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Troubles de voisinage
Perte de luminosité n° 102
Les fiches de Jurisprudence de www.eJuris.be
Tribunal civil de Mons, Jugement du 16 février 2000
Lorsqu'un propriétaire se plaint d'une perte de luminosité et d'ensoleillement suite à la
construction, au demeurant licite, d'une annexe sur le fonds voisin, il n'est pas lésé dans un droit:
il est privé de simples avantages. La théorie des troubles de voisinage ne trouve pas à s'appliquer.
(JLMB 2001, p .639).
Jugement du 16 février 2000
Le Tribunal,
(…)
Vu le jugement dont appel prononcé contradictoirement le
7 septembre 1994 par le juge de paix du canton de
Pâturages; ...
A. Quant à l'objet de ['appel
Les propriétés des parties sont contiguës. La partie arrière
de l'immeuble des appelants se prolonge par une véranda
construite depuis plus d'une vingtaine d'années. Ils
reprochent à l'intimé la construction d'une anne~e située à
l'arrière de son habitation, car la réalisation de ces travaux
serait à l'origine d'un trouble excédant les inconvénients
normaux du voisinage, ce faisant, l'intimé aurait abusé de
son droit de propriété.
Dès lors, les appelants avaient demandé au premier juge
de condamner l'intimé à rétablir la situation initiale, en
retirant le mur latéral de l'annexe litigieuse dans les deux
mois de la décision à intervenir, moyennant une astreinte
de cinq mille francs par jour de retard dans l'exécution de
ce travail.
Les appelants font grief au jugement entrepris d'avoir
rejeté cette demande en considérant que l'annexe litigieuse
n'était pas la source d'un trouble anormal de voisinage,
alors que cette construction a modifié totalement
l'équilibre existant entre les fonds respectifs des parties; en
effet, le mur latéral érigé par l'intimé priverait les
appelants de la luminosité suffisante qui existait
auparavant, notamment dans leur living, nonobstant la
nature du recouvrement de leur véranda; [es conditions de
luminosité ne sont pas seulement tributaires de la course
du soleil; par ailleurs, cette paroi poserait un problème sur
le plan esthétique et apporterait de l'humidité;
La circonstance que l'intimé aurait pu recevoir les
autorisations requises ne prive pas les appelants d'une
action fondée sur la théorie des troubles de voisinage ou
l'article 1382 du code civil, en manière telle qu'ils peuvent
discuter de la nécessité ou de l'opportunité des travaux
effectués par l'intimé dans la mesure où ces travaux ont
créé à leur désavantage un trouble de jouissance.
Dès lors, les appelants demandent de constater en fait et de
dire pour droit que la construction litigieuse entraîne des
troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage,
de déclarer leur action fondée sur ce point et de leur
allouer une indemnité compensant ces inconvénients
anormaux, évalués à la somme provisionnelle de cent
mille francs sur un préjudice évalué sous toutes réserves à
la somme de deux cent cinquante mille francs en principal.
A titre complémentaire, ils sollicitent la désignation d'un
expert en architecture avec la mission notamment
d'examiner les lieux, de décrire l'annexe litigieuse et les
travaux nécessaires pour la finition, tant du point de vue
esthétique qu'en ce qui concerne les risques d'infiltration.
En outre, les appelants font grief au jugement entrepris
d'avoir fait droit à la demande reconventionnelle formée
par l'intimé pour procès téméraire et vexatoire, en les
condamnant à lui payer à titre de dommages et intérêts la
somme de dix mille francs à majorer des intérêts
judiciaires depuis le Il août 1993, outre les dépens, alors
que la demande initiale des appelants n'est que
l'expression du droit permettant à chaque citoyen de
soumettre à un juge indépendant un conflit qui l'oppose à
autrui.
Dès lors, les appelants demandent de constater en fait et
dire pour droit que l'action introduite par les appelants
n'avait rien de téméraire et vexatoire et ce, dans
l'hypothèse où, par impossible, il serait considéré en degré
d'appel que cette demande ne serait pas fondée.
L'intimé postule la confirmation du jugement entrepris,
outre la condamnation des appelants aux dépens.
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Perte de luminosité n° 102
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B. Quant à la recevabilité de l'appel
Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que le
jugement dont appel a été signifié aux appelants à la
requête de l'intimé le 14 mars 1995 par exploit de maître
Pierre Derume, huissier de justice de résidence à La
Louvière (Boussoit);
Attendu que l'appel, régulier en la forme et introduit dans
le délai légal, est recevable.
C. Quant au fondement de l'appel
1. Sur la demande principale originaire
Attendu que pour qu'un dommage, causé par un
propriétaire dans l'usage de sa propriété, quoique sans
faute caractérisée, ouvre néanmoins un recours au voisin
qui le subit, les conditions suivantes doivent être réunies:
a. il faut une lésion du droit de propriété du voisin,
b. cette lésion ne pourrait être évitée,
c. le préjudice qui en résulte dépasse les limites de la
tolérance admise entre voisins (DE PAGE, Traité
élémentaire du droit civil belge, 1975, tome V, n° 919
et suivants);
Attendu que celui qui se plaint d'un trouble anormal du
voisinage n'est admis à formuler des prétentions que s'il
est privé d'avantages sur lesquels il était en droit de
compter;
Qu'il faut qu'il soit lésé dans un droit;
Attendu qu'en l'espèce, les appelants se plaignent d'une
perte d'ensoleillement et de luminosité suite à la
construction par l'intimé d'une annexe sur son terrain;
Qu'il s'agit-là d'avantages dont ils bénéficiaient grâce au
fait que leur voisin n'avait pas construit sur la totalité de
son bien;
Que cette circonstance ne leur a conféré aucun droit mais
seulement une pure faculté;
Qu'il s'en déduit qu'en usant à son tour des facultés que
lui offre son droit de propriété en construisant une
annexe à son habitation l'intimé n'a pas privé les
appelants d'un droit mais de simples avantages tirés
jusqu'alors de leur droit de propriété uniquement grâce au
fait que leur voisin ne profitait pas du sien (DE PAGE,
op. cit., n° 869);
Qu'en conséquence, la première condition requise pour
que les appelants puissent prétendre à l'application de la
théorie des troubles de voisinage fait défaut et la
demande originaire n'est pas fondée sur ce point;
Attendu que les appelants invoquent également un risque
d'infiltration d'eau dans leur immeuble car l'annexe
n'aurait pas été construite dans les règles de l'art et se
plaignent du caractère inesthétique du mur construit par
leur voisin;
Qu'ils produisent des photographies à l'appui de leurs
dires et sollicitent, avant dire droit, le recours à une
expertise;
Attendu, cependant, qu'alors que l'action a été entamée il
y a près de huit années, de telles infiltrations ne se sont
jamais produites;
Que les appelants ne disposent pas du droit d'exiger de
leur voisin le respect d'une esthétique parfaite pour toute
construction visible de chez eux;
Qu'il n'y a pas lieu, dans ces conditions, à recourir à une
expertise;
Attendu qu'en outre les appelants ne démontrent pas
l'existence d'une faute dans le chef de l'intimé;
Qu'un permis de bâtir a été délivré à l'intimé le 14
octobre 1991 par le collège des bourgmestre et échevins
de la commune de Colfontaine pour la construction de
l'annexe litigieuse;
Que cette décision administrative considère, suite à la
lettre de réclamation suscitée par la publicité de la
demande, que le rehaussement du mur latéral contigu à la
propriété des appelants est nécessaire, vu le programme
minimum envisagé ainsi qu'afin de respecter les
dispositions du code civil;
Attendu qu'il n'est pas établi que l'intimé ait exercé son
droit d'une manière qui dépasse manifestement les limites
de l'exercice normal de celui-ci par une personne
prudente et diligente ni que son droit ait été exercé sans
intérêt raisonnable et suffisant, le préjudice causé aux
appelants n'étant pas disproportionné par rapport à
l'avantage recherché par l'intimé;
Qu'il n'est donc pas démontré que l'intimé aurait commis
un abus de droit;
Qu'il n'est pas établi que la responsabilité de l'intimé
serait engagée en application de l'article 1382 du code
civil;
Qu'en conséquence, l'appel n'est pas fondé en tant qu'il
tend à entendre dire pour droit que la demande principale
est fondée.
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2. Sur la demande reconventionnelle originaire
Attendu que, tout en constituant l'exercice d'un droit,
l'introduction d'une procédure judiciaire peut constituer
une faute non seulement lorsque son auteur a procédé avec
mauvaise foi ou à dessein de nuire, mais également
lorsqu'il a commis une erreur d'appréciation à ce point
évidente qu'elle devait être aperçue et évitée, alors même
que son action aurait été intentée de bonne foi;
Attendu que l'exercice d'une action judiciaire peut
dégénérer en un acte illicite à la condition de
s'accompagner de circonstances qui révèlent dans le chef
de la partie demanderesse une légèreté dont se serait gardé
tout homme normalement prudent et réfléchi, notamment;
Que, dans ce cas, la faute dont procède le préjudice subi
par la partie défenderesse donne lieu à des dommages et
intérêts qui doivent en réparer intégralement les
conséquences, sans qu'il y ait lieu d'en examiner la gravité;
Attendu qu'en l'espèce, l'intimé ne démontre pas l'existence
de circonstances particulières qui seraient de nature à
conférer à l'action intentée par les appelants un caractère
fautif;
Que l'existence d'une autorisation administrative ne fait
pas obstacle à l'obtention éventuelle d'une compensation
fondée sur l'existence d'une rupture d'égalité résultant d'un
trouble anormal de voisinage (JACQUES HANSENNE,
"Examen de jurisprudence - Les biens", R.C.J.B., 1977, n°
33, p. 132; 1984, n° 39, p. 100; J 990, p. 366, nO59).
En conséquence, l'appel est fondé de ce chef;
Dispositif conforme aux motifs.
Du 16 février 2000 - Civ. Mons
Siég.: Mme B. Macq, MM. B. Bouteiller et Fr.
Stevenart Meeûs.
Greffier: Mme D. Marchal.
Plaid. : M" Loth (Ioco Franeau) et P. Tachenion.
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