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donnés en modèles. Devant le roman russe, on s’est plu à
rabaisser notre art national et à nier même la notion de
l’art. Ces œuvres touffues, d’une si forte et si libre venue,
on les a vantées moins pour leur vigoureuse végétation que
pour leurs broussailles.
En littérature, de pareils engouements sont après tout
peu dangereux ; ils se corrigent par leurs excès mêmes. Il
en est autrement en politique. Là tout est grave. C’est un
domaine où un Français n’a le droit de s’exalter qu’à bon
escient.
« Si les Français s’échauffent trop, nous saurons bien
leur administrer une douche, » disait un diplomate russe. —
Il ne convient pas, nous semble-t-il, d’attendre que nos
amis du Nord jugent opportun de nous réfrigérer. Mieux
vaut, pendant qu’il en est temps encore, nous rappeler
nous-mêmes au sang-froid.
C’est ce que nous avons prétendu faire dans ces pages, et
par là, nous croyons avoir servi l’intérêt de la France, et
aussi l’intérêt de la Russie. À l’une et à l’autre nous
n’avons ménagé ni la vérité ni les vérités. Nous savons que
près des peuples, comme près des princes, ce n’est pas le
moyen de plaire ; mais peu nous importe d’être agréable.
La première qualité d’un écrivain politique nous a toujours
semblé l’indépendance.
La France doit, plus que jamais, se garder des chimères,
des coups de tête ou de cœur. À une heure où, sur la foi de
lointains sourires, elle semblait prête à se laisser compro-
mettre dans une périlleuse aventure, nous n’avons pas hé-
sité à lui jeter un avertissement.