Journal Identification = PNV Article Identification = 0503 Date: December 8, 2014 Time: 9:52 am
Évaluation de la mémoire épisodique des personnes âgées
peut citer, entre autres, une baisse de l’acuité visuelle voire
une cécité, une fatigabilité excessive, une langue mater-
nelle étrangère, une différence de culture, un manque de
scolarisation, un illettrisme et une diminution massive des
capacités attentionnelles. La recherche en neuropsycholo-
gie clinique a permis l’émergence, ces dernières années,
de tests d’évaluation de la mémoire épisodique visant à
contourner certaines de ces difficultés. Cependant, au sein
de la population gériatrique, ces problèmes se surajoutent
fréquemment et il n’est pas rare d’être confronté ainsi à
l’évaluation d’une personne malvoyante et ayant été très
peu scolarisée, ou de langue maternelle étrangère avec peu
de ressources attentionnelles.
Parmi les tests mnésiques fréquemment utilisés en cli-
nique, ceux présentant les items à encoder sur support
visuel, tels que le RL/RI 16 (Rappel libre/Rappel indicé 16
items) [2, 5, 6], le VAT (Visual association test) [7], le Doors
and people test [8], ou la DMS 48 (Delayed matching to
sample 48 items) [9], sont difficilement utilisables avec des
personnes âgées présentant un fort déficit visuel. On peut
alors utiliser une présentation auditive des items à mémori-
ser, telle que le test des 5 mots [10] ou le SRT-15 (Buschke
selective remainding test) [11]. Ce dernier n’est toutefois
pas adapté à des personnes âgées en raison de sa longueur
et du peu de soutien offert lors de l’encodage. La présen-
tation auditive d’items a toutefois le désavantage de devoir
utiliser un matériel surtout «verbal », qu’il est alors difficile
d’adapter à des personnes de langue maternelle étrangère
ou de culture différente. Par exemple, il apparaît problé-
matique de faire encoder correctement l’item «moine »
de la SRT-15 ou l’item «mimosa »du test des 5 mots
à une personne âgée de langue maternelle arabe, même
avec l’aide d’un traducteur. En effet, le terme «moine »ne
peut pas être traduit à l’identique en langue arabe. Le terme
«mimosa »peut être traduit, mais sa fréquence d’utilisation
dans la langue arabe n’est pas équivalente. Pour ces rai-
sons, la mémorisation d’items traduits n’est pas identique
à celle d’une personne âgée d’origine franc¸aise. De plus,
il a été montré que la présentation visuelle des informa-
tions augmente la probabilité de mémorisation [12-14], en
permettant un double encodage visuel et auditif par subvo-
calisation implicite [15] ce qui rend les tests à présentation
auditive plus difficiles que les tests à présentation visuelle.
Par ailleurs, outre le problème du déficit sensoriel,
les populations dont la culture et la langue maternelle
sont étrangères sont rarement prises en compte dans la
normalisation des tests. Sur ce point, Nasreddine et al.
[16] ont spécifié qu’il n’est généralement pas adapté de
faire une évaluation dans une langue qu’on ne maîtrise
pas, ni d’utiliser un interprète. Cela pose un réel pro-
blème dans l’évaluation de ces populations étant donné
que leur nombre augmente régulièrement depuis quelques
années. En effet, comme la population totale, la population
étrangère, toutes nationalités confondues, vieillit. Au recen-
sement de 1999, on comptait 3,25 millions d’étrangers
dont 537 000 sujets âgés de plus de 60 ans (soit 16,5 %
contre 11,4 % en 1990). En France, le vieillissement est sur-
tout marqué pour les populations originaires du Maghreb
[17]. Face au problème de l’évaluation de leurs capaci-
tés mnésiques, les pistes cliniques s’orientent vers les
tests utilisant un matériel visuel transculturel. En ce sens,
l’utilisation du VAT, de la DMS 48 et du Doors and people
test apporte une solution satisfaisante pour les évaluations
de personnes âgées étrangères qui ont été suffisamment
scolarisées. Toutefois, comme nous l’avons vu précédem-
ment, ces tests ne sont pas réalisables lorsqu’il existe des
problèmes visuels.
Concernant le problème que peut causer l’illettrisme
dans l’évaluation de la personne, Dessi et al. [18] notent
que la plupart des outils d’évaluation neuropsychologique
ont été validés dans des populations ayant été scolarisées
et font très souvent appel à un matériel verbal nécessitant
une bonne maîtrise de la langue. Afin d’être utilisés pour
le repérage des troubles cognitifs chez les sujets illettrés,
deux tests de mémoire épisodique sur images – le TNI93
et le TMA93 - [18] (Test des neuf images du 93 et Test de
mémoire associative du 93) ont été élaborés et testés au
sein d’une population multiculturelle ayant un faible niveau
d’éducation. Toutefois, ces tests utilisent également une
présentation visuelle des items qui n’est pas adaptée aux
personnes âgées présentant des troubles visuels.
Enfin, concernant les personnes âgées particulièrement
fatigables ou présentant une faiblesse des ressources
attentionnelles, un nombre important d’épreuves de
mémoire épisodique ne peut être utilisé en raison de leur
longueur. Pour ces personnes, l’utilisation d’un test court,
tel que le test des 5 mots ou la MIS [19], et/ou ludique
tel que la VAT, est privilégiée. Toutefois, ces épreuves ne
sont pas entièrement satisfaisantes de par le faible nombre
d’items qui doivent être mémorisés. De plus, même si
la VAT est couramment utilisée dans la pratique clinique
en gériatrie, elle ne bénéficie malheureusement pas de
normes en langue franc¸aise.
En résumé, pour une part importante de la population
gériatrique, la plupart des tests de mémoire épiso-
dique nécessitent une adaptation particulière ou bien ne
peuvent tout simplement pas être administrés. La difficulté
commune de la passation de ces tests repose sur le fait que
le clinicien impose les items à mémoriser. Cela implique,
pour la personne qui répond au test, une certaine capacité
sensorielle et attentionnelle d’encodage des informations
et une connaissance scolaire et culturelle particulière des
Ger Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 12, n ◦4, décembre 2014 441
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