Q U E S T I O N S D E S P O R T Douleur postérieure lors de l’armé du bras chez un handballeur ● P. Le Goux*, X. Chevalier** Un handballeur de 25 ans, bon joueur amateur de club, ressent une douleur à la partie postérieure de l’épaule lorsqu’il amène son bras en arrière en position d’armé pour shooter au but. ✂ ➤ Vous suspectez un conflit glénoïdien postéro-supérieur. À quoi correspond ce conflit ? Chronologiquement, ce conflit a fait l’objet d’un démembrement après le classique conflit sous-acromial décrit par Neer en 1972. À l’origine, il a été mis en évidence en 1977 par Lombardo, qui a observé des lésions postérieures de la glène chez des joueurs professionConflit postéro-supérieur. nels de base-ball subissant une intervention chirurgicale en raison d’une gêne douloureuse située au niveau de l’épaule lors de leur activité sportive. En 1985, Andrews rapportait des lésions de rupture partielle de la face profonde du tendon supra-épineux, situées sur le versant articulaire de la coiffe, et attribuait ces lésions à des sollicitations excessives et répétées lors des mouvements de lancer. Walch, en 1991, a introduit le concept de conflit postéro-supérieur, intra-articulaire, par opposition au conflit sous-acromial, extraarticulaire. Ainsi, ce conflit glénoïdien postéro-supérieur se produit entre la face profonde des tendons de la coiffe (supra-épineux, infra-épineux) et le bord postérieur de la glène, lorsque le bras est en position d’armé en abduction et rotation externe. Il doit être considéré, en premier lieu, comme un contact physiologique qui devient pathogène (conflit entre l’insertion trochitérienne du supraépineux et le rebord glénoïdien postéro-supérieur) et peut être source de lésions du fait de mouvements d’armé répétitifs et violents ; il doit être connu comme une cause possible d’épaule douloureuse chronique dans tout sport de lancer (javelot, volley, tennis, handball, etc.). * Rhumatologue, médecin de la FFT, consultant de l’INSEP, attaché à l’hôpital Ambroise-Paré, Boulogne. ** Chef du service de rhumatologie, hôpital Henri-Mondor, Créteil. La Lettre du Rhumatologue - n° 315 - octobre 2005 ➤ Comment en faire cliniquement le diagnostic ? Le diagnostic de conflit glénoïdien postéro-supérieur concerne des adultes jeunes, entre 15 et 40 ans, aussi bien des sportifs de lancer de compétition de haut niveau que des amateurs de bon niveau, comme c’est le cas ici pour ce handballeur qui possède un geste d’armé suffisamment puissant lors des shoots pour provoquer des lésions. Cliniquement, la douleur est située de façon précise à la face postérieure de l’épaule, et reproduite par la position d’armé. Elle peut irradier dans le bras, mais cela est plus classique dans un conflit antéro-supérieur ou une tendinopathie du supra-épineux ou du long biceps. Un examen complet de la coiffe (test de Jobe, palm-up test, lift of test, test de rotation externe isométrique) est nécessaire, ainsi que la recherche des signes de conflit sousacromial (tests de Neer, Hawkins et Yocum), dans la mesure où ces pathologies peuvent s’associer ou s’imbriquer. Les tests de coiffe peuvent être positifs selon le degré de conflit du bourrelet postéro-supérieur avec la partie profonde de la coiffe (supra-épineux et infra-épineux), mais l’important est de palper le point douloureux à la partie postérieure de la glène en position d’armé, pour affirmer le conflit postéro-supérieur. Devant une douleur de la face postérieure de l’épaule, il faut éliminer chez un sportif de lancer une pathologie neurologique microtraumatique et apprécier, en particulier, la force musculaire du plan postérieur de la scapula (force musculaire en abduction et en rotation externe pour le nerf sus-scapulaire, et test des pompes pour le nerf grand dentelé). Un EMG peut être demandé. Par ailleurs, lors de l’examen des amplitudes articulaires, il n’est pas rare de constater une épaule hyperlaxe avec rotation externe augmentée du côté dominant, dans un sport qui met en jeu l’armé. Sur un plan dynamique, cette douleur du conflit postéro-supérieur à l’armé peut être soulagée par le “relocation test”, test majeur dans la pathologie du bourrelet glénoïdien et dans les épaules douloureuses avec instabilité antérieure. Le relocation test est pratiqué sur le sujet installé en décubitus dorsal, en partant d’une position douloureuse de stress, bras en abduction et rotation externe forcée qui reproduit la douleur, soit dans le cadre d’une instabilité antérieure, soit dans un conflit postérieur. La pression antérieure sur la tête humérale, en réduisant la subluxation antérieure de celle-ci ou en la subluxant en arrière, permet alors de supprimer le conflit Relocation test. 39 Q U E S T I O N S D E S P O R T postérieur et de soulager le patient. En pratique, on pourrait se contenter d’utiliser un test équivalent d’appréhension à l’armé, le sujet étant assis, mais on observe mieux la réaction du patient lorsqu’il est allongé. L ’ E S S E N T I E L Toute douleur lors de l’armé du bras (bras en abduction et rotation externe forcée) doit faire évoquer la possibilité de conflit glénoïdien postéro-supérieur (conflit intra-articulaire entre tendons de la coiffe et glène postérieure). ❏ Il survient plus volontiers chez des jeunes sportifs (15-40 ans). ❏ Le diagnostic est clinique. – La douleur est située à la face postérieure de l’épaule. – Il faut rechercher des signes associés de souffrance de la coiffe et éliminer une atteinte neurologique microtraumatique. – Le test de relocation, en particulier, est un bon élément d’orientation. ❏ L’imagerie est dans l’ensemble peu contributive. Elle n’est indiquée qu’en cas d’échec du traitement médical, avant décision chirurgicale. ❏ Le traitement repose sur l’arrêt de l’activité sportive (un mois) et la prise en charge par rééducation spécifique. La reprise du sport ne s’envisage qu’au-delà du deuxième mois. ❏ La chirurgie de débridement et de nettoyage des lésions labrales n’est discutée qu’après échec de la rééducation et avis d’un chirurgien spécialisé dans la chirurgie de l’épaule. ❏ ➤ Comment confirmer ce diagnostic ? Le diagnostic est essentiellement clinique et, dans bon nombre de cas, les examens complémentaires ne sont pas contributifs. ✓ La radio standard avec le profil glénoïdien comparatif montre parfois des lésions minimes de la berge postérieure de la glène. Souvent normale, elle peut être complétée en première intention par une échographie de la coiffe, à la recherche de lésions sur son versant articulaire. D’autres examens seront demandés si l’évolution n’est pas favorable sous traitement médical : ✓ L’arthroscanner (voire l’arthroIRM) peut montrer des aspects variables mais non spécifiques du bourrelet postérieur ou supérieur. On peut retrouver des anomalies osseuses de la glène. ✓ L’IRM ou l’arthroscanner recherchent une rupture partielle de la face profonde des tendons supra- et infra-épineux. L’IRM peut être demandée en position d’abduction-rotation externe et révéler le contact entre le tendon plus ou moins lésé et la berge postérosupérieure de la glène. ➤ Quel traitement ? Aucun ? Rééducation ? Chirurgie sous arthroscopie ? Dans un premier temps, la mise au repos sportif est nécessaire pendant une période de un mois, en évitant tout geste d’élévation en abduction-rétropulsion. La physiothérapie antalgique peut être efficace si elle est associée au repos. La rééducation spécifique du conflit glénoïdien postéro-supérieur, dont l’intérêt est évident, doit être : ✓ envisagée dès la phase de repos, avec le renforcement concentrique (renforcement contre résistance en course interne) et excentrique (renforcement en course externe) des muscles rotateurs de la coiffe, dans une position infra-douloureuse et non conflictuelle ; ✓ puis poursuivie par un travail ajusté de type proprioceptif visà-vis du positionnement et du recentrage de la tête humérale lors du geste de l’armé, qui sera ainsi “reprogrammé” afin d’être moins traumatisant ; ✓ et complétée par un indispensable travail de stabilisation et de fixation de l’omoplate, ainsi que de renforcement du plan postérieur de la scapula (muscles grand dentelé et rhomboïde). En cas d’échec de la rééducation, d’une durée de trois mois au minimum, et devant un conflit objectivé résistant au traitement médical bien conduit (les infiltrations sont difficiles à réaliser en position de conflit), un traitement chirurgical sous arthroscopie peut être envisagé chez certains patients. La chirurgie arthroscopique consiste alors, selon l’importance des lésions de la coiffe et l’état du bourrelet glénoïdien, en un débridement et un nettoyage des lésions tendineuses et labrales. En cas de désinsertion du bourrelet, le bord postéro-supérieur de la glène est avivé (il s’agit de lésions cartilagineuses ou osseuses par conflit et impaction, sans notion d’instabilité postérieure de la tête humérale). ➤ Quel délai avant la reprise d’une activité sportive ? Après un traitement reposant sur le repos sportif et une rééducation, on peut proposer une reprise du sport après deux à trois mois. En cas de chirurgie sous arthroscopie, la reprise du sport est à envisager après trois mois et le niveau sportif antérieur peut être retrouvé à six mois. On émettra cependant certaines réserves quant aux résultats du débridement arthroscopique dans le cadre du conflit glénoïdien postéro-supérieur (résultats satisfaisants dans environ un cas sur deux), ce qui incite à une certaine prudence avant de faire opérer un sportif. Rééducation proprioceptive. 40 ❏ Walch G. Un sport, un geste, une pathologie – Phase de préparation du service au tennis et conflit postéro-supérieur. 18e Journée de traumatologie du sport de la Pitié-Salpêtrière. Paris : Éd. Masson, 2000, 18-28. ❏ Riand N, Boulahia A, Walch G. Conflit postéro-supérieur de l’épaule chez le sportif : résultats du débridement arthroscopique – à propos de 75 cas. Rev Chir Orthop 2002;88:19-27. La Lettre du Rhumatologue - n° 315 - octobre 2005 ✂ Bibliographie