revue Virologie 2006, 10 : 167-78 Les interférons de type I Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. S. Delhaye S. Paul C. Sommereyns V. Van Pesch T. Michiels Université catholique de Louvain et Institut Christian de Duve de pathologie cellulaire, Unité Mipa-Viro 74-49, 74 av. Hippocrate, B-1200, Bruxelles <[email protected]> Résumé. Les interférons (IFN) de type I, également connus sous l’appellation « IFNa/b », sont des cytokines munies d’une puissante activité protectrice contre les infections virales. Ces cytokines exercent en outre une activité antiproliférative et immunomodulatrice. Elles sont à ces titres utilisées dans le traitement de l’hépatite C, de certains cancers ou de la sclérose en plaques. Les interférons de type I forment une vaste famille de cytokines comprenant les IFNa, b, e/s, j, ainsi que l’INFx chez l’homme et la limitine (chez la souris). Leur expression est typiquement induite par l’infection virale. Les cellules utilisent des hélicases intracellulaires et certains récepteurs toll-like endosomiaux comme senseurs pour déceler les infections virales intracellulaires et exogènes. L’activation de ces senseurs induit une cascade de transduction du signal qui aboutit à l’expression et à la sécrétion des interférons. En se liant à un récepteur unique exprimé sur la majorité des cellules de l’organisme, les interférons activent la transcription de nombreux gènes codant des protéines impliquées dans la résistance aux infections virales ou modulant la réponse immunitaire. L’action antivirale des interférons est à ce point puissante que la majorité (sinon la totalité) des virus a développé des stratégies d’évasion à la réponse IFN de l’hôte. Mots clés : interféron de type I, virus, défense antivirale, immunité innée, récepteur Toll-like Abstract. Type I interferons (IFNa/b) form a family of related cytokines that include INFa, b, e/s, j, x (human) and limitin (mouse). These cytokines exert a potent antiviral activity, control cell proliferation and modulate the immune response. They are used in the fight against viral infections, tumors, and multiple sclerosis. Expression of IFNs is typically induced by viral infections. Cells express cytoplasmic helicases as well as endosomial toll-like receptors acting as sensors to detect endogenous and exogenous viral infections, respectively. Signal transduction from these sensors induces the transcription of IFN genes. IFNs are secreted and bind to a cell surface receptor expressed by most cells of the organism. Upon receptor binding, IFNs induce the transcription of hundreds of genes whose products exert antiviral, antiproliferative and immunomodulatory functions. Antiviral activity of IFNs is so potent that most (if not all) viruses developed strategies to antagonize the IFN response. Key words: type I interferon, virus, antiviral defence, innate immunity, Tolllike receptor Alors que l’on s’apprête à fêter le 50e anniversaire de la découverte des interférons (IFN), ces cytokines font l’objet d’un vif regain d’attention au vu de leur importance cruciale dans la défense de l’organisme contre les virus et de Tirés à part : T. Michiels Virologie, Vol. 10, n° 3, mai-juin 2006 leur influence sur de multiples facettes de la réponse immunitaire innée et adaptative. La découverte des interférons (IFN) de type I (appelés aussi IFNa/b) remonte à 1957. Isaacs et Lindenmann observent alors que, au contact du virus de la grippe, les cellules produisent une substance capable de protéger les cellules avoisinantes de l’infection 167 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. revue par ce virus [1]. Cet effet protecteur des IFN est impressionnant puisqu’il peut rendre asymptomatique, ou presque, une infection qui s’avérerait mortelle en l’absence d’interféron. Les travaux pionniers de Otto Haller et Jean Lindenmann ont révélé que la résistance des souris au virus de la grippe, induite par l’interféron, était due à l’activation d’une famille de gènes appelés Mx [2]. Les gènes Mx ne sont pas les seuls gènes induits par les interférons. Il en existe plus de 200. Ces gènes codent pour des protéines impliquées dans la résistance aux infections virales, le contrôle de la réponse immunitaire acquise, le cycle cellulaire et de multiples autres fonctions dont beaucoup restent à découvrir. Les IFN peuvent être classés en trois catégories selon le récepteur qu’ils contactent à la surface cellulaire et les effets qui en découlent : les IFN de types I, II et III. – Type I (IFNa/b) : Les IFN de type I constituent une vaste famille regroupant les IFNa, IFNb, IFNx, IFNe/s, IFNj, et la limitine (ou IFNf) [3]. Ils jouent un rôle tout à fait primordial dans la défense de l’organisme contre les infections virales. Ils possèdent également des activités antiprolifératives et immunomodulatrices. De plus, il semble que certains de ces IFN pourraient jouer un rôle plus spécifique dans l’immunité de tissus comme la peau (IFNj) ou le placenta (IFNs des ruminants) [3]. – Type II (IFNc) : L’unique représentant du sous-groupe des IFN de type II est l’IFNc. Il est plus spécifiquement produit par les cellules du système immunitaire comme les macrophages ou les cellules NK. Bien que sa découverte soit également liée à l’activité antivirale qu’il exerce, la fonction majeure de l’IFNc est d’activer et de moduler la réponse immunitaire naturelle et acquise. L’IFNc ne sera pas abordé dans cette revue. – Type III (IFNk) : Les IFN de type III (ou IFNk) ont été découverts très récemment et correspondent aux interleukines (IL) IL28 et IL29 [4, 5]. Ces cytokines présentent moins de 20 % d’identité de séquence avec les IFN de type I et utilisent un récepteur différent. Néanmoins, les IFN de types I et III semblent activer des voies de transduction du signal comparables et exercer des activités antivirale et antiproliférative étonnamment similaires [6]. Cette revue est focalisée sur les IFN de type I (IFNa/b) considérés dans la suite du texte comme les « interférons » (IFN). Le schéma de base de la réponse interféron, illustré à la figure 1, est le suivant. Une cellule peut percevoir, grâce à des senseurs cytoplasmiques et membranaires, la présence d’un virus dans son propre cytoplasme ou dans l’espace intercellulaire. Suite à la détection d’une infection virale, la cellule produit et sécrète les IFN qui peuvent alerter les cellules voisines en se fixant sur un récepteur de surface. Dans ces cellules, la transcription d’une série de gènes est induite et conduit à l’expression de protéines dont 168 certaines préparent la cellule à réagir de façon très rapide à l’infection par un virus. Nous aborderons tour à tour les différentes étapes mises en œuvre dans la production et l’activité des IFN. Nous évoquerons aussi la réaction des virus qui ont développé une série de stratégies pour contrecarrer la réponse IFN de l’hôte. Évolution et diversité des gènes d’interféron Au cours de l’évolution (figure 2), les gènes d’IFN semblent être apparus chez le poisson. Dans le génome du poisson, il existerait un gène codant pour l’IFNc et une à deux copies de gènes codant pour les IFN proches des IFN de type I ou III. Ceux-ci comportent 5 exons et 4 introns. Chez les mammifères, les gènes d’IFN de type I sont dépourvus d’introns, à l’exception du gène de l’IFNj qui en possède un [3]. Chez l’homme comme chez la souris, il existe plus d’une quinzaine de gènes codant pour différents sous-types d’IFN de type I apparentés. Ils codent pour les IFNa, b, e/s, j, x (homme) et la limitine (souris). Ils sont regroupés sur le chromosome 9 humain ou sur le chromosome 4 de la souris. Les gènes d’IFN semblent avoir évolué sous l’influence de deux pressions évolutives distinctes : d’une part, une évolution verticale classique qui a permis la diversification des IFN (a, b, j,...) au cours de l’évolution des espèces, d’autre part, une évolution interne à chaque espèce conduisant à l’apparition de familles de gènes multiples apparentés (IFNa ou limitine). Par exemple, les gènes d’IFNa de souris présentent plus d’identité entre eux qu’ils n’en présentent par rapport à leurs orthologues présents chez l’homme ou même chez le rat. Cela indique qu’ils pourraient s’être rediversifiés, au sein de chaque espèce, par une série d’événements de délétions et de duplications [7]. Les gènes d’IFN codent pour des précurseurs protéiques de 187 à 203 acides aminés, comportant une séquence signal N-terminale nécessaire à leur sécrétion. Les IFN matures sécrétés par les cellules comptent environ 165 à 180 acides aminés et ont un poids moléculaire théorique proche de 19 kDa. Certains IFN sont glycosylés. Bien que les séquences de différents IFN divergent considérablement (par ex. il n’existe que 25 à 30 % d’identité de séquence entre IFNa, IFNb ou IFNj au sein d’une même espèce), l’ensemble des IFN de type I semblent avoir une structure tridimensionnelle remarquablement conservée, comme en témoignent les données de cristallographie ou de RMN obtenues pour 4 IFN distincts : IFNa2 et IFNb humains, IFNb murin et IFNs ovin [8]. Les IFN de type I partagent un récepteur commun, formé de deux sous-unités appelées IFNAR1 et IFNAR2c. Virologie, Vol. 10, n° 3, mai-juin 2006 revue Production d'interféron Réponse à l'interféron senseur cytoplasmique IFN ISG Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Cellule infectée (détection intracytoplasmique) Protéines antivirales IFNAR (récepteur) Résistance à l'infection IFN Cellule infectée (lyse cellulaire) senseur endosomial (TLR) Endocytose Figure 1. Schéma général de la réponse IFN : 1) Une cellule peut percevoir la présence d’une infection virale, soit via une famille d’hélicases qui sont des senseurs intracytoplasmiques de la présence de l’ARN double brin produit au cours de la réplication des virus, soit via certains récepteurs toll-like (TLR) endosomiaux qui s’activent suite à la liaison de ligands extracellulaires qui témoignent de l’infection d’une cellule voisine (particules virales, acides nucléiques relargués par une cellule infectée...). 2) L’activation de ces senseurs induit la production et la sécrétion de l’IFN. 3) La liaison de l’IFN au récepteur des cellules voisines (non infectées) active une voie de transduction du signal qui aboutit à l’activation de la transcription de plus de 200 gènes appelés ISG (IFN-stimulated genes) qui codent notamment pour une série de protéines dont certaines préparent la cellule à réagir de façon très rapide à l’infection par un virus. Limitine IFNα IFNω IFNβ IFNε/τ IFNα IFNβ Euthériens Marsupiaux IFN de type I Oiseaux Reptiles Monotrèmes IFNα IFNβ Mammifères IFNκ Amphibiens Tétrapodes IFN de type I (α/β) IFN de type III (λ) IFN de type II (γ) IFN de type I/III ? Poissons IFN de type II Vertébrés Figure 2. Évolution des gènes d’IFN. Arbre évolutif des gènes d’IFN retracé d’après les données de Krause et al. [3]. Dans le génome du poisson, on trouve un gène apparenté à celui de l’IFNc (type II) et 1 à 2 gènes codant des IFN qui pourraient être les ancêtres des IFN de types I et III. Ces différents types se distinguent à partir des tétrapodes. Chez les Euthériens, on assiste à la diversification des IFN de type I. Virologie, Vol. 10, n° 3, mai-juin 2006 169 revue Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Activation de l’expression des gènes d’interféron Le principal déclencheur de la synthèse des interférons est l’infection virale elle-même. Néanmoins, l’infection par certaines bactéries ou d’autres stimuli inflammatoires peuvent aussi mener à la production des IFN ou à la modulation de celle-ci. Deux types de signaux témoignant d’une infection peuvent être perçus par la cellule. D’une part, les signaux extracellulaires résultant de l’infection d’une cellule voisine peuvent être captés par les récepteurs toll-like (TLR). D’autre part, la présence intracytoplasmique d’ARN viral peut être perçue par des senseurs cellulaires découverts récemment, comme les hélicases RIG-I et Mda5 [9]. Les TLR ont reçu une attention toute particulière ces dernières années car ils jouent un rôle crucial dans la détection d’une série de signaux qui témoignent d’infections virales, parasitaires ou bactériennes. Il existe une dizaine de TLR spécialisés chacun dans la détection de motifs différents, d’origine étrangère à l’organisme [10, 11]. Leur expression varie en fonction des types cellulaires. Les TLR impliqués dans la détection des infections virales sont principalement TLR3 et les TLR de la famille de TLR9 (TLR7, TLR8 et TLR9). L’induction de la transcription des gènes d’interféron par ces TLR suit deux voies distinctes. Une voie met en jeu TLR3, la molécule adaptatrice TRIF et les facteurs de transcription IRF3/IRF7. Une autre voie, qui est spécifique aux cellules dendritiques plasmacytoïdes, fait intervenir TLR9, la molécule adaptatrice Myd88 et IRF7. La transduction du signal à partir de TLR3 et de TLR9 induit également l’activation de la voie NFjB qui contribue à l’expression de cytokines pro-inflammatoires. Voie dépendant de TLR3 Le récepteur TLR3 est exprimé dans les endosomes de différentes cellules comme les macrophages ou les cellules dendritiques classiques. Le ligand de TLR3 est l’ARN double brin (produit caractéristique de la réplication virale) d’origine exogène, dérivant par exemple de débris d’une cellule infectée. L’interaction du ligand avec TLR3 induit une voie de transduction du signal qui met en jeu une série de molécules adaptatrices et de kinases comme TRIF, TRAF3/6, IRAK1/4, IKKe, TBK1 et enfin les facteurs de transcription IRF3 et IRF7 [12-14]. La phosphorylation de IRF3 et IRF7 par les kinases IKKe et TBK1 [15, 16] conduit à l’homo ou à l’hétérodimérisation des IRF et à leur translocation dans le noyau. À ce niveau, IRF3 et IRF7 se fixent sur des séquences appelées ISRE (IFN-stimulated response element) et, en association avec le co-activateur CBP/P300, activent la transcription des gènes codant les IFN [12-14]. 170 Voie dépendant de TLR9 (cellules dendritiques) Les TLR de la famille de TLR9 sont exprimés plus spécifiquement par les cellules dendritiques plasmacytoïdes, une famille de cellules professionnelles de la réponse immune que l’on retrouve dans la plupart des tissus (à l’exception du SNC) et qui sont connues pour leur importante production d’IFN de type I. Les TLR7, 8 et 9 sont exprimés dans les vésicules endosomiales. Leurs ligands sont notamment l’ARN simple brin et les séquences d’ADN d’origine bactérienne (ou virale). Leur activation par les acides nucléiques d’origine exogène active une voie qui fait intervenir la molécule adaptatrice Myd88, la kinase IRAK1 et le facteur de transcription IRF7 qui est exprimé de manière constitutive dans ces cellules (figure 3) [17, 18]. Un complexe formé par les facteurs Myd88, TRAF3, TRAF6, IRAK4 et IRAK1 induit la phosphorylation de IRF7 qui peut activer de manière intense la transcription des gènes codant les différents IFN. Voie des senseurs intracellulaires Jusqu’à il y a peu, il manquait un maillon essentiel au déclenchement de la production d’interféron par les infections virales. En effet, l’expression restreinte des TLR sur certains types de cellules et leur localisation dans les endosomes ou en surface de la cellule ne leur permettent pas de jouer le rôle de senseurs d’une infection intracellulaire précoce. Deux hélicases appelées respectivement RIG-I et Mda5 ont été récemment identifiées comme étant ces senseurs intracellulaires activés par la présence d’ARN double brin [19, 20]. Elles semblent être exprimées par l’ensemble des cellules et sont probablement les principaux senseurs impliqués dans l’induction transcriptionnelle des gènes d’IFN. Il existe une étonnante spécificité dans la reconnaissance des ARN par ces hélicases [21]. RIG-I serait plutôt impliquée dans la reconnaissance des ARN issus de virus à ARN négatif comme le virus de la grippe, les paramyxovirus et rhabdovirus (mais aussi du virus de l’encéphalite japonaise, un flavivirus à ARN+) tandis que Mda5 serait responsable de la production d’IFN lors de l’infection par les picornavirus comme EMCV ou le virus de Theiler. De plus, alors que l’ARN double brin transcrit in vitro est reconnu par RIG-I, le poly-I:C semble surtout être reconnu par Mda5 [21]. On ne connaît pas la base de cette sélectivité. RIG-I et Mda5 possèdent deux domaines CARD (caspase recruiting domain) à leur extrémité N-terminale, ce qui permet leur interaction avec une molécule comportant un domaine similaire et nommée MAVS (mitochondrial antiviral signaling), identifiée simultanément par plusieurs groupes sous les noms de VISA, IPS1 ou CARDIF [22-25]. L’interaction des hélicases avec ce nouveau partenaire permet d’activer la voie classique passant par les kinases IKKe et TBK1 et menant à l’activation de IRF3 et/ou IRF7. Par Virologie, Vol. 10, n° 3, mai-juin 2006 revue Stimuli extacellulaires Stimuli intracellulaires (dsARN) Endosome Endosome dsARN ssARN Mda5 RIG-I TLR3 TRIF MAVS TRAF6 TRAF3 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. IRAK1 TBK1 IKK IRF3/7 TRAF3 TRAF3 TBK1 TLR9 MyD88 IRAK1 Cytoplasme IRAK4 TRAF6 IRF7 IRF3/7 IRF7 P P P IRF3/7 IRF3/7 P IRF3/7 P IRF3/7 P P IRF7 P P IRF7 IRF3/7 IRF3/7 Noyau ISRE3-7 Cytokines pro-inflammatoires Figure 3. Voies d’induction de l’expression des IFN. La transcription des gènes d’IFN dépend essentiellement de la fixation des facteurs de transcription IRF3 et IRF7 sur la séquence ISRE de leur promoteur. Ces facteurs sont activés par trois voies : 1) une voie « classique » qui dépend des senseurs intracellulaires RIG-I ou Mda-5 ; 2) une voie dépendant de TLR3, activée par la présence d’ARN double brin (dsARN) d’origine exogène ; 3) et une voie dépendant de TLR9 activée par la présence d’ARN simple brin (ssARN) d’origine exogène. Cette dernière voie est spécifique des cellules dendritiques plasmacytoïdes et se caractérise par l’activation rapide d’IRF7 qui permet la production massive d’IFN précoces et tardif. Les mêmes senseurs peuvent activer le facteur NFjB qui contribue à la production des IFN mais dont le rôle majeur est d’activer la transcription des gènes codant pour les cytokines pro-inflammatoires. l’intermédiaire d’adaptateurs comme FADD et RIP1, MAVS contribue aussi à activer la voie NFjB. La découverte de la localisation mitochondriale de MAVS ouvre de nouvelles pistes de réflexion en établissant un lien entre mitochondrie et production d’interféron. Boucle rétroactive positive de la production d’interférons L’induction de la production d’interféron comporte une boucle rétroactive positive qui permet d’amplifier la production quand la présence du virus se confirme et d’empêcher l’emballement du système interféron en cas de « fausse alerte ». En effet, la présence d’interféron en grande quantité peut avoir des conséquences néfastes pour l’organisme. Elle est notamment suspectée d’intervenir dans des pathologies comme le lupus érythémateux. Virologie, Vol. 10, n° 3, mai-juin 2006 Le facteur de transcription IRF3 est exprimé à un niveau de base par l’ensemble des cellules [13]. Son activation via TLR3 ou via les hélicases intracellulaires RIG-I et Mda5 mène principalement à l’activation de la transcription des gènes codant l’IFNb (et aussi l’IFNa4 chez la souris). Ces IFN sont dès lors dénommés « IFN précoces » car ils peuvent être produits rapidement lors de l’infection d’une cellule naïve. L’interféron libéré par les cellules infectées sensibilise les cellules voisines en se fixant sur son récepteur. Cela conduit notamment à l’activation transcriptionnelle d’une série de gènes dont ceux qui codent pour certains TLR, RIG-I, MAVS et aussi IRF7. Dès lors, les cellules sensibilisées par l’IFN expriment des concentrations accrues des senseurs de l’infection. De plus, elles expriment fortement le facteur IRF7 en plus de IRF3. Lors de l’infection de telles cellules par un virus, l’activation combinée de IRF3 et de IRF7 conduira à l’induction de la transcription des gènes d’IFN précoces, mais aussi de l’en171 revue IFN Milieu extérieur IFN IFNAR1 IFNAR2c Cytoplasme Tyk2 JAK1 P P STAT2 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. STAT1 P P - Activité antivirale - Activité antiproliférative - Immunomodulation - Amplification de la production d'IFN IRF9 STAT2 STAT1 P P ISGF3 IRF9 STAT2 ISGF3 Noyau STAT1 P P IRF-9 ISRE > 200 ISG Figure 4. Signalisation par l’IFN. L’IFN se fixe à un récepteur hétérodimérique composé des sous-unités IFNAR1 et IFNAR2c et active les kinases associées à ce récepteur : JAK1 et Tyk2. Les facteurs STAT1 et STAT2, phophorylés par ces kinases forment un hétérodimère qui s’assemble ensuite avec le facteur IRF9 (ou p48) pour former le complexe tripartite ISGF3. Celui-ci migre vers le noyau et active plus de 200 gènes (ISG : IFN stimulated genes) impliqués dans la défense antivirale, l’inhibition de la prolifération cellulaire, la modulation de la réponse immune ou l’amplification de la production d’IFN. D’autres facteurs STAT peuvent également être activés, ce qui peut conduire à l’activation de gènes supplémentaires dans certaines cellules. semble des gènes codant les IFNa/b (appelés dès lors IFN tardifs) [13, 26]. La situation est différente dans le cas des cellules dendritiques plasmacytoïdes. Celles-ci expriment IRF7 de manière constitutive. Dès lors ces cellules peuvent directement produire l’ensemble des IFN en réponse à une stimulation, notamment via TLR9 [17]. Effecteurs de la réponse interféron Les interférons sont sécrétés par les cellules productrices et peuvent se fixer sur le récepteur exprimé par les cellules avoisinantes. Ce récepteur est exprimé à la surface de la majorité, voire de la totalité, des cellules de l’organisme. Il se compose de deux sous-unités : IFNAR1 et IFNAR2c. Ce récepteur hétérodimérique unique est commun à l’ensemble des interférons de type I [27]. Son activation par l’interféron induit une voie de signalisation appelée voie des « JAKs/STATs » (figure 4). Deux kinases, JAK1 et Tyk2, associées aux sous-unités du récep172 teur, assurent l’activation par phosphorylation des facteurs de transcription STAT1 et STAT2. Ces derniers forment un hétérodimère qui s’associe ensuite avec le facteur IRF9 (ou p48) pour former un complexe tripartite appelé ISGF3. Le complexe ISGF3 pénètre dans le noyau où il se fixe sur la séquence ISRE présente dans les promoteurs de transcription d’une série de gènes appelés ISG (IFN stimulated genes). En outre, l’activation du récepteur peut mener à l’activation d’autres facteurs STAT comme STAT3 et STAT5, ce qui aura pour conséquence d’activer une série de gènes supplémentaires dans les cellules exprimant ces facteurs STAT [27, 28]. Lorsque des cellules sont traitées par l’IFN, on assiste à l’activation de la transcription de plus de 200 gènes [29, 30]. Parmi ces gènes, certains comme IRF7, Myd88, RIG-I ou MAVS participent l’amplification de la réponse à une infection virale (voir ci-dessus). Les autres gènes induits par les interférons participent notamment aux principaux effets biologiques de ces cytokines, à savoir les activités antivirales, antiprolifératives et immunomodulatrices [28]. Virologie, Vol. 10, n° 3, mai-juin 2006 revue L’effet majeur des IFN de type I est de développer, dans les cellules, un état antiviral. Trois mécanismes effecteurs ont fait l’objet d’études plus approfondies : ceux qui mettent en jeu les protéines Mx, la protéine kinase R (PKR) et les oligoadénylate synthétases (OAS) combinées à la RNase L. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Mx Les protéines Mx (MxA et MxB chez l’homme et Mx1 et Mx2 chez la souris) appartiennent à une famille de grandes GTPases apparentées à la dynamine [31]. Leur mode d’action passe vraisemblablement par la séquestration de facteurs viraux nécessaires à la réplication dans un compartiment cellulaire donné. Les protéines MxA et MxB humaines et la protéine Mx2 murine ont une distribution cytoplasmique tandis que la protéine Mx1 murine est nucléaire. En dépit de leur localisation différente, la protéine Mx1 murine et la protéine MxA humaine partagent la capacité de bloquer la réplication des virus de la famille des orthomyxovirus. Mx1 semble inhiber directement le complexe de réplication dans le noyau tandis que MxA agit en séquestrant la nucléocapside du virus dans le cytoplasme. La protéine MxA humaine, qui est cytoplasmique, a un spectre d’action assez étendu. Elle peut inhiber la multiplication de nombreux virus à ARN comme les orthomyxovirus, paramyxovirus, rhabdovirus, togavirus, bunyavirus, picornavirus ou encore le virus de l’hépatite B (virus à ADN avec un stade de réplication sous forme d’ARN). La protéine MxB humaine ne semble pas avoir d’activité antivirale [31]. La transcription des gènes codant les protéines Mx semble dépendre très spécifiquement de la présence d’interféron de type I. L’activité transcriptionnelle de ce gène est donc souvent utilisée comme marqueur de l’activité IFN, par exemple pour le suivi de l’activité de l’IFN administré aux patients atteints d’hépatite ou de sclérose en plaques. Il faut noter que ce marqueur est plus rarement utilisé chez la souris étant donné que la majorité des lignées de souris de laboratoire sont dépourvues du gène Mx1 et possèdent une mutation dans le gène Mx2 qui altère sa traduction et indirectement sa transcription. PKR Le gène codant la protéine kinase R voit sa transcription augmentée dans les cellules traitées par l’interféron. Au contact d’ARN double brin, la PKR est activée, s’autophosphoryle et phosphoryle ensuite le facteur d’induction de la traduction eIF2a. Il s’en suit un blocage de la traduction des ARN messagers cellulaires ou viraux [32]. La protéine kinase R joue probablement d’autres rôles [28]. Elle peut notamment activer la voie NFjB. Elle pourrait aussi participer à l’induction transcriptionnelle des gènes d’IFN en jouant le rôle de senseur d’ARN double brin Virologie, Vol. 10, n° 3, mai-juin 2006 intracellulaire. Il semble cependant que cette fonction ne soit pas aussi cruciale que celle des senseurs RIG-I ou Mda5. 2-5A OAS/RNase L L’IFN induit la transcription de trois gènes codant une famille d’enzymes appelées 2-5A oligoadénylate synthétases (OAS). Ces enzymes synthétisent, à partir d’ATP, des oligomères d’adénosine liés par des liens phosphodiester de type 2’-P-5′. Différentes isoformes de ces trois enzymes peuvent être exprimées dans différents types de cellules, par un processus d’épissage alternatif. En présence d’ARN double brin, les OAS sont activées et synthétisent les oligoadénylates dont les trimères représentent les formes actives. Ceux-ci activent spécifiquement une RNase cellulaire de 83 kDa, appelée RNase L. La RNase L est exprimée de manière constitutive dans les cellules, sous une forme inactive. La liaison des oligoadénylates à la RNase L induit sa dimérisation et son activation. Celle-ci dégrade alors les ARN simple brin cellulaires et viraux [33, 34]. Comme dans le cas de la PKR, l’activation de la RNase L conduit à la mort de la cellule. La clé du contrôle réside dans le fait que ces enzymes ne sont activées que dans les cellules infectées par le virus (la présence d’ARN viral double brin est nécessaire pour déclencher l’activation de la PKR et des OAS qui activent à leur tour la RNase L). L’interféron permet donc de préparer les cellules situées à proximité d’une cellule infectée. Ces cellules ne déclencheront le système de défense suicidaire que si elles sont à leur tour infectées par le virus. D’autres effecteurs de la réponse interféron ont été partiellement caractérisés. ISG20 est une exonucléase 3’-5′ capable de dégrader l’ARN in vitro [35]. Les protéines p56 et p54 peuvent bloquer la traduction en interagissant avec des facteurs impliqués dans l’induction de la traduction (eIF3) [36]. La protéine PML participe avec d’autres protéines comme SP100, ISG20 et p53, à la formation de complexes appelés corps nucléaires qui pourraient accroître la résistance des cellules à l’égard de certains virus à ARN comme VSV et LCMV, ou à l’égard d’un rétrovirus humain (foamy virus), en interagissant avec l’activateur de transcription de ce dernier [37, 38]. La protéine ADAR est une adénosine déaminase responsable de l’édition de certains ARN double brin [39, 40]. Cette enzyme est capable de modifier l’ARN du virus de l’hépatite delta et pourrait de ce fait perturber la réplication de cet agent. Il existe une certaine spécificité d’action dans la panoplie des mécanismes de défense mis en œuvre à l’encontre des infections virales. Par exemple, la défense de l’organisme aux infections par le virus de la grippe résulte en grande partie de l’expression des protéines Mx [31]. À l’inverse, c’est le système OAS/Rnase L qui prédomine dans la défense de l’organisme contre l’infection par le virus West173 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. revue Nile [41, 42] et qui participe à la résistance contre le virus de l’encéphalomyocardite [43]. Les ISG ne sont pas seulement impliquées dans l’inhibition directe de la réplication des virus [28]. Il existe, actuellement, un grand développement de l’étude des fonctions immunomodulatrices des IFN, notamment à l’égard des infections bactériennes. On sait que les IFN participent à la maturation des cellules dendritiques et à l’activation des cellules NK. Les IFN de type I induisent l’expression des molécules HLA de classe I et modulent l’activité des lymphocytes T cytolytiques. Il semble que ce soient les fonctions immunomodulatrices de l’IFNb qui seraient à l’origine de son effet bénéfique dans le traitement de la sclérose en plaques. Pourquoi tant de gènes d’interférons ? On peut se demander pourquoi le génome de l’homme et celui de la souris codent une telle panoplie d’IFN de type I apparentés. L’ensemble de ces IFN semble se lier à un récepteur commun, ce qui suggère qu’ils puissent avoir des activités similaires. Deux hypothèses sont avancées pour expliquer cette multiplicité des gènes d’IFN. La première est que l’expression des différents gènes pourrait dépendre de la nature de l’inducteur (type de virus) ou du type cellulaire considéré. L’IFNb était connu comme IFN « fibroblastique » et l’IFNa comme IFN « leucocytaire ». Cependant, il semble clair actuellement que les leucocytes comme les fibroblastes peuvent produire tant l’IFNa que l’IFNb. Certaines données indiquent cependant que la nature des sous-types d’IFN exprimés peut dépendre de l’équilibre entre différents facteurs de transcription présents dans la cellule. Par exemple, des cellules humaines surexprimant IRF5 produisent une plus grande proportion d’IFNa8 alors que les cellules surexprimant IRF7 produisent plutôt l’IFNa1 en réponse à une infection [44]. Ainsi, les appellations d’IFN « fibroblastique » ou « leucocytaire » pourraient s’expliquer par le fait que certaines cellules sanguines comme les cellules dendritiques plasmacytoïdes expriment constitutivement IRF7 et peuvent rapidement synthétiser les différents sous-types d’IFNa. Les fibroblastes, qui n’expriment IRF7 que lorsqu’ils ont été en contact préalable avec l’IFN, ne produisent dans un premier temps que les IFN précoces (principalement l’IFNb). La deuxième hypothèse pour expliquer la multiplicité des gènes d’IFN est que les différents sous-types d’interféron pourraient avoir des activités biologiques partiellement différentes, soit par leurs propriétés « pharmacocinétiques », soit en interagissant de manière différente avec le récepteur. Jusqu’ici, peu de différences qualitatives ont été décrites entre les activités de différents IFN. Par exemple, l’ensem174 ble des sous-types d’IFNa murins possèdent à la fois une activité antivirale et antiproliférative. Il existe des différences quantitatives : certains IFN sont plus actifs que d’autres. Cependant, les sous-types qui possèdent la plus forte activité antivirale sont aussi ceux qui possèdent la plus forte activité antiproliférative [45]. Des analyses réalisées par microarray confirment que la quasi-totalité des gènes induits par l’IFNa correspondent aux gènes induits par l’IFNb ou même par l’IFNk [6, 46]. Néanmoins, Coelho et al. ont montré récemment que l’IFNb humain pouvait, avec 100 fois plus d’efficacité que l’IFNa2, induire l’expression du gène codant la chimiokine CXCL11 qui inhibe l’ostéoclastogenèse [46]. Des études antérieures indiquent également que l’activité de certains sous-types d’IFNa pourrait différer, notamment en termes d’activation de la cytotoxicité des cellules NK ou d’activité antiproliférative. Enfin, comme de nombreuses autres cytokines, certains sous-types d’IFN sont glycosylés alors que d’autres ne le sont pas, ce qui suggère que ces IFN pourraient se distinguer par certaines propriétés biologiques. L’IFNb semble, par exemple, être N-glycosylé chez l’ensemble des mammifères, le nombre de sites potentiels de glycosylation variant entre 1 (homme) et 5 (chien) [47]. On ne connaît pas la fonction physiologique exacte de la glycosylation des IFN. Tant les formes glycosylées que les formes non glycosylées de l’IFNb humain qui sont utilisées à des fins thérapeutiques possèdent une bonne activité biologique. Il semble que, de façon générale, la glycosylation puisse avoir un effet sur la clairance, la stabilité, la solubilité ou la fixation au récepteur des cytokines [48]. La glycosylation pourrait aussi moduler la propagation des IFN dans l’organisme en facilitant ou en freinant sa circulation systémique. La revanche des virus : antagonisme de la voie interféron Dès le début d’une infection virale, les IFN produits par l’hôte infecté limitent de façon rapide, robuste et efficace la propagation du virus. Les IFN constituent un tel obstacle à la propagation de l’infection virale que la plupart des virus, voire tous, se sont adaptés en acquérant des stratégies extrêmement variées pour échapper au système IFN. De manière générale, les armes virales visent : soit la production des IFN, soit leur voie de signalisation et ce, dès la liaison des molécules au récepteur IFNAR, soit l’action des protéines antivirales induites par les IFN. Nous passerons en revue quelques exemples illustrant la diversité de l’action des protéines virales anti-IFN (figure 5) [49]. Inhibition de la production des interférons Les virus lytiques, dont la réplication ne dépend pas d’un métabolisme cellulaire fonctionnel, sont fréquemment à Virologie, Vol. 10, n° 3, mai-juin 2006 revue Inhibition spécifique dsARN V. de la vaccine (E3L), V. de la diarrhée bovine (Erns) Senseurs -RIG-I/MDA-5 V. simien 5, V. des oreillons, V. Sendai, V. Hendra (V) Adaptateurs - MAVS (cardif) - TRIF V. de l'hépatite C (NS3/4A) TBK1 et IKKε IRF3 V. Thogoto (ML), rotavirus (NSP1), V. herpès associé au sarcome de Kaposi (vIRF) IRF7 V. Epstein-Barr (BZLF-1) ? V. Ebola (VP35), V. de Theiler (L) ? Shut-off global Inhibition de la production des IFN-I Inhibition de la voie de signalisation des IFN-I Inhibition des protéines antivirales Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Infection virale Transcription - TFIIH - ARN pol. II - ARNm Traduction - eIF-4G V. de la fièvre de la vallée du Rift (NSs) V. Bunyamwera (NSs) V. de la grippe A (NS1), V. herpès simplex (vhs) V. de la stomatite vésiculaire (M) V. de la fièvre aphteuse (L) IFNα/β IFNAR Jak1 et Tyk2 STAT PKR V. de la vaccine (IFNAR solubles) V. herpès simplex (?), v. Langat (NS5) V. Sendai (C), V. simien 5 (V), V. de la rage (P) V. de l'hépatite C (E2), V. herpès simplex 1 (ICP34.5), V. Polio (?), V. de la grippe A (?) Adénovirus (petits ARNs compétiteurs) V. de la vaccine (E3L) (séquestration dsARN) RNaseL V. herpès simplex (dérivés des 2'5' oligo-adénylates) V. de l'immunodéficience humaine (?) Figure 5. Protéines virales antagonistes de la réponse IFN. l’origine d’un blocage général de la transcription et de la traduction des gènes cellulaires. L’objectif de cette inhibition générale est principalement, semble-t-il, de supprimer Virologie, Vol. 10, n° 3, mai-juin 2006 la production des protéines induites par l’infection, et notamment les IFN. Ainsi, la protéine NSs du virus RVFV (Rift valley fever virus, un Bunyaviridae) inhibe la trans175 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. revue cription cellulaire en agissant sur le facteur de transcription TFIIH qui est impliqué dans l’induction de la transcription par l’ARN-polymérase II [50]. La protéine L du virus de la fièvre aphteuse (FMDV) clive, quant à elle, le facteur eIF4G, crucial pour la traduction des ARN messagers coiffés [51]. Par ailleurs, il existe d’autres mécanismes, adoptés notamment par les virus lytiques ou non lytiques, permettant d’agir directement à des points clés de la voie d’induction des IFN. Plusieurs protéines virales, dont la protéine E3L du virus de la vaccine, lient et séquestrent l’ARN double brin, empêchant ainsi l’activation des hélicases intracellulaires (Mda5 et RIG-I). Les hélicases elles-mêmes sont une autre cible de choix. Par exemple, la protéine V de nombreux paramyxovirus (SV5, hPIV2, virus des oreillons, SeV, virus Hendra) peut se lier à Mda5 et inhiber son action [19]. La protéase NS3/4A du virus de l’hépatite C agit sur cette voie en clivant la protéine Cardif/MAVS qui est un des maillons essentiels entre les hélicases et la phosphorylation des IRF. Cette même protéase bloque aussi la voie dépendant de TLR3 en clivant la molécule adaptatrice TRIF [22]. Enfin, le facteur de transcription IRF3 est également une cible très fréquente des protéines virales. Le virus Thogoto (protéine ML) empêche sa dimérisation et bloque le recrutement du coactivateur de transcription CBP [52]. Le rotavirus (protéine NSP1), quant à lui, lie le facteur IRF3 et le dégrade [53]. Une stratégie surprenante est utilisée par le virus Herpès 8 humain (associé au sarcome de Kaposi) qui produit des homologues viraux des facteurs de transcription IRF (vIRF). Ceux-ci miment les IRF cellulaires ou jouent un rôle de dominants négatifs [54, 55]. Inhibition de la réponse aux interférons L’inhibition de la voie de signalisation dépendant des IFN présente un double intérêt. D’une part, elle empêche l’expression des gènes codant des protéines antivirales. D’autre part, elle prévient l’amplification de la production d’IFN en bloquant la boucle de rétroaction positive nécessaire pour l’expression des IFN tardifs. Là encore, différentes stratégies sont utilisées. Le virus de la vaccine exprime un récepteur soluble liant les IFN et inhibant ainsi, de manière compétitive, la liaison des IFN au récepteur cellulaire [56]. Les protéines C et V des paramyxovirus ciblent la voie des JAK/STAT en inactivant, séquestrant ou en dégradant les STAT [57, 58]. Inhibition des protéines antivirales induites Plusieurs effecteurs de la réponse antivirale (PKR, système 2-5 OAS/Rnase L) dépendent de l’ARN double brin pour être activés. Les protéines virales qui ont la capacité de séquestrer l’ARN double brin inhibent donc non seulement l’induction des IFN mais aussi leur action antivirale. D’autres stratégies existent encore. Par exemple, la pro176 téine ICP34.5 de HSV1 abolit le blocage transcriptionnel établi par PKR, en jouant le rôle inverse de PKR, c’est-àdire, en déphosphorylant eIF2a [59]. Conclusion : interaction virus-interférons L’interaction entre le virus et le système immunitaire de l’hôte est un phénomène très complexe et en constante évolution. Les virus évoluent pour interagir le plus adéquatement possible avec la réponse antivirale. Pour ce faire, ils ont tout intérêt à moduler plutôt qu’à verrouiller complètement le système IFN. En effet, étant donné l’importance antivirale des IFN, leur inhibition complète provoquerait la mort fulgurante de l’hôte, empêchant le virus de se propager (figure 6). Le système immunitaire est acteur dans la compétition qui l’oppose au virus et évolue, lui aussi. Certaines de ses caractéristiques peuvent être interprétées comme des adaptations aux mesures virales anti-IFN. L’absence d’introns dans les gènes d’IFN, par exemple, peut être considérée comme une mesure d’échappement aux inhibitions virales de l’épissage des ARN messagers cellulaires. Hormis une meilleure compréhension de la pathogénie virale, déterminée en partie par l’action des protéines anti-IFN et du système IFN, l’étude des protéines virales anti-IFN est bénéfique pour le développement de vaccins et de médicaments. Des virus recombinants ayant perdu la capacité d’inhiber les IFN pourraient servir de vaccins vivants atténués. De tels virus sont aussi perçus comme de potentiels agents oncolytiques. En effet, les cellules tumorales sont souvent caractérisées par de multiples mutations dans le système IFN. Elles sont donc sensibles au virus, même si celui-ci est dépourvu d’arme anti-IFN, ce qui n’est pas le cas des cellules non tumorales. En conclusion, malgré la « cinquantaine approchante », la famille des IFN de type I connaît un second souffle. Ces dernières années, des progrès considérables ont été réalisés dans la compréhension des mécanismes déployés par les cellules pour détecter l’infection virale et réagir en activant la production des IFN. De même, une série de stratagèmes utilisés par les virus pour contrecarrer la production ou la réponse à l’IFN ont été mis à jour. Il subsiste néanmoins de nombreuses questions, notamment quant à la raison de la multiplicité des gènes codant les IFN de type I et à l’apparente redondance du système avec celui des interférons de type III. Il manque de nombreuses données quant à l’expression, la distribution et la fonction biologique relative des différents IFN in vivo. Y a-t-il une histospécificité dans la production ou la fonction des IFN ? Quelle est la fonction de la glycosylation de certains IFN ? Enfin, on commence à découvrir l’importance de la réponse interféron dans les modèles non viraux et dans la réponse Virologie, Vol. 10, n° 3, mai-juin 2006 revue Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. A B Figure 6. Importance de l’activité de l’IFN in vivo. A) Une souris dépourvue de récepteur aux IFN, infectée pendant 48 h par une souche peu virulente du virus de Theiler montre une infection massive des neurones de l’hippocampe (immunofluorescence : antigène viral = vert). NB. Dans une souris possédant le systéme IFN, l’infection est à peine détectable dans les mêmes conditions (1000 à 10000x moins de virus détecté par RT-PCR quantitative). B) Micrographie présentant une cellule du système nerveux infectée par le virus de Theiler (antigène viral = rouge), produisant probablement de l’IFN, et entourée de cellules réagissant à la présence d’IFN en exprimant la protéine Mx1 nucléaire (ponctuations vertes). immunitaire acquise. Au moment où la mondialisation des échanges nous fait apparaître l’importance de l’émergence et de la réémergence de virus, il semble que le large spectre d’action de l’IFN contre les affections virales mérite qu’on lui consacre une attention toute particulière. On peut espérer que de nombreuses questions seront levées avant de souffler les 60 bougies et que l’utilisation des IFN en thérapeutique y gagnera en étant plus ciblée et plus efficace. Références 1. Isaacs A, Lindenmann J. Virus interference. I. The interferon. Proc R Soc Lond B Biol Sci 1957 ; 147 : 258-67. 2. Haller O. Inborn resistance of ice to orthomyxoviruses. Curr Top Microbiol Immunol 1981 ; 92 : 25-52. 3. Krause CD, Pestka S. Evolution of the class 2 cytokines and receptors, and discovery of new friends and relatives. Pharmacol Ther 2005 ; 106 : 299-346. 4. Sheppard P, Kindsvogel W, Xu W, et al. IL-28, IL-29 and their class II cytokine receptor IL-28R. Nat Immunol 2003 ; 4 : 63-8. 5. Kotenko SV, Gallagher G, Baurin VV, et al. IFN-lambdas mediate antiviral protection through a distinct class II cytokine receptor complex. Nat Immunol 2003 ; 4 : 69-77. 6. Dumoutier L, Tounsi A, Michiels T, Sommereyns C, Kotenko SV, Renauld JC. 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