10,7 % avec versus 17,1 % des contrôles). Enfin, l’intérêt d’affiner la membrane pellucide à l’aide du laser afin de faciliter l’éclosion avant l’ICSI a été recherché. Les auteurs (15) ont comparé la méthode classique de l’ICSI à ce qu’ils appellent l’ICSI modifié par laser assisté. Sur 100 cycles et 1 016 ovocytes (méta II) et en randomisant les ovocytes d’une même patiente, ils ont trouvé un taux de dégénérescence moins important dans le groupe avec laser alors que les taux de fécondation et d’évolution embryonnaire étaient les mêmes. En transférant 2 embryons appartenant à la cohorte étudiée ou 1 embryon de chaque groupe (mixte) ou encore 2 embryons contrôles, les taux de grossesses cliniques et d’implantation à J3 sont supérieurs dans le groupe avec laser seul ou mixte (47,4 % et 27,3 % laser et 33,3 % et 17,5 % mixte versus 8,3 % et 9,1 % contrôle ; p < 0,039). Les taux de grossesses et d’implantation ne sont pas significativement différents dans la globalité des transferts (J3 et J5) avec, cependant, une tendance (42,4 % et 30,7 % laser et 41,3 % et 21,3 % mixte versus 23,8 % et 19,6 % contrôle) probablement liée au nombre de l’effectif. De très nombreuses études ont été réalisées pour tester l’éclosion embryonnaire assistée par ces différentes méthodes. Les résultats sont discutables et divergent d’une étude à l’autre. La récente mise au point faite par la Cochrane Database en 2009 (16) met en évidence une légère augmentation des taux de grossesses mais considère les résultats insuffisants pour pouvoir dire si le hatching a véritablement un intérêt. 22 | La Lettre du Gynécologue • n° 355 - octobre 2010 Stade blastocyste L’embryon clivé placé dans un milieu approprié peut poursuivre son développement jusqu’au stade de blastocyste caractérisé par la présence d’une cavité centrale, d’un bouton embryonnaire et d’une couronne de cellules périphériques. ◆◆ Évaluation de la qualité En fonction de l’aspect morphologique des différents éléments du blastocyste (taille de la cavité, nombre de cellules constituant le bouton embryonnaire, aspect festonné ou non des cellules périphériques), plusieurs classifications de blastocystes ont été proposées (17). Le blastocyste idéal doit présenter une vaste cavité occupant plus de 50 % du volume embryonnaire, les cellules périphériques doivent être aplaties et festonnées, le bouton embryonnaire doit être bien compact et présenter un nombre suffisant de cellules. Enfin, la zone pellucide doit être amincie et la taille globale de l’embryon augmentée. ◆◆ Mode d’obtention du blastocyste Depuis le début des années 1990, différents systèmes de culture ont été proposés pour le développement de l’embryon humain jusqu’au stade de blastocyste. Les premiers succès ont été obtenus en utilisant des systèmes de coculture au cours desquels les embryons humains étaient cultivés sur un tapis de cellules, celles-ci pouvant être de diverses origines (18). Cela indique l’adaptabilité de l’embryon humain à différentes conditions de culture. Mais malgré un bel aspect morphologique, les blastocystes ne sont pas égaux en capacité d’implantation, selon les conditions de culture, d’où les résultats très variables observés dans les nombreuses publications consacrées à ce sujet. Historiquement, les recherches sur l’embryon de mammifères in vitro ont montré que les conditions de culture qui favorisaient le clivage embryonnaire n’autorisaient pas le développement du blastocyste et vice versa. La mise au point de milieux séquentiels acellulaires, plus sûrs que les cocultures, a généré de grands espoirs qui, pour l’instant, ne se sont pas encore concrétisés (19-22). ◆◆ Intérêts et limites du transfert de blastocystes Théoriquement, le transfert d’embryons au stade de blastocyste présente plusieurs avantages : – éviter la présence prématurée d’embryons clivés dans la cavité utérine qui aurait des effets négatifs sur l’implantation ; – obtenir une meilleure synchronisation entre l’état DOSSIER de réceptivité de la muqueuse utérine et le stade embryonnaire (fenêtre d’implantation) ; – diminuer le taux de grossesses multiples en AMP en diminuant le nombre d’embryons transférés ; – sélectionner les embryons aptes à poursuivre leur développement jusqu’au stade de blastocyste. Le transfert d’embryons humains au stade de blastocyste n’est ni un concept ni une technique nouvelle. Réalisé par plusieurs équipes en routine par coculture depuis 1992, de bons résultats ont été obtenus, en particulier chez des patientes dites "mauvaises implanteuses", mais sans que l’on sache si le succès était dû à une meilleure sélection embryonnaire ou à un meilleur développement du fait de facteurs produits par les cellules cocultivées ou du fait d’une meilleure synchronisation utérus-embryon. Le système des cocultures, en particulier hétérologue, a été quasiment abandonné au profit des milieux séquentiels. Cependant, le transfert de blastocyste a aussi montré ses limites : la plus importante étant le taux réduit d’embryons clivés atteignant le stade blastocyste (40 à 50 % maximum), ce qui représente une perte importante d’embryons pour les couples. E.G. Papanicolaou et al. (23), dans une méta-analyse réalisée en 2008, montrent qu’il existe un meilleur taux de grossesses à J5 lorsque l'on transfère le même nombre d’embryons qu'à J3. La Cochrane Database en 2007 (24) avait montré une amélioration des taux de grossesses au stade blastocyste avec, effectivement, un taux significativement plus élevé d’annulation à J5 pour arrêt de développement embryonnaire. Une récente étude nantaise a établi un modèle permettant de prédire la réduction du risque d’absence d’évolution de J3 à J5 en prenant en compte, de façon indépendante, l’âge de la patiente, le taux de fécondation, le nombre d’embryons à 6-8 cellules à J3. Cette étude est à poursuivre si l’on veut pouvoir améliorer les chances d’implantation par le biais de la culture prolongée sans risquer d’annuler le cycle. Préparation de l’endomètre Qu’attend-t-on de l’endomètre au cours d’une stimulation de l’ovulation ? L’épaisseur endométriale semble être un critère nécessaire, certes insuffisant pour juger de la capacité d’implantation d’un embryon. Une épaisseur au moins égale à 7 mm devrait être exigée au moment du déclenchement (25). Dans une étude incluant 1 186 femmes infertiles, C. De Geyter et al. (26) comparent l’épaisseur de la muqueuse utérine en fonction de la réussite ou non du traitement (insémination intrautérine [IIU] ou FIV/ICSI). Les courbes sont strictement superposables avec une épaisseur moyenne de la muqueuse autour de 10 mm au moment du déclenchement de l’ovulation. Quand ils regardent les taux de grossesses en fonction de l’épaisseur endométriale, il ne semble pas que le degré d’épaisseur endométriale influence les résultats et cela quel que soit le traitement. En stratifiant les patientes par rapport à leur épaisseur endométriale, ils retrouvent des taux bas seulement pour des muqueuses très fines en IIU ou dans des protocoles courts en FIV. L’obtention de grossesses avec des muqueuses inférieures à 7 mm, voire à 4 mm, ne les incitent pas à recommander une annulation des cycles ou une congélation des embryons dans le but d’obtenir une muqueuse de meilleure qualité sur un autre cycle. Il est à noter qu’ils ont peu de patientes avec une muqueuse inférieure à 8 mm (161 patientes < 8 mm contre 1 414 patientes > 8 mm). A contrario, ils observent aussi moins de grossesses pour des patientes aux muqueuses supérieures à 11 mm, comme c’est classiquement décrit dans la littérature. H.D. Tsai et al. (27) sur 110 couples en IIU et F.I. Sharara et al. (28) sur 103 cycles en FIV concluent que l’épaisseur endométriale n’est pas prédictive de la réussite d’un cycle. En revanche, l’aspect endométrial est prédictif de l’obtention d’une grossesse et de façon significative chez Sharara. Donc l’aspect de l’endomètre paraît plus intéressant que son épaisseur. La description de sa transformation au cours de la stimulation de l’ovulation (29-31) définit un aspect en triple couche (ou grain de café) idéal au moment du déclenchement. Un aspect hyperéchogène au moment du déclenchement serait péjoratif. Les nombreuses études retrouvent à peu près ces résultats. R. Fanchin et al. (32) ont été plus loin, en montrant sur 121 femmes traitées que la précocité de l’échogénicité de l’endomètre est délétère et diminue considérablement les taux de grossesses. L’étude de l’échogénicité a été réalisée de façon objective par un système de digitalisation de l’image et du calcul des gris sur la plus épaisse surface de l’endomètre. Il ne s’agit donc pas, comme la plupart des études, de cotation à l’œil nu. Six groupes ont été ainsi définis (≤ 30 % d’hyperéchogénicité, 31-40 %, 41-50 %, 51-60 %, 61-70 % et > 70 %). L’épaisseur endométriale dans les six groupes n’étaient pas significativement différente (10,0 ± 0,1 mm). Les taux de grossesses cliniques sont respectivement de 59 %, 57 %, 35 %, 20 %, 16 % et 11 % (p < 0,001). Les auteurs concluent que Références bibliographiques 21. Desai N. The road to blastocyst transfer. Hum Reprod 1998;13:3292-4. 22. Quinn P. Blastocyst stage transfer: pittfalls and benefits. Some argument on the pro side. Hum Reprod 1998;13:3294-5. 23. Papanikolaou EG, Kolibianakis EM, Tournaye H et al. Live birth rates after transfer of equal number of blastocysts or cleavagestage embryos in IVF. A systematic review and meta-analysis. Hum Reprod 2008;23:91-9. 24. Blake DA, Farquhar CM, Johnson N, Proctor M. Cleavage stage versus blastocyst stage embryo transfer in assisted conception. Cochrane Database Syst Rev 2007;(4):CD002118. 25. Al-Ghamdi A, Coskun S, Al-Hassan S, Al-Rejjal R, Awartani K. The correlation between endometrial thickness and outcome of in vitro fertilization and embryo transfer (IVF-ET) outcome. Reprod Biol Endocrinol 2008;2;6:37. 26. De Geyter C, Schmitter M, De Geyter M, Nieschlag E, Holzgreve W, Schneider HPG. Prospective evaluation of the ultrasound appearace of the endometrium in a cohort of 1 186 infertile women Fertil Steril 2000;73:106-13. 27. Tsai HD, Chang CC, Hsieh YY, lee CC, Lo HY. Artificial insemination. Role of endometrial thickness and pattern, of pattern of vascular impedance of the spiral and uterine arteries, and of the dominant follicle. J Reprod Med 2000;4:195-200. 28. Sharara FI, Lim J, McClamrock HD. Endometrial pattern on the day of oocyte retrieval is mors predicitive of implantation success than the pattern or thickness on the day of hCG administration. J Assist Reprod Genet 1999;16:523-8. 29. Gonen Y, Casper RF. Prediction of implantation by the sonographic appearance of endometrium during controlled ovarian stimulation for in vitro fertilization (IVF). J In Vitro Fert Embryo Transfer 1990;7:146-52. 30. Bustillo M, Krysa LW, Coulam CB. Uterine receptivity in an oocyte donation programme. Hum Reprod 1995;10:442-5. 31. Detti L, Yelian FD, Kruger ML, Diamond MP, Puscheck EE. Endometrial thickness dynamics and morphologic characteristics during pituitary downregulation with antagonists in assisted reproductive technology cycles. J Ultrasound Med 2008;27:1591-6. La Lettre du Gynécologue • n° 355 octobre 2010 | 23 DOSSIER La conférence Jean Cohen et les JTA 2010 : les temps forts la précocité de différentiation de l’endomètre est délétère pour l’implantation. Ils préconisent soit une congélation des embryons, pour un transfert au cours d’un cycle mieux préparé, soit un traitement en fin de phase folliculaire par un antiprogestatif afin de retarder la transformation endométriale sous l’action de la progestérone. Il existerait une croissance propre à chaque patiente qui se révélerait de traitement en traitement (33). C’est probablement par ces facteurs intrinsèques qu’une amélioration individuelle de la préparation utérine serait envisageable. Quand bien même, une belle muqueuse est nécessaire, elle n'est pas suffisante à l’implantation, des facteurs locaux non maitrisés aujourd’hui sont en jeu (cytokines, facteurs de croissance…). Dans le cadre des transferts des embryons congelés, les traitements substitutifs se révèlent efficaces. À l’instar du don d’ovocytes, la préparation par estrogène naturel per os et progestérone micronisée est simple d’utilisation et permet des résultats excellents en termes de taux de grossesses. Dans un étude randomisée (34), l’apport d’agoniste du GnRH, chez des patientes qui ont encore des cycles, semblait un atout majeur dans l’amélioration des résultats en évitant des lutéinisations prématurées. L. Dessolle et al. (35), dans une étude rétrospective réalisée en 2009, ne retrouvent pas un avantage à ajouter des agnistes de la GnRH. Dans la Cochrane Database de 2008 (36) comparant le cycle substitué aux cycles naturel et stimulé, les auteurs ne retrouvent pas de réelles améliorations et pensent que les études sont insuffisantes pour conclure. Qualité du transfert Références bibliographiques Le soin apporté à la qualité du transfert joue un rôle important dans l’augmentation des taux de grossesses en AMP et depuis peu retrouve une place qui avait été négligée jusque-là. Cette qualité tient compte à la fois de l’expérience de l’expérimentateur (37, 38), du degré de difficulté du passage du col utérin, du lieu et du temps mis pour le transfert des embryons. Le choix du cathéter, en particulier d’un cathéter souple, améliore également les résultats en évitant de blesser la muqueuse utérine, mais on peut discuter ce concept dès lors que l’on transfère sous échographie (39). La présence de sang sur le cathéter, dehors ou dedans, diminue les taux de grossesses. Il est difficile de savoir si ce sang vient du col ou de l’endomètre, et les traumatismes du col sont les plus communs. Le transfert embryonnaire sous échographie avec une vessie semi pleine permettrait, selon de multiples études, d’améliorer les taux de grossesses en favorisant un passage du col facilité par le trajet visualisé (40). L’importance de la profondeur du replacement des embryons a été étudiée par une équipe espagnole sur une étude prospective randomisée. Les taux d’implantation étaient supérieurs quand le transfert s’effectue entre au moins 10 mm du fond et ne dépasse pas 20 mm. Ces résultats confortent le fait que la visualisation de l’arrivée du cathéter dans l’utérus, ainsi que la maîtrise de la profondeur du dépôt des embryons améliorent les résultats (41). Conclusion Dans l’état actuel de nos connaissances, chaque optimisation de nos techniques apporte un plus en taux d’implantation, que ce soit par le choix de l’embryon, la qualité du transfert ou le moment idéal du transfert. La protéomique étudiée, autant du côté endométriale que du côté embryonnaire, semble être très prometteuse pour déterminer la capacité d’implantation d’un embryon comme la réceptivité endométriale. Si les techniques sont encore complexes et coûteuses, elles devraient, dans les années à venir, changer radicalement les taux de réussite en AMP et peut-être même la procréation dans sa globalité. ■ 32. Fanchin R, Righini C, Ayoubi JM, Olivennes F, de Ziegler D, Frydman R. New look at endometrial echogenicity: objective computer-assisted measurements predicts endometrial receptivity in in vitro fertilization-embryo transfer. Fertil Steril 2000;74:274-81. 33. Scioscia M, Lamanna G, Lorusso F, Serrati G, Selvaggi LE, Depalo R. Characterization of endometrial growth in proliferative and early luteal phase in IVF cycles. Reprod Biomed Online 2009;18:73-8. pregnancy rate in the donor oocyte model: a multivariate analysis of 450 frozen-thawed embryo transfers. Hum Reprod 2009;24:3082-9. 34. El-Toukhy T, Taylor A, Khalaf Y et al. Pituitary suppression in ultrasound-monitored frozen embryo replacement cycles. A randomised study. Hum Reprod 2004;19(4):874-9. 38. Dessolle L, Fréour T, Barrière P et al. How soon can I be proficient in embryo transfer? Lessons from the cumulative summation test for learning curve (LC-CUSUM). Hum Reprod 2010;25(2):380-6. 35. Dessolle L, Daraï E, Cornet D et al. Determinants of 36. Ghobara T, Vandekerckhove P. Cycle regimens for frozen-thawed embryo transfer. Cochrane Database Syst Rev 2008;(1):CD003414. 37. Dessolle L, Fréour T, Barrière P et al. A cycle-based model to predict blastocyst transfer cancellation. Hum Reprod 2010;25(3):598-604. 24 | La Lettre du Gynécologue • n° 355 - octobre 2010 39. Aboulfotouh I, Abou-Setta AM, Khattab A, Mohsen IA, Askalani A, El-Din RE. Firm versus soft embryo transfer catheters under ultrasound guidance: does catheter choice really influence the pregnancy rates? Fertil Steril 2008;89:1261-2. 40. Abou-Setta AM, Mansour RT, Al-Inany HG, Aboulghar MM, Aboulghar MA, Serour GI. Among women undergoing embryo transfer, is the probability of pregnancy and live birth improved with ultrasound guidance over clinical touch alone? A systemic review and meta-analysis of prospective randomized trials. Fertil Steril 2007;88:333-41. 41. Tiras B, Polat M, Korucuoglu U, Zeyneloglu HB, Yarali H. Impact of embryo replacement depth on in vitro fertilization and embryo transfer outcomes. Fertil Steril 2009;94(4):1341-5.