enfermés dans des cellules individuelles, sans que ceux-ci ne puissent savoir s’ils
sont observés. Ne sachant pas s’il est observé ou non – nous retrouvons ici notre
idée d’insécurité –, le prisonnier se surveille lui-même. Dans L’enclos de l’éléphant,
l’idée s’est transformée en un enchevêtrement de trois réseaux de « ne pas
savoir » : entre les deux personnages, entre les personnages et les spectateurs, et
entre les spectateurs eux-mêmes. En même temps, Étienne n’a pas intégré le
panoptique aux indications scéniques de son texte. Le panoptique se pose tel un
filtre, un instrument, qui mène le spectateur à lire par lui-même les tentatives de
rapprochement, la nature du lien mystérieux et la quête de comprendre qui unit
les deux personnages.
Comment la scénographie interprète-t-elle le principe du panoptique et
comment infléchit-elle le sens du texte ?
Romain Fabre a créé 80 petits théâtres constitués chacun d’un siège muni de
caches latérales, qui agissent comme des œillères. La lecture de mes spectacles
se fait à travers une multitude de petits signes qui ont « apparence » de
simplicité. Le spectateur, en les captant, se retrouve — qu’il le veuille ou non — à
prendre en charge la représentation. Je m’applique à tracer pour le spectateur
une succession de signes parallèles au récit ; son travail consiste à découvrir,
consciemment ou inconsciemment, les signes déterminants qui semblent
échapper aux personnages, mais qui ont néanmoins été « joués » par les acteurs.
Dans cet esprit, le panoptique n’est pas une finalité, c’est un point de départ pour
déployer un mécanisme de dialogue entre la scène et la salle qui engage sans
détours le spectateur dans la représentation. On se sent insécurisé quand on a
l’impression qu’on nous cache quelque chose ou qu’on nous manipule. Avec
L’enclos de l’éléphant, je veux questionner cette réaction presque animale souvent
provoquée par soi-même mais qu’on attribue à l’autre, lui prêtant malgré nous
des intentions. Je cherche à redonner la responsabilité de ce sentiment à
l’individu lui-même.
Quelles réflexions animent les recherches formelles au Théâtre du Grand Jour ?
Plutôt que regarder un spectacle, je souhaite que le spectateur vive une
expérience et dans ce cas-ci, une expérience ludique et performative. Cela veut
dire créer un théâtre où les conventions ne peuvent pas être tenues pour acquises.