Gérard Roland, Economie Politique Chapitre 22
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CHAPITRE 22
POLITIQUE ÉCONOMIQUE
1. DIFFÉRENTES ÉCOLES DE PENSÉE
C'est véritablement avec John Maynard Keynes que les économistes se sont intéressés
activement à la politique économique. Avant Keynes, la majorité des économistes était
favorable au "laisser-faire" et opposée à l'intervention économique de l’État, en pensant
que les lois du marché suffiraient à assurer un équilibre efficace. La grande dépression
des années ‘30 ébranla cette conviction et l'idée de Keynes selon laquelle une
intervention macro-économique de l’État était nécessaire pour relancer la demande,
acquit la conviction de la profession des économistes et des décideurs politiques.
L'instrument privilégié de la politique keynésienne est la politique fiscale, favorisant un
déficit public pour relancer la demande lorsque sa composante privée est insuffisante. Les
idées keynésiennes connurent leurs heures de gloire dans les années ‘50 et ‘60, et elles
furent appliquées activement par les gouvernements occidentaux. L'âge d'or de la
politique économique keynésienne fut sans doute la présidence de John F. Kennedy
une réduction des impôts permit de relancer l'économie. Les conseillers économiques du
Président Kennedy étaient tous grands partisans de la théorie keynésienne.
Au même moment, un courant de pensée très minoritaire se développa à l'Université de
Chicago autour de Milton Friedman. Friedman était opposé à l'intervention économique
de l’État et pensait qu'une politique fiscale pouvait souvent faire plus de tort que de bien.
En effet, la politique fiscale passe par le budget, décidé en général une fois par an. Il y a
des retards dans la collecte des statistiques et il est parfaitement possible qu'un budget
destiné à relancer l'économie intervienne à un moment la relance a déjà lieu, mais
les données statistiques ne sont pas encore disponibles. De même, une politique
d'austérité pourrait être décidée à un moment de dépression. La politique fiscale peut
donc être nuisible à cause des délais de décision. Le monétarisme met l'accent sur le rôle
de la monnaie dans la détermination de l'inflation à long terme et de la production à court
terme. Les monétaristes sont opposés à une politique économique discrétionnaire, mais
préfèrent une politique économique basée sur des règles, par exemple une règle
d'accroissement constant du stock monétaire chaque année. De même, les monétaristes
mettent plus l'accent sur la lutte contre l'inflation que sur la lutte contre le chômage. Le
succès des idées monétaristes et le discrédit des idées keynésiennes est intervenu au début
des années ‘70 lorsque l'inflation commençait à être un phénomène préoccupant dans les
économies de l'OCDE. Les politiques de relance menées après le premier choc pétrolier
eurent, en général, plus pour effet d'augmenter l'inflation que de relancer la production.
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On assista ainsi au phénomène de stagflation: une hausse du chômage qui va de pair avec
une hausse de l'inflation. On se mit à contrôler de beaucoup plus près l'évolution des
différents agrégats monétaires: M1, M2, M3,... A la fin des années ‘70, Paul Volker, un
monétariste convaincu, fut nommé à la tête du Federal Reserve Board, la Banque
Centrale Américaine. Il mena une politique de lutte contre l'inflation, développée au
cours de la présidence de Jimmy Carter, en réduisant fortement les agrégats de stock
monétaire. A titre d’illustration, le graphique ci-dessous illustre l’évolution des prix
pétroliers, de l’inflation et du chômage aux Etats-Unis sur la période 1965-1995.
La stagflation aux Etats-Unis
Source OCDE
Pendant les années ‘70, se développa un nouveau courant de pensée proche de Friedman
en matière de politique économique et qui en même temps révolutionna la science
économique et plus particulièrement la macro-économie. Il s'agit de la révolution des
anticipations rationnelles, dont le chef de file est Robert Lucas, de l'Université de
Chicago. Un autre économiste célèbre de cette tendance est Thomas Sargent, de la
Hoover Institution, en Californie. Du point de vue méthodologique, l'introduction des
anticipations rationnelles a complètement transformé la macro-économie moderne en
mettant beaucoup plus l'accent sur les erreurs d'anticipation, l'information et le caractère
intertemporel des problèmes macro-économiques. Du point de vue de la politique
économique, les économistes de cette tendance se considèrent comme des "nouveaux
classiques". Robert Lucas ou encore Robert Barro, de l'Université de Harvard,
revendiquent cette dénomination de "nouveaux classiques". La vision des nouveaux
classiques, tout en se raccrochant au libéralisme ancien, apporte une vision tout à fait
neuve du cycle économique. Précédemment, les économistes tendaient à considérer les
fluctuations économiques comme des ajustements à des déséquilibres, en supposant
0
5
10
15
20
25
30
35
40
Inflation (CPI) Taux de chômage Prix pétroliers
1974
9.4
6.6
12.2
1980
37.4
7.4
12.6
1965
3.0
4.1
1.8
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implicitement que l'équilibre macro-économique restait stable. Les "nouveaux
classiques", au contraire, considèrent que les fluctuations économiques ne sont rien
d'autres qu'une succession d'équilibres en réponse à des chocs de demande et des chocs
d'offre. En particulier, les "nouveaux classiques" postulent que tous les marchés sont en
équilibre. Si le cycle économique est constitué d'une succession d'équilibres sur tous les
marchés, alors il n'y a plus de place pour la politique économique. La seule place que l'on
reconnaît à la politique économique est de tromper les anticipations des agents
économiques, par exemple par de l'inflation surprise. Mais les effets positifs de l'inflation
surprise ne peuvent être que de court terme.
La branche la plus "dure" des "nouveaux classiques" est ce qu'on appelle la tendance
"Real Business Cycle" regroupée autour dEdward Prescott, de l'Université du
Minnesota. Les partisans des "Real Business Cycle" partagent la vision du cycle de
Lucas, mais se limitent à des chocs réels. Pour eux, des chocs nominaux, comme par
exemple une augmentation du stock monétaire, ne peuvent véritablement influencer
l'économie. C'est comme une bulle de savon qui éclate très rapidement. Ils attachent une
grande importance aux chocs sur l'offre, pensant que ceux-ci créent de la persistance
économique. Par exemple, une augmentation des coûts, un choc négatif sur l'offre,
entraîne une baisse de la production aujourd'hui, mais cette baisse de la production
aujourd'hui peut avoir des effets durables demain, notamment à cause de la baisse des
investissements.
Face à ces différents courants, il existe les nouveaux keynésiens qui continuent à former
la majorité de la profession. Les nouveaux keynésiens ont comme chef de file Mankiw,
de l'Université de Harvard, Joseph E. Stiglitz, de l'Université de Stanford, G. Akerlof, de
l'Université de Berkeley, et d'autres. Les nouveaux keynésiens reconnaissent les
innovations méthodologiques apportées par la théorie des anticipations rationnelles. Ils
diffèrent néanmoins des nouveaux classiques sur un point très important. Ils sont
convaincus des imperfections existantes sur le marché du travail et, en particulier, de la
rigidité des salaires à la baisse. Une partie importante de leurs recherches consiste à
expliquer cette rigidité des salaires à la baisse, comme par exemple par la théorie des
salaires d'efficience développée par Stiglitz. Plutôt que de mettre l'accent sur l'équilibre
de concurrence parfaite dans chaque secteur économique, les nouveaux keynésiens
mettent l'accent sur l'imperfection des marchés, non seulement le marché du travail, mais
également le marché des capitaux le rationnement du crédit joue un rôle important.
Les nouveaux keynésiens accordent une grande importance aux nouvelles idées
développées en micro-économie sur les asymétries informationnelles, la sélection adverse
et l'aléa moral.
Il existe également d'autres courants de pensée beaucoup plus minoritaires comme les
économistes radicaux aux USA, les économistes marxistes, les régulationnistes (une
école à dominante française influencée par Michel Aglietta et Robert Boyer), les
économistes post-keynésiens,...
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2. LA POLITIQUE FISCALE
Rappelons brièvement les trois hypothèses fondamentales qui soustendent les résultats
suivants :
1) Le pays est une petite économie ouverte
2) Mobilité parfaite des capitaux
3) Absence d’effet d’encaisses réelles
Dans cette section, nous allons voir les effets d'une augmentation des dépenses publiques
en économie fermée et en économie ouverte, en régime de changes fixes et flottants.
L'effet d'une réduction des dépenses publiques peut être analysée de façon symétrique.
2.1. La politique fiscale en économie fermée
Nous allons commencer par supposer une économie fermée pour voir l'effet des
variations des dépenses publiques sur le taux d'intérêt. Dans une économie ouverte, le
taux d'intérêt sera donné par le taux étranger.
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Graphique 22.1: LA POLITIQUE FISCALE EN ÉCONOMIE
FERMÉE: UNE AUGMENTATION DES
DÉPENSES PUBLIQUES
Y
Y0
Y2
Y1
P0=P1
Y
Yd’
Yd
Y0
Y2
Y1
E0
E2
E1
E0
E2
E1
P
i
IS
IS’
LM
LM’
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