Gestion des risques à l hôpital - Un classeur pharmacie dans

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Gestion des risques à l’hôpital
Un classeur pharmacie
dans chaque unité de soins
L’absence de consignes écrites relatives aux modalités
d’administration des médicaments injectables et à
leur compatibilité physico-chimique expose à plusieurs risques. C’est ce qui a conduit une équipe de
l’hôpital de la Croix-Rousse à mettre en place un programme d’assurance qualité comportant notamment
un « classeur pharmacie ».
n règle générale, en dehors
de la prescription médicale,
E
il n’existe pas, dans les unités de
© Garo/Phanie
soins, de consignes écrites relatives aux modalités d’administration des médicaments injectables. Cette absence de consignes écrites et largement diffusées est à l’origine d’anomalies
ou d’erreurs dans l’utilisation du
médicament.
Après la présentation d’un état des
lieux constitué d’anomalies ou
d’erreurs observées ou rapportées, un outil a été mis en place à
l’hôpital de la Croix-Rousse pour
prévenir les erreurs précédemment constatées. Les principes qui
ont guidé sa rédaction et sa stratégie d’implantation sont livrés ici.
État des lieux
L’état des lieux est constitué d’un
ensemble d’observations relevées
au fil du temps. Il n’a pas été
réalisé à partir d’une étude prospective à visée exhaustive.
Plusieurs anomalies ont été
recensées :
• recensement, sur une année,
de 30 modalités différentes (dose
et dilution) de préparation de
la ciclosporine administrée au
pousse-seringue dans les quatre
unités de soins concernées par
cette thérapeutique. Il est remarqué que les infirmières ne
sont pas sensibilisées à l’importance qu’il y a à noter l’heure de
prélèvement effectué pour le
dosage de ce médicament ;
• absence très fréquente de
l’utilisation du solvant citrate du
Pro-Dafalgan® et durée de perfusion dépassant 30 minutes ;
• erreur de calcul de débit d’un
pousse-seringue d’héparine après
l’arrêt de commercialisation de
l’héparine 333 ;
• dilution de l’Orthoclone OKT3®
dans des poches pour perfusion ;
• préparation, à l’avance, de
seringues de médicaments injectables et conservation de cellesci au réfrigérateur.
Par ailleurs, des discussions avec
les médecins sur l’administration
réitérée de nombreux médicaments chez les patients du Service
de réanimation, ont conduit à
évoquer le risque de colmatage
des cathéters dont l’origine est
parfois difficile à établir. Même si
les cathéters multilumières permettent de limiter le risque de
mélange de différents produits
dans la ligne de perfusion, ce risque persiste et pourrait être l’une
des causes de ces obstructions.
Grâce à ces observations, il est
apparu que :
– pour les médicaments administrés au pousse-seringue, il
est parfois difficile, voire impossible, de déterminer la dose réellement administrée à un patient,
et par conséquent aléatoire,
d’adapter la posologie ;
– il est possible que l’on administre par voie injectable un
ou des médicaments dans des
conditions qui ne sont pas validées, ou qui comportent un
risque de réaction chimique.
Dans les deux cas, l’efficacité et
l’innocuité ne peuvent pas être
garanties.
Conjointement à ces observations, des infirmières de réanimation ont adressé des demandes répétées de “protocoles
écrits” d’administration des associations antibiotiques prescrits dans leur service. Si la
prescription de chacun d’entre
eux est en général précise (dose,
volume de solvant, vitesse de
perfusion, etc.), l’organisation
temporelle de ces administrations dans une journée l’est
beaucoup moins : administration
simultanée ou administration
séparée ? délais entre l’administration de deux antibiotiques
différents ?
Par ailleurs, une analyse non
exhaustive de la littérature portant
sur les erreurs dans le domaine du
médicament montre que :
• médecins, pharmaciens et infirmières peuvent être à ●●●
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●●● l’origine d’une erreur dans
le circuit du médicament) ;
• une erreur se produit dans
22 % des cas à la pharmacie, et
dans 78 % des cas, dans l’unité
de soins ;
• il peut y avoir désaccord entre
dose prescrite et dose administrée
pour les médicaments injectés au
moyen d’un pousse-seringue.
Dans une étude d’une durée de
deux mois, Paton et Wallace ont
recensé 92 erreurs.
Il est à noter que mauvais débit,
mauvaise dose administrée, erreur
de posologie qui, à elles trois,
représentent 54 % des erreurs,
peuvent avoir pour origine une
erreur de calcul. Celle-ci est une
erreur communément commise
dans les pharmacies. Elle est aussi commise par les médecins et les
infirmières. Elle peut avoir pour
origine le calcul mental, la distraction, l’absence de vérification par
une tierce personne et la confusion entre nanogramme, microgramme ou milligramme. Ce type
d’erreur peut avoir des conséquences dramatiques.
Définition du classeur
Le classeur pharmacie est un
recueil de fiches précisant les
modalités de préparation et
d’administration des médicaments injectables. Il existe une
fiche par spécialité pharmaceutique. Ces fiches sont classées
par ordre alphabétique de nom
de spécialité.
Chacune de ces fiches contient
les informations suivantes :
– modalité de préparation et de
dissolution du produit injectable ;
– voies d’administration possibles ;
– durée de perfusion ;
– les médicaments qu’il est possible d’administrer simultanément dans la même tubulure.
Une préparation standardisée est
proposée pour les spécialités
devant être administrées au
moyen d’une pompe ou d’un
pousse-seringue, la fiche étant
complétée par une grille indi-
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quant la vitesse de perfusion en
fonction de la posologie prescrite. A l’ensemble de ces fiches a été
ajoutée la liste des spécialités destinées à la voie orale et l’alternative possible quand elle existe.
La structure de cette fiche a été
définie en collaboration avec les
infirmières. Elles ont demandé
une fiche par produit, facile à lire
et sans verso. Cette fiche a ensuite été présentée aux médecins.
Des principes ont guidé la rédaction de ces fiches :
– les mélanges dans un même
contenant sont proscrits ;
– il a été décidé de ne pas donner d’information sur la durée
de stabilité d’une solution après
reconstitution. En effet, les infirmières doivent administrer extemporanément les médicaments
préparés car les conditions de
préparation actuelles dans les
unités de soins ne permettent pas
de garantir une sécurité microbiologique absolue et par conséquent n’autorisent pas une
conservation de plusieurs heures
avant administration ;
– en ce qui concerne les modalités de préparation et d’administration, durée et vitesse de
perfusion, seules les mentions
légales ont été retenues ;
– lorsque l’information relative à
la compatibilité physicochimique
de plusieurs spécialités pharmaceutiques est manquante, la
recommandation est de ne pas les
administrer simultanément dans
une même tubulure.
Le classeur étant rédigé par le service pharmaceutique, il implique
la responsabilité des pharmaciens. C’est la raison pour laquelle figure, en bas de chaque
fiche, le nom des deux pharmaciens praticiens hospitaliers
rédacteurs. La rédaction initiale
de ces fiches a été assurée par un
pharmacien. Les premières vérifications ont été assurées par une
interne en pharmacie et un pharmacien. La première mise à jour
a été effectuée par une interne en
pharmacie et deux étudiants en
5e année hospitalo-universitaire.
Stratégie d’implantation
Chaque praticien permanent à
temps plein de l’établissement a
été informé par l’intermédiaire
d’un entretien au cours duquel
le contenu du classeur était présenté en détail. Le classeur pharmacie était alors mis à la disposition des infirmières avec l’accord
des médecins. Tous les médecins
consultés ont donné leur accord.
Une partie de l’introduction de ce
classeur fait un rappel sur le droit
de prescription des cliniciens et
sur leur responsabilité dans ce
domaine. Ainsi un médecin peut
être amené à prescrire l’administration d’un médicament dans
des conditions qui sont différentes de celles précisées dans
les mentions légales et donc dans
ces fiches. L’introduction rappelle
qu’ils en ont le droit et qu’ils en
assument la responsabilité. Ce
rappel est destiné à prévenir tout
différend portant sur les modalités d’administration des médicaments entre les infirmières et les
médecins, conflit dont l’origine
pourrait être ce classeur et les
pharmaciens les otages.
Les textes réglementaires relatifs
aux activités des infirmières précisent que ce sont elles qui sont
chargées de l’administration des
médicaments aux patients. Le
classeur pharmacie répond donc
à une demande du corps infirmier pour une administration des
médicaments dans des conditions optimales de sécurité.
C. Chauvet, G. Leboucher,
B. Charpiat, L. Mahoudo,
B. Decieux, M. Laisney,
M.T. Brandon
Service pharmaceutique.
J.M. Sab
Service de réanimation médicale.
Hôpital de la Croix-Rousse,
Hospices civils de Lyon.
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