Sur la relation entre le monde vécu et le sujet corporel

Sur la relation entre le monde vécu et le sujet
corporel dans la philosophie de Merleau-Ponty
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Sur la relation entre le monde vécu et le sujet
corporel dans la philosophie de Merleau-Ponty
Yuji Tsuburaya
Introduction
Merleau-Ponty met souvent le monde vécu en comparaison avec le monde
objectif qui est construit par la pensée objective. D un côté, le monde vécu ne
peut pas être expliqué par la sensation comme réceptivité pure dans lempirisme
ou par les stimuli physiques et physiologiques comme dans la théorie causale de
perception ; dun autre côté, il ne peut pas être construit par le sujet pensant de
lintellectualisme qui est intemporel et acosmique .
Il est mis indivisiblement en rapport avec le sujet percevant et prépersonnel,
c est-à-dire avec un sujet voué au monde (PP p. ). Il n est pas construit
par l intentionnalité d acte (PP p. ) du sujet construisant, mais il est
reconstitué et repris par l intentionnalité opérante (Ibid.) du corps
anonyme qui toujours déjà fonctionne au fond de lintentionnalité dacte. Puisque
le monde vécu est perçu par le sujet corporel comme l être-au-monde, il faut
décrire des aspects de la relation du monde avec le corps pour décrire ceux que
le monde vécu a pour origine. Par cette considération nous pourrons comprendre
son sens dans la philosophie de Merleau-Ponty.
Ensuite nous examinerons la relation entre le monde vécu et le corps selon
trois points de vue. Nous réfléchirons dabord sur la relation entre le monde vécu
et des espaces anthropologiques comme le rêve, l hallucination, le délire et le
mythe, et puis sur celle entre le monde vécu et des institutions comme lhistoire ,
la culture et la tradition, troisièmement sur celle entre le monde humain et le
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monde naturel. Par ces trois réflexions nous voulons de plus rechercher qui est le
sujet percevant ou ce quil est.
1. Le rêve, le mythe, l’hallucination et le délire sont le
rétrécissement du monde vécu.
En quoi consiste la différence entre le rêve et la réalité? Ce nest pas lh omme
lui-même qui est en train de rêver, mais celui qui sort d un rêve et vit dans le
monde intersubjectif qui peut parler du rêve, comme dit Merleau-Ponty. Le
monde dans un rêve est un rétrécissement du monde vécu et il est toujours basé
sur lui. Ces deux mondes ne sont pas donc ceux tout différents et divisibles. Il
ny aurait pas de monde du rêve sans le monde vécu .
Pendant le rêve lui-même, nous ne quittons pas le monde : lespace du rêve
se retranche de lespace clair, mais il en utilise toutes les articulations, le monde
nous obsède jusque dans le sommeil, cest sur le monde que nous rêvons. (PP
p.339)
Si nous réfléchissons à cette notion du rêve chez Merleau-Ponty, nous nous
apercevons de plusieurs erreurs que présente le fameux doute cartésien sur le
rêve.
La primière erreur consiste en ce que Descartes considère le rêve et la réalité
comme deux sortes dexpérience au même titre et en ce quil ignore la différence
de niveau entre les deux. Il doute donc que la réalité puisse être un rêve. Mais
daprès Merleau-Ponty on ne peut parler du rêve que si lon est réveillé. Le rêve
na sa raison dêtre que sil utilise toutes les articulations du monde c lair.
La deuxième erreur consiste en ce que Descartes doute de la certitude non pas
de chaque expérience sensible, comme quand on prend, de loin, la tour carrée
pour cylindrique, mais de l expérience en général sur la base de falsifiabilité
de chaque expérience sensible. De même que le monde du rêve s appuie sur le
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monde perçu, de même chaque expérience sensible est falsifiable parce que lon
ne peut absolument pas douter du monde vécu et réel. Le doute sur lui, cest de
douter de toute notre vie, et en ce cas on ne peut plus vivre.
Il y a certitude absolue du monde en général, mais non d aucune chose en
particulier. (PP p .344)
Troisièmement, à travers l erreur cartésienne nous voyons celle de l idée des
deux mondes dans la philosophie et la religion traditionelles. C est parce que
Platon vit encore dans le monde réel et sensible et qu il en utilise toutes ses
articulations qu il peut faire le récit du monde idéal, et de même parce que
lon vit en réalité dans le monde vécu que lon peut raconter le monde posthume
comme paradis dans la religion.
Le monde de l hallucination, du délire ou du mythe, comme celui du rêve,
utilise les structures du monde vécu.
des rêveries morbides ou des délires qui essaient de se fabriquer
un domaine privé avec les débris du macrocosme utilisent les
structures de lêtre au monde (PP p .339)
Lespace sombre qui envahit le monde du schizophrène ne peut se justifier
comme espace et fournir ses titres de spatialité qu en se reliant à l epace
clair.Les fantômes sont des débris du monde clair et lui empruntent tout
le prestige quils puissent avoir. (PP p .334)
Il n y a pas de différence entre le monde perçu quotidien et celui de
l hallucination ou du mythe tant que l un et l autre utilisent les structures de
lêtre au monde . En quoi consiste donc leur différence? Merleau-Ponty répond
à cette question en remarquant la fécondité, la polymorphie et la flexibilité du
monde vécu ou la distance(PP p.337) entre le sujet percevant et lobjet.
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Ce qui fait lhallucination comme le mythe, cest le rétrécissement de lepace
vécu, l enracinement des choses dans notre corps, la vertigineuse proximité de
lobjet, la solidarité de lh omme et du monde. (PP p .337)
Et pourtant comme le mot rétrécissement le révèle, la différence entre la
perception quotidienne et l hallucination n est pas d essence ou de dimension,
mais elle n est que de degré. Il est vrai que l on n a aucun délire ou aucune
hallucination dans un état normal au réveil, mais il est très possible que même un
homme normal en ait, quand il rêve la nuit. Leur monde nest pas essentiellement
différent du monde perçu, plutôt il est refoulé dans le monde vécu.(PP p.337)
Comme on ne peut pas rêver en ayant conscience ou voulant rêver, ce nest pas
le sujet conscient ou volontaire qui rêve .
on perçoit en moi et non pas que je perçois. Toute sensation comporte un
germe de rêve ou de dépersonnalisation. (PP p .249)
Je ne peux pas dire que je vois le bleu du ciel au sens je dis que
je comprends un livre ou encore que je décide de consacrer ma vie aux
mathématiques. (Ibid.)
Le monde vécu comportant rêve, hallucination et délire n est pas construit
par la pensée ou la volonté conscientes. Sur ce point le monde du rêve est
distinct du monde géométrique et objectif. Certes l un et l autre sont le même
tant qu ils sont basés sur la fécondité et la polymorphie du monde vécu, mais
l un est rétrécissement , refoulement , dégradation (PP p.327) ou
affaissement (Ibid.) inconscient du monde perçu quotidien, et l autre est
au contraire le produit de l idéalisation du monde vécu par la subjectivité
transcendantale.
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